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Décisions

Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n° 16-14.213

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

H&M Hennes et Mauritz (SARL)

Défendeur :

Bidermann, AB Libellule (SAS), Martinez (ès-qual.), Courtoux (ès-qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Girardet

Avocats :

Me Bertrand, SCP Hémery, Thomas-Raquin

TGI Mulhouse, du 4 févr. 2014

4 février 2014

LA COUR : - Donne acte à la société EMJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AB Libellule, et à la société Bauland-Carboni-Martinez et associés, prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de celle-ci, de leur reprise d'instance ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Bidermann, qui déclare avoir créé, en juin 2009, des bijoux composant la collection dénommée "Do Brasil", et la société AB Libellule qui commercialise ceux-ci, estimant que la société H&M Hennes et Mauritz (société H&M) offrait à la vente un bijou reproduisant les caractéristiques d'un bracelet de cette collection, l'ont assignée en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire ;

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés : - Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société H&M fait grief à l'arrêt de décider qu'en offrant à la vente et en commercialisant les bijoux référencés 689700-4344-09, objet de l'achat du 15 mars 2012 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mai 2012, elle avait commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur à l'encontre de Mme Bidermann et de la société AB Libellule, alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de l'article 7.2, Mesures de conservation des preuves, de la directive 2004/48 CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, entrée en vigueur le 20 mai 2004 et qui devait être transposée par les Etats membres dans leur droit interne le 29 avril 2006 au plus tard, les Etats membres veillent à ce que les mesures de conservation des preuves soient abrogées ou cessent de produire leurs effets d'une autre manière, à la demande du défendeur, sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés, si le demandeur n'a pas engagé, dans un délai raisonnable, d'action conduisant à une décision au fond devant l'autorité judiciaire compétente ; que, pour refuser de prononcer la nullité de la saisie-contrefaçon au motif que l'action au fond n'avait pas été engagée dans le délai de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long prévus par l'article R. 332-3 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel ne pouvait retenir que, dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 mars 2014, l'article L. 332-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoyait seulement une possibilité de mainlevée de la saisie par le président du tribunal statuant en référé à la demande du saisi ou du tiers saisi, une simple mainlevée ne pouvant être regardée comme une abrogation ou une cessation des effets de la saisie au sens de la directive qui ne réserve pas au juge des référés le pouvoir de prononcer une telle mesure, sans violer les articles L. 332-3, R. 332-3 du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-315 du 11 mars 2004, ensemble l'article 7.2 de la directive 2004/48 CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ; 2°) que, dans sa rédaction applicable en l'espèce, l'article R. 332-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que le délai prévu à l'article L. 332-3 et imparti au demandeur pour se pourvoir au fond est de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours, si ce délai est plus long, à compter, selon le cas, du jour de la signature du procès-verbal de la saisie prévue au premier alinéa de l'article L. 332-1 ou de la date de l'ordonnance prévue au même article ; que, la saisie-contrefaçon ayant été autorisée par ordonnance, le délai de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long avait pour point de départ la date de l'ordonnance (14 mai 2012) et non celle des opérations de saisie-contrefaçon (22 mai 2012), de sorte que ce délai se trouvait expiré à la date de l'assignation en contrefaçon, le 20 juin 2012, contrairement à ce qu'a jugé la cour d'appel en violation de l'article R. 332-3 du Code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable en l'espèce ; 3°) que nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement ; que l'ordonnance rendue sur requête est exécutoire au seul vu de la minute ; que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'huissier n'avait pas, préalablement à ses opérations, présenté la minute de l'ordonnance autorisant la saisie, la cour d'appel a énoncé que l'huissier avait signifié la requête et l'ordonnance avant d'en laisser copie à la société saisie et qu'il était mentionné dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon que l'huissier avait agi en vertu d'une requête et d'une ordonnance sur requête rendue par le président du Tribunal de grande instance de Paris le 14 mai 2012 préalablement signifiée par acte séparé dont il était porteur ; qu'en statuant par de tels motifs qui ne pouvaient suppléer la constatation selon laquelle l'huissier avait, préalablement à ses opérations, présenté à la société H&M la minute de l'ordonnance autorisant la saisie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 502, 503 et 495 du Code de procédure civile ; 4°) que, dans des conclusions demeurées sans réponse (signifiées le 7 octobre 2015), la société H&M faisait valoir que l'huissier de justice ne trouvait pas dans les dispositions de l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 mai 2014, le pouvoir de poursuivre ses investigations et de procéder à la saisie de documents en l'absence de découverte sur les lieux de la saisie des objets argués de contrefaçon ; qu'en laissant sans réponse ce moyen péremptoire des conclusions de la société H&M qui devait conduire à l'annulation de la saisie-contrefaçon entachée d'un tel excès de pouvoir, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que le juge ne tient d'aucune disposition le pouvoir d'autoriser l'huissier de justice à apporter sur les lieux de la saisie-contrefaçon l'objet argué de contrefaçon afin de le produire aux personnes présentes et de recueillir leurs déclarations ; qu'en jugeant, au contraire, qu'aucune disposition n'interdisait au juge d'autoriser expressément l'huissier à présenter aux personnes présentes les produits argués de contrefaçon à défaut de les trouver sur place, la cour d'appel a violé les articles L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle et 7 de la directive 2004/48 CE du 29 avril 2004 ;

Mais attendu, d'abord, que les opérations de saisie-contrefaçon s'étant déroulées avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 qui, complétant la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de transposition de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, prévoit désormais qu'à défaut pour le saisissant de s'être pourvu au fond dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie est annulée, c'est à bon droit que la cour d'appel, relevant que les dispositions nationales alors en vigueur n'autorisaient pas le président du tribunal, statuant en référé, à prononcer la nullité de la saisie, a rejeté la demande de la société H&M ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt relève que l'huissier de justice était porteur de la requête et de l'ordonnance sur requête rendue, le 14 mai 2012, par le président du Tribunal de grande instance de Paris et que l'acte de signification de l'ordonnance révèle qu'il avait rappelé au saisi les dispositions des articles 493, 495, 496 et 485 du Code de procédure civile ; que la cour d'appel a pu en déduire que l'ordonnance avait été exécutée au vu de la minute ;

Attendu, enfin, que le juge saisi a la faculté d'ordonner, en application de l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle, des opérations qui peuvent se limiter à la saisie descriptive ou réelle de tous documents permettant d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon alléguée, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée, et qu'il lui est loisible d'autoriser l'huissier de justice à présenter, lors des opérations, à défaut de trouver sur place les articles argués de contrefaçon, le modèle litigieux et/ou le modèle original ; d'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le cinquième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du Code de procédure civile : - Vu l'article 1382, devenu 1240 du Code civil ; - Attendu que, pour la condamner à payer à la société AB Libellule la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme, l'arrêt retient que la société H&M ne justifie d'aucun élément de nature à établir ses propres efforts de création et de promotion des colliers incriminés ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'actes distincts de ceux qu'elle retenait au titre de la contrefaçon du même bijou, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société H&M Hennes et Mauritz à verser à la société AB Libellule, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme, l'arrêt rendu le 18 décembre 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.