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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 avril 2017, n° 14-07949

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Waris Telecom (SARL), Mim Com (SA)

Défendeur :

Orange France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouthon-Vidilles

Conseillers :

M. Thomas, Mme Bavelier

Avocats :

Mes Bernabe, Rosenberg, Guerre, Potot

T. com. Paris, du 2 sept. 2009

2 septembre 2009

FAITS ET PROCÉDURE

A partir de 2001, dans un contexte de consolidation du marché de la distribution de la téléphonie mobile et pour fidéliser leur parc d'abonnés, les opérateurs ont réorganisé leurs réseaux afin de favoriser la qualité de service.

C'est ainsi que la société France Telecom Mobile (FTM) devenue la société Orange France a modifié son concept Mobistore portant jusqu'alors les couleurs de France Telecom et proposé à ses distributeurs sous enseigne la signature d'un nouveau contrat-type et la modification de l'enseigne Mobistore qui porte désormais la couleur orange.

Le contrat de distribution sous enseigne Mobistore proposé par la société Orange en juin 2001 était ainsi composé d'un socle commun à tous les distributeurs détaillants indépendants intitulé " Contrat Unique Distributeur DIP EQ 117 ".

Les sociétés Waris Telecom et Mim Com, gérées par M. Ilan Mimouni et qui exerçaient chacune leur activité à travers quatre points de vente situés à Toulouse, Perpignan et Cahors pour la première et Marseille pour la seconde, ont rejoint le réseau de distribution Mobistore respectivement en septembre 1999 et le 4 septembre 2000.

En juillet et août 2001, les sociétés Waris Telecom et Mim Com ont chacune régularisé un avenant " réseau Mobistore " pour une durée de trois ans à compter du 21 juin 2001, renouvelable par tacite reconduction et un contrat de distribution pour une durée de deux ans à compter du 21 juin 2001 également renouvelable par tacite reconduction.

Des tensions sont rapidement apparues entre les parties, les sociétés Waris Telecom et Mim se plaignant de retards dans le paiement de rémunérations que la société Orange France estimait injustifiées et par ordonnance du 5 septembre 2002, complétée par des ordonnances du 6 décembre 2002 et du 6 juin 2003, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris a désigné M. Peronnet en qualité d'expert afin de donner son avis sur les comptes présentés par les parties.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 22 octobre 2002, la société Orange a résilié immédiatement et de plein droit les contrats pour manquements des sociétés Waris Telecom et Mim Com à leurs obligations contractuelles.

L'expert a déposé ses rapports les 12 juin et 24 juillet 2006.

En mars 2008, quatre procédures ont été initiées devant le Tribunal de commerce de Paris, dont trois par les sociétés Waris Telecom et Mim Com et une par la société Orange à l'encontre de la société Mim Com. Ces quatre actions ont été jointes par le tribunal.

Par jugement du 2 septembre 2009, le Tribunal de commerce de Paris a :

- jugé recevable mais non fondée la demande de la société Orange de confusion des patrimoines de la société Waris Telecom et de la société Mim Com,

- condamné la société Mim Com à verser à la société Orange la somme de 1 002 698 euros,

- condamné la société Orange à payer à la société Mim Com la somme de 164 599 euros,

- ordonné la compensation entre les deux condamnations ci-dessus,

- ordonné en conséquence à la société Mim Com de payer à la société Orange la somme de 838 099 euros,

- dit que cette somme de 838 099 euros sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la société Orange à payer à la société Waris Telecom la somme de 472 859 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de ladite signification,

- dit que les intérêts seront capitalisés en vertu de l'article 1154 du Code civil,

- condamné la société Mim Com à verser à la société Orange la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Orange à verser à la société Waris Telecom la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Orange et la société Mim Com à payer chacune par moitié les entiers dépens en ce compris les frais des deux expertises.

Saisie de l'appel interjeté par les sociétés Waris Telecom et Mim Com, la Cour d'appel de Paris a confirmé, par arrêt du 9 mai 2012, le jugement du Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions.

Les sociétés Mim Com et Waris Telecom ont formé un pourvoi en cassation le 12 juillet 2012. Par arrêt du 8 avril 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en toutes ses dispositions, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris autrement composée au motif que selon l'arrêt attaqué, la cour d'appel était composée, lors des débats à l'audience du 7 mars 2012, de M. Roche, président, en tant que magistrat rapporteur, et, lors du délibéré, de M. Roche, président, de M. Vert et de Mme Luc, conseillers, que selon le registre d'audience du 7 mars 2012, la cour d'appel était composée de M. Roche, président, de M. Picque et de Mme Luc, conseillers de sorte qu'il résultait de ces mentions, qu'a participé au délibéré un magistrat qui ne faisait pas partie de la composition de la chambre lors de l'audience.

C'est dans ces circonstances que l'affaire est revenue devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.

Par ordonnance du 5 janvier 2016, le conseiller de la mise en état a débouté la société Orange France de sa demande tendant au rejet des débats des conclusions signifiées le 2 novembre 2015 par les sociétés Waris Telecom et Mim Com, a débouté les sociétés Waris Telecom et Mim Com de leurs demandes de disjonction et de prononcé de deux arrêts distincts et a condamné in solidum les sociétés Waris Telecom et Mim Com aux dépens de l'incident et à verser à la société Orange France la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 17 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a débouté les sociétés Waris Telecom et Mim Com de leur demande d'audition de M. David Cohen qui avait établi une attestation le 15 décembre 2008 et les a condamnées in solidum aux dépens de l'incident et à verser à la société Orange France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 27 décembre 2016 par la société Mim Com, appelante, par lesquelles elle demande à la cour de :

- réformer le jugement du 2 septembre 2009 en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires,

- juger irrecevable la prétention de la société Orange à contester la qualification de mandat d'intérêt commun,

- requalifier le contrat en mandat d'intérêt commun,

A titre principal,

- procéder à l'audition de M. Daniel Cohen né le [...] à Casablanca (Maroc) et ce, dans le cadre d'une enquête sur le champ, l'audition du témoin pouvant avoir une incidence déterminante sur l'issue du litige et le témoin acceptant de comparaître sans convocation préalable,

- juger que la société Orange a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Mim Com,

- condamner la société Orange à réparer l'intégralité des préjudices subis, à savoir :

1) 1 650 000 euros au titre de la marge brute perdue sur une période de 20 mois,

Si la cour qualifie la relation entre les parties de mandat d'intérêt commun ou d'agence commerciale :

2) 2,2 millions d'euros au titre de la rupture du contrat de distribution, soit deux années de rémunérations contractuelles,

En tout état de cause :

- dire que les indemnités mises à la charge de la société Orange seront augmentées des intérêts légaux de retard à compter de l'acte introductif de la présente instance et qu'ils seront en outre capitalisés s'ils sont dus pour plus d'une année entière,

Sur les comptes entre les parties :

- confirmer la décision du tribunal sur le rejet de la confusion des patrimoines,

- constater que les conditions de la compensation ne sont pas réunies,

- constater également qu'il n'existe aucune confusion des patrimoines entre les sociétés Waris Telecom et Mim Com en l'absence de toute relation financière anormale démontrée par le rapport d'expertise,

- constater également que de par sa demande de compensation, la société Orange a offert de payer en réalité les sommes dues à la société Waris Telecom et que cette offre constitue un aveu judiciaire,

- juger irrecevable la demande de confusion des patrimoines en l'absence de redressement judiciaire de la société Mim Com et ou de la société Waris Telecom,

- valider les conclusions de l'Expert Peronnet mentionnées dans ses rapports des 12 juin et 24 juillet 2006,

- constater également que de par sa demande de compensation, la société Orange offre de payer en réalité les sommes dues à la société Waris Telecom,

En tout état de cause,

- rejeter toutes les demandes incidentes et reconventionnelles de la société Orange,

- actualiser le montant des indemnités à compter de l'année 2002 suivant le coefficient d'érosion monétaire depuis 2002, soit en l'état 1,136 de 2002 à 2010, jusqu'à parfait paiement,

- condamner la société Orange à payer une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Orange aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Olivier Bernabé, avocat postulant ;

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 29 septembre 2016 par la société Waris Telecom, appelante, par lesquelles elle demande à la cour de :

- réformer le jugement du 2 septembre 2009 en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires et confondu les causes de résiliation invoquée par l'intimée à l'égard de la société Mim Com et celles reprochées à la société Waris,

- juger irrecevable la prétention de la société Orange à contester la qualification de mandat d'intérêt commun,

- requalifier le contrat en mandat d'intérêt commun,

A titre principal,

- constater qu'elle n'a commis aucune faute grave et que la société orange ne produit pas aux débats les preuves réelles et tangibles des prétendus manquements,

- constater la chute encore actuelle de son chiffre d'affaires qui a été divisé par trois, celle-ci ne détenant plus qu'un seul point de vente au lieu de quatre,

- juger que la société Orange a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Waris,

- condamner la société Orange à réparer l'intégralité des préjudices subis, à savoir 1 930 000 euros au titre de la marge brute perdue sur une période de 20 mois et à lui payer cette somme,

Si la cour qualifie la relation entre les parties de mandat d'intérêt commun ou d'agence commerciale :

- condamner la société Orange France à lui payer la somme de 3 250 000 euros au titre de la rupture du contrat de distribution, soit deux années de rémunérations contractuelles,

Sur les comptes entre les parties :

- confirmer la décision du tribunal sur le rejet de la confusion des patrimoines,

- juger irrecevable la demande de confusion des patrimoines en l'absence de redressement judiciaire des sociétés Mim Com ou Waris et valider les conclusions de l'expert Peronnet mentionnées dans son rapport du 24 juillet 2006,

- constater que les conditions de la compensation ne sont pas réunies,

- constater également qu'il n'existe aucune confusion des patrimoines entre les sociétés Waris Telecom et Mim Com en l'absence de toute relation financière anormale démontrée par le rapport d'expertise,

- constater également que de par sa demande de compensation, la société Orange a offert de payer en réalité les sommes dues à la société Waris Telecom et que cette offre constitue un aveu judiciaire,

- confirmer la condamnation de la société orange France u paiement d'une somme de 472 859 euros avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 24 juillet 2006, compte tenu de l'aveu judiciaire exprimé dans la lettre du 20 novembre 2007,

En tout état de cause,

- condamner l'intimée au paiement au profit de la société Waris des frais d'expertise tels qu'ils ont été taxés au profit de M. Peronnet, soit à hauteur de 51 210,33 euros TTC,

- actualiser le montant des indemnités à compter de l'année 2002 suivant le coefficient d'érosion monétaire depuis 2002, jusqu'à parfait paiement,

- dire que les autres indemnités mises à la charge de la société Orange seront augmentées des intérêts légaux de retard à compter de l'acte introductif de la présente instance et qu'ils seront en outre capitalisés s'ils sont dus pour plus d'une année entière,

- rejeter toutes les demandes incidentes et reconventionnelles de la société Orange,

- condamner la société Orange à payer une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Orange aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Olivier Bernabé, avocat postulant ;

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 30 décembre 2016 par lesquelles la société Orange France, intimée, demande à la cour de :

A titre liminaire :

- débouter les appelantes de leur demande d'audition de M. Cohen,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit à la demande d'audition présentée par les appelantes :

- procéder, dans les mêmes conditions que M. Cohen, à l'audition de M. Pierrick Baron, directeur des Ventes indirectes d'Orange, demeurant <adresse>,

- fixer les auditions postérieurement à l'audience des plaidoiries sur le fond,

Sur les demandes au titres de la résiliation des relations contractuelles :

- confirmer le jugement entrepris et :

- débouter Waris Telecom et Mim Com de leur demande au titre de l'irrecevabilité d'Orange à contester la qualification de mandat d'intérêt commun,

- constater l'inexistence d'actes juridiques effectues par Mim Com et Waris Telecom au nom et pour le compte d'Orange et par voie de conséquence rejeter la prétendue qualification de mandat d'intérêt commun,

- dire les sociétés Waris Telecom et Mim Com mal fondées en leur action sur le fondement contractuel,

- constater que les éléments de calcul présentés par Mim Com et Waris Telecom pour quantifier leur prétendu préjudice ne résistent pas à l'analyse,

- dire que Mim Com et Waris Telecom ne peuvent solliciter une quelconque indemnité pour la rupture anticipée des contrats,

En conséquence,

- débouter Mim Com et Waris Telecom de leur demande d'indemnisation fondée sur une prétendue rupture brutale et abusive des relations contractuelles,

Sur les comptes entre les parties :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Orange de confusions des patrimoines des sociétés du groupe Mim Com,

À titre principal,

- ordonner la compensation des sommes dues entre les sociétés Waris Telecom et Mim Com d'une part, et Orange France d'autre part,

- condamner solidairement les appelantes à verser à la société Orange France la somme de 1 230 864 euros et à tout le moins une somme de 324 726 euros,

À titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour d'appel ne faisait pas droit à la demande de compensation :

- condamner la société Mim Com à verser à la société Orange France, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la somme de 1 264 576 euros qui correspond à la créance certaine de Orange reconnue par l'expert et à tout le moins à la somme de 838 099 euros que Mim Com reconnaît devoir à Orange France et telle que retenue par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 2 septembre 2009.

En tout état de cause,

- dire que la somme allouée à Orange France sera assortie d'un intérêt au taux légal à compter du dépôt du premier rapport d'expertise, soit le 12 juin 2006,

- dire que les intérêts seront capitalisés en vertu de l'article 1154 du Code civil,

- condamner Mim Com et Waris Telecom à payer à la société Orange France la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les appelantes aux entiers dépens ;

Sur ce,

Sur les demandes en indemnisation au titre de la cessation des contrats de mandat d'intérêt commun ou d'agent commercial

Les sociétés appelantes demandent la requalification des relations contractuelles en mandat d'intérêt commun ou d'agent commercial.

Sur l'exception d'irrecevabilité de la société Orange France à contester la nature de contrat de mandat d'intérêt commun ou d'agent commercial, la liant aux sociétés Waris Telecom et Mim Com en vertu du principe de l'estoppel

Les sociétés appelantes soutiennent que la société Orange France est irrecevable désormais à contester la nature de contrat d'agent commercial ou de mandat d'intérêt commun qui les liait dès lors que dans l'instance qui a opposé sa filiale, la société Orange Caraïbes à la société Bouygues Telecom Caraïbes qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 janvier 2005, il est précisé que les contrats liant la première à ses distributeurs locaux étaient des contrats d'agent commercial même si les distributeurs en question étaient indépendants de sorte qu'il est établi que la société intimée, suivant les différentes instances dans lesquelles soit elle-même, soit l'une de ses filiales ou société soeur est exposée, affirme une chose et son contraire et que par suite, ce comportement s'analyse en une incohérence qui doit être juridiquement qualifiée.

Mais, les sociétés appelantes qui, au soutien de leur demande de requalification des contrats, ont fait valoir à juste titre que la jurisprudence citée par la société Orange France ne pouvait être transposée dès lors qu'elle correspondait à des litiges ayant opposé des distributeurs à la société SFR sur la base de contrats spécifiques à cet opérateur et que toute extension de cette jurisprudence à des contrats Orange se heurterait à une architecture contractuelle et à des stipulations contractuelles différentes, ajoutant qu'il est interdit au juge de prononcer un arrêt dit de règlement, ne peut sans contradiction invoquer des contrats spécifiques en ce qu'ils ont été souscrits par une filiale du Groupe Orange avec des distributeurs locaux, pour prétendre que la société Orange France serait dorénavant irrecevable à contester la nature du contrat d'agent commercial ou d'intérêt commun des contrats les liant. De surcroît, elles ne justifient aucunement avoir été induites en erreur par une supposée contradiction dans l'argumentation qui aurait été développée successivement par la société Orange France. L'exception d'irrecevabilité sera donc rejetée.

Sur la demande de requalification du contrat en mandat d'intérêt commun ou d'agent commercial

Les sociétés appelantes affirment que les contrats en vigueur à compter du 21 juin 2001 n'excluaient pas la qualification du mandat d'intérêt commun et que cette qualification ne peut être contestée dès lors qu'elles négociaient les différentes options contractuelles et notamment le forfait horaire d'abonnement et vendaient pour le compte de la société Orange des abonnements téléphoniques, hors la présence de tout préposé de l'opérateur. Elles soulignent que le client ressortait du point de vente avec un contrat signé et formé ainsi qu'un coffret ou un appareil de téléphone mobile dont la ligne était active. Elles considèrent que le contrôle des clauses et conditions effectué a posteriori par l'opérateur était purement formel et qu'il s'agissait d'un simple contrôle de conformité ou de validation, cette dernière n'étant qu'une ratification d'un contrat déjà formé. Elles dénient l'existence d'une condition suspensive d'agrément invoquée par l'intimée, le contrat ne pouvant être remis en cause qu'en l'absence de pièces requises pour l'ouverture d'une ligne. Elles se prévalent essentiellement d'un arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2008 rendu dans une affaire similaire (Sarl Abk6 c/Sas Motorola) qui a admis qu'un distributeur d'abonnement de téléphonie mobile puisse être qualifié de mandataire d'intérêt commun.

La société Orange France conclut à l'absence de mandat d'intérêt commun dès lors que dans les relations entre les parties, il n'existait aucune représentation, ni actes juridiques effectués par les sociétés Mim Com et Waris Telecom à son profit. Elle précise qu'elles agissaient de manière totalement indépendante et qu'elles n'étaient investies d'aucun pouvoir de représentation, leur activité se bornant à un rôle d'intermédiaire accomplissant des actes matériels en présentant un contrat-type à la signature du client et en réunissant les pièces du dossier de celui-ci. Elle ajoute que les contrats étaient affectés d'une condition suspensive claire et univoque de son approbation et n'étaient définitivement conclus qu'après sa validation du dossier de sorte que le distributeur n'intervenant en rien dans la formation juridique du contrat, il était a fortiori dénué de tout pouvoir ou mandat pour ce faire. Elle s'oppose à l'interprétation des appelantes qui ne voient dans la validation des contrats qu'un contrôle purement formel de l'existence des pièces justificatives et se réfère à cet égard aux articles 3.2.3. et 3.2.5. du contrat. Elle considère que la demande des appelantes fondée sur le mandat d'intérêt commun n'a pour but que de tenter d'obtenir une double indemnisation sur le fondement des mêmes griefs.

Aux termes de l'article 1984 du Code civil, le mandat est un contrat par lequel le mandant confère à une personne qui en accepte la charge le pouvoir et la mission d'accomplir pour elle et en son nom un acte juridique et non pas de simples actes matériels, sans pouvoir de représentation.

Il y a mandat d'intérêt commun lorsque les deux parties ont un égal intérêt dans l'opération juridique que le mandataire est chargé de négocier ou de conclure pour le compte et au nom du mandant.

En l'espèce, l'article 1.1 du contrat de distribution Orange précise que " Le distributeur propose à la souscription les formules d'abonnement, ou d'accès, aux Services avec abonnement ou sans abonnement de Orange, reçoit et transmet les demandes d'abonnement, d'accès, et les paiements des clients conformément aux tarifs et conditions définies par cette dernière et visées aux annexes 5 et 6 ". L'article 3.2.1 indique que " Le distributeur s'engage à promouvoir et commercialiser les Services de Orange aux conditions et tarifs communiqués par cette dernière. Il s'engage à présenter à la clientèle les contrats d'abonnements et l'ensemble des documents contractuels relatifs aux services fournis par Orange et à faire usage de ceux-ci uniquement, à l'exclusion de tous autres. En conséquence le distributeur s'interdit d'apporter une quelconque modification aux dits documents qui lui sont remis par Orange, comme aux procédures qui lui sont communiquées quelles qu'elles soient. ".

L'article 3.2 et les annexes 5, 6 et 7 du contrat de distribution exposent les modalités concrètes de l'activité d'un distributeur Mobistore. Il est notamment précisé que " le Distributeur transmettra sous sa responsabilité, à Orange, les différents éléments contractuels et pièces justificatives ainsi que les chèques de garantie et les éventuelles avances sur facturation. " (article 3.2.3), que " Les contrats d'abonnements souscrits dans le(s) point (s) de vente du Distributeur et transmis à Orange sont soumis à l'acceptation définitive de cette dernière qui se réserve le droit de les refuser, en informant le Distributeur du motif de son refus, étant rappelé que ce dernier est exclusif de toute indemnité quelle qu'elle soit." (article 3.2.5), que le distributeur remet au client son exemplaire de contrat et retourne au service homologation le jour même l'original du contrat signé avec son cachet apposé et la mention de son numéro d'identification des justificatifs (annexe 6) et que " L'homologation est l'acte par lequel Orange et/ou ses préposés/et ou ses mandataires réceptionnent et effectuent la qualification des contrats originaux d'abonnement. La qualification est l'acte par lequel Orange et/ou ses préposés/et ou ses mandataires effectuent la vérification de la conformité des données figurant dans le contrat d'abonnement original signé par le client et dans les pièces justificatives obligatoires fournies avec l'original dudit contrat aux conditions exigées par Orange et visées en annexe 6 des présentes. " (annexe 7).

Il ressort de ces dispositions contractuelles qui font la loi des parties et qu'aucun élément de fait ne contredit, que le distributeur n'avait aucun pouvoir de conclure au nom et pour le compte de la société Orange France un contrat avec un client de sorte qu'il intervenait en qualité de simple intermédiaire sans avoir la qualité de mandataire. En effet, le seul fait de présenter un contrat-type à la signature d'un client, de réunir les pièces du dossier de celui-ci (pièce d'identité, RIB) et de transmettre le tout à la cellule de validation de la société Orange est constitutif d'actes matériels mais aucunement d'actes juridiques engageant cette dernière. L'absence de préposés de la société Orange France dans les points de vente qui, selon les sociétés appelantes, témoignerait de l'existence d'une représentation parfaite au sens de la théorie du mandat, est sans incidence dès lors que le contrat entre l'utilisateur final et l'opérateur n'était définitivement conclu qu'après validation du dossier du client par la cellule de vérification de la société Orange, ce qui exclut toute intervention du distributeur dans l'opération juridique de formation du contrat, l'existence de cette validation prouvant l'absence de pouvoir, et donc de mandat, du distributeur.

En conséquence, faute de démonstration de l'existence d'un mandat entre les parties, les sociétés appelantes ne peuvent revendiquer aucun mandat d'intérêt commun.

Elles ne peuvent pas plus revendiquer l'existence d'un contrat d'agence commerciale dès lors que l'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que :

" L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de service, est chargé, de façon permanente, de négocier, et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ". En effet, elles ne disposaient pas du pouvoir de négociation qui caractérise l'agent commercial en ce que se voyant seulement confier l'information du client, la réception, le traitement et le transfert à la société Orange France pour validation des demandes de souscription, elles ne disposaient d'aucun pouvoir de modifier les modalités des prestations réciproques des parties. Leur mission de conseiller le client pour lui proposer parmi les offres disponibles celle la mieux adaptée à son besoin et celle d'argumenter sur la pertinence des offres concurrentes ne caractérisent pas des actes de négociation mais des actes d'information comparative. De même, le fait d'assister le client dans l'accomplissement des formalités destinées à formaliser le contrat liant le client à la société Orange France intimée et le fait de mettre en œuvre le matériel pour qu'il soit opérationnel ne constituent pas davantage des actes de négociation mais de simple exécution.

Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté les demandes de requalification des contrats et les sociétés appelantes seront déboutées de leur demande respective en indemnisation au titre de la cessation des contrats de mandat d'intérêt commun ou d'agent commercial.

Sur les demandes en indemnisation au titre de la rupture anticipée abusive des contrats à durée déterminée

Au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, les sociétés appelantes sollicitent chacune une indemnité pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, à effet jusqu'en juin 2004. Elles soutiennent que la rupture opérée le 22 octobre 2002 est abusive en ce qu'il n'existe aucun manquement grave démontré et est brutale en ce qu'elles n'ont bénéficié d'aucun préavis. Elles se réfèrent à la lettre de résiliation du 22 octobre 2002 dans laquelle la société Orange évoquait " la violation réitérée d'engagements contractuels ". La société Mim Com affirme qu'il s'agissait d'infractions très mineures ne présentant pas un caractère suffisamment sérieux pour justifier qu'aucun préavis ne soit observé et la société Waris Telecom indique que les manquements qui lui sont reprochés, ne sont étayés par la production d'aucun élément. Elles relèvent que ce courrier de résiliation a été adressé après un arrêt soudain et injustifié des livraisons des produits à la société Mim Com, un retard injustifié de règlement de factures par la société Orange à la société Waris Telecom et une rupture brutale sans préavis avec un autre distributeur, la société Suberdine, ce qui démontre un changement de stratégie commerciale de la part de la société Orange. La société Mim Com réfute plus particulièrement le grief tiré de l'activation de lignes en masse sur les offres prépayées et estime, en se référant à l'attestation de M. Cohen dont elle demande l'audition, que cette pratique était connue de l'opérateur qui l'encourageait afin d'augmenter sa valorisation boursière. Puis, elle soutient que le tribunal ne pouvait retenir comme faute grave à son détriment, ce qui n'a pas pu être qualifié de faute grave par l'opérateur lui-même. Les sociétés appelantes font également valoir que le tribunal de commerce a confondu les lettres de résiliation qui leur ont été adressées à chacune, alors qu'elles font état de causes de résiliation bien distinctes. Elles ajoutent que le tribunal a également opéré une confusion en ce que la lettre du 22 avril 2002 suspendant la prime qu'il a considérée comme un avertissement adressé aux deux sociétés, ne concernent pas la société Waris Telecom. Enfin, elles indiquent que la société Mim Com a bien cessé ses activités après la rupture du contrat et a cédé ses points de vente en mars et avril 2003 puis en avril 2004 de sorte qu'elle a été " rayée de la carte du marché de la téléphonie mobile " sur décision unilatérale de la société Orange France tandis que la société Waris Telecom en a été quasi-évincée en ce qu'elle n'a désormais plus qu'un seul point de vente en lieu et place de quatre, en suite du pacte illicite de répartition des parts de marché entre trois opérateurs entre 2000 et 2002 qui a verrouillé le marché et empêché leur reconversion.

La société Orange France réplique que ces résiliations immédiates des contrats sur le fondement des article 4 du contrat de distribution et de l'avenant Mobistore, se justifiaient par des fautes contractuelles graves mettant en cause la qualité des services fournis par les sociétés Mim Com et Waris Telecom et leur loyauté envers elle et rendant impossible le maintien du lien contractuel. Elle invoque le non-respect de la chartre graphique Orange et de l'interdiction d'utiliser le terme Agence Orange ou le logo France Telecom dans les publicités du distributeur, des actes de démarchage dans le cadre d'une offre de fidélisation et le desimlockage des produits vendus dans des coffrets et se prévaut essentiellement d'un agissement qu'elle qualifie d'intolérable, soit l'activation de lignes en nombre sur les offres prépayées, c'est-à-dire de l'utilisation d'identités inventées (Jésus Christ, Jacques Chirac, Jean Bonbeurre) ou celles de clients existants mais qui n'avaient jamais souscrits à des offres Mobicarte et auxquels ont été attribués plusieurs dizaines voire centaines de numéros de lignes qui ont été activées, afin d'obtenir des commissions indues (25 euros) ainsi que la subvention du terminal prétendument vendu (45 euros) avant de le revendre sans carte SIM à des réseaux d'exportation vers l'Europe de l'est ou l'Afrique du Nord. Elle affirme qu'une telle fraude n'était pas immédiatement décelable, aucun consommateur n'ayant eu à en pâtir et relève que ces faits ont été reconnus dans la presse par le gérant commun des sociétés Mim Com et Waris Telecom, M. Mimouni. Elle ajoute qu'elle-même ne pouvait en tirer aucun avantage, perdant à chaque acte illicite au moins 70 euros, que ses pertes ont pu être évaluées à environ 5 millions d'euros et qu'en outre, elle n'avait aucun intérêt à développer artificiellement son parc de clients dans la mesure où tout client inactif est retiré des bases au bout de trois mois. Elle sollicite donc la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes d'indemnisation au titre de la résiliation des contrats de distribution.

Si l'article 11 des contrats de distribution prévoit que le contrat prend effet le 21 juin 2001 pour une durée de deux ans et est renouvelable tacitement par période d'une année, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé réception adressée 3 mois avant le terme, l'article 4.1 dispose que le distributeur s'interdit tout particulièrement de recourir directement à certaines pratiques qu'il décrit dont notamment l'activation de plusieurs lignes avec ou sans la complicité du client dans le but de cumuler les rémunérations correspondantes et que tout manquement à l'interdiction pour le distributeur de recourir à ces pratiques comme toute tentative d'activation par le distributeur au moyen de l'une de ces pratiques ou d'une pratique analogue, entraînera la résiliation immédiate et de plein droit du contrat. L'article 7.8 de l'avenant Réseau Mobistore mentionne pour sa part que " Le Distributeur s'interdit d'utiliser, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, toute dénomination, marque, logo ou enseigne associé de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, aux dénominations, marques, logo et enseignes France Telecom. Tout manquement du Distributeur aux dispositions ci-dessus pourra entraîner la résiliation par Orange, de plein droit et sans préavis des présentes, sans indemnité et sans préjudice de toute action et dommages et intérêts. ".

Les parties ont ainsi convenu, de manière non équivoque, qu'un seul manquement à des obligations contractuelles qu'elles ont spécifiées, constituait un événement grave justifiant la résiliation des contrats de plein droit, sans envoi d'une mise en demeure préalable et sans préavis.

La résiliation des contrats liant la société Mim Com à la société Orange France

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2002, la société Orange France a résilié immédiatement et de plein droit le contrat de distribution et l'avenant Mobistore la liant à la société Mim Com pour violations réitérée de ses engagements contractuels, lui reprochant des actes de desimlockage, la dissociation des éléments contenus dans ses coffrets et kits, des actes de démarchage dans le cadre de son offre de fidélisation, des activations massives de lignes sous un seul et même nom, la violation de ses droits de propriété intellectuelle (dont l'utilisation répétée du Logo France Telecom), l'utilisation déloyale de ses signes distinctifs et Codes de communication par imitation du conditionnement de ses produits, le non-respect de la chartre de communication du réseau Mobistore et le non-respect de la chartre graphique Orange.

Il ressort des pièces produites aux débats par la société Orange France et notamment des pièces n° 8 (lettre du 29 avril 2002 suspendant la prime qualité), n° 9 (mises en demeure des 12 janvier et 21 février 2001), n° 10 (attestation de Mme Pascale Girard), n° 11 (constat d'huissier du 6 septembre 2002), n° 27 (fichier excel sur l'activation de produits au cours de l'année 2002 commandés et livrés à la société Mim Com) et n° 28 (fichier excel des lignes en nombre activées par M. Mimouni), toutes pièces non spécifiquement contestées dans ses écritures par la société Mim Com qui ne fait valoir aucune observation à leur égard, ni même ne les évoque, que les griefs invoqués dans la lettre de résiliation sont avérés et ressortent des articles 4.1 et 7.8 précités. Plus particulièrement, la pratique d'activation irrégulière de lignes sur les offres prépayées par la société Mim Com est parfaitement établie par la communication de la liste des lignes activées en 2000 par son gérant, M. Mimouni, qui fait notamment ressortir une activation massive de lignes sous un seul et même nom. Ainsi à titre d'exemple, la cour relève que pour la seule journée du 28 décembre 2000, M. Mimouni a activité plus de 190 lignes à son propre nom en mentionnant la même adresse à Marseille, 18 au nom d'un même client, Mme Marie Layani et 19 au nom de M. Philippe Pellizari, ces derniers étant également domiciliés à Marseille <adresse>. De surcroît, le recours à cette pratique a été reconnu par M. Mimouni qui a notamment déclaré " dans certaines villes dont Marseille et Toulouse, le nombre de kits Mobicarte vendus était dix fois supérieur à la réalité du marché. ", comme cela ressort de deux articles de presse produits aux débats (pièce n° 12 intimée).

C'est donc vainement que la société Mim Com qualifie certains des manquements visés dans la lettre de résiliation de " très mineurs ", invoque le caractère ancien de certains datant d'avril 2002 au regard de la date de résiliation du contrat (22 octobre 2002), leur tolérance et/ou encore leur pleine connaissance par la société Orange France (activation en masse de lignes au nom de clients fictifs). En effet, d'une part, les parties n'ont pas entendu subordonner l'efficacité de la clause résolutoire de plein droit à la constatation d'une faute grave mais à celle de manquements à des obligations contractuelles qu'elles ont définies. D'autre part, la pratique d'activation en masse de lignes sous un seul et même nom constitue indéniablement un manquement d'une particulière gravité qui non seulement entre dans le champ d'application de la clause résolutoire de plein droit mais également justifie, à elle seule, une résiliation unilatérale sans préavis et sans envoi d'une mise en demeure préalable. En outre, contrairement à ce que soutient la société Mim Com, l'écoulement du temps comme, à la supposer avérée, la connaissance par l'opérateur de la pratique interdite, ne peuvent caractériser des actes manifestant sans équivoque la volonté de ce dernier de renoncer à se prévaloir de la clause résolutoire. Enfin, il n'est nullement justifié que la société Orange France ait également été bénéficiaire de cette pratique puisque bien au contraire, elle a dû régler à la société Mim Com des commissions indues (25 euros) ainsi que des subventions pour des appareils prétendument vendus (45 euros). Par suite, la demande d'audition de M. David Cohen qui se trouvait à l'époque des faits en cause, chef des ventes de la société Orange France pour la région Paca, dont au demeurant le témoignage établi le 15 décembre 2008 est sujet à caution en ce qu'il est postérieur à son licenciement par la société Orange France (2003) et qui a attesté en substance que l'activation de lignes en masse était courante dans le marché de la téléphonie mobile pour l'ensemble des opérateurs et que cette pratique était connue de la société Orange, n'est pas justifiée et sera rejetée. Par voie de conséquence, l'audition de M. Pierrick Baron sollicitée à titre subsidiaire par la société Orange France sera également rejetée.

Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément que la société Orange France ait invoqué la clause résolutoire de mauvaise foi et ait notamment entendu évincer la société Mim Com du marché de la téléphonie mobile pour respecter un partage de marché décidé avec deux autres opérateurs, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, et ce d'autant qu'il est établi que cette dernière a continué à exercer son activité postérieurement à la résiliation du contrat (pièces intimée n° 15, 16 et 17).

En conséquence de ces éléments, la société Mim Com ne démontrant nullement que la résiliation du contrat par lettre du 22 octobre 2002 à effet immédiat est abusive et/ou brutale, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnisation formées à ce titre.

La résiliation des contrats liant la société Waris Telecom à la société Orange France

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2002, la société Orange France a résilié immédiatement et de plein droit le contrat de distribution et l'avenant Mobistore la liant à la société Waris Telecom pour violation de ses obligations contractuelles, lui reprochant une activation d'un certain nombre de lignes sous d'autres Codes d'identification, la dissociation d'éléments contenus dans ses coffrets et kits, des actes de démarchage dans le cadre de son offre de fidélisation et l'utilisation déloyale de ses signes distinctifs et Codes de communication par imitation du conditionnement de ses produits.

Il ne peut qu'être constaté, comme le souligne à raison la société Waris Telecom, que la société Orange France ne produit aux débats aucun document attestant de la véracité des griefs qu'elle invoque dans cette lettre de sorte qu'elle ne justifie pas de l'application de la clause résolutoire de plein droit.

Toutefois, la société Orange France fait valoir qu'une faute d'une particulière gravité justifie, à elle seule, la résiliation sans préavis du contrat conclu notamment en raison de la personnalité du dirigeant de la société partenaire et considère que l'activation des lignes en nombre sur les offres prépayées par M. Mimouni constitue la violation d'une obligation essentielle au contrat justifiant la rupture sans préavis. La société Waris Telecom réplique que cette pratique n'a jamais été démontrée pour ce qui la concerne.

Or, aux termes de ses dernières écritures, la société Waris Telecom ne discute pas le contenu du fichier excel des lignes en nombre activées par M. Mimouni examiné ci-dessus (pièce n° 28 intimée). En outre, comme le relève à juste titre la société Orange France, il ressort des propos de ce dernier retranscrits dans les deux articles de presse que l'activation en nombre ne concernait pas seulement la ville de Marseille mais également celle de Toulouse où la société Waris Telecom disposait d'un point de vente. Enfin, à supposer même que l'activation en masse de lignes n'ait pas concerné directement la société Waris Telecom, la nécessaire perte de confiance dans son dirigeant qui en est résultée, peu important à cet égard qu'il ait agi dans le cadre d'une autre société, justifie la résolution unilatérale du contrat de distribution conclu " en stricte considération d'une part des qualités et compétences propres du Distributeur. " et de l'avenant Mobistore, comme mentionné aux articles 13 et 18 des contrats. Il ressort de ces éléments que la gravité du comportement du gérant de la société Waris Telecom justifie la rupture unilatérale des contrats sans préavis par la société Orange France. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Waris Telecom de ses demandes d'indemnisation pour rupture abusive et brutale.

Sur les comptes entre les parties

La société Orange France, appelante incidente de ce chef, ne présente en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents résultant d'une juste analyse des éléments du dossier notamment des pièces contractuelles et des deux rapports d'expertise de M. Peronnet des 12 juin et 24 juillet 2006. En effet, les premiers juges ont relevé qu'il convenait d'écarter la confusion de patrimoine entre les sociétés Waris Telecom et Mim Com " en l'absence de preuve d'un montage financier " et, donc, de ne pas faire droit à la demande de compensation formulée par la société Orange France entre les sommes dues entre les appelantes et elle-même. Il sera rappelé à cet égard que seules des relations financières anormales peuvent être constitutives d'une confusion de patrimoine entre deux personnes morales. En l'espèce, il n'est aucunement démontré un état d'imbrication inextricable entre les sociétés appelantes permettant de caractériser une telle confusion. Le fait que M. Mimouni soit le dirigeant social des deux sociétés Waris Telecom et Mim Com et l'actionnaire des deux entités n'implique en aucune façon une confusion du patrimoine de celles-ci, et ce d'autant que les contrats qui les unissaient à la société Orange France étaient des contrats distincts pour chacune des sociétés de distribution, les points de vente étant également différents. Les facturations établies par l'intimée en application du mandat de facturation octroyé tant par la société Waris Telecom que par la société Mim Com étaient aussi distinctes. Les procédures de résiliation ont été autonomes et propres à chacune des appelantes. Surtout, il doit être observé que l'expert commis, dans ses deux rapports susmentionnés, a pu identifier les flux financiers et commerciaux entre l'intimée et la société Mim Com, d'une part, entre l'intimée et la société Waris Telecom, d'autre part, sans que l'imbrication alléguée de leurs comptes l'en eût empêché. A aucun moment n'a pu non plus être décelée une prise en charge sans contrepartie apparente de prestations effectuées par une société au profit d'une autre. Enfin il y a lieu de s'en tenir au mode de calcul précis et détaillé des premiers juges et de rejeter les demandes des appelantes aux fins d'actualisation des montants alloués " suivant le coefficient d'érosion monétaire depuis 2002 ", les intérêts d'ores et déjà alloués ainsi que leur capitalisation étant satisfactoires à cet égard.

Enfin, la demande d'astreinte formée par la société Orange France n'est pas justifiée et sera rejetée.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions en ce compris la charge des dépens incluant les frais des deux expertises et les condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les parties seront déboutées du surplus de leurs prétentions respectives.

Les sociétés Waris Telecom et Mim Com qui succombent essentiellement en appel, en supporteront la charge des dépens et devront verser à la société Orange France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par jugement contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne les sociétés Waris Telecom et Mim Com aux dépens d'appel avec autorisation de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés Waris Telecom et Mim Com à verser à la société Orange France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.