CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 15-10894
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
EDF (SA)
Défendeur :
Sanifa-Alias (GIE), Alias (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Beaumont, Bellichach, Grappotte-Benetreau, Leclerc, Bes de Berc
Faits et procédure
La SA Électricité de France (ci-après " EDF ") est spécialisée dans le secteur de la production d'électricité.
La SAS Alias (ci-après " Alias ") est spécialisée dans le commerce de gros de fourniture et équipements industriels.
Le groupement Sanifa-Alias (ci-après " Sanifa-Alias ") est un groupement d'intérêt économique créé en avril 2008 et comprenant les sociétés Sanifa et Alias.
Le 25 mai 2005, la société EDF et le groupement Sita-Mos/Alias, Sita Mos ayant la qualité de mandataire, a conclu un contrat de prestation de services (ci-après " contrat 230 ") ayant pour objet " le traitement des déchets de corps d'échange issus de la rénovation des aéroréfrigérants des centrales nucléaires de production d'électricité (CNPE) de Bugey (les tranches 4 et 5) et Chinon (les tranches B3-B4) ".
Le contrat établissait une liste de prestations principales et complémentaires ainsi qu'un bordereau de prix précisant le coût des prestations facturées à la société EDF.
La société Sita-Mos a cessé son activité, qui a été reprise par la société Alias, qui a ensuite créé le GIE Sanifa-Alias.
Deux avenants au contrat 230 ont été signés :
- un avenant n° 1 des 8 et 27 août 2007, qui avait pour objet de rendre optionnelle la réalisation des prestations prévues sur le site de Chinon,
- un avenant n°2 du 8 février 2008, qui avait pour objet de prendre en compte la modification des conditions de stockage d'une partie des déchets, qui n'étaient plus remis sous forme de packs, mais en vrac. Ce second avenant comprenait également une clause de sauvegarde.
Le 19 octobre 2008, la société EDF a conclu un second contrat (ci-après " contrat 430 ") avec le GIE Sanifa-Alias portant sur la gestion des déchets provenant de la rénovation des autres corps d'échange des aéroréfrigérants de Bugey. Ce contrat a été conclu pour une période de 48 mois, soit jusqu'au 13 octobre 2012.
Ce contrat 430 prévoyait que la société EDF émettrait des commandes pour la réalisation des prestations, et que ces prestations seraient facturées sur la base de prix unitaires, qui étaient d'un niveau plus élevé que celui initialement prévu au contrat 230.
Au cours de l'année 2009, le GIE Sanifa-Alias a souhaité obtenir la revalorisation des prix unitaires des prestation principales prévues par le contrat 230 sur la base de ce qui avait été prévu pour le contrat 430. Un projet d'avenant n°3 a été rédigé, mais n'a jamais été ni signé ni exécuté.
Selon les dires du GIE Sanifa-Alias et de la société Alias, un avenant n° 4 portant sur la réévaluation des prix des prestations principales du contrat 230 aurait été conclu entre les parties. Ce point est contesté par la société EDF. Selon elle, l'avenant n° 4 n'a pas été signé par un titulaire de la société EDF préalablement à l'acceptation du titulaire du marché, conformément à l'article 88 de l'avenant, et ne constitue donc pas un document contractuel opposable.
Selon les dires du GIE Sanifa-Alias et de la société Alias, en juillet 2011, la société EDF était débitrice du paiement de plusieurs prestations contractuelles (prix de la location du chapiteau, jours d'arrêt d'exploitation, compléments nettoyage et analyses biologiques). Elle aurait alors adressé deux mises en demeure à la société EDF, demeurées sans réponse.
Les parties ont continué à exécuter les contrats 230 et 430 après l'expiration du terme contractuel, respectivement au 30 juin 2010 et au 13 octobre 2012.
Le 30 novembre 2012, la société Alias a renouvelé ses demandes de paiement auprès de la société EDF.
En janvier 2013, les parties se sont rencontrées pour discuter des demandes du GIE Sanifa-Alias.
Le 8 avril 2013, la société EDF a proposé un accord au GIE Sanifa-Alias et à la société Alias ayant pour objet (i) le paiement de la somme de 186 500 euros au titre des compléments de nettoyage, des analyses biologiques et du repli de chantier (ii) la renonciation à tout recours au titre de l'exécution des contrats 230 et 430.
Les relations entre les parties ont pris fin en juin 2013.
Par courriel du 18 juin 2013, la société EDF a notifié le refus d'établir une nouvelle commande sans mise en consultation. Depuis lors, plus aucune commande n'a été passée par la société EDF.
Le 3 juillet 2013, la société Alias a mis en demeure la société EDF de payer les prestations réalisées, ce que la société EDF a refusé.
Par acte du 18 novembre 2013, le groupement Sanifa-Alias ainsi que la société Sanifa ont saisi le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la condamnation de la société EDF au paiement (i) de la somme de 1 452 105 euros en exécution des contrats de prestation de services des 25 mai 2005 et du 19 octobre 2008 (ii) de la somme de 1 374 919,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (iii) en réparation du préjudice subi du fait de la menace et de la rupture brutale des relations commerciales établies.
La société EDF a sollicité du tribunal le débouté de l'ensemble de ces demandes.
Par jugement du 27 avril 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- rejeté l'exception d'illégalité,
- dit que l'avenant n° 4 formalise un accord contractuel,
- condamné la société EDF à verser à la société Alias la somme de 902 015 euros décomposée comme suit au titre de l'exécution des contrats :
o 71 015 euros au titre des prestations complémentaires,
o 243 000 euros au titre des prestations complémentaires résultant de l'évolution du marché,
o 189 000 euros au titre de la prise en charge de la location du chapiteau,
o 300 000 euros au titre de l'indemnisation des tonnages manquants,
o 99 0000 euros au titre du rempli du chantier,
- condamné la société EDF à verser au GIE Sanifa-Alias et à la société Alias la somme de 114 919,97 euros au titre de la clause de renégociation,
- dit que la société EDF a engagé sa responsabilité pour avoir menacé de rompre des relations commerciales en vue d'obtenir un avantage abusif,
- dit que la société EDF a mis fin, sans préavis, aux relations commerciales qu'elle avait noué avec la société Alias et/ ou le GIE Sanifa-Alias à la date du 18 juin 2013,
- dit que la société EDF a engagé sa responsabilité pour avoir rompu des relations commerciales sans respecter un préavis suffisant,
- condamné la société EDF à verser à la société Alias la somme de 415 311 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'insuffisance du préavis accordé,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- condamné la société EDF à verser au GIE Sanifa-Alias la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, d'office
- ordonné d'office l'exécution provisoire, sans caution à hauteur de 902 015 euros, et avec garantie pour le solde. Ces garanties pourront prendre, au choix des sociétés Alias et/ou Sanifa-Alias, la forme d'une caution bancaire, d'un séquestre à la caisse des dépôts et consignation ou d'une fiducie sûreté respectant les dispositions des articles 2018 et 2372-2 du Code civil, au profit de la société EDF, les sommes ainsi garanties n'étant libérables au profit de l'une ou de l'autre des parties qu'au vue d'une décision de justice passée en force de chose jugé ou d'un accord des deux parties pour un paiement ou une libération totale ou partielle de ce solde,
- condamné la société EDF aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 dont 17,42 de TVA.
Par acte du 27 mai 2015, la société EDF a interjeté appel du jugement rendu le 27 avril 2015 par le Tribunal de commerce de Paris.
LA COUR,
Vu l'appel interjeté par la société EDF et ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 février 2017 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- débouter le GIE Sanifa et la société Alias de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leur appel incident formé par conclusions en date du 27 octobre 2015,
- confirmer le jugement en ses dispositions d'une part, ne causant pas grief à la société EDF, et d'autre part, ayant débouté le GIE Sanifa-Alias et la société Alias de leurs demandes,
en cas de condamnation de la société EDF pour le poste chantier :
- ordonner à la société Alias et au GIE Sanifa-Alias, dans un délai d'un an à compter de la décision à intervenir, et sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard, de retirer du site l'intégralité de son installation, après avoir procédé à son hygiénisation, conformément aux termes du marché et à la réglementation en vigueur, notamment d'un point de vue environnemental, et notamment :
- démonter l'installation de traitement des packings dite la yourte avec l'ensemble des matériels entreposés à l'intérieur, l'ensemble des matériaux et l'installation seront récupérés par Alias sauf la détection incendie, les extincteurs, le lave il et l'antenne relais des DETC qui seront démontés et rendus à EDF,
- démonter l'installation de conditionnement des déchets et évacuer l'ensemble des matériels à l'intérieur de cette installation,
- évacuer le tractopelle de marque CASE présent dans un chapiteau appartenant à EDF,
- évacuer ce qui est entreposé en extérieur à savoir la cuve à fioul, l'armoire métallique verte, le parc à bouteilles de gaz et les paniers de trempage,
- dire qu'avant toute évacuation des matériels et installations du site, ceux-ci devront faire l'objet d'un traitement permettant de démontrer leur hygiénisation,
- ordonner à la société Alias et au GIE Sanifa, dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, et sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard, de communiquer toutes les informations utiles et nécessaires à la société EDF pour obtenir un permis de démolition de l'installation,
- condamner in solidum le GIE Sanifa Alias et la société Alias à verser à société EDF la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens et autoriser Me Beaumont à les recouvrer conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 23 février 2017 par le GIE Sanifa-Alias et la société Alias, intimées et appelantes à titre incident, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir la société Alias et le GIE Sanifa-Alias en leurs écritures et en leur appel incident, les en déclarer bien-fondés et en conséquence :
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a,
- limité, dans son dispositif, à 243 000 euros la condamnation de la société EDF au titre des prestations complémentaires résultant de l'évolution du marché, alors qu'il avait admis dans ses motifs le bien-fondé de la demande formée à ce titre à hauteur de 252 000 euros,
- limité à 300 000 euros au lieu des 825 000 euros sollicités l'indemnisation des concluants au titre du déséquilibre économique du contrat résultant de la différence entre le tonnage de déchets à traiter tel qu'estimé initialement et le tonnage effectivement donné à traiter, refusant de réévaluer la somme de 300 000 euros contractuellement convenue au regard du prix réévalué de 165 euros la tonne,
- rejeté la demande des concluants de voir condamner la société EDF au paiement de la somme de 548 525 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'exécution du contrat de mauvaise foi, résultant du refus de cette dernière de réévaluer le prix des prestations en cause de 2 % par an,
- limité à 415 311 euros le montant des dommages intérêts alloués à la société Alias au titre de l'insuffisance du préavis accordé, au lieu des 1 260 000 euros sollicités à ce titre,
- l'infirmer sur ces différents points,
et statuant à cet égard de nouveau :
- condamner la société EDF à verser la somme de 252 000 euros en paiement du coût des compléments de nettoyage, de la construction et l'installation du sas de sécurité,
- dire que la compensation du déséquilibre économique du contrat du fait de la différence entre le tonnage de déchets à traiter tel qu'estimé initialement et le tonnage effectivement donné à traiter doit être opérée au prix réévalué de 165 euros la tonne convenu dans l'avenant n° 4,
et en conséquence,
- condamner la société EDF à verser à la société Alias et au GIE Sanifa-Alias à ce titre la somme de 825 000 euros,
- dire que le refus de la société EDF de réévaluer les prix de 2 % par an sur toute la période d'exécution du contrat constitue une violation par la société EDF de son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et de garantir au GIE et à la société Alias la possibilité de poursuivre leur activité dans des conditions économiques viables,
et en conséquence,
- condamner la société EDF à payer au GIE et à la société Alias la somme de 548 525 euros à titre de réparation du préjudice subi de ce fait,
- dire que l'indemnisation due à la société Alias en réparation du préjudice subi du fait de la menace, puis de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société EDF doit être calculée sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires réalisé par la société Alias durant toute la durée desdites relations commerciales, soit huit années, soit un chiffre d'affaires moyen égal à 630 000 euros, et sur la base d'une durée du préavis à respecter par la société EDF de deux ans,
et en conséquence,
- condamner la société EDF à verser à la société Alias à ce titre la somme de 1 260 000 euros,
par ailleurs,
- rejeter la demande d'injonction sous astreinte formulée par la société EDF à l'encontre de la société Alias et du GIE Sanifa-Alias visant à les voir procéder au repli du chantier, comme étant non fondée,
- donner acte à la société Alias qu'elle s'engage à replier les installations en cause en se conformant aux dispositions contractuelles et réglementaires en vigueur et ce, dans un délai d'un an à compter de l'obtention de la part de la société EDF (i) des autorisations d'accès au site requises pour les membres de son personnel et les membres du personnel de tout prestataire que la société Alias mandaterait à l'effet de l'assister, tels qu'elle en aura adressé la liste à la société EDF, et (ii) de la justification de l'obtention du permis de démolir requis le cas échéant.
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait néanmoins faire droit à la demande d'injonction formée par la société EDF,
- limiter les termes de cette injonction en ordonnant à la société Alias de replier les installations en cause conformément aux dispositions contractuelles et réglementaires en vigueur et ce, dans un délai d'un an à compter de l'obtention de la société EDF (i) des autorisations d'accès au site requises pour les membres de son personnel et les membres du personnel de tout prestataire que la société Alias mandaterait à l'effet de l'assister, tels qu'elle en aura adressé la liste à la société EDF, et (ii) de la justification de l'obtention du permis de démolir requis le cas échéant,
- rejeter la demande d'injonction sous astreinte formulée par la société EDF à l'encontre de la société Alias et du GIE Sanifa-Alias visant à les lui voir communiquer toutes informations utiles et nécessaires en vue de l'obtention d'un permis de démolir l'installation,
- rejeter autres demandes, prétentions et fins de non-recevoir formulées par la société EDF,
- condamner société EDF à payer à la société Alias la somme de 8 022,58 euros au titre du remboursement des frais d'huissier engagés pour l'exécution du jugement entrepris,
- condamner la société EDF à payer au GIE Sanifa-Alias et à la société Alias la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, venant s'ajouter à la condamnation prononcée par le premier juge à ce titre,
- condamner la société EDF aux entiers dépens de première instance et d'appel, le cas échéant, en ce compris les frais d'huissier engagés au titre de l'exécution forcée du jugement entrepris, couvrant en particulier le droit proportionnel tel que prévu à l'article A.444-32 du Code de commerce ;
SUR CE,
Sur les demandes en paiement formées par le GIE Sanifa-Alias et la société Alias
La société EDF soutient que les demandes de paiement formées par le GIE Sanifa-Alias et la société Alias doivent être rejetées, notamment parce que celles-ci ne démontrent pas le bien-fondé de leurs demandes. En effet, les demandes formées sur l'avenant n° 4 doivent être rejetées, puisque :
- l'avenant n° 4, qui n'a pas été signé par la société EDF, ne constitue pas un document contractuel qui lui est opposable. Selon elle, l'avenant n° 4 n'a pas été signé par un représentant d'EDF dûment habilité et désigné en page de garde, préalablement à l'acceptation du titulaire du marché, conformément à l'article 88 de l'avenant,
- le titulaire du marché n'a jamais présenté le décompte définitif faisant ressortir le montant total des sommes auquel il prétend du fait de l'exécution du marché, conformément à l'article 24.2 des CGA qui sont applicables aux deux marchés,
- le GIE Sanifa-Alias et les sociétés Alias ne peuvent s'appuyer sur un prétendu compte-rendu de réunion pour asseoir leurs demandes, étant donné que ce document a été établi par eux seuls et n'a pas valeur contractuelle.
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que l'avenant n° 4 au contrat 230 constitue un contrat valable, même en l'absence d'écrit.
En effet, il y a eu, selon les intimés, rencontre des volontés de la société EDF et du GIE Sanifa-Alias sur les termes de cet avenant :
- la société EDF a rédigé cet avenant en des termes fermes et précis, en précisant le nom des parties, l'objet du contrat, ses conditions essentielles dont le prix,
- le GIE Sanifa-Alias a donné son accord exprès à cet avenant.
De plus, la société EDF ne prouve pas que les parties ont entendu soumettre la validité de l'avenant à la signature d'un original par un représentant d'EDF.
Enfin, l'avenant n° 4 a été exécuté par les parties, notamment pour le règlement des réparations des chapiteaux suite à leur effondrement en 2010.
Sur l'applicabilité de l'avenant n° 4 au contrat 230
L'article 88 de l'avenant n° 4 prévoit : " acceptation de l'avenant- L'acceptation de l'avenant implique de la part du Titulaire, une approbation de toutes les clauses figurant dans les pièces constitutives de l'avenant. Le Titulaire accepte l'avenant en retournant sous quinze jours à compter de la date de signature par l'Entreprise, un des exemplaires originaux après avoir complété le cadre inférieur droit de la première page et paraphé toutes les autres pages. (...) À défaut de retour de ce document ou si la prestation a débuté, l'avenant est considéré comme accepté par le Titulaire sans restriction ni réserve, hormi les cas d'erreurs manifestes sur les clauses " Prix ", " Délais d'exécution " et " Pénalités ".
Cette clause prévoit donc l'envoi préalable par EDF de l'avenant signé par elle au Titulaire du marché, puis la signature du Titulaire sous 15 jours.
Pour que l'acceptation d'une offre emporte la conclusion d'un concours de volontés, encore faut-il que l'offre existe préalablement. Or, l'avenant n° 4 n'a jamais été envoyé signé par EDF. Le simple fait que la société Titulaire du marché ait reçu d'EDF un projet d'avenant non signé ne saurait en effet valoir de sa part offre ferme et définitive, ce projet d'avenant ayant été envoyé au Titulaire pour négocier.
Les deux avenants au contrat 230 ont d'ailleurs suivi ce processus de signature préalable par EDF, puis par le Titulaire, ainsi qu'en attestent les dates des signatures respectives, visibles sur l'avenant numéro 1.
Dès lors, la prétendue " acceptation " tacite, par la société Sanifa, du projet d'avenant, retourné le 22 mars 2010 à la société EDF, ne saurait avoir un quelconque effet juridique.
Si la société intimée prétend que l'avenant a été exécuté par les parties, ce qui démontrerait l'accord préalable d'EDF, elle n'en rapporte pas la preuve. En effet, si elle affirme que le règlement des réparations des chapiteaux a été opéré en exécution de l'avenant, le prix réglé par EDF s'élevant à 40 000 euros, ce qui est conforme à l'annexe 2 " bordereau de prix unitaires ", la pièce 13 qu'elle produit au soutien de cette assertion est constituée d'un tableau rédigé par elle qui n'a pas de valeur probante.
Les sociétés intimées sollicitent le paiement de trois redémarrages d'installation, de dix arrêt d'exploitation et de 15 analyses biologiques complémentaires pour un montant total de 71 015 euros.
Sur le règlement des jours d'arrêt et des redémarrages
La société EDF soutient à juste titre que les intimées ne peuvent obtenir un complément de prix pour l'arrêt et le redémarrage des installations, dès lors que le contrat 230, les deux avenants et le contrat 430 ne prévoient aucun prix d'ajustement pour les arrêts d'exploitation à la demande de l'entreprise et pour les redémarrages. Cette demande sera donc rejetée.
Sur le règlement des analyses biologiques
La société EDF soutient que les intimées ne peuvent obtenir le paiement des analyses biologiques complémentaires effectuées, le contrat 230 ne prévoyant que la réalisation de cinq analyses biologiques au prix de 1 125 euros l'une.
Les intimées ne concluent pas sur ce point et ne démontrent pas qu'EDF aurait donné son accord pour payer des analyses complémentaires. Cette demande sera donc également rejetée.
Sur le règlement des tonnages manquants
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF a accepté, lors des négociations de l'avenant n° 4, de leur verser le prix convenu par le contrat 320, soit 300 000 euros, au titre de la différence entre la quantité de déchets initialement prévue et la quantité de déchets effectivement traitée. Or, les intimées soutiennent que ce montant doit être réévalué, en considération du prix de la tonne réévalué à 165 euros dans le cadre de l'avenant n° 4.
La société EDF soutient que le GIE Sanifa-Alias et la société Alias ne sont pas fondés à demander une compensation pour la diminution du tonnage de déchets à traiter, dès lors que la société EDF ne s'était pas engagée sur un volume minimum de déchets à traiter.
Mais le volume de déchets à traiter n'est donné qu'à titre estimatif dans le marché 230 (article 4.2). Par ailleurs, l'article 23 de conditions particulières d'achat, applicable à ce marché, prévoit un plafond d'augmentation de la masse des déchets à traiter sans qu'aucune disposition de ces conditions d'achat ne prévoit que la société EDF s'engage sur une quantité minimale de déchets à traiter.
Les sociétés intimées versent aux débats un " dossier de réclamation " du 18 février 2009, faisant état d'un accord sur la facturation du delta du tonnage à la fin du chantier. Mais ce dossier, dont les rédacteurs ne sont pas mentionnés, n'est pas signé. Le seul fait qu'il porte la double en tête de EDF et du GIE ne saurait suffire à caractériser un accord de volontés sur une compensation de tonnage.
De même, si la lettre du GIE datée du 11 juillet 2011 met en demeure EDF de s'acquitter d'un certain nombre de sommes dont le " récapitulatif des principaux points (aurait) fait l'objet d'un accord EDF GIE Sanifa Alias ", lors des discussions sur l'avenant n° 4, et, notamment, le " Paiement du défaut d'amortissement : le contrat initial engage formellement EDF à nous fournir 13 000 tonnes de packing à traiter. A peine 8 000 tonnes ont été fournies. Au titre du défaut d'amortissement de nos équipements, ce manque à gagner reste légalement dû. Prix calculé à partir du BPU : 300 000 euros ", EDF n'a jamais répondu à ce courrier et il ne peut être prétendu qu'elle a accepté de régler le prix demandé en acceptant l'avenant n° 4 qu'elle n'a pas signé.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la location du chapiteau de conditionnement
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF est tenue au paiement de la location du chapiteau, conformément aux contrats 230 et 430.
La société EDF soutient que les intimées ne peuvent être indemnisées du prix de la location du chapiteau de conditionnement, puisque le contrat ne prévoyait pas la rémunération spécifique de la location du chapiteau. En effet, le prix des moyens de conditionnement était compris dans le chiffrage applicable au conditionnement des déchets en vrac pour la durée du chantier.
La société Alias prétend avoir loué un chapiteau pendant une année permettant d'entreposer les déchets dans le nouveau conditionnement résultant de l'avenant n° 2 du contrat 230. Elle expose que la durée de location est passée de un à quatre ans avec la signature du contrat 430.
Mais aucune disposition de l'avenant n° 2 ou du contrat 430 ne prévoit une disposition spécifique pour la location de chapiteau de conditionnement. Il en résulte que la rémunération de ce mode de conditionnement est comprise dans le " prix 1.8 " qui couvre le conditionnement des déchets et s'applique à la tonne prise en charge.
La société intimée fonde encore ses demandes sur le " dossier de réclamation " du 18 février 2009, faisant état d'un accord sur la majoration du prix d'origine en fonction de cet allongement. Mais ce dossier, anonyme et non signé ne saurait, nonobstant le fait qu'il porte le double en tête de EDF et du GIE, suffire à caractériser un accord de volontés sur ce point.
Cette demande sera donc également rejetée.
Sur le prix de conditionnement des déchets en vrac
Contrairement aux intimées, la société EDF soutient à juste titre que les parties ne se sont pas accordées sur une réévaluation du prix de la prestation de conditionnement des déchets sur la somme de 165 euros la tonne. En effet, ce prix s'appuie sur l'avenant n° 4 qui n'est pas applicable.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur le complément de nettoyage
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF leur a demandé d'effectuer des compléments de nettoyage des abords du site de traitement des déchets, en sus du nettoyage complet et journalier des ouvrages prévu contractuellement, pour un montant forfaitaire annuel de 54 000 euros. Ainsi, elles auraient effectué ces nettoyages complémentaires de janvier 2009 à juin 2013, ce qui justifierait le paiement de la somme de 243 000 euros par la société EDF.
La société EDF soutient que les intimées ne peuvent obtenir le paiement des compléments des nettoyages effectués, dès lors qu'elle n'a pas donné son accord pour ces compléments de nettoyage.
Aucune pièce du dossier ne vient corroborer les prétentions des intimées selon lesquelles des prestations complémentaires de nettoyage, non comprises dans les prix unitaires du bordereau de prix, auraient été demandées par EDF et dont la facturation distincte aurait été prévue.
La lettre adressée par la société Sanifa Suez à la société EDF ne fait pas état d'un règlement distinct mais relate les conditions du nettoyage. Par ailleurs, l'avenant 4 du contrat 230, sur lequel les intimées fondent leur demande, n'est pas opposable à EDF.
Cette demande sera donc également écartée.
Sur le règlement du sas de sécurité
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias prétendent que la société EDF est débitrice de la somme de 19 000 euros correspondant à la construction d'un sas de sécurité dont elle a demandé l'installation et validé le prix conformément à l'avenant n° 4 du contrat.
La société EDF soutient que le coût de la mise en conformité du sas de sécurité ne saurait être mis à sa charge dans la mesure où cette structure a été réalisée sans être conforme à la déclaration transmise à l'Agence de Sécurité Nucléaire.
Aucune pièce du dossier ne vient corroborer l'existence d'une demande d'EDF pour l'installation d'un nouveau sas de sécurité non compris dans le prix de la structure tel que prévue par l'avenant 2 du contrat 230, et correspondant à une demande spécifique de la société EDF en octobre 2009. Cette demande sera donc rejetée.
Sur le repli de chantier
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias exposent que la société EDF est débitrice du prix du repli de chantier, pour la somme forfaitaire de 99 000 euros, conformément aux contrats 230 et 430.
La société EDF soutient que le contrat 430, sur lequel se fondent les intimées, ne prévoit pas de prix de retrait de chantier mais s'en remet à la cour. Relevant que la société Alias n'a pas exécuté sa prestation, elle demande à la cour de lui enjoindre son exécution sous astreinte.
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société Alias n'a jamais refusé de procéder au repli du chantier, et que c'est la société EDF qui s'y est opposée en refusant de prendre en charge le coût de la prestation.
Le contrat 230 prévoit qu'EDF prendra en charge le repli du chantier final à l'expiration du contrat couvrant " les frais de personnel et de matériel liés à la dépose finale définitive des installations mises en place pour l'exécution des prestations " pour la somme forfaitaire de 99 000 euros.
Il n'est pas contesté que cette prestation n'a pas été exécutée et n'a pas été réglée.
Il y a lieu de condamner la société EDF à payer aux sociétés GIE Sanifa-Alias et la société Alias la somme de 99 000 euros du chef de cette demande et d'enjoindre aux sociétés GIE Sanifa-Alias et Alias d'exécuter les prestations correspondantes dans un délai d'un an à compter de l'arrêt à intervenir, de retirer du site l'intégralité de son installation, après avoir procédé à son hygiénisation conformément aux termes du marché et à la réglementation en vigueur.
Sur la prétendue mauvaise foi de la société EDF
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF a manqué à son obligation de bonne foi en refusant d'appliquer la clause de sauvegarde prévue au contrat et en refusant de réévaluer les prix initialement prévus de 2 %.
La société EDF soutient qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'exécution du contrat de bonne foi en refusant d'appliquer la clause de renégociation du prix et en refusant de réévaluer les prix à 2 % par an. En effet :
- le GIE Sanifa-Alias et la société Alias ne prouvent pas que la clause de renégociation stipulée dans le contrat 230 était applicable,
- la réévaluation du prix de 2 % résultait de négociations qui n'ont jamais abouti,
- il n'existait pas de clause de révision du prix dans les contrats.
Selon l'article 1134 du Code civil, dans sa version en vigueur eu moment des faits, " les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ".
En présence d'une clause de renégociation, les parties doivent négocier un nouvel accord loyalement et conformément aux modalités prévues à la clause.
L'avenant n° 2 du contrat 230 prévoyait que " dans le cas où la prestation de conditionnement des déchets en vrac (objet du prix unitaire 1.8 du bordereau des prix unitaires, annexe n° 1 du présent avenant n° 2) se présenterait dans des conditions sensiblement différentes de celles ayant servi d'hypothèses à l'élaboration du présent avenant n° 2, pour des raisons indépendantes du [groupement d'entreprises], les Parties se rencontreront afin de procéder à l'examen de bonne foi de la situation et de déterminer en commun les modalités selon lesquelles le marché pourrait être poursuivi dans des conditions d'équilibre similaires à celles qui ont prévalu au moment de sa signature ".
Cet avenant avait pour objet de prendre en compte la modification des conditions de stockage d'une partie des déchets, désormais remis, non plus sous forme de packings, mais en vrac aux sociétés de traitement, lesquelles se trouvaient donc contraintes de les reconditionner et de mettre en place à cet effet une nouvelle installation. Un poste " conditionnement des déchets en vrac " (8.1) prévoyait le versement spécifique de 138,79 euros/tonne à ce titre.
Cependant, la nouvelle configuration des déchets à traiter a nécessité également de multiplier les manipulations des déchets pour leur hygiénisation, augmentant leur temps de traitement et diminuant donc le rendement de l'activité de traitement, étant rappelé que le GIE et la société Alias étaient payés au nombre de tonnes de déchets traités. En mars 2010, la société EDF a accepté de réévaluer le prix des prestations de traitement prévu au contrat 230 (le prix de la prestation d'hygiénisation s'élevait à 165 euros H.T./tonne contre 62,90 euros H.T./tonne).
Les intimées soutiennent que EDF aurait tardé abusivement et de mauvaise foi à appliquer la clause de renégociation en modifiant les tarifs des prestations de traitement seulement en mars 2010, alors que l'économie du contrat était bouleversée dès février 2009.
Mais les circonstances dans lesquelles la société EDF, qui n'était tenue d'aucune obligation de résultat, mais d'une simple obligation de moyens, a négocié avec les intimées ne caractérisent ni une quelconque mauvaise foi ni le refus d'appliquer la clause de renégociation, la circonstance que les négociations aient duré plus d'un an ne révélant pas en soi cette mauvaise foi.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a sanctionné la société EDF pour refus d'appliquer la clause de renégociation.
La société Alias, qui fait état de graves difficultés financières du fait du déséquilibre financier intrinsèque du contrat n'étaye ses assertions que par la production de ses comptes, de 2006 à 2012, qui ne permettent pas en eux-mêmes à la cour d'apprécier ce déséquilibre intrinsèque (pièce 14 des intimées).
Par ailleurs, le refus de réévaluation des prix de 2 % par an ne révèle pas davantage la mauvaise foi d'EDF. En l'absence de clause de révision de prix, celle-ci n'était nullement tenue de procéder à une révision des prix en fonction des circonstances économiques impactant le prix de la prestation de revalorisation. L'offre faite par la société EDF (message du 23 avril 2013), en cours de pourparlers consistant à proposer la réévaluation de 2 %, mais avec d'autres conditions, n'a pas été acceptée par les intimées en raison de motifs qui leur sont propres.
Sur la menace de rupture brutale de la relation commerciale établie
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF s'est rendue coupable de menace de rupture des relations commerciales établies. Dans le cadre des négociations qui se sont tenues en janvier 2013 relativement au paiement des prestations contractuelles, elle aurait menacé la société Alias de rompre leur relation commerciale de huit années en cas de refus par celle-ci de son offre. La société EDF aurait en effet proposé le paiement d'un montant correspondant à 15 % de la somme réellement due au titre du contrat, en contrepartie de l'abandon de tout recours judiciaire relatif aux contrats 230 et 340. Or, l'acceptation des conditions posées par la société EDF était le préalable obligatoire à la poursuite des relations commerciales entre les parties.
La société EDF soutient qu'elle n'a pas usé de chantage économique pour contraindre le GIE Sanifa-Alias et la société Alias à accepter des conditions commerciales manifestement abusives et la signature d'un protocole transactionnel avait pour unique objectif de mettre fin au différend entre les parties.
L'article L. 442-6, I, 4°, du Code de commerce dispose qu'" engage la responsabilité de son auteur le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ".
Pour démontrer cette pratique, il faut donc rapporter la double preuve de l'existence d'une menace et du caractère manifestement abusif ou non justifié des conditions réclamées sous cette menace.
En l'espèce, en janvier 2013, le GIE Sanifa-Alias et la société Alias étaient en discussion avec la société EDF pour l'obtention du paiement des prestations accomplies au titre de l'exécution du contrat : la compensation de trois redémarrages d'installation et de dix arrêts d'exploitation, réalisation de 15 analyses biologiques complémentaires, le paiement du prix de la location d'un chapiteau durant plus de quatre ans, la construction d'un sas de sécurité, la prise en charge de compléments de nettoyage, la compensation de la différence de tonnage de déchets à traiter entre celui estimé dans le contrat initial et celui effectivement donné à traiter, et la revalorisation des prix de traitement des déchets (pièce n° 20 des intimées).
Par courrier du 8 avril 2013 (pièce 21 des intimées), la société EDF a alors formulé la proposition de prendre en charge certaines seulement de ces prestations, à savoir les compléments de nettoyage, les analyses biologiques et le repli de chantier. Puis, dans un courrier du 23 avril 2013, elle a ajouté à ces prestations une réévaluation du prix du traitement de 2 % sur les 4 dernières années du contrat et les arrêts d'exploitation.
La société EDF chiffrait sa proposition à 186 500 euros comprenant 99 000 euros relatifs au repli de chantier et 87 500 euros pour le reste des prestations susvisées (pièce n° 22). En contrepartie de quoi, le GIE Sanifa-Alias et la société Alias devaient renoncer à tout recours contre EDF pour l'exécution des contrats n° 230 et n° 430 (pièce 24).
Il résulte des pièces du dossier que l'acceptation du protocole par la société Alias constituait une condition nécessaire, mais non suffisante, pour envisager la poursuite des relations. La société Alias était donc menacée d'une rupture.
Ainsi, la société EDF a écrit à la société Alias le 23 avril 2013 : " tant que nous n'avons pas réglé le différend en cours aux conditions susdites, il est inenvisageable de débattre d'une éventuelle poursuite de nos relations ". De même, le 29 avril 2013, en vue de la tenue de la réunion du 2 mai 2013, la société EDF écrivait à la société Alias : " nous souhaiterions que vous nous confirmiez par écrit, avant votre présentation, que vous acceptez le montant proposé par mail du 23 avril 2013 et que vous vous engagez à renoncer à tout recours au titre des marchés C452C40230 et C452C71430 ainsi qu'au titre de la commande 4300677533. Cet engagement sera régularisé par signature d'un protocole transactionnel à venir. Nous tenons aussi à vous souligner que nous ne souhaitons aucunement entrer en pourparlers avant la signature du protocole susdit et que la rencontre envisagée ne saurait être assimilée à de tels pourparlers " (pièce n° 24 des intimées).
Toutefois, la société Alias ne démontre pas que EDF ait tenté d'obtenir, par cette menace, " des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente "
En effet, si elle soutient que la proposition transactionnelle d'EDF correspondait à moins de 15 % de la somme qui était due à la société Alias au titre des prestations contractuelles prévues et réalisées et qu'ainsi, la société EDF lui demandait de renoncer à une partie substantielle de sa rémunération, sans justification aucune, il a été vu plus haut que les prestations dont le paiement était demandé et le surprix de 2 % n'étaient pas prévues dans les contrats 230 et 430 et que l'avenant n° 4 n'a pas été accepté par EDF. Il en résulte qu'il n'est pas démontré que l'offre d'EDF était manifestement sous-évaluée par rapport aux prix des prestations effectuées et prévus contractuellement.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF est responsable au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, au vu d'une relation commerciale entre les parties suivie, stable et continue pendant huit ans, et d'une absence de préavis écrit.
La société EDF soutient qu'il n'y a pas de rupture brutale des relations commerciales établies. En effet, la société Alias est à l'origine de la rupture des relations commerciales, en interrompant l'exécution du contrat et en abandonnant le chantier, du fait du désaccord existant entre les parties sur le prix des prestations contractuelles. Par ailleurs, elle soutient que la société Alias savait dès 2010 qu'un appel à la concurrence était envisagé.
Selon l'article L. 442-6, I, 5 du Code du commerce, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. [...] Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
La société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.
Les deux parties s'opposent sur la nature de leurs relations, le point de départ, l'imputabilité de la rupture et son caractère brutal.
Sur la nature des relations
Il résulte des marchés 230 et 430 que, conclus respectivement les 25 mai 2005 et le 19 octobre 2008, ils étaient en vigueur jusqu'au 30 juin 2010 et au 13 octobre 2012, ainsi que le reconnaît EDF dans ses conclusions (page 17 note de bas de page n° 3).
Les relations entre les parties ont néanmoins perduré jusqu'en mai 2013. Il en résulte que ces contrats ont été renouvelés, soit tacitement, soit par la passation de commandes par EDF, qui justifie de telles commandes, de novembre 2012 à mai 2013. Un flux continu d'affaires existait donc entre les parties.
EDF ne justifie d'aucune mise en concurrence qui aurait pu entacher ces relations de précarité. Elle se contente de verser aux débats un courrier du 29 septembre 2010 adressé à la société Alias, dans lequel elle annonce un " marché permettant de couvrir la prestation du 01/09/2010 au 30/06/2011 ", précisant que " cette période sera mise à profit par EDF pour élaborer et attribuer un marché pluriannuel sur cette activité ". Il était indiqué que la société serait invitée à concourir et pourrait ne pas être retenue. Toutefois, EDF ne justifie pas de cette mise en concurrence. Ce seul courrier ne peut démontrer le caractère précaire de la relation, car il suffirait de menacer un partenaire d'hypothétiques et illusoires mises en concurrence pour écarter l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Enfin, la société EDF se fonde également à tort sur un courrier du 23 septembre 2013 pour prétendre prouver qu'elle avait averti la société Alias de la précarité de leurs relations. Dans ce courrier, en effet, elle se contente d'écrire que comme elle lui avait à maintes fois indiqué, elle-même n'avait aucune certitude quant à ses besoins futurs en matière d'hygiénisation. Mais cette mention selon laquelle cette indication aurait été plusieurs fois donnée n'est corroborée par aucune pièce du dossier.
EDF n'a d'ailleurs publié un avis de marché qu'au 5 décembre 2015, soit plus de deux ans et demi après la rupture, sans justifier de contraintes techniques justifiant ce délai.
Sur le caractère brutal de la rupture
En l'espèce, force est de constater qu'aucun formalisme n'a été respecté. En effet, aucune lettre recommandée avec avis de réception, ni aucun autre écrit n'a été envoyé par la société EDF à la société Alias, voire au GIE, leur notifiant sa volonté de mettre fin à la relation commerciale. En outre, la société EDF a rompu la relation commerciale sans préavis écrit ou oral. Elle a informé du jour au lendemain la société Alias qu'elle mettait un terme à [leur] car elle projetait d'organiser un nouvel appel d'offre, ainsi qu'il résulte de la pièce 25 des intimées : " Concernant votre demande, notre contrôleur de gestion refuse de nouveau d'établir une commande sans mise en consultation. Les montants mis en jeu sont beaucoup trop importants. Nous ne pouvons donner suite à votre demande ". Le motif n'était pas une prétendue mise en concurrence, jamais sérieusement envisagée, mais le refus de la société Alias d'accepter la transaction. Dès ce jour, EDF a cessé d'adresser des commandes à son cocontractant.
Par ailleurs, la société EDF, qui excipe d'un courrier en date du 23 septembre 2013, ne démontre pas que la société Alias aurait fautivement " suspendu unilatéralement depuis la fin du mois de mai " l'exécution des prestations (pièce 27 des intimées), la cour n'ayant aucun élément lui permettant de constater ce défaut d'exécution. En toute hypothèse, l'inexécution des prestations de repli de chantier, à supposer qu'elle constitue pour EDF cette inexécution, ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier une rupture sans préavis, cette inexécution résultant d'un litige sur le prix des prestations, comme il a été vu plus haut.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé brutale la rupture des relations commerciales entre les parties.
Sur l'indemnisation
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que la société EDF aurait dû respecter un préavis de deux ans, en considération notamment de la spécificité du marché en cause et de la dépendance économique totale de la société Alias, qui réalisait 100 % de son chiffre d'affaires avec la société EDF. Les intimées demandent une indemnisation à hauteur de 1 260 000 euros.
La société EDF soutient que le GIE Sanifa-Alias et la société Alias doivent être déboutés de leurs demandes indemnitaires, puisque la société EDF ne s'est rendue coupable d'aucune menace ou d'aucun abus dans la rupture des relations commerciales. A titre subsidiaire, la société EDF demande une diminution du quantum de l'indemnisation.
Sur la durée du préavis
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné. La durée du préavis doit être fixée à une durée suffisante pour permettre à l'entreprise de se réorienter, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique. Le délai de préavis suffisant s'apprécie au moment de la notification de la rupture.
Compte tenu de la durée des relations commerciales, de huit ans, de la spécificité et de l'étroitesse du marché en cause, qui touche à des procédés et des matériaux réservés à certaines industries seulement et qui sont l'apanage des seuls groupes industriels, rendant compliquée la recherche de nouveaux contrats et de la totale dépendance économique de la société Alias vis-à-vis de la société EDF dès que la société Alias réalisait 100 % de son chiffre d'affaires avec celle-ci, sans qu'il puisse lui être reproché de s'être volontairement placée dans cette situation, il convient de fixer à douze mois la durée du préavis qui aurait dû lui être octroyée.
Sur le calcul du préjudice
Le préjudice ne résulte pas de la rupture, mais du caractère brutal et sans préavis de cette rupture qui ne permet pas à la partie qui la subit de prendre les dispositions nécessaires en temps utile pour réorienter ses activités. N'est donc réparable que le préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non le préjudice découlant de la rupture elle-même.
La victime de la rupture brutale peut, sur le fondement des dispositions de l'article 1149 du Code civil, dans sa version alors applicable, réclamer à son cocontractant une indemnisation au titre du gain manqué et de la perte subie.
Le gain manqué correspond à la marge que la victime de la rupture pouvait escompter tirer pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté. Il correspond au chiffre d'affaires perdu pendant cette période dont il faut déduire les charges variables qui auraient dû être engagées pour réaliser ce chiffre d'affaires et que l'entreprise a pu économiser.
Selon la concluante, le montant de cette indemnité devait alors être calculé sur la moyenne du chiffre d'affaires réalisé par ses soins durant les huit années de relations commerciales, à savoir un total de 4 668 700 euros et une moyenne annuelle d'environ 630 000 euros de chiffre d'affaires. Elle demande donc le double en dédommagement pour un préavis de deux ans.
EDF conteste la prise en compte, par le tribunal de commerce, des deux derniers exercices pour calculer le chiffre d'affaires moyen, soit 2011 et 2012.
Le chiffre d'affaires moyen annuel sera calculé sur la moyenne des trois dernières années précédant la rupture, soit 494 441 euros (733 812 + 462 832 + 286 680/3). Mais le seul chiffre d'affaires ne peut être pris en considération, compte tenu des charges économisées pendant ce préavis. Le tribunal les a évaluées à 40 000 euros, sans être sérieusement démenti. Il convient donc de retenir une marge perdue de 454 441 euros sur 12 mois et 378 701 euros sur dix mois.
La société EDF sera condamnée à payer à la société Alias et au GIE Sanifa-Alias la somme de 454 441 euros.
Sur la demande relative aux frais générés par l'exécution du jugement
Le GIE Sanifa-Alias et la société Alias soutiennent que, en dépit de l'exécution provisoire, la société EDF n'a pas procédé au versement des sommes qu'elle avait été condamnée à payer, ce qui l'a contrainte à faire procéder à des opérations de saisie-attribution sur le compte de la société EDF. Elle demande ainsi la condamnation de la société EDF à lui verser la somme de 8 022,58 euros au titre des frais d'huissier engagés pour le recouvrement de sa créance, ce qui relève bien de la compétence de la cour d'appel.
La société EDF soutient que la demande de la société Alias relative au paiement des frais générés par l'exécution du jugement de première instance doit être rejetée. En effet, seul le président de la Cour d'appel est compétent, en vertu des articles 704 et suivants du Code de procédure civile, pour rendre exécutoire un compte de dépens.
Il résulte du dossier que malgré de nombreuses relances via leurs conseils respectifs, la société EDF n'a pas procédé au versement requis des sommes au paiement desquelles elle avait été condamnée, par le jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire. La société Alias et le GIE Sanifa-Alias ont donc fait procéder, par actes des 22 décembre 2015 et 11 janvier 2016, à des mesures de saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société EDF. Ces frais attestés dans le décompte du 17 août 2016 de Maître Chevrier de Zitter (pièce 53 de l'intimée), sont compris dans les dépens.
Il n'y a donc pas lieu de les prendre en charge séparément.
Par ces motifs, infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité, sur la facturation de la prestation de repli de chantier, et en ce qu'il a dit que la société EDF avait engagé sa responsabilité pour avoir rompu des relations commerciales sans respecter un préavis suffisant, Et, statuant à nouveau, dit que l'avenant n° 4 au contrat 230 n'a pas été accepté par la société EDF, rejette les demandes des sociétés GIE Sanifa-Alias et Alias relatives au paiement de trois redémarrages d'installation, de dix arrêt d'exploitation et de 15 analyses biologiques complémentaires, au règlement des tonnages manquants, relatives à la location du chapiteau de conditionnement, au conditionnement des déchets en vrac, sur le complément de nettoyage et sur le règlement du sas de sécurité, sur les demandes de condamnation d'EDF pour mauvaise foi (refus d'appliquer la clause de sauvegarde prévue au contrat et refus de réévaluer les prix initialement prévus de 2 %), et sur la menace de rupture brutale de la relation commerciale établie, fixe à douze mois la durée du préavis qui aurait dû être octroyée aux intimées au titre de la rupture brutale, condamne la société EDF à payer à la société Alias et au GIE Sanifa-Alias la somme de 454 441 euros, à ce titre, enjoint aux sociétés GIE Sanifa-Alias et Alias d'exécuter les prestations correspondantes au repli de chantier, dans un délai d'un an à compter de l'arrêt à intervenir, de retirer du site l'intégralité de leur installation, après avoir procédé à son hygiénisation conformément aux termes du marché et à la réglementation en vigueur, condamne la société EDF aux dépens de l'instance d'appel qui comprendront les frais d'huissier selon décompte du 17 août 2016 de Maître Chevrier de Zitter de 8 052,58 euros, engagés pour l'exécution du jugement, dit n'y avoir lieu à article 700 du Code de procédure civile.