CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 19 mai 2017, n° 14-00184
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Top Telecom (SARL)
Défendeur :
Extenso Telecom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Lis Schaal, M. Thomas
Avocats :
Mes Hardouin, Berthault, Taze Bernard, Dupuy, Georges
Faits et procédure
La société Extenso Telecom, société exerçant une activité de commerce de gros dans le domaine de produits et des services de communications électroniques, commercialise notamment les offres de communication électronique de Bouygues Telecom, NRJ Mobile, Virgin Mobile. Elle exploite également un réseau de distribution " Phoneo ", permettant à ses adhérents de bénéficier d'une rémunération spécifique et d'une assistance commerciale.
La société Top Telecom, qui assure la vente, au détail, de téléphone mobiles et d'abonnements, a conclu avec Extenso Telecom les contrats suivants :
- une convention annuelle récapitulative de vente et de service prenant effet le 1er mars 2011 pour une durée d'un an renouvelable ;
- des conditions générales de distribution le 27 mai 2011 ;
- des conditions particulières pour l'adhésion au réseau Phoneo le 12 décembre 2011.
Par courrier du 20 août 2012, la société Bouygues Telecom a informé la société Extenso Telecom Téléphonie qu'elle avait constaté des pratiques déloyales de la part de Top Telecom dans le renouvellement des abonnements, avec pour conséquences de porter atteinte à ses intérêts, à sa notoriété et à son image de marque ; elle indiquait vouloir, à compter du 3 septembre 2012, désactiver les codes d'activation réservés à Top Telecom.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 août 2012, la société Extenso Telecom a informé la société Top Telecom de la décision prise par la société Bouygues Telecom.
Par lettre du 22 août 2012, Top Telecom a réclamé à Extenso Telecom le paiement de la somme de 47 235,10 euros correspondant à la facture qu'elle avait émise le 21 août 2012.
Par acte du 2 octobre 2012, Top Telecom a assigné Extenso Telecom devant le Tribunal de commerce de Lyon qui, par jugement rendu le 9 septembre 2013, a :
- rejeté les demandes formulées par la société Top Telecom à l'encontre de la société Extenso Telecom ;
- condamné la société Top Telecom à verser à la société Extenso Telecom la somme de 325 582,34 euros au titre de matériel commandé par la société Top Telecom ;
- rejeté la demande de paiement de la somme de 116 280 euros formulée par la société Extenso Telecom contre la société Top Telecom au titre de commissions versées à tort ;
- condamné la société Top Telecom à verser à la société Extenso Telecom la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné la société Top Telecom en tous les dépens.
La société Top Telecom a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Prétentions des parties
La société Top Telecom, par conclusions signifiées par le RPVA le 25 janvier 2017, demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel uniquement en ce qu'il a débouté la société Extenso Telecom de sa demande de paiement de la somme de 116 280 euros présentée à l'encontre la société Top Telecom au titre de commissions prétendument versées à tort ;
- l'infirmer en toutes ses dispositions pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- dire que la société Extenso Telecom a rompu brutalement ses relations commerciales établies avec la société Top Telecom ;
- dire que ladite rupture brutale et sans préavis n'est pas justifiée par un manquement grave de la société Top Telecom à ses obligations ;
- dire que la société Extenso Telecom est débitrice de la somme de 47 235,10 euros au titre des commissionnements dus à la société Top Telecom ;
- condamner la société Extenso Telecom à payer à la société Top Telecom la somme au titre des commissionnements dus ;
- condamner la société Extenso Telecom à payer à la société Top Telecom la somme de 859 852,12 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif à la perte de marge ;
- condamner la société Extenso Telecom à payer à la société Top Telecom la somme de 2 570 243 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif à la déconfiture de la société Top Telecom et à la perte de son fonds de commerce ;
En tout état de cause,
- débouter la société Extenso Telecom de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes, La condamner au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens avec distraction, pour ceux-là concernant, au profit de la selarl 2H Avocats en la personne de Maître Patricia Hardouin, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que la société Extenso Telecom a rompu brutalement, sans aucun préavis, ses relations commerciales avec Top Telecom en violation de l'article L. 442-6 I 5° du Code du commerce. Elle souligne qu'Extenso Telecom ne conteste ni l'existence des relations commerciales établies entre les parties, ni la brutalité de la rupture - celle-ci étant intervenue sans aucun préavis - et que la brutalité est d'autant plus caractérisée que Top Telecom réalisait la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec Extenso Telecom au moment de la rupture.
Elle fait valoir qu'Extenso Telecom ne peut se prévaloir d'une faute grave justifiant une rupture sans préavis des relations commerciales avec Top Telecom.
L'argument retenu par le tribunal selon lequel la rupture brutale était justifiée par la faute de la société Top Telecom sur le fondement de l'article 11.3 des conditions générales de distribution qui prévoit une faculté générale de résiliation immédiate et sans indemnité en cas de faute grave du distributeur, est contestable ; en effet, seule une faute grave de Top Telecom aurait pu justifier une rupture brutale et sans préavis, alors qu'en l'espèce aucune faute grave n'est établie.
Extenso Telecom ne peut se prévaloir d'une faute grave justifiant une rupture brutale et sans préavis des relations commerciales avec Top Telecom. En effet, l'exigence d'une faute grave résulte tant du contrat que des dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; or, Extenso Telecom ne rapporte pas la preuve d'une telle faute grave qui rendrait impossible la poursuite du contrat et des relations commerciales.
La gravité de la faute doit en outre s'apprécier in concreto et au regard notamment des conséquences préjudiciables de la brutalité de la rupture. Or, en l'espèce, ces conséquences ont été terribles compte tenu du fait que la société Top Telecom réalisait la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec la société Extenso Telecom : du jour au lendemain, Top Telecom s'est vu imputer de plus de 90 % de son chiffre d'affaires.
Extenso Telecom fait reproche à Top Telecom d'avoir démarché des clients par téléphone et d'avoir usé de pratiques déloyales afin d'obtenir le renouvellement de leurs abonnements de téléphonie mobile auprès de l'opérateur Bouygues Telecom. Ces griefs ne concernent que les "Conditions Générales de Distribution" et la distribution des services Bouygues Telecom. Or, deux autres contrats unissaient Top Telecom et Extenso Telecom : la Convention annuelle récapitulative de vente et de services et les Conditions particulières pour l'adhésion au réseau Phoneo. Extenso Telecom a pris prétexte de ces griefs pour mettre un terme aux trois contrats unissant les parties et donc rompre du jour au lendemain toute relation avec Top Telecom.
La motivation du jugement entrepris repose totalement et exclusivement sur des réclamations de clients. Or ces seules réclamations ne sauraient caractériser une faute grave justifiant une rupture totale et brutale. Un examen attentif de ces réclamations confirme qu'elles ne démontrent pas une faute grave de Top Telecom car ne portent que sur une partie de l'activité de Top Telecom : le démarchage téléphonique de la clientèle professionnelle en vue de leur proposer le remplacement de leur mobile et le renouvellement de leur abonnement téléphonique Bouygues Telecom. D'ailleurs, la société Extenso Telecom sait parfaitement que la vente à distance, et notamment le démarchage téléphonique, donne régulièrement lieu à des plaintes de clients, cela étant inhérent au démarchage téléphonique.
Sur les 204 réclamations de clientes produites aux débats par Extenso Telecom, 76 ne mentionnent même pas Top Telecom si bien qu'il est impossible de déterminer qui est l'auteur des prétendus faits dénoncés. Certaines autres réclamations mentionnent même un autre distributeur, totalement étranger à Top Telecom.
De plus, l'examen des autres réclamations montre qu'en réalité elles ont été établies à la demande de la société Bouygues Telecom et que très souvent c'est cette dernière qui a affirmé au client que la personne qui l'aurait démarché provenait de Top Telecom. Enfin, le nombre de réclamations n'est pas significatif et ne peut caractériser une faute grave.
Si Extension Telecom a mis brutalement fin à ses relations avec Top Telecom, ce n'est nullement en raison de prétendues pratiques déloyales, mais pour des motifs totalement étrangers : Bouygues Telecom détenait jusqu'au 31 octobre 2012 l'intégralité du capital d'Extenso Telecom qu'elle a ensuite cédé ; c'est dans ce contexte qu'Extenso Telecom a fait tout son possible pour se séparer de ses cocontractants ; or, les revendeurs indépendants, tels que Top Telecom, ne pouvaient pas travailler directement avec l'opérateur, mais avaient l'obligation de passer par un intermédiaire, en l'occurrence Extenso Telecom. En supprimant l'intermédiaire, et en refusant de traiter directement avec les détaillants, Bouygues Telecom a donc condamné ces derniers à ne plus pouvoir s'approvisionner. Extenso Telecom avait tout intérêt à se séparer au plus vite de ses distributeurs, tels que Top Telecom ; elle a ainsi pris prétexte des prétendus réclamations de clients pour le faire.
Sur le paiement des sommes indument retenues par Extenso Telecom, Top Telecom indique qu'à la date du 21 août 2012, Extenso Telecom reconnaissait avoir retenu unilatéralement sur les commissionnements dus à la Société Top Telecom une somme de 47 235,10 euros au titre des lignes activées avant cette date ; en effet, Extenso Telecom n'a réglé que 30 904,70 euros sur la totalité de la facture du 21 août 2012 s'élevant à 77 990,30 euros; ladite facture n'est pas contestée par Extenso Telecom et ne saurait l'être puisque c'est elle-même qui édite les factures de commissionnement de Top Telecom ; d'une part, il a été vu que les prétendues pratiques déloyales ne sont pas établies ; d'autre part, Extenso Telecom n'identifie pas précisément, pour chacune de ces lignes, et donc pour chacun des commissionnements correspondants, la prétendue pratique déloyale qui justifierait le non-paiement.
Sur l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture, elle précise qu'Extenso Telecom doit être condamnée à réparer le préjudice découlant de la rupture brutale de ses relations commerciales établies avec la société Top Telecom.
Le préjudice subi par Top Telecom est constitué de sa perte de marge au cours du préavis qui aurait dû lui être accordé. La durée raisonnable du préavis est établie au regard de l'ancienneté des relations commerciales et de la part représentée par ces relations dans le chiffre d'affaire total du partenaire. Or les relations commerciales entre Top Telecom et Extenso Telecom ont débuté en 2001 avec des grossistes qui ont fusionnés pour donner naissance à Extenso Telecom. Il s'agit donc bien de la même relation commerciale débutée en 2001 qui s'est poursuivie avec Extenso Telecom à partir de 2008.
Par ailleurs, Top Telecom réalisant la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec Extenso Telecom, la rupture brutale de la relation a totalement ruiné Top Telecom. En effet, cette dernière représentait ainsi 72,81 % de son chiffre d'affaires en 2009, 80,26 % en 2010 et 83,90 % en 2011. Au moment de la rupture, Extenso Telecom représentait 92,60 % du chiffre d'affaires de la société. Top Telecom était ainsi totalement dépendante de la société Extenso Telecom.
Top Telecom réalisait une marge brute de 25 % (cf. compte de résultat faisant ressortir la marge brute suivante : 642 716 euros (Achat de marchandises + variation de stocks) / 2 570 243 euros (chiffre d'affaires net) = 25 %. Le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé par Top Telecom avec Extenso Telecom au cours des trois dernières précédant la rupture s'élevait à 2 292 939 euros, soit une marge brute annuelle moyenne de 573 234,75 euros (2 292 939 X 25 %). La marge perdue par Top Telecom sur le préavis de 18 mois qui aurait dû lui être accordé s'élève en conséquence à 859 852,12 euros.
La rupture brutale de ses relations commerciales avec Extenso Telecom a entraîné la ruine de Top Telecom. La brutalité de cette rupture a fait que du jour au lendemain Top Telecom a perdu la quasi-totalité de son chiffre d'affaires. Il est évident qu'une société qui réalise 92,60 % de son chiffre d'affaires avec un partenaire ne peut survivre à la perte du jour au lendemain de celui-ci. La société Top Telecom a tout simplement perdu son fonds de commerce du fait de la brutalité de la rupture puisqu'elle a cessé toute activité. Il est raisonnable d'évaluer le préjudice correspondant à une année de chiffre d'affaires, soit 2 570 243 euros.
Sur les demandes reconventionnelles d'Extenso Telecom
Extenso Telecom a réclamé à Top Telecom la somme de 325 582,34 euros au titre de terminaux commandés à la concluante ; or, malgré la fourniture par Extenso Telecom des factures et bons de livraison de matériels, le matériel retourné à la société Bouygues Telecom par les clients a été conservé par Extenso, et a dès lors, du fait de leur trop longue immobilisation, perdu toute valeur marchande de telle sorte que la somme réclamée par Extenso n'est pas justifiée.
La société Extenso Telecom a réclamé à tort un règlement de 116 280 euros au titre de commissions indûment versées. La société Extenso Telecom, comme l'a justement jugé le tribunal de commerce, ne verse aux débats d'éléments probants à l'appui de sa demande, se contentant d'affirmer que cette somme lui serait due au titre des commissionnements versés en contrepartie d'actes de renouvellement qu'elle considère comme " non réels ".
La société Extenso Telecom, par conclusions signifiées par le RPVA le 19 janvier 2017, demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien du Code civil, L. 442-6.I 5° du Code de commerce, 15 et 16 du Code de procédure civile et des conditions générales de distribution conclues entre les parties, de :
- déclarer la société Top Telecom mal fondée en son appel ;
- l'en débouter ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Top Telecom de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 325 582,34 euros ;
- débouter la société Top Telecom de toutes ses demandes ;
Recevant la société Extenso Telecom en son appel incident, y faisant droit,
- infirmer partiellement le jugement dont appel ;
- condamner la société Top Telecom au paiement de la somme de 116 280 euros TTC au titre de remboursement des commissionnements versés indûment ;
Y ajoutant,
- condamner la société Top Telecom à verser à la société Extenso Telecom la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur la prétendue rupture brutale des relations commerciales invoquée par Top Telecom, elle fait valoir que des mesures prises à l'égard des sociétés Tsaphone et Cotel ont été identiques à celles prises à l'égard de l'appelante dès lors que les deux sociétés qui, comme Top Telecom, exercent essentiellement leur activité dans la région de Marseille, se sont vues reprocher par Extenso Telecom des pratiques exactement similaires à celles qui ont justifié la rupture des relations commerciales avec Top Telecom ; or, les mesures qu'elle a été contrainte de mettre en œuvre à l'égard de ce distributeur ont été jugées justifiées par la Cour d'appel de Paris par arrêt du 25 juin 2013.
Les agissements de Top Telecom constituent une faute grave au regard des stipulations contractuelles justifiant la résiliation des relations commerciales et contractuelles. La résiliation pour faute est exclusive d'une responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales. Top Telecom vise les dispositions de l'article L. 442-6.1 5° du Code de commerce et entend se prévaloir de ses dispositions pour prétendre à l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales. Or, c'est précisément au regard des fautes, au demeurant particulièrement graves, commises par Top Telecom dans l'exécution du contrat liant les parties qu'Extenso Telecom a procédé à la résiliation du contrat.
La résiliation pour faute est fondée au regard des agissements de Top Telecom et des stipulations contractuelles. Aux termes des conditions générales de distribution, Top Telecom est rémunérée par le versement d'un commissionnement dès lors qu'elle permet la souscription par un client notamment d'une offre dite de renouvellement. Ce commissionnement n'est dû à Top Telecom que dans l'hypothèse où elle respecte ses obligations, cette rémunération n'étant pas due ou pouvant être reprise dès lors que ces actes ont été obtenus sans respecter les procédures contractuelles ou par fraude.
L'opérateur Bouygues Telecom a été amené à constater l'existence de pratiques mises en œuvre par Top Telecom ayant pour seul objectif de générer des actes de renouvellement d'engagements de clients auprès de l'opérateur Bouygues Telecom et ce sans le consentement de ces derniers ou en trompant celui-ci. Il convient immédiatement de préciser que le seul objectif poursuivi par ces manœuvres était de générer, au profit de Top Telecom, le versement de commissionnement par Extenso Telecom.
Les fautes commises, consistant à tromper tant les clients que les sociétés Bouygues Telecom et Extenso Telecom, constituent des fautes graves qui en application de l'article 11.3 des conditions générales de distribution permet à Extenso de résilier le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception immédiatement de plein droit.
Top Telecom, qui ne recule devant aucun argument, fait grief à Extenso Telecom d'avoir résilié la convention annuelle récapitulative de vente et de services ainsi que les conditions particulières pour l'adhésion au réseau " Phonéo ". Or, tant la convention récapitulative annuelle de vente et de services que les conditions particulières d'adhésion au réseau Phonéo constituaient des accessoires aux conditions générales de distribution de telle sorte que la résiliation de ces conditions générales ne pouvait conduire qu'à la résiliation des conventions précitées. Dès lors, le grief formulé par Top Telecom est dénué de fondement.
Sur la demande d'indemnisation du prétendu préjudice subi par Top Telecom
Top Telecom estimait à que la perte nette subie par ses soins était de 100 000 euros par mois, représentant une marge de 20 %, et devait être indemnisée pour une durée de 18 mois. Top Telecom prétend désormais que sa marge était de 25 % lui permettant de revendiquer l'indemnisation d'un préjudice de 859 852,12 euros correspondant, selon elle, à 18 mois de marge perdue. La cour relèvera le caractère très évolutif des demandes de l'appelante démontrant que celles-ci ne s'appuient sur aucun élément sérieux.
Dès lors qu'il a été démontré que la résiliation des relations commerciales et contractuelles était justifiée par les manquements graves et répétés de Top Telecom à ses obligations contractuelles et était, de ce fait, fondée, Top Telecom ne peut solliciter l'indemnisation du préjudice qu'elle subirait du fait de cette résiliation dont elle est directement, par ses agissements, à l'origine.
Top Telecom malgré l'importance de sa demande ne verse aucun élément sérieux aux débats pour étayer celle-ci.
Top Telecom n'hésite pas à solliciter la condamnation de la concluante au paiement de la somme complémentaire de 2 570 243 euros correspondant, selon elle, à une année de chiffre d'affaires. Or, Top Telecom oublie que l'indemnisation d'une rupture brutale de relations commerciales s'opère par le versement d'une indemnité basée sur la perte de marge brute qui aurait dû être réalisée pendant la durée de préavis qui aurait dû être appliqué et non sur une perte de chiffre d'affaires.
Sur le versement des commissionnements d'un montant de 47 235,10 euros, Extenso expose que les sommes retenues ne correspondent pas aux montants réellement dus par Top Telecom.
Sur la demande d'Extenso Telecom relative à la condamnation de Top Telecom au paiement des factures émises correspondant à la vente de terminaux, Extenso Telecom sollicite de la Cour qu'elle confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamnée Top Telecom au paiement de la somme de 325 582,34 euros TTC correspondant à l'acquisition de matériel par Top Telecom auprès d'Extenso Telecom. Top Telecom ne peut contester être débitrice de cette somme qui correspond à des marchandises commandées par ses soins et livrées par Extenso Telecom, de sorte que rien ne justifie le non-règlement de cette somme.
Sur la demande d'Extenso Telecom relative à la condamnation de Top Telecom au paiement des commissionnements versés à tort, Extenso Telecom est par ailleurs bien fondée à solliciter la condamnation de Top Telecom au paiement de la somme de 116 280 euros TTC au titre des commissionnements versés à cette dernière et qui, en définitive, ne lui étaient pas dus ; en effet, ainsi que cela a été rappelé, Extenso Telecom a été en mesure de procéder à une reprise d'une partie commissionnements versés par ses soins à Top Telecom correspondant aux actes de renouvellement dont il s'est avéré qu'ils n'étaient pas réels. Cependant cette reprise de commissionnement, prévue contractuellement, n'a été que partielle, la concluante n'ayant pu reprendre la totalité des commissionnements correspondants aux 584 actes de renouvellement opérés sur lignes pour lesquels il a été démontré que les titulaires n'avaient pas formés de demandes ; ainsi, sur la somme de 176 588 euros TTC versée par Extenso Telecom, celle-ci est fondée à solliciter le paiement de la somme de 116 280 euros TTC.
Sur ce
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose: " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan:
5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) " ;
que l'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale, qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux ; qu'en outre, la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit, soit avec un délai de préavis trop court, ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de trouver des solutions de rechange ou un partenaire commercial équivalent ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les relations commerciales entre la société Top Telecom et la société Extenso Telecom étaient établies comme revêtant un caractère stable, suivi et habituel, pour avoir débuté en 2001 avec la société Teleciel, devenue Extenso Telecom, et avoir été interrompues le 21 août 2012 par le courrier recommandé avec accusé de réception par lequel Extenso Telecom informait Top Telecom de la correspondance émanant de Bouygues Telecom faisant état de pratiques déloyales de Top Telecom dans le renouvellement d'offres destinées aux professionnels et précisait que de telles pratiques constituaient une faute grave au sens de l' article 11.3 et 4 des conditions générales de distribution et qu'elle se réservait la faculté de mettre fin aux relations commerciales, résiliation à laquelle Extenso Telecom a procédé le 28 août 2012 avec effet au 3 septembre 2012 ;
Considérant qu'il résulte des pièces communiquées que le nombre de plaintes portant sur les pratiques sus-visées s'élève à plusieurs centaines, les conversations retranscrites sur une clé USB et par constat d'huissier de justice produite par Top Telecom n'ayant aucune force probante faute de précisions ; qu'il importe peu la part réduite que le nombre de plaintes demeurent faible par rapport au nombre des renouvellements, alors que, comme l'ont justement retenu les premiers juges, ces pratiques incontestables et peu scrupuleuses portent atteinte aux intérêts, à la notoriété et à l'image de marque de Bouygues et par voie de conséquence d'Extenso Telecom ; qu'elles apparaissent, de par leurs caractéristiques, comme constituant des manquements graves de Top Telecom à ses obligations conformément à l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce qui dispose que " Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ; qu'en violant les stipulations de l'article 4 des conditions générales de distribution aux termes desquelles, les parties s'engagent à agir réciproquement avec loyauté et bonne foi et s'interdisent notamment toute pratique portant atteinte aux intérêts, à la notoriété ou à l'image de marque de l'autre partie, Top Telecom a justifié la rupture sans préavis de ses relations commerciales avec Extenso Telecom, le maintien des relations commerciales devenant impossible ;
Que la rupture sans préavis d'Extenso Telecom portait tant sur les conditions générales de distribution que sur la convention récapitulative annuelle de vente et de services ainsi que sur les conditions particulières d'adhésion au réseau Phonéo, ces deux conventions ne constituant que des accessoires aux conditions générales de distribution ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Top Telecom de ses demandes fondées sur les préjudices découlant de la rupture brutale des relations commerciales ;
Sur la demande de Top Telecom portant sur un montant de 47 235,10 euros au titre de commissionnement
Considérant qu'en application des conditions générales de distribution, Top Telecom est rémunérée par le versement d'un commissionnement dès lors qu'elle permet la souscription par un client notamment d'une offre de renouvellement auprès de l'opérateur, en l'espèce Bouygues Telecom,
Que le commissionnement est du si Top Telecom respecte ses obligations contractuelles (articles 4 et 5 des conditions générales de distribution) et est versé en application de l'article 6 annexe 6 desdites conditions sous réserve d'un mécanisme de reprise de commissionnement initialement versé indu en raison d'un contournement d'activation par le distributeur ou d'une fraude avérée de celui-ci (article IX de l'annexe 6),
Que c'est cette pratique que Bouygues Telecom dénonçait dans son courrier du 21/08/2012 en annonçant qu'elle allait désactiver les codes d'activation attribués à Top Telecom et reprendre à Extenso Telecom les commissionnements à hauteur de 39 494,23 euros HT (148 lignes) correspondant aux lignées activées indûment,
Qu'en conséquence, la demande de paiement de Top Telecom de la somme sus-visée, d'un montant de 47 235,10 euros TTC correspondant à des commissions portant sur des renouvellements des 148 lignes n'est pas justifiée, qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté Top Telecom de cette demande ;
Sur les demandes d'Extenso Telecom
Considérant qu'Extenso Telecom sollicite le paiement de la somme de 325 582,34 euros TTC correspondant à l'acquisition de matériel par Top Telecom auprès d'elle ;
Considérant que ce matériel a été commandé par Top Telecom et livré comme l'établissent les bons de livraison produits ; que cette somme a été initialement prélevée sur les comptes bancaires de Top Telecom qui en a demandé le remboursement à son établissement bancaire en raison du litige l'opposant à Extenso ; qu'en admettant qu'une partie de ce matériel ait été retourné à Bouygues Telecom par les clients, il n'en demeure pas moins que Top Telecom demeure redevable de cette somme à l'égard d'Extenso ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Top Telecom à payer à Extenso Telecom la somme de 325 582,34 euros ;
Considérant qu'Extenso Telecom sollicite en outre le paiement de la somme de 116 280 euros TTC correspondant à des commissions versées à tort à Top Telecom ;
Considérant qu'en application de l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, il appartient à celui qui invoque une obligation de la prouver ; que, si la reprise de commissionnements est prévue contractuellement, encore faut-il qu'Extenso établisse que le montant réclamé correspond à des renouvellements fictifs ; que cette preuve n'est pas apportée au vu des éléments communiqués ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande ;
Considérant que l'équité impose de condamner Top Telecom à payer à Extenso Telecom la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamne la société Top Telecom à payer à la société Extenso Telecom la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, la condamne aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Me Laurence Taze-Bernard.