Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 27 avril 2017, n° 15-11063

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cargo General Logistics (SARL)

Défendeur :

Franprix Leader Price-Direction et Supports (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Autier, Lacoste, Régnier, Betton

T. com. Nancy, du 13 mars 2015

13 mars 2015

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Cargo General Logistics (ci-après dénommée "'CGL'") a une activité de transport routier de marchandises et de commissionnaire de transport.

La société Sofidis, filiale de la holding Franprix Leader Price (ci-après dénommée FPLP), détient elle-même des filiales exploitant des magasins sous l'enseigne Leader Price. La société Sofidis conclut, pour le compte de ses filiales, des contrats de transport avec des sociétés spécialisées dans le fret routier, en vue du transport des marchandises depuis les centrales d'achat jusqu'aux différents magasins Leader Price.

C'est dans ce cadre que les sociétés CGL et Sofidis se sont rapprochées et ont conclu, le 17 avril 2002, un contrat de transport à durée déterminée d'un an, avec renouvellement par tacite reconduction pour des périodes de même durée, pour l'acheminement des marchandises depuis les centrales d'achat de Sauvian (Hérault) et de Gretz Armainvilliers (Seine et Marne) vers les magasins Leader Price listés en annexe. Le contrat prévoyait en outre une faculté de dénonciation par chacune des parties, moyennant un préavis de trois mois.

Le contrat à durée déterminée s'est renouvelé tacitement d'année en année, le dernier renouvellement étant intervenu le 17 avril 2013, pour une nouvelle année, soit jusqu'au 16 avril 2014.

Par courrier du 13 juin 2013, la société FPLP Direction et Supports (ci-après FPLP DS), filiale du groupe Franprix Leader Price et société "soeur" de Sofidis, a indiqué à la société CGL que les droits et obligations à la charge de la société Sofidis dans le cadre du contrat de transport du 17 avril 2002 lui étaient transférés. Elle sollicitait par la même occasion que la société CGL l'informe des mesures prises pour prévenir toute dépendance économique. La lettre a été remise en mains propres au cours d'une réunion entre les parties tenue le même jour.

Par LRAR du 25 juin 2013, la société FPLP DS a informé la société CGL qu'elle avait décidé de lancer un appel d'offres pour la livraison de marchandises aux magasins Leader Price au départ de ses entrepôts de Sauvian et de St Quentin Fallavier, et que ce courrier valait dénonciation totale des relations commerciales faisant courir un délai de préavis, sans précision de durée. La société CGL a répondu à l'appel d'offres mais ses cotations étant supérieures à celles des concurrents, elle n'a pas été retenue.

Par courrier du 30 juillet 2013, le Directeur transport de la société FPLP DS a fait part à la société CGL de son déréférencement pour la livraison des 11 magasins concernés par l'appel d'offres, précisant que les prestations s'achèveraient définitivement à partir de la semaine 45-46, soit à compter du début du mois de novembre 2013.

Estimant avoir été victime d'une rupture partielle brutale de ses relations commerciales établies avec FPLP DS, la société CGL a saisi le tribunal de commerce de Lyon d'une demande en indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce et subsidiairement d'une rupture abusive du contrat à durée déterminée en cours d'exécution. L'affaire a été délocalisée devant le Tribunal de commerce de Nancy, en raison d'un conflit potentiel d'intérêts.

Par jugement en date du 13 mars 2015, le Tribunal de commerce de Nancy a :

- Declaré la société Sofidis mal fondée en sa demande de mise hors de cause,

L'en a déboutée,

- Dit que la société FPLP n'a respecté que partiellement un préavis suffisant de huit mois,

En conséquence,

- Condamné la société FPLP à payer la SARL CGL la somme de 50 623 euros,

- Déclaré la SARL CGL mal fondée en l'ensemble de ses demandes au titre de préjudices complémentaires ainsi qu'au titre du paiement du solde de ses factures,

L'en a déboutée,

- Condamné la société FPLP à payer la SARL CGL la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné la société FPLP aux dépens

- Ordonné l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel en date du 5 mai 2015 de la société Cargo Général Logistics,

Vu les conclusions signifiées par RPVA le 17 novembre 2015 par la société Cargo General Logistics par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre liminaire,

Dire et juger recevables et bien fondées les demandes formulées par la société CGL à l'égard de la société Sofidis,

en conséquence,

Rejeter les demandes de mise hors de cause et de condamnation de la société CGL à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

Confirmer en cela le jugement entrepris,

Rejeter l'appel incident formé par la société Sofidis,

A titre principal,

Constater que la société FPLP DS et la société Sofidis ont procédé à une rupture partielle brutale des relations commerciales qu'elles entretenaient depuis onze ans avec la société CGL,

Dire et juger la société CGL recevable et bien fondée en ses demandes de réparation de l'entier préjudice qu'elle a subi au titre de cette rupture brutale et des conséquences en découlant,

En conséquence,

Réformer le jugement entrepris.

Statuant de nouveau,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, au paiement de la somme de 236 427,84 euros correspondant à la perte de marge subie par la société CGL,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, au paiement de la somme de 468 066,60 euros au titre des loyers échus et à échoir des 5 tracteurs immobilisés depuis le mois d'octobre 2013,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, au paiement de la somme de 44 747,39 euros au titre de l'assurance dommages obligatoire relative aux 5 tracteurs immobilisés depuis le mois d'octobre 2013,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, au paiement de la somme de 35 549,21 euros au titre du remboursement des indemnités de licenciement pour motif économique qui seront versées aux employés de la société CGL concernés,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra à payer la société CGL la somme forfaitaire de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la désorganisation des plans de transport de la société CGL, et de la perte de clients en résultant.

A titre subsidiaire,

Constater que le contrat de transport à durée déterminée s'était renouvelé tacitement le 17 avril 2013 pour une nouvelle période de 1 an,

Dire et juger que la dénonciation du 25 juin 2012 ne pouvait prendre effet qu'à la fin de la période de renouvellement en cours, outre le respect d'un délai de préavis de trois mois,

En conséquence,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, à payer à la société CGL la somme de 193 440,96 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré du non-respect du contrat,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, à payer à la société CGL la somme de 63 637 euros au titre des loyers des camions qui devront être supportés par la société CGL jusqu'à l'échéance du contrat,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, au paiement de la somme de 6 367,20 euros au titre de l'assurance dommages obligatoire relative aux 5 tracteurs immobilisés depuis le mois d'octobre 2013, jusqu'à l'échéance du contrat.

En toute hypothèse,

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, à payer à la société CGL la somme de 1 356,79 euros correspondant au solde de ses factures n° 12063 et 12064,

Réformer en cela le jugement entrepris.

Condamner la société FPLP DS et la société Sofidis solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner les mêmes solidairement, ou qui mieux d'entre elles le devra, aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Michel Blin de la SCP Blin, avocat sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions signifiées par RPVA le 17 septembre 2015 par les sociétés Franprix et Sofidis par lesquelles il est demandé à la cour de :

1°/ Infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré la société Sofidis mal fondée en sa demande de mise hors de cause et l'a déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre,

En conséquence,

Mettre hors de cause la société Sofidis,

Condamner la société Cargo General Logistics à régler à la société Sofidis la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

2°/ Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société Franprix Leader Price - Direction et Supports à payer à la société Cargo General Logistics la somme de 50 623 euros au titre du préavis suffisant de huit mois partiellement respecté,

3°/ Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Cargo General Logistics de ses demandes au titre des préjudices complémentaires allégués,

4°/ Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Cargo General Logistics de ses demandes subsidiaires,

5°/ Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Cargo General Logistics de ses demandes au titre du paiement du solde de ses factures,

En toutes hypothèses,

Condamner la société Cargo General Logistics à verser aux sociétés Franprix Leader Price - Direction et Supports et Sofidis la somme de 5 000 euros, chacune, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Cargo General Logistics aux entiers dépens, dont ceux distraits au profit de la SCP Regnier Bequet Moisanen application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société CGL rappelle qu'elle a conclu un contrat de transport avec la société Sofidis, dont elle a appris courant juin 2013 que les droits avaient été transférés à la société FPLP-DS, société s'ur au sein du même groupe FPLP, sans toutefois qu'aucun accord n'intervienne avec CGL sur une éventuelle décharge des obligations contractuelles de Sofidis, qu'elle a donc attrait dans la cause les deux sociétés soeurs, Sofidis et FPLP DS pour répondre des demandes d'indemnisation formulées.

Sur le fond, elle indique que les parties sont entrées en relation en avril 2002, par la conclusion d'un contrat de transport pour l'approvisionnement de six magasins Leader Price, que les relations se sont développées pour atteindre la livraison de 17 magasins au total, au départ des deux centrales d'achat de Sauvian et de Gretz Armainvilliers, que le caractère stable, suivi et habituel de la relation commerciale depuis onze ans n'a pas été contesté, que seule est en jeu la brutalité de la rupture, au regard de la faible durée du préavis accordé qui n'a été que de 4,5 mois, sans point de départ clair, le courrier du 25 juin 2013 ne précisant rien, seule la lettre du 30 juillet 2013 fixant une fin de préavis à novembre 2013 qui a en réalité été avancée à octobre 2013, que le préavis n'a même pas été respecté et était insuffisant compte tenu du facteur aggravant de la dépendance économique dans laquelle elle se trouvait par le fait de la société FPLP qui l'a en outre empêchée de se réorganiser pendant ledit préavis, et au regard du procédé d'appel d'offres inacceptable en cours de contrat à durée déterminée, alors qu'elle s'était engagée pour un an jusqu'au 16 avril 2014, qu'elle a été écartée dudit appel d'offres par des motifs non justifiés, les prix de ses concurrents ne lui ayant jamais été transmis. Elle sollicite un préavis de 11 mois pour 11 années de relations et une indemnisation qui prenne en compte les caractéristiques du secteur concerné, gravement touché par la crise, la rupture partielle lui ayant en réalité supprimé toutes ses lignes de transport rentables, et son préjudice étant de ce fait double. Elle demande également une indemnisation pour les pertes subies en raison des investissements réalisés, de l'immobilisation des camions dont les coûts se sont poursuivis et des licenciements pour motif économique qu'elle a été contrainte de faire, outre une indemnisation pour la désorganisation ayant entraîné une perte de marge sur ses autres clients, ayant été pénalisée sur l'optimisation de ses transports, ne pouvant plus faire les rotations prévues.

Subsidiairement, la société CGL soutient que la rupture d'un contrat à durée déterminée avant la date d'échéance ouvre droit à indemnisation à hauteur de la perte de marge sur la durée restant à courir, ainsi que pour l'immobilisation de ses cinq véhicules jusqu'à l'échéance.

Elle sollicite enfin le paiement d'un solde de factures pour des prestations facturées au tarif hors contrat, postérieurement à la dénonciation des relations commerciales.

La société FPLP DS, en réponse, rappelle que les droits et obligations de Sofidis lui ont été transférés, ce dont la société CGL a été parfaitement informée, et que la société Sofidis doit être mise hors de cause.

Sur le fond, elle indique qu'elle a souhaité réorganiser son activité d'approvisionnement des magasins exploités sous l'enseigne Leader Price et en a informé la société CGL lors d'une réunion préalable, qu'elle a émis un appel d'offres le 25 juin 2013 qui a été adressé à la société CGL, que cette dernière a soumis son offre hors délai, que malgré cela, elle a été prise en compte mais rejetée, ses tarifs étant supérieurs de 22 % jusqu'à 111% à ceux de ses concurrents comme l'établit la réponse d'un concurrent communiquée en pièce n° 36, que la société FPLP a continué d'échanger avec la société CGL afin de lui proposer d'autres contrats de transport dans le but de maintenir un flux d'affaires équivalent, que cette dernière n'a pas répondu aux propositions, que le mail du 25 juin 2013 transmettant l'appel d'offres était clair, que la lettre de la société FPLP valant dénonciation des relations commerciales était sans équivoque et valait point de départ du préavis nonobstant l'absence de précision quant à sa durée qui a été reprécisée par courrier du 30 juillet 2013, que c'est à tort que la société CGL fait valoir un état de dépendance économique comme facteur aggravant qui n'est pas avéré, que la durée du préavis doit ainsi s'apprécier à la seule lumière de la durée de la relation commerciale, que compte tenu du caractère seulement partiel de la rupture, une durée de cinq mois est amplement suffisante, que les durées effectivement accordées sont sensiblement équivalentes, entre 4 et 5 mois, qu'à tout le moins, la durée de huit mois accordée par le tribunal est équitable, que sur le quantum, compte tenu de son activité de commissionnaire de transport, la société CGL ne peut sérieusement soutenir que son taux de marge serait à 80 %, que l'attestation comptable produite était un faux, que la société CGL a produit en cause d'appel une nouvelle attestation beaucoup plus réaliste, mais avec des taux de marge brute encore trop élevés, avoisinant les 32 %, sans aucun justificatif, la société CGL ne fournissant aucun bilan ni aucun document comptable, que la moyenne nationale de la marge brute dans le secteur du transport est de 13,1%, que la société CGL n'a pas tenu compte du maintien d'une partie de son activité dans le calcul de son préavis, que la somme de 50 623 euros allouée par le tribunal est suffisante, qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes d'indemnisation pour préjudices complémentaires, que seule la brutalité de la rupture ouvre droit à indemnisation et non les conséquences de la rupture, qu'en outre la preuve des préjudices allégués n'est pas rapportée.

Subsidiairement, la société CGL rappelle que le contrat, même à durée déterminée, pouvait être rompu à tout moment moyennant préavis de trois mois, que le préavis accordé était supérieur, qu'aucun abus n'est caractérisé.

Sur le solde des factures, la société CGL conteste les augmentations tarifaires appliquées, estimant qu'elles n'ont jamais été acceptées et qu'elles sont excessives. Elle soutient en outre que la société CGL aurait fait preuve de manquements contractuels dans l'exécution des prestations.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce LA COUR,

Sur la mise hors de cause de la société Sofidis

Considérant que les premiers juges ont débouté la société Sofidis de sa demande de mise hors de cause, mais qu'ils n'ont pas statué au fond sur les demandes formées contre elle, tout en ne prononçant aucune condamnation ni aucun débouté exprès;

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point et de statuer sur la demande de mise hors de cause après avoir analysé le fond des demandes formées contre elle, la demande restant néanmoins recevable, compte tenu de la succession concomitante des deux sociétés au moment de la rupture de la relation commerciale soumise au débat ;

Qu'il ne peut être retenu aucun abus dans la mise en cause de ces deux sociétés qui se sont succédées ;

Au fond

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) ";

Qu'il est constant qu'une rupture partielle des relations commerciales, dès lors qu'elle entraîne une réduction substantielle et sensible du volume d'affaires, peut être considérée comme une rupture brutale en l'absence de préavis écrit, même si elle laisse subsister un courant d'affaires sur d'autres produits ou avec d'autres partenaires d'un même groupe ;

Que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures ;

Qu'il est constant que l'instauration d'une procédure régulière d'appels d'offres peut précariser une relation commerciale, même ancienne, sans toutefois que la mise en place d'une telle précarisation pour l'avenir justifie l'absence de notification d'un préavis compatible avec la durée antérieure de la relation commerciale établie ;

Qu'enfin, même si le juge n'est pas lié par la durée du préavis contractuel, la durée ainsi prévue peut néanmoins constituer une base à prendre en considération, notamment au regard des usages de la profession ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les relations entre les parties résultant d'un contrat de transport à durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction, pouvant selon les termes du contrat être rompu moyennant respect d'un préavis de trois mois, a été renouvelé pendant onze années entre les mêmes parties et que les relations commerciales entre la société Sofidis et la société CGL étaient établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° ;

Que le transfert du contrat à la société FPLP DS et la décision de procéder par appel d'offres intervenus concomitamment courant juin 2013, suivis immédiatement de la notification dudit appel d'offres et de la notification de la rupture le 25 juin 2013, ne permettent pas de considérer que la précarisation annoncée liée à l'appel d'offres immédiat ait pu permettre à la société CGL d'anticiper un éventuel choix en sa défaveur, et de se réorganiser rapidement pour faire face à cette nouvelle exécution du contrat, alors qu'elle avait prévu le maintien du contrat jusqu'à son terme renouvelé, à savoir le 16 avril 2014 ;

Qu'il résulte des éléments versés aux débats que ce n'est qu'à la suite d'une réunion qui s'est tenue courant juin 2013 que la société CGL a été informée de cette modification des conditions contractuelles fixées par la société FPLP pour le lancement d'un appel d'offres pour l'acheminement des marchandises vers les magasins à enseigne Leader Price ;

Que le lancement de l'appel d'offres a été quasi-immédiat après ladite réunion, celui-ci ayant été notifié le 25 juin 2013 ;

Que la notification de la rupture de la relation contractuelle incluse dans la lettre soumettant l'appel d'offres valait, selon les termes mêmes de la lettre, dénonciation " totale des relations commerciales " et " faisait courir les délais de préavis " ;

Que ce faisant, la société FPLP DS a partiellement respecté le formalisme prévu à l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce en notifiant par écrit que la lettre faisait courir " les délais de préavis " ;

Que toutefois, en ne précisant pas la durée desdits préavis, elle n'a pas respecté les conditions fixées par ce texte et n'a pas permis à la société CGL de prévoir la durée qui lui était accordée pour se réorganiser ;

Qu'en effet au-delà même du préavis contractuel de trois mois auquel il n'est pas fait référence par la lettre de rupture, la société FPLP DS n'a pas non plus mentionné un préavis qui tiendrait compte de la durée de la relation commerciale établie ou des usages du commerce;

Que la rupture ainsi prononcée, même partielle, doit dès lors être qualifiée de brutale au sens des dispositions susrappelées et engage la responsabilité de la société FPLP DS qui a succédé à la société Sofidis, et l'oblige à réparer le préjudice causé par la brutalité de cette rupture ;

Considérant qu'au regard des circonstances susrappelées, il ne peut être retenu que la relation commerciale établie depuis onze ans était devenue précaire par la mise en place d'un appel d'offres puisque d'une part, il n'avait jamais été recouru à la procédure d'appel d'offres auparavant et que d'autre part, la société CGL n'en a été informée qu'au moment où la rupture lui a été notifiée, ce qui ne lui laissait aucune faculté d'anticipation, ni aucune possibilité de s'organiser rapidement pour y faire face ;

Qu'indépendamment de toute dépendance économique, dont la réalité n'est pas avérée, le seul fait de réaliser une part importante de son chiffre d'affaires avec la société Sofidis n'étant pas suffisant pour l'établir, il n'est pas contesté que la relation contractuelle établie depuis onze ans avait fait l'objet d'une nouvelle reconduction tacite dans les mêmes conditions pour une durée d'un an à échéance à avril 2014 et que la société CGL pouvait naturellement penser que le contrat allait se poursuivre ainsi jusqu'à son terme ;

Qu'à supposer, ainsi que le contrat le permettait, que les parties aient décidé d'y mettre fin avant le terme, la durée du préavis contractuellement prévue n'aurait pu avoir qu'une valeur indicative, compte tenu de l'ancienneté de onze ans de la relation commerciale établie ;

Que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu, au vu des circonstances de l'espèce, une durée de huit mois, qui est compatible avec les usages de la profession et qui aurait permis à la société CGL de réorienter son activité ;

Considérant que contrairement à ce qu'elle allègue, la société CGL n'a pas subi une rupture totale de ses relations commerciales avec la société Sofidis, puisque le déréferencement ne concernait que certaines lignes de l'entrepôt de Sauvian et qu'elle conservait six lignes de transport qui n'étaient pas affectées par l'appel d'offres;

Qu'elle ne justifie pas que les lignes conservées n'étaient pas rentables ou qu'elle n'ait plus été en mesure de les effectuer, en raison de son déréférencement partiel ;

Qu'il résulte au contraire des échanges intervenus après la rupture que la société FPLP a proposé d'autres flux à la société CGL, afin de " laisser perdurer un courant d'affaire significatif eu égard à la reconnaissance de la qualité de vos prestations sur toutes nos années de partenariat " ;

Considérant que l'indemnité allouée doit tenir compte de tous ces éléments, afin de réparer le préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture ;

Considérant qu'en l'espèce, le préjudice doit être réparé sur la base de la marge brute escomptée pendant la durée d'insuffisance de préavis, marge dont la société CGL a été privée pendant un peu plus de trois mois et demi à l'issue du préavis réellement effectué ;

Que la société CGL verse aux débats une attestation de Fiducial Expertises, Expert-comptable, en date du 12 février 2014, dont la validité n'est pas contestée, qui permet de retenir, sur la base du chiffre d'affaires de CGL des trois dernières années et d'une marge brute annuelle moyenne oscillant entre 32 et 39 %, soit de 257 921 euros en moyenne, un montant de 21 493,44 euros de marge brute mensuelle pour 17 tournées ;

Que l'extrait d'une revue économique de 2004 produit par la société FPLP faisant référence à un taux de rentabilité par secteur de 13,1 % pour les entreprises de transport ne peut être retenu pour évaluer l'indemnité due à la société CGL en application de l'article L. 442-6, I, 5°, ce ratio correspondant en réalité à une marge nette et non une marge brute ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le taux de marge brute moyen de 35 % appliqué par l'expert-comptable eu égard aux spécificités du contrat, sans déduction des charges salariales, ni des charges en matériel à part les pneus, les frais de carburant, et la sous-traitance ;

Que le tribunal a relevé que le préavis a été respecté pour une durée de 4 mois pour le magasin de Chambéry, 4,25 mois pour les magasins de Mâcon, Ugine, Aoste et Seynod et 4,5 mois pour ceux de Annemasse, Bourg-en Bresse, Dagneux, Belley, Viriat et La Tour du Pin, ce que la société CGL ne conteste pas ;

Qu'il a retenu exactement une durée de préavis de 3,64 mois restant à indemniser à hauteur de la perte de marge brute sur les 11 tournées supprimées soit, selon le calcul retenu sur la base de la marge brute moyenne de 50 623 euros ;

Que la décision des premiers juges sera donc confirmée sur ce point ;

Considérant qu'il n'est pas établi que la société CGL ait été contrainte de réaliser au cours de l'exécution du contrat des investissements spécialement dédiés aux prestations accomplies pour le seul compte de la société Sofidis;

Qu'au vu du chiffre d'affaires global réalisé par la société CGL, le volume d'affaires réalisé avec les magasins Leader Price ne représente que 49 % de son activité, ce qui démontre que les camions et les chauffeurs étaient employés à d'autres missions ;

Qu'au surplus, la rupture n'étant que partielle, les chauffeurs et les camions étaient encore utiles pour les lignes de transport restantes ;

Qu'en conséquence, les pertes annexes alléguées, notamment l'immobilisation de 5 camions, ne peuvent être retenues comme préjudice supplémentaire lié à la brutalité de la rupture, en l'absence d'éléments de preuve que ladite immobilisation est liée à la brutalité de la rupture ;

Qu'il en est de même du licenciement économique des chauffeurs, dont la lettre de licenciement n'est pas versée aux débats, ce qui ne permet pas de connaître le motif économique invoqué ;

Considérant enfin que la désorganisation alléguée n'est justifiée par aucun élément versé aux débats, à part l'affirmation qu'en a faite la société CGL dans un courrier ;

Que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a rejeté toutes ces demandes ;

Considérant que le tribunal ayant fait partiellement droit aux demandes indemnitaires de la société CGL sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, c'est à tort qu'il a cru devoir statuer, en prononçant un débouté, sur les demandes subsidiaires fondées sur la violation des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Considérant enfin que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté la société CGL de sa demande en paiement d'un solde de factures fondé sur de nouvelles conditions tarifaires non contractuelles ;

Considérant que la société FPLP DS ayant succédé à la société Sofidis, et seule la société FPLP étant responsable de la rupture, il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation solidaire contre Sofidis ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation additionnelle de la société CGL pour la procédure d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes exposés au dispositif ci-après ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme, par motifs propres et substitués, le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré la société Sofidis mal fondée en sa mise hors de cause, et en ce qu'il a statué sur une demande subsidiaire alors qu'il était fait droit à la demande principale, Statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes subsidiaires, Met la société Sofidis hors de cause, Déboute la société Sofidis de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive, Y ajoutant, Condamne la société FPLP DS à payer à la société CGL la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens qui seront recouvrés au profit de la SCP Regnier Bequet Moisan, et ce dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.