CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 mai 2017, n° 14-21219
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Five Auction (GIE), Five Auction Béthune Valenciennes (SARL), Parisud Enchères (SARL), Tabutin Méditerranée Enchères (SARL)
Défendeur :
Alcopa Auction (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Chéron, Flauraud, de Wit
Faits et procédure
Le GIE Five Auction a pour activité principale le groupement de moyens, outils et ressources humaines pour faciliter la gestion interne de ses membres. Le groupement a également pour mission de constituer une plateforme administrative en vue de la promotion des biens meubles, objets des ventes volontaires. Il est actuellement constitué de trois membres, les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères.
L'activité principale de ses membres est l'estimation de biens mobiliers et l'organisation et la réalisation de ventes volontaires de véhicules d'occasion, aux enchères publiques sur différents sites en France, et par le biais du site Internet www.fiveauction.fr.
La société Alcopa Auction (ci-après " la société Alcopa ") est une société immatriculée le 30 novembre 2011, active dans la vente aux enchères de véhicules.
En décembre 2010, le GIE Five Auction était constitué des quatre sociétés suivantes : Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères, Tabutin Méditerranée Enchères et SVV Enchères Autos Five Auction Tours.
Le 4 février 2013, l'associé unique de la société SVV Enchères Autos Five Auction Tours, la société Alcopa, a décidé la transmission universelle de son patrimoine à son profit. Cette société a été dissoute par anticipation sans liquidation, cette dissolution ayant entraîné la transmission universelle de son patrimoine au profit de la société Alcopa. Celle-ci n'est pas membre du GIE Five Auction.
Le GIE Five Auction soutient avoir constaté qu'une requête " Five Auction " effectuée avec le moteur de recherche Google.fr déclenchait, par la mise en œuvre du service de référencement Google Adwords, l'affichage d'un lien commercial vers le site exploité par la société Alcopa, accompagné du message suivant : "Five Auction devient Alcopa Auction Ventes aux enchères de Véhicules". Deux constats d'huissier ont été dressés les 5 et 6 novembre 2013.
Le 8 novembre 2013, le conseil du GIE Five Auction a mis en demeure la société Alcopa de cesser de pratiquer les liens sponsorisés sur Google redirigeant le consommateur vers le site Alcopa Auction, ainsi que de cesser l'exploitation des termes " Five Auction ".
Suite à cette lettre, l'annonce litigieuse a cessé. Cependant, le GIE Five Auction soutient que l'information contenue dans cette annonce perdurerait encore sur Internet.
Le GIE Five Auction a adressé une nouvelle mise en demeure à Alcopa le 18 novembre 2013, aux fins de publication d'un communiqué sur son site Internet et du paiement d'une indemnité transactionnelle, pour l'indemniser de la confusion née de la diffusion de l'information prétendument erronée.
Le 16 janvier 2014, le GIE Five Auction et ses trois sociétés membres, les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée, ont assigné à bref délai la société Alcopa Auction devant le Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, soutenant que celle-ci avait commis des actes de concurrence déloyale et des pratiques déloyales trompeuses envers le GIE Five Auction.
Par jugement en date du 29 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit la défenderesse recevable mais mal fondée en sa fin de non-recevoir,
- dit que les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères avaient intérêt à agir et que leur action était recevable,
- débouté les demanderesses de toutes leurs demandes,
- condamné le GIE Five Auction à payer à Alcopa la somme de 13 555 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la défenderesse de ses demandes autres, plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné le GIE Five Auction aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe.
LA COUR,
Vu l'appel interjeté par le GIE Five Auction et les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 10 février 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent et a débouté la société Alcopa Auction de sa fin de non-recevoir,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le groupement d'intérêt économique Five Auction et les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et les pratiques commerciales trompeuses,
en conséquence,
- dire et juger que la société Alcopa Auction a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- dire et juger que la société Alcopa Auction a commis des pratiques commerciales trompeuses,
- interdire à la société Alcopa Auction d'utiliser, reproduire, ou imiter sous toutes ses formes la dénomination Five Auction et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 500 euros par jours par infraction constatée,
- condamner la société Alcopa Auction à verser au groupement d'intérêt économique Five Auction et aux sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée la somme de 150 000 euros au titre du préjudice subi en raison des actes de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses,
- condamner la société Alcopa Auction à verser au groupement d'intérêt économique Five Auction et aux sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner à la société Alcopa Auction la publication de l'intégralité du dispositif de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil de son site Internet www.alcopa-auction.fr/ pendant trois mois à compter du délibéré et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- ordonner à la société Alcopa Auction la publication d'une annonce rectificative à intervenir sur la page d'accueil de son site Internet www.alcopa-auction.fr/ pendant six mois à compter du délibéré et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- condamner la société Alcopa Auction aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 17 mars 2015 par la société Alcopa Auction, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et le GIE Five Auction de l'ensemble de leurs demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Alcopa Auction de sa demande au titre de la procédure abusive et le réformant,
- constater que les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et le GIE Five Auction ont introduit leur action puis ont interjeté appel de mauvaise foi et avec une légèreté blâmable,
- dire et juger que l'action intentée par les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et le GIE Five Auction est abusive,
- condamner solidairement les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et le GIE Five Auction à verser à la société Alcopa Auction la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du caractère abusif de la procédure intentée à son encontre,
- condamner solidairement les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et le GIE Five Auction à verser à la société Alcopa Auction la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères et le GIE Five Auction aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pascale Flauraud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
Sur les actes allégués de concurrence déloyale et de parasitisme imputables à la société Alcopa
Le GIE Five Auction et les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères prétendent que l'annonce commerciale publiée par la société Alcopa sur son site, annonçant " Five Auction devient Alcopa Ventes aux Enchères de Véhicules ", peut s'interpréter, par le consommateur, comme signifiant que le GIE Five Auction n'aurait plus d'existence sous cette dénomination précise, et que c'est désormais sous la dénomination Alcopa Auction qu'il exercerait son activité. Cette annonce commerciale entraînerait ainsi une confusion dans l'esprit du consommateur.
Les appelants soutiennent que cette confusion est aggravée par le fait que le moteur de recherche Google, par le biais de liens sponsorisés, redirige le consommateur vers le site de la société Alcopa lorsqu'il entre des mots-clés liés à Five Auction.
Les appelants contestent également le fait que le rachat des titres de la société SVV Enchères Autos Five Auction Tours par la société Alcopa Auction permettait à cette dernière d'utiliser la dénomination Five Auction. Tout au plus, slon les appelants, la transmission universelle du patrimoine pourrait-elle permettre à la société Alcopa d'utiliser le nom " Five Auction Tours ", mais pas la dénomination " Five Auction ", qui entraîne une confusion dans l'esprit de l'internaute.
Les appelants affirment que la poursuite de l'utilisation de la dénomination " Five Auction " jusqu'à quatre ans après le rachat démontrerait la volonté de la société Alcopa Auction de créer une confusion dans l'esprit des consommateurs. Les actes de la société Alcopa ne résulteraient donc pas d'une négligence de sa part.
Les appelants soutiennent également que le tribunal a outrepassé sa compétence en ce qu'il a statué sur les questions afférentes au droit des marques. En tout état de cause, les appelants affirment qu'il y a en l'espèce atteinte au droit des marques puisqu'une confusion a été créée.
Ils revendiquent en outre des droits privatifs sur la dénomination " Five Auction ", distincts des droits portant sur la marque : ils soutiennent que " Five Auction " est la dénomination sociale et le nom commercial du GIE Five Auction, ainsi que de ses trois sociétés membres. Or, ils font valoir que, d'après la jurisprudence, l'utilisation de la dénomination sociale et du nom commercial d'un concurrent dans une annonce publicitaire suscite un risque de confusion sanctionné sur le fondement de la concurrence déloyale. La reprise du nom commercial et de l'enseigne d'un concurrent constitue également un acte de parasitisme.
Les appelants soutiennent enfin que la confusion est corroborée par les pièces versées au débat, notamment la production d'un chèque libellé à l'ordre de la société Alcopa mais adressé à son destinataire réel (le GIE Five Auction) et l'article du journal La Nouvelle République en date du 14 mai 2013.
La société Alcopa, intimée, soutient qu'elle n'a commis aucune faute.
Elle fait valoir qu'elle n'a jamais utilisé la dénomination " Five Auction " sur son site Internet : l'information litigieuse selon laquelle le GIE Five Auction aurait été racheté par Alcopa n'aurait jamais été publiée sur le site Alcopa.
Elle soutient qu'il est possible d'utiliser le nom d'un concurrent dans les référencements de mots-clés sur Internet, sans qu'une mesure d'interdiction générale ne puisse être obtenue judiciairement ; telle serait la solution adoptée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 23 mars 2010) et la Cour de cassation (Cass. 29 janvier 2013).
La société Alcopa affirme qu'en tout état de cause, l'utilisation des mots-clés " Five Auction " dans l'annonce Google Adwords litigieuse (liens sponsorisés) n'a créé aucun risque de confusion. La société Alcopa aurait simplement mis en ligne une annonce Google Adwords dirigée vers sa page d'accueil faisant mention d'une information exacte, à savoir qu'elle avait procédé au rachat d'une société dont la dénomination et le nom commercial étaient composés du signe " Five Auction ", sans jamais indiquer avoir racheté le GIE dans son ensemble.
Par ailleurs, l'utilisation des mots-clés " Five Auction " aurait été rendue licite du fait du rachat par Alcopa de la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours : la société Alcopa soutient que la transmission universelle de patrimoine englobe la dénomination et le nom commercial de la société absorbée, en tant que droits extrapatrimoniaux, et donc l'usage des termes " Five " et " Auction ".
En outre, la société Alcopa soutient que le risque de confusion entre la société Alcopa et le GIE Five Auction ou ses membres ne résulte d'aucun élément du dossier imputable à Alcopa : le chèque et l'article de presse auxquels les appelantes font référence seraient dépourvus de valeur probante en ce qui concerne la présente action.
Elle fait également valoir que, contrairement à ce que les intimées affirment, le tribunal n'a pas jugé que les droits privatifs attachés à la marque Five Auction ont été enfreints, celui-ci n'étant pas saisi de cette question.
Enfin, la société Alcopa soutient que la nouvelle pièce versée en appel par les appelants, à savoir la copie d'un email adressé par la société Alcopa à ses clients, démontrerait au contraire l'absence totale de confusion possible entre la société Alcopa et les appelantes.
L'exploitant d'un nom commercial ou d'un nom de domaine dispose, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, d'un droit personnel à réparation des conséquences dommageables de comportements illicites de tiers, créant dans l'esprit du public un risque de confusion et constitutifs de pratiques de concurrence déloyale.
L'utilisation d'un signe distinctif par un concurrent comme mot-clés dans le service Adwords de la société Google et qui a pour effet de provoquer l'affichage d'une annonce sur la même page Internet que le concurrent, n'est pas en soi illicite, si elle n'est accompagnée d'aucun acte déloyal. En revanche, si cette utilisation est de nature à générer un risque de confusion pour l'internaute normalement informé et d'attention moyenne effectuant une recherche sur les produits semblablement commercialisés par les sociétés protagonistes exerçant dans un contexte économique de libre concurrence, elle est susceptible de revêtir la qualification de concurrence déloyale.
Le GIE et les sociétés membres utilisent la dénomination " Five Auction " dans le cadre de leur activité commerciale à titre de dénomination sociale, d'enseigne et/ou de nom commercial. Les termes " Five Auction " désignent en effet : la dénomination sociale et le nom commercial du GIE Five Option, l'enseigne et le nom commercial des sociétés Parisud Enchères et Tabutin Mediterranée Enchères, et, enfin, une partie de la dénomination sociale ainsi que l'enseigne et le nom commercial de la société Five Auction Bethune Valenciennes.
Il résulte de deux constats, effectués les 5 et 6 novembre 2013 par la SCP Meurillon, Boullier et Duflos, huissiers de justice à Houdain, que le moteur de recherche Google affichait l'annonce commerciale suivante, lorsque les termes " Five Auction " étaient recherchés : " Five auction devient Alcopa Auction Ventes aux Enchères de Véhicules ".
La dénomination " Five Auction " était également reprise dans le lien URL de l'annonce : " www.alcopa-auction.fr/Five-Auction ".
Les mêmes constatations étaient effectuées en tapant sur le moteur de recherche Google les mots-clefs suivants et correspondant aux différents sites d'enchères des appelants : " five auction béthune ", " five auction ste geneviève des bois ", " five auction marseille ", " five auction le mans ", " five auction saint die " et " five auction labouheyre ".
Il résulte de ces constatations que l'internaute recherchant le site du GIE Five Auction, à l'aide du mot-clé " Five Auction " se trouvait dirigé sur une page où figurait, en première ligne des annonces commerciales, le site de la société Alcopa, avec la mention " Five Auction devient Alcopa Auction Vente aux Enchères de Véhicules " et l'indication d'un lien comportant encore la mention " Five Auction ".
Un internaute normalement informé et d'attention moyenne effectuant une recherche sur les services du GIE Five Auction se trouvait donc orienté vers le site d'Alcopa, présentée comme la nouvelle dénomination du GIE Five Auction ou la société continuant son activité. La circonstance que le lien commercial conduisant au site du GIE soit présent sur la page d'affichage, en dessous du lien commercial orientant vers la société Alcopa et que le site d'Alcopa ne contienne en lui-même aucune mention de " Five Auction " ne permettait pas à l'internaute de se rendre compte du caractère distinct des deux personnes morales concernées. Dès lors, en se raccordant au site d'Alcopa, il pensait être connecté au site du GIE. Cette confusion ne pouvait qu'être renforcée par les autres mots-clés concernant les autres membres du GIE.
Cette pratique a donc indûment avantagé la société Alcopa dans la concurrence, car elle était de nature à détourner des clients des services commercialisés par le GIE au profit de la société Alcopa. Elle est constitutive de concurrence déloyale.
La société Alcopa prétend qu'elle pouvait légitimement revendiquer la phrase litigieuse, ayant repris les droits et obligations de l'ancien partenaire du GIE, la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours, et qu'elle pouvait [sic] le mot-clé "Five Auction" contenu dans la dénomination de cette société.
Mais à supposer que la transmission du patrimoine de la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours à la société Alcopa ait comporté la transmission de la dénomination de cette société, qui a été dissoute, la société Alcopa ne pouvait ignorer que la société Enchères Auto Five Auction Tours, dont elle était l'actionnaire majoritaire avant février 2013, était un ancien membre du GIE Five Auction et que la dénomination raccourcie utilisée par elle, " Five Auction ", allait induire un risque de confusion, alors qu'elle aurait pu reprendre la dénomination entière de " SVV Enchères Auto Five Auction Tours ". De la sorte, la société Alcopa pouvait s'approprier le prestige et l'image du GIE Five Auction auquel elle n'adhérait pas et dont la société Enchères Auto Five Auction Tours avait démissionné avant son rachat, selon les dires de l'intimée.
Si la société Alcopa prétend qu'il ne s'agissait pour elle que d'informer le public de ce rachat, elle n'en était pas moins tenue à une obligation de loyauté. Par ailleurs, la persistance de l'utilisation de la dénomination litigieuse sur son site lui-même, près de quatre ans après le rachat des titres de la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours, alors qu'il n'y avait plus lieu d'informer le public de cette cession, témoigne de la vanité de cet argument.
Contrairement aux énonciations du jugement entrepris, l'abstention des appelantes à avoir attrait la société Alcopa sur le fondement de la protection de la marque ne saurait être interprétée comme une renonciation à faire valoir leurs droits en matière de concurrence déloyale.
Les sociétés appelantes illustrent la confusion créée dans l'esprit des internautes par la pratique de concurrence déloyale en versant aux débats un chèque libellé à l'ordre de la société Alcopa Auction (pièce 7 des appelantes), en règlement d'une facture émise par la société Five Auction Béthune (pièce 8). Ce chèque a été signé le 12 novembre 2013, pendant la période d'exposition de l'annonce litigieuse, soit selon l'intimée, du 4 au 14 novembre 2013.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Sur le parasitisme
Cette demande de qualification relative à la même pratique, étant insuffisamment documentée, ne peut être examinée par la cour, qui ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer.
Sur les pratiques commerciales trompeuses de la société Alcopa
Les appelants soutiennent que, conformément à la jurisprudence, l'utilisation du nom commercial et de l'enseigne, à l'identique, d'une société concurrente pour déclencher à son profit une annonce publicitaire en ligne et créer une confusion sur l'origine des produits et services, est constitutive de pratiques commerciales trompeuses. En affirmant avoir racheté Five Auction et en créant une confusion avec son concurrent, la société Alcopa a volontairement induit le consommateur en erreur, qui pouvait légitimement penser que Five Auction n'existait plus sous cette dénomination mais sous celle d'Alcopa.
La société Alcopa ne répond pas aux allégations de pratiques commerciales trompeuses formulées par les appelants.
Selon l'article L. 121-1 du Code de la consommation : " I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...) ; f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel (...) ".
En affirmant avoir racheté Five Auction et créant ainsi une confusion avec son concurrent, la société Alcopa Auction a volontairement induit le consommateur en erreur, qui pouvait légitimement penser que Five Auction n'existait plus sous cette dénomination, mais sous celle d'Alcopa Auction, en raison notamment du message litigieux dépourvu de toute ambiguïté : " Five Auction devient Alcopa Auction Ventes aux Enchères de Véhicules ". Volonté d'induire le consommateur en erreur est également démontrée par la campagne électronique faite par le service client d'Alcopa Auction auprès de ses clients et prospects, le 13 février 2013. Dans un message électronique du 13 février 2013, en effet, ce service client a adressé aux clients et prospects une publicité afférente à son nouveau site Internet et en précisant le rachat de Five Auction Tours : " Five Action Tours devient Alcopa Auction, Alcopa Auction & Five Auction Vous souhaitent la bienvenue sur leur nouveau site Internet ! " (pièce 14 des appelants).
Ces pratiques sont donc susceptibles d'avoir altéré de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard des services de vente mobilière de la société Alcopa.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris également sur ce point.
Sur le préjudice subi par le GIE Five Auction et par ses sociétés membres du fait des pratiques de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses
Sur les dommages-intérêts
Les appelantes soutiennent qu'elles ont subi un préjudice consistant en la perte d'une partie de leur clientèle, qui s'est directement adressée à la société Alcopa pour procéder à des ventes aux enchères en ligne. Au titre de la concurrence déloyale, elles avancent qu'elles ont subi un trouble commercial, se matérialisant par l'atteinte portée à leur enseigne. Au titre des pratiques commerciales trompeuses, leur préjudice serait lié à l'altération du comportement des consommateurs du fait des pratiques.
Mais si un préjudice au moins moral s'infère nécessairement de pratiques de concurrence déloyale, il appartient à la victime de fournir des éléments d'évaluation de son préjudice.
Or, la société Alcopa relève à juste titre que les demandes d'indemnisation du GIE Five Auction et de ses membres ne sont pas justifiées, les appelantes ne produisant aucun document permettant d'établir le niveau de leurs chiffres d'affaires et leurs résultats nets, afin d'apprécier leurs situations financières respectives. La société Alcopa doit également être approuvée en ce qu'elle souligne que la demande de dommages-intérêts de 150 000 euros effectuée par les appelantes représente près de la moitié de son résultat net sur l'année 2012 et plus du double du résultat réalisé au titre de l'année 2013. De plus, la société Alcopa fait valoir que l'annonce litigieuse n'a été visible que pendant 10 jours, du 4 au 14 novembre 2013, et n'a généré que 393 clics, représentant uniquement 0,01 % du trafic enregistré sur son site Internet.
S'il convient de souligner que la confusion entretenue dans l'esprit du consommateur a duré plus que 10 jours, puisque la diffusion du message par le service client est datée de février 2013, au vu des éléments rappelés ci-dessus, il y a lieu de condamner la société Alcopa à payer aux appelantes la somme de 25 000 euros à titre de réparation.
Sur les demandes de publication
Le préjudice des appelantes étant suffisamment réparé par le versement de dommages-intérêts, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de publication de la société Five Auction et de ses sociétés membres.
Sur la demande de réparation au titre de la procédure abusive formulée par la société Alcopa
La société Alcopa réitère sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive, soutenant qu'elle serait victime d'un acharnement procédural. Les appelantes auraient, de mauvaise foi, sollicité l'autorisation d'assigner la société Alcopa à bref délai, prétextant l'urgence, laquelle serait totalement absente en l'espèce. Les appelantes auraient également, de mauvaise foi, omis d'indiquer au juge de première instance que la société Alcopa avait effectivement fait l'acquisition et absorbé la société Five Auction Tours. Elles auraient également fait preuve de mauvaise foi à plusieurs reprises dans leurs écritures en appel. Enfin, elles demandent la réparation d'un préjudice sans apporter la moindre preuve du dommage allégué.
Ces agissements auraient causé un préjudice à la société Alcopa, qui affirme avoir dû engager des frais pour sa défense, ainsi que consacrer du temps et de l'énergie à ce contentieux au lieu de le consacrer au développement de la société.
Mais, le droit à un juge constituant un droit fondamental, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente à un dol.
En l'espèce, l'action n'était manifestement pas vouée à l'échec et ne traduit pas l'intention de nuire des appelantes.
Cette demande sera donc rejetée.
Par ces motifs : infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que le GIE Five Auction et les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères avaient intérêt à agir et que leur action était recevable, Et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Alcopa pour procédure abusive, Et statuant à nouveau, dit que la société Alcopa a commis à l'encontre du GIE Five Auction et des sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères des pratiques de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses, la condamne en conséquence à leur payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, déboute le GIE Five Auction et les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères du surplus de leurs demandes, condamne la société Alcopa aux dépens de première instance et d'appel, condamne la société Alcopa à payer au GIE Five Auction et aux sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, Parisud Enchères et Tabutin Méditerranée Enchères la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.