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Décisions

Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-12.872

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

La Vie au bord de la mer (SARL)

Défendeur :

Herzberg, Comptoir Saint Louis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Marlange, de La Burgade, SCP Ortscheidt

T. com. Nantes, du 18 févr. 2013

18 février 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 décembre 2014), que la société La Vie au bord de la mer a consenti, le 3 septembre 2010, à la société Le Grenier géant, dont M. Herzberg était le gérant, un contrat d'agent commercial contenant une clause de non-concurrence à l'égard de ce dernier ; qu'après la dissolution de la société Le Grenier géant, a été constituée la société Le Comptoir Saint Louis, dont M. Herzberg est devenu salarié ; qu'invoquant la violation de la clause de non-concurrence et des actes de concurrence déloyale, la société La Vie au bord de la mer a assigné la société Le Comptoir Saint Louis et M. Herzberg en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société La Vie au bord de la mer fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la clause de non-concurrence insérée dans le contrat d'agent commercial et de rejeter ses demandes en réparation du préjudice subi du fait de la violation de cette clause alors, selon le moyen : 1°) qu'est licite une clause de non-concurrence justifiée par les intérêts légitimes de son bénéficiaire, compte tenu de l'objet du contrat, et qui, suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation ; que la condition de limitation dans l'espace doit ainsi être appréciée au regard de l'impact de l'application de la clause sur la liberté d'exercice du débiteur de l'obligation ; qu'au cas présent, la clause de non-concurrence insérée au contrat d'agent commercial du 3 septembre 2010 conclu entre la société exposante et la société Grenier Géant interdisait à M. Herzberg d'accepter la représentation d'une entreprise concurrente " dans les villes dans lesquelles il s'est déplacé pour des missions au cours de l'exécution du présent contrat " ; que la société La Vie au bord de la mer faisait valoir que cette clause n'emportait concrètement interdiction à M. Herzberg d'intervenir après la cessation du contrat en tant qu'acheteur de métaux précieux que dans environ 70 villes parmi les 36 000 communes du territoire national, de sorte qu'elle ne le privait pas de la possibilité d'exercer l'activité d'acheteur de métaux précieux ; qu'en déclarant cette clause nulle en considérant que son énoncé ne satisfaisait pas à la condition de limitation géographique, sans rechercher si son application concrète avait été de nature à porter une atteinte excessive à la liberté de M. Herzberg d'exercer l'activité d'acheteur en métaux précieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 2°) qu'est licite une clause de non-concurrence justifiée par les intérêts légitimes de son bénéficiaire, compte tenu de l'objet du contrat, et qui, suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation ; que l'atteinte à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation doit être appréciée au regard de l'ensemble de l'activité professionnelle du débiteur de l'obligation ; qu'au cas présent, la société La Vie au bord de la mer faisait valoir que la clause laissait la possibilité à M. Herzberg d'exercer toute autre activité que celle d'acheteur de métaux précieux et notamment son ancienne activité de brocanteur sans aucune limitation, ni dans le temps ni dans l'espace ; qu'en déclarant nulle la clause de non-concurrence insérée au contrat du 3 septembre 2010, sans prendre en considération la possibilité qu'elle laissait à M. Herzberg d'exercer toute autre activité et notamment son ancienne activité de brocanteur sans limitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 3°) qu'est licite une clause de non-concurrence justifiée par les intérêts légitimes de son bénéficiaire, compte tenu de l'objet du contrat, et qui, suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation ; que la protection du savoir-faire spécifique transmis par le bénéficiaire de la clause constitue un intérêt légitime, peu important que ce savoir-faire soit partagé par d'autres sociétés de même spécialité ; qu'au cas présent, la société La Vie au bord de la mer faisait valoir qu'elle avait transmis à M. Herzberg le savoir-faire spécifique à l'activité d'achat et de vente de métaux précieux, et démontrait, pièces à l'appui, qu'il s'agissait d'un savoir-faire extrêmement précis, technique et complexe ; que pour considérer que la clause de non-concurrence insérée au contrat d'agent commercial du 3 septembre 2010 ne protégeait pas un intérêt légitime de la société La Vie au bord de la mer, la cour d'appel a énoncé que la société La Vie au bord de la mer ne pouvait se prévaloir d'un savoir-faire qui lui était propre dès lors que d'autres sociétés utilisaient des méthodes identiques ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure l'existence d'un intérêt légitime de la société La vie au bord de la mer à la protection de son savoir-faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 4°) qu'est licite une clause de non-concurrence justifiée par les intérêts légitimes de son bénéficiaire, compte tenu de l'objet du contrat, et qui, suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation ; que la protection de la clientèle du bénéficiaire de la clause constitue un intérêt légitime ; qu'au cas présent, la société La Vie au bord de la mer faisait valoir que quand bien même son activité était exercée de manière itinérante, elle disposait néanmoins d'une clientèle à raison de sa notoriété dans le domaine de l'achat des métaux précieux, cette clientèle se déterminant par référence à ses zones habituelles d'intervention ; qu'en se bornant à énoncer que la société La Vie au bord de la mer ne pouvait prétendre à un intérêt légitime à la protection de sa clientèle eu égard à l'objet de son activité et faute de disposer d'une implantation géographique, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société La Vie au bord de la mer ne disposait pas concrètement d'une clientèle à raison de sa notoriété, laquelle était déterminable par référence à ses lieux habituels d'intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que pour être valable, une clause de non-concurrence doit être non seulement limitée dans le temps et dans l'espace, mais aussi proportionnée par rapport à l'objet du contrat et nécessaire à la protection des intérêts légitimes de son bénéficiaire, l'arrêt retient, d'abord, que le périmètre géographique de la clause de non-concurrence n'était ni circonscrit, ni déterminable au moment de la conclusion du contrat, mais appelé au contraire à s'étendre sans aucune limite à tout le territoire français au fur et à mesure de l'exécution de celui-ci, de sorte que la condition tenant à la limitation de la portée géographique de la clause n'était pas respectée ; qu'il retient, ensuite, que cette clause n'était pas proportionnée à l'objet du contrat puisqu'elle n'avait pas pour but de protéger la clientèle du mandant, l'objet du contrat consistant en la réalisation de transactions ponctuelles, non ou peu renouvelables, auprès de la population nationale adulte indifférenciée, ce qui exclut toute fidélisation, notion inhérente au concept de clientèle ou même d'achalandage qui suppose une implantation géographique, inexistante en l'espèce ; qu'il retient, enfin, que la clause n'avait pour objectif que d'interdire l'accès au marché national à l'ancien cocontractant, en le privant de la possibilité de continuer à exercer l'activité qu'il avait déjà entreprise au moins de manière accessoire, avant la conclusion du contrat, ce qui ne caractérisait pas la protection d'un intérêt légitime ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée à la première branche et qui n'était pas tenue de procéder à celles invoquées aux deuxième, troisième et quatrième branches que ses énonciations et appréciations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche : - Attendu que la société La Vie au bord de la mer fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de condamnation de M. Herzberg, solidairement avec la société Le Comptoir Saint Louis, au paiement de dommages-intérêts et subsidiairement, de désignation d'un expert pour fixer l'étendue de son préjudice alors, selon le moyen, que la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par le bénéficiaire de la clause contre son ancien cocontractant en raison d'actes de concurrence déloyale de ce dernier lui portant préjudice ; qu'au cas présent, la société La vie au bord de la mer faisait valoir que M. Herzberg avait, personnellement, commis des actes de concurrence déloyale, en constituant la société Le Comptoir Saint Louis faisant directement concurrence à la société La Vie au bord de la mer, en se servant de sa qualité d'ancien agent de la société La Vie au bord de la mer pour entretenir une confusion dans l'esprit de la clientèle et des responsables des hôtels, et en organisant des événements précisément dans les hôtels dans lesquels il était intervenu pour le compte de la société la vie au bord de la mer ; qu'après avoir jugé nulle la clause de non-concurrence insérée au contrat du 3 septembre 2010, la cour d'appel a débouté la société La vie au bord de la mer de sa demande formée à l'encontre de M. Herzberg sur le fondement de la concurrence déloyale en se référant uniquement à des éléments tirés du comportement de la société Le Comptoir Saint Louis ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher, comme elle y était invitée, si M. Herzberg n'avait pas personnellement commis des actes de concurrence déloyale de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société La Vie au bord de la mer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société La Vie au bord de la mer reprochait à M. Herzberg d'être à l'origine, par l'intermédiaire de son épouse, de la constitution de la société Le Comptoir Saint Louis lui faisant directement concurrence en copiant servilement son savoir-faire et ses méthodes commerciales, l'arrêt retient que la société Le Comptoir Saint Louis s'adonnait à son activité, par l'intermédiaire de ses quatre salariés dont M. Herzberg, selon les méthodes employées par la plupart des opérateurs intervenant sur ce marché, sans avoir recours à des procédés ni faire usage de signes distinctifs pouvant créer une confusion avec la société La Vie au bord de la mer dans l'esprit de la clientèle ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a effectué la recherche qui lui était demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.