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Décisions

Cass. com., 26 avril 2017, n° 15-21.356

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Laure (ès qual.), Ristor France Marseille (SARL), Astier (ès qual.), International Trading (SARL)

Défendeur :

De Longhi Appliances Srl (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

Aix-en-Provence, 8e ch. A, du 12 mars 20…

12 mars 2015

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Ristor France Marseille et M. Laure, agissant en qualité de liquidateur de cette société, que sur le pourvoi provoqué relevé par la société International Trading et M. Astier, agissant en qualité de liquidateur de cette dernière ; - Sur le moyen unique, commun aux deux pourvois : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 mars 2015), qu'en 2007, la société Ariete, aux droits de laquelle vient la société de Longhi appliances SRL (la société de Longhi) a conclu un accord avec la société Ristor France Marseille (la société Ristor), ainsi qu'avec la société International Trading, par lequel elle a agréé le principe de leur concéder la distribution exclusive de sa gamme de machines à café et capsules captives sur différents territoires, en précisant que l'accord définitif était "en cours de signature" ; qu'après avoir procédé à différentes livraisons de machines à café, la société de Longhi leur a réclamé le règlement de ses factures impayées ; que celles-ci ont alors invoqué les défectuosités de nombreuses machines et assigné la société de Longhi en annulation des factures, reprise des machines à café défectueuses et indemnisation de leurs préjudices ; qu'après expertise, et par un premier arrêt du 16 janvier 2014, la cour d'appel a dit qu'en livrant des machines affectées de désordres empêchant leur utilisation et leur vente, la société de Longhi avait provoqué l'arrêt du processus de conclusion des accords de distribution et a sursis à statuer sur le surplus ; que les sociétés Ristor et International Trading ont été mises en liquidation judiciaire, M. Laure et M. Astier en étant respectivement désignés liquidateurs judiciaires ; que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a statué sur les demandes respectives des parties ;

Attendu que M. Laure et M. Astier, tous deux ès qualités, et les sociétés Ristor et International Trading font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société de Longhi au paiement des sommes de 7 200 euros et 7 800 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance alors, selon le moyen : 1°) que la société Ristor France Marseille et la société International Trading faisaient valoir que la distribution exclusive des produits de la société Longhi avait débuté dès le mois de mai 2007, lorsque cette dernière avait commencé à livrer les machines et les capsules, de sorte qu'il existait déjà un accord de distribution entre les parties et que, cet accord ayant reçu un début d'exécution, l'arrêt des relations commerciales imputable à la société de Longhi, comme définitivement tranché par l'arrêt du 16 janvier 2014, ne constituait pas une perte de chance de conclure un accord de distribution exclusive, mais un préjudice certain ; qu'en affirmant qu'il n'était pas établi qu'un accord de distribution interviendrait obligatoirement, de sorte que le préjudice subi ne pouvait s'analyser que comme une perte de chance, sans répondre aux conclusions des sociétés Ristor France Marseille et International Trading qui soutenaient que le commencement d'exécution de l'accord par la société de Longhi établissait qu'il avait déjà été conclu, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que, subsidiairement, l'indemnisation de la perte de chance se mesure à l'aune de la chance perdue ; que les juges doivent déterminer à quelle fraction du préjudice doit être évaluée la perte de chance ; qu'en l'espèce, à supposer que les sociétés Ristor France Marseille et International Trading aient seulement subi une perte de chance, la cour d'appel ne pouvait se borner à leur allouer la somme globale de 15 000 euros, sans préciser la mesure de la chance perdue liée à la privation, pour ces sociétés, de poursuivre les relations contractuelles et donc de réaliser des gains ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ; 3°) que si le juge ne peut se déterminer uniquement au vu d'une expertise établie non contradictoirement, il ne peut refuser d'examiner un tel rapport dont la communication est régulière et qui a été soumis à la discussion contradictoire ; qu'en l'espèce, pour établir avec précision le gain manqué du fait de la rupture fautive des relations contractuelles par la société de Longhi, les sociétés Ristor France Marseille et International Trading avaient produit un rapport d'audit établi par un expert-comptable qui établissait le seuil de rentabilité et les chiffres d'affaires de ces sociétés à compter de 2008 et jusqu'en 2013 ; que ce rapport avait été régulièrement produit et soumis au débat contradictoire ; qu'en refusant néanmoins de prendre en compte l'expertise comptable produite par les sociétés Ristor France Marseille et International Trading à l'appui de leurs demandes d'indemnisation, tandis que cette expertise ne constituait pas le seul élément de preuve dans le débat sur ce point et qu'elle devait donc être prise en compte, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 4°) que le juge doit préciser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en se bornant à affirmer qu'au regard " des échanges contradictoires entre les parties et des éléments comptables produits par elles, le préjudice pouvait être évalué à la somme de 15 000 euros ", sans préciser et analyser, ne serait-ce que sommairement, les éléments sur lesquels elle se fondait pour retenir cette évaluation la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que par l'arrêt du 16 janvier 2014, revêtu de l'autorité de la chose jugée, la société de Longhi a été jugée responsable de l'interruption du processus de conclusion des accords de distribution, qui s'est achevé prématurément en raison des défauts constatés sur le matériel livré, la cour d'appel, qui a par là-même écarté les conclusions invoquant le commencement d'exécution d'un accord de distribution, a satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que ce processus s'est achevé prématurément, cependant qu'il aurait pu aboutir à la signature d'un contrat de distribution exclusive, faisant ainsi ressortir l'absence d'accord ferme et définitif de distribution conclu entre les parties, l'arrêt retient que les sociétés Ristor et International Trading n'établissent pas qu'un accord de distribution devait obligatoirement intervenir ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et dès lors que l'indemnisation du préjudice né de l'interruption du processus précité ne pouvait inclure les gains escomptés en cas de conclusion du contrat, comme la perte d'une chance d'obtenir ces gains, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche, ni à tenir compte d'un audit destiné à déterminer le montant de ces gains, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en dernier lieu, que les juges du fond justifient l'existence et le montant du préjudice par la seule évaluation qu'ils en font et ne sont pas tenus de préciser les éléments qui servent à l'évaluer ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal que provoqué.