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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 avril 2017, n° 14-22040

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SW Services 57 (SARL)

Défendeur :

L'Age d'Or Expansion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Régnier, Benoit, Ribaut, Ayache

T. com. Paris, du 8 oct. 2014

8 octobre 2014

Faits et procédure

La société L'Age d'Or Expansion (ci-après " la société L'Age d'Or ") est une société filiale du groupe CNP Assurances, spécialisée dans les services d'aide et d'assistance aux personnes. Elle a développé son activité dans le cadre d'un réseau de franchise comportant actuellement 160 franchisés et couvrant 180 zones territoriales en France métropolitaine et départements d'Outre-Mer.

La société SW Services 57 (ci-après " la société SW 57 ") a été constituée en décembre 2007 par Madame Weyland.

La société SW 57 a conclu un contrat de franchise d'une durée de 5 ans avec la société L'Age d'Or le 16 octobre 2007, celle-ci lui concédant, entre autres, un droit d'exploitation assorti d'une clause d'exclusivité territoriale sur la zone de Thionville et ses alentours. En contrepartie, la franchisée s'est engagée à régler tous les trimestres une redevance correspondant à 5 % de son chiffre d'affaires HT, ainsi qu'une redevance de 1 % de son chiffre d'affaires pour la communication. Elle s'est également acquittée d'un droit d'entrée de 14 500 euros.

A compter du troisième trimestre 2010, la société franchisée a cessé de payer ses redevances au titre du contrat de franchise, alléguant une exception d'inexécution des obligations d'assistance du franchiseur.

Par courrier du 31 janvier 2012, la société L'Age d'Or a réclamé à la société SW 57 le paiement des factures restant dues au titre du deuxième semestre 2010, soit la somme de 31 152,99 euros TTC, ainsi que le respect de l'obligation de déclaration de son chiffre d'affaires au titre des 2e, 3e et 4e trimestres 2011.

Par courrier du 29 mars 2012, puis par courrier de son conseil du 25 avril 2012, la société L'Age d'Or a mis la société SW 57 en demeure de procéder au paiement des factures émises depuis 2010.

Le 10 avril 2012, la société SW 57 a fait part au franchiseur de sa décision de ne pas renouveler le contrat à son échéance le 16 octobre 2012 et a confirmé qu'elle ne réglerait pas ses redevances impayées.

Par courrier du 13 juin 2012, toujours opposée au paiement des factures, la société SW 57 a notifié à la société L'Age d'Or la résiliation anticipée du contrat de franchise, dans le délai d'un mois, selon l'article 12 du contrat.

Par la suite, la société SW 57 a continué son activité sous l'enseigne Age Solution.

Les parties ont d'abord formulé une demande de médiation le 18 décembre 2012 auprès de la Fédération Française de la Franchise, laquelle n'a pas abouti.

Le 5 mars 2013, la société L'Age d'Or a assigné la société SW 57 devant le Tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir le paiement des redevances de franchise impayées et la réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat, qu'elle jugeait abusive, ainsi que du fait d'actes de concurrence déloyale et parasitaire de la société SW 57.

Par jugement en date du 8 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la résiliation du contrat au titre de l'article 12 est intervenue à l'initiative de la société SW Services 57 avec effet au 13 juillet 2012, en application régulière, en la forme, de l'article 12 du contrat,

- condamné la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 90 563,87 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2013, en paiement des redevances impayées, après avoir rejeté l'exception d'inexécution soulevée par le franchisé,

- condamné la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation anticipée du contrat,

- débouté la société L'Age d'Or Expansion de ses demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, ainsi que de ses demandes d'interdiction sous astreinte d'utiliser le nom commercial L'Age d'Or Services,

- débouté la société L'Age d'Or Expansion de sa demande de publication du jugement,

- débouté la société SW Services 57 de ses demandes reconventionnelles,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et déboute la société L'Age d'Or Expansion pour le surplus,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie,

- condamné la société SW Services 57 aux dépens.

Constatant la situation financière compromise de la société SW 57, le Premier Président de la cour d'appel de céans a ordonné, le 25 mars 2015, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 8 octobre 2014.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par la société SW Services 57 et ses dernières conclusions notifiées et déposées le 1er juin 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger que la société L'Age d'Or Expansion a gravement manqué à ses obligations contractuelles,

- dire et juger que la société L'Age d'Or Expansion a été de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de franchise,

en conséquence,

- infirmer le jugement du 8 octobre 2014 en ce qu'il a :

condamné la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 90 563,87 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2013,

condamné la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation anticipée du contrat,

débouté la société SW Services 57 de ses demandes reconventionnelles,

condamné la société SW Services 57 à payer à la sociéte L'Age d'Or Expansion la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- confirmer le jugement du 8 octobre 2014 en ce qu'il a débouté la société L'Age d'Or Expansion de ses autres demandes de dommages et intérêts, de ses demandes d'interdiction sous astreinte d'utiliser le nom commercial L'Age d'Or Services et de publication du jugement, ainsi que de ses demandes autres, plus amples ou contraires,

et, statuant à nouveau,

- dire et juger les demandes de la société L'Age d'Or Expansion infondées et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger que la résiliation anticipée du contrat de franchise est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société L'Age d'Or Expansion,

- condamner, sauf à parfaire, la société L'Age d'Or Expansion à rembourser à la société SW Services 57 les sommes de :

14 500 euros HT au titre du remboursement du droit d'entrée,

45 557 euros HT au titre du remboursement des redevances payées,

- condamner la société L'Age d'Or Expansion à verser à la société SW Services 57 la somme de 406,74 euros au titre des factures impayées,

- condamner la société L'Age d'Or Expansion à verser à la société SW Services 57 la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 13 décembre 2016 de la société L'Age d'Or Expansion, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- recevoir la société L'Âge d'Or Expansion en ses demandes, fins et prétentions, et l'y déclarer bien fondée,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SW Services 57 à payer à la société L'Âge d'Or Expansion la somme de 90 563,87 euros TTC en application de l'article 10 du contrat de franchise du 16 octobre 2007, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2013, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'infirmer, pour le surplus,

- recevoir la société Age d'Or Expansion en son appel incident et l'y déclarer bien fondée, statuant à nouveau,

- dire et juger que la résiliation anticipée du contrat de franchise du 16 octobre 2007 par la société SW Services 57 est injustifiée et abusive,

- condamner en conséquence la société SW Services 57 à payer à la société L'Âge d'Or Expansion la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée, injustifiée et abusive du contrat de franchise,

- dire et juger que la société SW Services 57 a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du contrat de franchise,

- dire et juger que la société SW Services 57 s'est rendue responsable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme en entretenant délibérément la confusion, postérieurement à sa sortie du réseau de franchise, avec l'enseigne Âge d'Or Services,

- condamner en conséquence la société SW Services 57 à payer à la société L'Âge d'Or Expansion la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- faire interdiction à la société SW Services 57 d'utiliser le nom commercial Âge d'Or Services, sur quelque support que ce soit, sous astreinte,

- débouter la société SW Services 57 de l'intégralité de toutes ses demandes, fins et prétentions, et plus généralement de son appel,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir condamnant la société SW Services 57 dans les deux journaux quotidiens locaux L'Est Républicain et Le Républicain Lorrain, aux frais exclusifs de la société SW Services 57, dans la limite de 10 000 euros hors taxes pour chaque publication,

- condamner la société SW Services 57 à payer à la société L'Âge d'Or Expansion la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société SW Services 57 aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Vincent Ribaut ;

SUR CE,

Sur l'exception d'inexécution soulevée par la société SW 57 en défense à la demande en paiement des redevances de la société L'Age d'Or

La société SW 57, appelante au principal, qui ne conteste pas ne pas s'être acquittée de ses redevances, affirme que le franchiseur, la société L'Age d'Or, a été défaillante dans l'exécution de ses deux obligations contractuelles essentielles : le transfert d'un savoir-faire et la fourniture d'une assistance continue.

Sur le premier point, elle déplore notamment l'absence d'agence pilote, qui aurait permis au franchiseur de tester préalablement les évolutions de son concept, et prévue par la norme AFNOR et le code de déontologie européen de la franchise. Selon la société SW 57, la société L'Age d'Or n'aurait en réalité jamais testé ni expérimenté son concept d'aide à la personne. Sur l'obligation d'assistance, elle soutient en outre que la société L'Age d'Or ne lui fournissait aucune aide : elle n'aurait pas reçu de réelle contrepartie aux redevances, ni d'aide concernant ses difficultés financières. De plus, elle n'aurait pas été assistée dans l'obtention de l'agrément de qualité, et, ce, plusieurs mois après le début de son exploitation. En outre elle fait valoir que les quelques visites du personnel de la société L'Age d'Or dans son agence de Thionville auraient été inefficaces du fait du manque d'expérience de ce personnel. Elle aurait de ce fait connu des difficultés de trésorerie et de rentabilité dès le début de son exploitation. A l'appui de son argumentation, la société SW 57 communique les comptes sociaux des 136 franchisés du réseau, lesquels feraient ressortir des difficultés financières pour la majorité d'entre eux. La société L'Age d'Or aurait également commis d'autres manquements, notamment une défaillance dans son système informatique, l'inefficacité de son Internet et l'absence de développement des partenariats. La société SW 57 soutient dès lors que sa situation financière difficile, due aux manquements de la société L'Age d'Or, justifiait l'interruption du règlement des redevances et la résiliation du contrat de manière anticipée.

La société L'Age d'Or réplique que le paiement des factures de redevances constitue une obligation contractuelle, et correspond à une créance certaine, liquide et exigible, la société SW 57 ne les ayant d'ailleurs jamais contestées. Elle fait valoir que l'exception d'inexécution avancée par la société SW 57 est inopérante : la société franchisée ne se serait jamais plainte d'une absence de savoir-faire. Elle affirme qu'elle a effectivement expérimenté son concept et son savoir-faire avant le lancement du réseau ainsi que toutes ses modifications et que l'exploitation d'une agence pilote ne constitue ni une obligation légale, ni une obligation contractuelle. Par ailleurs, elle expose que son réseau de franchise ne rencontre pas de difficulté de rentabilité. Elle précise en outre, qu'afin d'apprécier la rentabilité d'une entreprise, il ne faut pas tenir compte du résultat net comptable mais de l'Excédent Brut d'Exploitation.

De plus, la société L'Age d'Or soutient que la société SW 57 ne démontre en rien qu'elle aurait manqué à son obligation d'assistance. Elle se serait même déclarée satisfaite de l'accompagnement du franchiseur à la procédure de certification, et ne serait jamais plainte de lacunes dans l'assistance du franchiseur, envisageant même une extension à Nancy en avril 2010. Les difficultés informatiques et l'inefficacité du site Internet alléguées par SW 57 seraient également infondées. Enfin, la société L'Age d'Or affirme déployer d'importants moyens pour développer et valoriser les partenariats de services.

La société SW 57, qui ne conteste pas avoir manqué à ses obligations de paiement des redevances (article 10-C du contrat), et à celles de déclaration de chiffres d'affaires (article 6-E), oppose une exception d'inexécution des propres obligations du franchiseur, doit démontrer les griefs qu'elle lui impute.

Sur l'absence de savoir-faire

Le savoir-faire est défini comme un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel. Le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, relatif aux restrictions verticales définit ainsi le savoir-faire (art. 1er, g) : " le savoir-faire signifie un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci ".

En l'espèce, la définition contractuelle du savoir-faire protégé figure à l'article 3 du contrat de franchise et se réfère, selon le préambule, à la compétence acquise par le franchiseur dans le domaine des services d'aide et d'assistance aux personnes âgées, handicapées, isolées, destinés à améliorer leur condition de vie, et notamment en favorisant leur maintien à domicile. Sa diffusion prend la forme d'un manuel reprenant les normes techniques, commerciales, informatiques (...), de qualité et de gestion appelé couramment Manop (Manuel opérationnel), qui demeure la propriété exclusive du Franchiseur et qui sera remis au Franchisé au moment de l'obtention du certificat interne de formation "Franchisé L'Age d'Or Services".

La société SW 57 ne prétend pas ne pas avoir reçu ce manuel. Par ailleurs, l'exploitation en propre d'un site pilote au début puis tout au long de l'existence du réseau ne constitue ni une obligation légale, ni en l'espèce, contractuelle. La seule obligation pesant sur le franchiseur est d'avoir éprouvé et expérimenté son savoir-faire, avec succès. Dès lors, l'absence de sites pilotes, alléguée par la société appelante et contestée par la société L'Age d'Or, ne démontre pas en soi l'absence de savoir-faire, qui est attesté par l'ancienneté du réseau, qui remonte à 1991, et dont la réussite est éprouvée. Même si l'activité était à l'origine essentiellement orientée vers le transport des personnes âgées, son élargissement à tous les services d'aide et d'assistance est ancien et expérimenté. La société franchiseur verse aux débats la liste d'un certain nombre de franchisés lauréats de son réseau, faisant ressortir leur indéniable succès et efficacité.

La société appelante ne démontre donc pas à suffisance de droit que le franchiseur ne lui aurait pas transmis de savoir-faire.

Sur le défaut d'assistance

L'obligation d'assistance, définie à l'article 5 du contrat de franchise, porte notamment sur la formation initiale, la remise de supports de communication, la mise à disposition d'un système d'information centralisé, une assistance par téléphone, une assistance directe sur les lieux de travail, tant au début de l'activité que pendant le contrat, la mise en œuvre de tous moyens afin de faciliter des accords locaux pouvant valoriser la société L'Age d'Or Services, et, enfin, la mise à disposition d'un site Internet hébergeant un "mini site" par franchisé pour sa promotion locale.

La société SW 57 ne démontre pas que le franchiseur aurait failli à ces obligations, la longue énumération à laquelle elle se livre ne pouvant pallier l'absence de tout exemple concret de refus d'assistance du franchiseur.

Les défaillances du système informatique ne sont pas établies, les messages électroniques versés aux débats échangés durant l'année 2011 ne faisant pas état d'une indisponibilité totale, mais de problèmes conjoncturels d'actualisation.

Le manquement à l'obligation du franchiseur de trouver des partenariats pour le réseau n'est pas davantage démontré.

Par ailleurs, il ne résulte pas du contrat que le "mini site" de chaque franchisé ait une autre finalité que la promotion locale ; dès lors l'absence de sites Internet qui auraient permis à chaque franchisé de vendre ses services sur le net n'est pas répréhensible au regard des prévisions contractuelles.

Enfin, la société SW 57 ne démontre pas que la lenteur avec laquelle elle a obtenu son agrément de qualité auprès de l'administration soit imputable à la société L'Age d'Or.

La plupart des reproches faits au franchiseur sont relatifs à son défaut d'assistance concernant les difficultés financières du franchisé, qu'il impute à un manque de rentabilité structurel du réseau.

Le franchiseur averti des difficultés rencontrées par le franchisé dans le cadre de la mise à jour du savoir-faire doit l'assister dans la recherche de solutions. Il doit vérifier que l'application des moyens de sa réussite se trouve convenablement réalisée par le franchisé et que ce dernier développe en conséquence une activité fructueuse.

En l'espèce, la société SW 57 ne démontre pas le défaut de rentabilité structurel du réseau, ses seules difficultés personnelles de trésorerie et de rentabilité dès le début de son exploitation ne pouvant suffire en soi à rapporter cette preuve. Si à l'appui de son argumentation, elle communique les comptes sociaux des 136 franchisés du réseau, qui feraient ressortir des difficultés financières pour la majorité d'entre eux, la société L'Age d'Or objecte à juste titre que l'excédent brut d'exploitation de ces franchisés, une fois payées les redevances de franchise comprises dans les charges, était toujours positif et nettement supérieur aux prévisions du DIP. Par ailleurs, le chiffre d'affaires de la société SW 57, en augmentation constante depuis sa création, et l'accroissement de son taux d'embauche, allant jusqu'à 18 salariés en 2010, n'attestent pas davantage de difficultés majeures de rentabilité de cette société.

En outre, elle ne fait pas état de demandes d'assistance qu'elle aurait formulées et qui seraient restées infructueuses, à l'exception d'un message électronique du 24 avril 2009 dans lequel elle faisait état de ses difficultés et demandait à être dispensée de payer les redevances restant dues pour 2008, pour le premier trimestre 2009, ainsi que les frais de marketing de 2008. La société L'Age d'Or justifie toutefois, sans être sérieusement démentie, lui avoir consenti deux avoirs en 2009 sur des frais de communication. A la suite de cet événement et jusqu'à janvier 2012, aucune autre demande d'aide circonstanciée de la société SW Services 57 n'est versée aux débats. Enfin, le franchiseur lui a consenti plus d'un an et demi de délai pour s'acquitter de l'arriéré de ses redevances à compter du troisième trimestre 2010 et jusqu'en janvier 2012.

Enfin, si elle fait valoir que les quelques visites du personnel de la société L'Age d'Or dans l'agence de Thionville ont été inefficaces du fait du manque d'expérience de ce personnel, elle n'en rapporte aucune preuve, le franchiseur n'étant au surplus pas tenu de garantir le succès du franchisé, commerçant indépendant.

Sur les changements économiques et réglementaires intervenus dans le secteur concerné

La société SW 57 affirme que les changements économiques intervenus dans le secteur du service à la personne en 2011 ont modifié l'équilibre économique du contrat : augmentation des charges patronales, augmentation de la TVA sur une partie de l'activité, et augmentation du SMIC. Elle fait valoir qu'avec le temps, la cause du contrat de franchise (avantage concurrentiel, rentabilité) a partiellement disparu, conduisant à une impossibilité pour la société SW 57 de s'acquitter de la totalité de ses redevances contractuelles. Cependant, le franchiseur la société L'Age d'Or aurait refusé de renégocier le contrat, faisant preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de franchise, et en violation de la jurisprudence Huard (Com. 3 novembre 1992). La société SW 57 indique qu'elle ne survit aujourd'hui que grâce à des aides d'Etat. Ainsi, elle soutient que son refus de régler les redevances est également justifié par le manquement de la société L'Age d'Or à son obligation de bonne foi, puisqu'elle a refusé de revoir les conditions économiques du contrat.

La société L'Age d'Or réplique que le chiffre d'affaires de la société SW 57, contrairement à ce qu'elle affirme, a été en progression constante entre 2008 et 2012, révélant un fort développement de la société. Par ailleurs, elle soutient qu'il n'existe aucune obligation de renégocier : le contrat de franchise est soumis au principe d'intangibilité des conventions (arrêt Canal de Craponne, 6 mars 1876). De plus, elle affirme que la société SW 57, professionnel indépendant, a accepté, aux termes du contrat de franchise, d'assumer les risques inhérents à son activité, en ce compris les modifications législatives, réglementaires et fiscales propres à son activité ; ce serait là un trait essentiel du statut de franchisé.

La société SW 57 reproche à son franchiseur de ne pas l'avoir aidée à surmonter ses difficultés, au besoin en renégociant les conditions financières du contrat.

La force obligatoire des conventions légalement formées énoncé par l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, dans sa version alors en vigueur, ainsi que le rejet traditionnel de la théorie de l'imprévision, s'opposent, en l'absence de toute clause en ce sens, à l'obligation de renégocier un contrat en cours d'exécution qui pourrait être mise à la charge d'une partie par le juge.

Si la Cour de cassation a pu ériger une obligation de renégociation en cas de changement imprévu de circonstances économiques, c'est lorsque l'un des contractants a fait preuve de mauvaise foi lors de l'exécution du contrat. Peut ainsi être sanctionné le comportement déloyal d'un opérateur imposant à ses distributeurs des prix d'achat les privant des moyens de pratiquer des prix de vente concurrentiels.

Dès lors, le seul changement dans les conditions économiques et réglementaires ne déclenche pas une obligation de renégociation, dont l'absence ne pourrait être sanctionnée qu'en cas de mauvaise foi d'une des parties.

Or, en l'espèce, s'il est indéniable que certains paramètres économiques avaient changé (taux de TVA, SMIC), la société appelante ne démontre pas qu'un déséquilibre contractuel en aurait résulté pour elle ou pour aucun des autres membres du réseau et que le franchiseur aurait refusé d'y remédier.

Il résulte de ce qui précède que la société SW 57 échoue à démontrer des manquements aux obligations du franchiseur et ne parvient pas à justifier son exception d'inexécution.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'inexécution soulevée par la société SW 57 et l'a condamnée à payer à la société L'Age d'Or la somme de 90 563,87 euros.

Sur la résiliation du contrat prétendument justifiée par les fautes contractuelles commises par la société L'Age d'Or

La société SW 57 soutient que sa situation financière difficile due aux manquements de la société L'Age d'Or justifiait l'interruption du règlement des redevances et la résiliation du contrat de manière anticipée. Elle soutient en outre qu'elle a bien respecté le délai de préavis d'un mois prévu au contrat et réfute tout préjudice causé à la société L'Age d'Or.

La société L'Age d'Or fait valoir que le franchisé a rompu de manière abusive le contrat de franchise, lui causant un préjudice actuel, direct et certain. Elle affirme qu'il n'a pas respecté la procédure prévue par le contrat pour mettre en œuvre la clause résolutoire (article 12 du contrat), et qu'il n'était pas fondé à mettre un terme anticipé à leur relation commerciale.

Mais aux termes de l'article 12 du contrat, celui-ci pouvait être rompu de plein droit avant son terme normal, "dans le cas d'inobservation de l'une des clauses contractuelles, et un mois après mise en demeure faite par lettre recommandée avec avis de réception par celles des parties se réclamant de cette inobservation, si le fait, à l'origine de l'intention de rupture, n'a pas trouvé de solution définitive". En cas de résiliation anticipée du fait du franchisé, "le franchiseur pourra prétendre au versement forfaitaire d'une somme équivalente aux 12 derniers mois d'activité multipliée prorata temporis par le nombre d'années restant à courir".

En l'absence de manquements de la société L'Age d'Or, le contrat a été résilié abusivement par le franchisé, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrégularité formelle de la résiliation.

Si la société L'Age d'Or demande un dédommagement sur une durée de cinq ans, le contrat ayant été renouvelé, la société SW 57 rappelle qu'elle avait demandé le non renouvellement du contrat à son terme par courrier du 10 avril 2012. Elle ne pourrait donc être tenue au-delà des trois mois qui restaient à courir à compter du 13 juillet 2012 et elle demande la réduction de la clause pénale, faute de démonstration, par la société L'Age d'Or, de la valeur nette de charges des redevances. Elle expose également que le franchiseur a consenti la zone de Thionville à son franchisé de Nancy dès la sortie du réseau de la société SW 57, ce qui minimise son éventuel préjudice (cf pièces 80 à 82 de SW 57).

Compte tenu du non-renouvellement du contrat à son échéance, seule restait à courir une durée de trois mois, de sorte que l'indemnité à allouer à titre de dommages-intérêts au franchiseur doit être évaluée sur ces trois mois, ainsi que l'ont justement décidé les Premiers Juges. Toutefois, au vu des arguments soulevés par la société SW 57, et de l'absence de justification des redevances nettes de charges, il convient de réduire à la somme de 2 000 euros l'indemnité mise à la charge de la société appelante.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les actes allégués de concurrence déloyale et de parasitisme de la société SW 57

La société L'Age d'Or soutient que la société SW 57 était tenue à une obligation de loyauté et de bonne foi non seulement au cours du contrat au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, mais également après la fin de la relation contractuelle au visa de l'article 1382 du Code civil et de l'article 16 du contrat. Elle fait valoir que pendant l'exécution du contrat, la société SW 57 aurait adopté une attitude déloyale, en tentant de créer, sur la base du savoir-faire acquis auprès de la société L'Age d'Or, une alliance avec l'un des plus importants franchisés du secteur à Nancy, ce qui aurait préjudicié aux autres membres du réseau. Elle aurait même persévéré dans sa tentative de réalisation du projet, malgré l'opposition de la société L'Age d'Or. En outre, avant d'avoir notifié la résiliation du contrat à la société L'Age d'Or, SW 57 aurait pris contact auprès de différents prestataires informatiques du réseau, en vue de sa sortie imminente de la franchise, dans le but de poursuivre la même activité. Selon la société L'Age d'Or, cette circonstance démontrerait la volonté de la société SW 57 de se placer dans son sillage afin de bénéficier des prestataires du réseau, ce qui caractérisait non seulement une pratique de concurrence déloyale mais également de parasitisme. Enfin, à la suite de la résiliation, le franchisé aurait continué à exploiter son activité d'aide à la personne avec l'enseigne L'Age d'Or. Elle aurait en outre adopté une enseigne qu'Age d'Or considère être parasitaire, " Age Solution ", dont les fortes similitudes auraient entraîné une confusion entre les deux enseignes.

Mais la société SW 57 soutient à juste titre qu'elle était en droit de continuer à travailler avec la clientèle qu'elle avait développée pendant l'exécution du contrat de franchise, n'étant tenue par aucune clause de non-concurrence post contractuelle et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir contracté avec la société Apologic en juin 2012, le prestataire informatique du réseau, pour préparer par avance sa sortie du réseau, ni d'avoir tenté de s'associer à un autre franchisé.

Enfin, sa nouvelle enseigne " Age Solution " ne peut en soi être considérée comme une imitation déloyale de l'enseigne "L'Age d'Or Services", le terme " âge " se retrouvant dans de nombreuses enseignes du service à la personne, de sorte qu'aucune confusion n'est possible avec l'enseigne " L'Age d'Or Services".

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles de la société SW 57

La société SW 57 demande le paiement d'une facture de 406,74 euros TTC pour les prestations qu'elle a réalisées dans le cadre de l'accord LOC-INFOR. Elle invoque l'absence de faute de gestion de sa part (pièce 63). La société L'Age d'Or ne répond rien à cette demande.

Il y a donc lieu de condamner la société L'Age d'Or à payer à la société SW 57 la somme réclamée.

Sur la demande de publication de l'arrêt à intervenir

Les préjudices de la société L'Age d'Or étant suffisamment réparés par le paiement des redevances impayées et l'allocation d'une indemnité de 2 000 euros, cette demande sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles

La société SW Services 57 succombant pour l'essentiel, sera condamnée à supporter les dépens et à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum de dommages-intérêts alloués à la société L'Age d'Or Expansion (11 000 euros), en réparation de la résiliation du contrat, L'infirme sur ce point, Et, statuant à nouveau, condamne la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 2 000 euros en réparation de la résiliation abusive, condamne la société L'Age d'Or Expansion à payer à la société SW Services 57 la somme de 406,74 euros au titre de sa demande reconventionnelle, condamne la société SW Services 57 aux dépens de l'instance d'appel condamne la société SW Services 57 à payer à la société L'Age d'Or Expansion la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.