CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 avril 2017, n° 14-21183
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Autobella (SARL)
Défendeur :
Zerrak
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Bouzidi-Fabre, Fournier, Chenard
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Autobella, qui exerce une activité de lavage écologique à sec de véhicules automobiles, a développé un réseau de franchise et a conclu avec la société Lavage Net Top Auto, le 1er avril 2007, un contrat de franchise d'une durée d'un an renouvelable chaque année, pour l'exploitation d'une activité de lavage à sec de véhicules sur le parking du centre commercial d'Écully.
Le 27 janvier 2010, la société Lavage Net Top Auto a cédé son contrat de franchise avec effet au 1er février 2010 à M. Zerrak, avec l'agrément du franchiseur, la société Autobella. L'acte de cession, signé par les trois parties, a emporté transfert des droits et obligations attachés au contrat de franchise du 1er avril 2007 à M. Zerrak.
À compter du mois de septembre 2010, M. Zerrak a cessé de payer à la société Autobella ses redevances de franchise ainsi que diverses factures de fournitures.
Le contrat de franchise s'est poursuivi entre le 1er février 2010 et le 31 janvier 2011, date au-delà de laquelle le contrat n'a pas été renouvelé entre les parties.
Le 10 mai 2011, la société Autobella a mis en demeure M. Zerrak de s'acquitter de la somme de 2 136,04 euros due au titre de factures impayées au 31 mars 2011.
Par lettre du 20 mai 2011, M. Zerrak a refusé de payer les sommes dues, contestant sa qualité de franchisé de la société Autobella.
Le 5 avril 2012, le Président du Tribunal de commerce de Lyon a désigné un huissier afin de procéder à toutes les constatations nécessaires, à l'intérieur et à l'extérieur du centre de lavage, relatives à l'utilisation de l'enseigne et de la marque Autobella, photographier les utilisations de la marque ou de l'enseigne éventuellement préalablement constatées et procéder à toutes constatations nécessaires à l'intérieur du centre de lavage, relatives aux produits utilisés. Un procès-verbal de constat d'huissier a été signifié à la société Autobella le 17 avril 2012.
Après plusieurs mises en demeure restées sans effet, la société Autobella a assigné le 1er juillet 2013, M. Zerrak devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de, à titre principal :
Constater les manquements contractuels de M. Zerrak au contrat de franchise (défaut de paiement des redevances du franchisé, inexécution des obligations d'approvisionnement auprès du franchiseur, violation du maintien des signes distinctifs du franchiseur sur le site),
Prononcer la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs,
Le voir condamner au paiement des redevances de franchise impayées,
Le voir condamner au paiement de 9 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la violation de l'obligation d'approvisionnement en produits Autobella et 50 000 euros en réparation de son préjudice lié à la violation de l'obligation du franchisé de maintien des signes distinctifs du franchiseur,
Interdire à M. Zerrak d'exercer toute activité similaire ou concurrente à celle d'Autobella pendant un an sur le parc de stationnement d'Écully, dans les formes et conditions prévues à l'article 16-1 du contrat de franchise.
Par jugement du 24 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
Débouté M. Zerrak de sa demande de voir constater que l'acte du 27 janvier 2010 n'est pas valable, que le contrat du 1er avril 2007 ne lui est pas opposable, et qu'il n'existe aucune relation contractuelle entre lui et la société Autobella,
Dit que l'acte du 27 janvier 2010 régulièrement signé notamment de M. Zerrak et de la société Autobella institue le contrat de franchise de M. Zerrak dans les conditions contractuelles reprises du contrat du 1er avril 2007 annexé à l'acte,
Débouté M. Zerrak de sa demande subsidiaire visant à voir déclarer nul son contrat de franchise pour défaut de cause et d'objet,
Condamné M. Zerrak à payer 1 196 euros à la société Autobella à titre de redevances impayées, déboutant pour le surplus,
Débouté la société Autobella de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de concurrence post-contractuelle du contrat de franchise,
Débouté la société Autobella de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire,
Débouté la société Autobella de sa demande de restitution, sous astreinte, des manuels de savoir-faire, logiciel, ainsi que de tous documents liés à la description du savoir-faire technique et commercial du franchiseur, ses méthodes et son concept, ainsi que tous les documents promotionnels portant la marque ou autres signes distinctifs du franchiseur,
Ordonné à M. Zerrak de cesser tout usage de la marque et autres signes distinctifs du franchiseur, du savoir-faire technique et commercial, concepts et méthodes objet du contrat de franchise litigieux, déposer toute enseigne Autobella à ses frais, et cesser de se présenter en quelque manière que ce soit comme étant une entreprise franchisée ou apparentée à la société Autobella, ce dans les huit jours suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par mois de retard l'astreinte courant pendant trois mois, délai au-delà duquel il serait le cas échéant à nouveau statué,
Condamné M. Zerrak à payer 3 000 euros à la société Autobella au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
Dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement et les en déboute,
Condamné M. Zerrak aux dépens du présent jugement, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,62 de TVA.
Par acte enregistré le 21 octobre 2014, la société Autobella a interjeté appel partiel de ce jugement.
M. Zerrak n'a pas constitué avocat.
LA COUR,
Vu l'appel interjeté par la société Autobella et ses dernières conclusions notifiées et déposées le 21 janvier 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Dire recevable la société Autobella dans ses demandes, fins et conclusions,
Réformer le jugement entrepris, seulement en ce qu'il a :
- débouté la société Autobella de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise,
- débouté la société Autobella de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire,
- débouté la société Autobella de sa demande de restitution, sous astreinte, des manuels de savoir-faire technique, logiciel, ainsi que tous documents liés à la description du savoir-faire technique et commercial du franchiseur, ses méthodes et son concept, ainsi que tous les documents promotionnels portant la marque ou autres signes distinctifs du franchiseur,
Et, statuant à nouveau,
Condamner M. Zerrak à payer à Autobella la somme de 9 870,40 euros en réparation de la violation de son obligation de non-concurrence post-contractuelle,
Condamner M. Zerrak à payer Autobella la somme de 8 611,20 euros, en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire liés à l'utilisation de l'enseigne Autobella,
Ordonner à M. Zerrak, sous astreinte de 400 euros par jour de retard, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, d'avoir à retourner immédiatement au franchiseur le manuel de savoir-faire, le logiciel ainsi que tous documents liés à la description du savoir-faire technique et commercial du franchiseur, ses méthodes et son concept, ainsi que tous les documents promotionnels portant la marque ou autres signes distinctifs du Franchiseur,
Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Condamner M. Zerrak à payer à la société Autobella une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur Zerrak aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Me Bouzidi-Fabre., avocat, selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Sur ce,
Conformément aux dispositions de l'article 472 du Code de procédure civile, si l'intimé n'a pas constitué avocat, la cour d'appel statue néanmoins sur le fond et ne fait droit à la demande de l'appelant que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la restitution des éléments de la franchise
La société Autobella soutient que M. Zerrak est tenu, en vertu de l'article 15 du contrat de franchise, de restituer les éléments de la franchise à compter de la fin du contrat de franchise au 31 janvier 2011.
L'article 15 du contrat de franchise du 1er avril 2007 prévoit que le franchisé s'engage, à l'arrivée du terme du contrat ou à la résiliation du contrat pour quelque motif que ce soit, à " retourner immédiatement au franchiseur le manuel de savoir-faire, le logiciel ainsi que tous documents liés à la description du savoir-faire technique ou commercial du franchiseur, ses méthodes ou son concept, et sans que le franchisé puisse en garder aucune copie, ainsi que tous documents promotionnels portant la marque ou autres signes distinctifs du franchiseur, tous produits qu'il n'aurait pas payés à cette date dans droit de rétention à leur égard ", sous astreinte de 400 euros par jour de retard.
Or, il ressort des pièces versées aux débats que M. Zerrak a manqué à son obligation contractuelle de restitution des différents éléments de franchise.
M. Zerrak sera condamné à restituer à la société Autobella les différents éléments de la franchise tels que définis et listés au contrat de franchise du 1er avril 2007, dans le délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte. Le jugement du tribunal de commerce sera infirmé sur ce point.
Sur la violation par M. Zerrak de son obligation de non-concurrence post-contractuelle entre le 1er février 2011 et le 31 janvier 2012
La société Autobella prétend que M. Zerrak a violé son obligation de non-concurrence post-contractuelle qui lui interdisait d'exercer une activité concurrente ou similaire de celle du franchiseur pendant un an à compter de la fin du contrat, en poursuivant une activité de lavage de véhicules sur le parking du centre commercial d'Ecully à compter de janvier 2011, au préjudice de l'ensemble du réseau Autobella.
L'article 16.1 du contrat de franchise prévoyait que le franchisé s'engageait à ne pas exercer ni exploiter directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, ni avoir d'intérêts, à ne prendre aucune participation, ne pas s'associer ou s'affilier sous quelque forme que ce soit, à ou dans toute entreprise qui puisse avoir une activité similaire ou concurrente de l'activité du franchiseur pendant une durée d'un an à compter de la fin du contrat.
Le contrat de franchise a pris fin au 31 janvier 2011, date à laquelle il n'a pas été renouvelé entre les parties.
Or, M. Zerrak n'a pas respecté cette obligation de non-concurrence post-contractuelle à laquelle il était tenu jusqu'au 31 janvier 2012. Il est en effet établi par les pièces versées aux débats et notamment le procès-verbal de constat d'huissier du 17 avril 2012, que M. Zerrak a exercé, pendant cette période, une activité de lavage de véhicules sur le parking du centre commercial d'Ecully, qui est une activité directement concurrente de celle de la société Autobella.
La violation de cette obligation de non-concurrence post-contractuelle cause un préjudice à la société Autobella, qui est privée de la possibilité d'installer un nouveau franchisé sur le centre commercial d'Ecully.
Le jugement du tribunal de commerce, qui n'a pas tiré les conséquences de la violation de l'obligation de non-concurrence de M. Zerrak, doit être infirmé sur ce point. La société Autobella sollicite le paiement de la somme de 9 870 euros à titre de dommages-intérêts, dont 2 870,40 euros au titre des redevances de franchise et 7 000 euros au titre du droit d'entrée. Compte tenu du préjudice effectivement subi, M. Zerrak sera condamné à payer la somme de 2 870 40 euros de dommages et intérêts, soit l'équivalent d'un an de redevances de franchise, à la société Autobella.
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire de M. Zerrak à compter du 1er février 2012
La société Autobella expose que M. Zerrak a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en exploitant, à compter du 1er février 2012, le savoir-faire de la société Autobella en matière de lavage automobile au détriment de l'ensemble du réseau Autobella.
Il convient de relever que la société Autobella a développé un concept de lavage écologique, à la vapeur, utilisant un minimum d'eau et utilisant des produits de nettoyage biodégradables sans eau Autobella.
Par ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier et notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 17 avril 2012 que M. Zerrak utilise des signes distinctifs et l'enseigne de la société Autobella, notamment sur le pilier gauche de l'entrée et sur un panneau signalétique à l'intérieur du parking. Dès lors et même si la preuve n'est pas rapportée que la technique de lavage utilisée par M. Zerrak serait identique à celle de la société Autobella, cet usage constitue une pratique de concurrence déloyale.
Le jugement entrepris sera donc également infirmé sur ce point. La société Autobella sollicite l'allocation de la somme de 8 611,20 euros à titre de dommages-intérêts, représentant trois ans de redevances de franchise. Compte tenu de la réalité du préjudice, qui n'est démontré que sur la durée d'une année, M. Zerrak sera condamné à payer à la société Autobella la somme de 1 000 euros sur ce fondement.
Sur les frais et dépens
M. Zerrak succombant au principal, il sera condamné au paiement des dépens.
Il convient également de le condamner au paiement de la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Autobella de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise du 1er avril 2007, pour concurrence déloyale et de sa demande de restitution des manuels de savoir-faire, logiciels, ainsi que tous documents liés à la description du savoir-faire technique et commercial du franchiseur, ses méthodes et son concept, ainsi que tous les documents promotionnels portant la marque ou autres signes distinctifs du franchiseur, L'Infirme sur ce points, Et, statuant à nouveau : Condamne M. Zerrak au paiement à la société Autobella de la somme de 2 870,40 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise du 1er avril 2007, Le Condamne à restituer, dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt, les manuels de savoir-faire, logiciels, ainsi que tous documents liés à la description du savoir-faire technique et commercial du franchiseur, ses méthodes et son concept, ainsi que tous les documents promotionnels portant la marque ou autres signes distinctifs du franchiseur, Le Condamne à payer à la société Autobella la somme de 1 000 euros pour concurrence déloyale, Le Condamne à payer à la société Autobella la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Le Condamne aux entiers dépens.