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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 19 mai 2017, n° 16-07783

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nutrisens (SAS), Bocage Restauration (SAS), Nutrisens Medical (Sasu)

Défendeur :

Clarelia (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Renard, Douillet

Avocats :

Mes Rousseau, Nouel, Boin, de Brosses

TGI Paris, 3e ch. 3e sect., du 12 févr. …

12 février 2016

Faits et procédure

La société Bocage Restauration, créée en 1986, a une activité industrielle de fabrication de plats cuisinés en barquettes plastiques.

La société Courties Developpement qui a été créée en 2002 par Mme Eliane Courties, agronome de formation, a pris ensuite la dénomination Clarelia et a pour activité de développer une démarche globale d'analyse du risque allergène dans la fabrication de produits alimentaires en France ; elle propose des plats individuels prêts-à-l'emploi ; en 2006, elle est devenue la société Clarelia Holding et a fait apport de sa branche d'activité à la SAS Clarelia.

Cette dernière revendique la titularité de plusieurs marques dont :

la marque française semi-figurative " Natama Clarelia " déposée le 9 août 2002 dans les classes 3, 5, 29, 30, 32, 42 et 43, enregistrée sous le n° 3179648 et publiée au BOPI le 20 septembre 2002.

la marque française semi-figurative "Natama" déposée le 23 mars 2010 dans les classes 5, 29, 30, et 32 enregistrée sous le n° 3723621 et publiée au BOPI le 30 avril 2010.

la marque internationale semi-figurative "Natama" déposée le 25 mars 2010 dans les classes 5, 29, 30 et 32 désignant le Royaume-Uni, le Benelux, la Suisse et l'Espagne, enregistrée sous le n° 1037730 et publiée à la Gazette le 27 mai 2010.

Suivant contrat du 30 juillet 2003, la SARL Clarelia a confié à la société Bocage Restauration la fabrication de plats cuisinés en barquette plastiques suivant des " conditions particulières de fabrication ", puis le 3 novembre 2003 les deux sociétés ont signé un nouveau contrat portant Conditions générales de fabrication incluant des clauses de non-concurrence et de confidentialité.

Le 10 décembre 2007, un nouveau contrat portant conditions générales de fabrication a été conclu avec la SAS Clarelia.

La société Nutrisens Restauration a pour activité de proposer des produits alimentaires et diététiques dont des produits sans allergène sur le marché de la restauration hors foyer.

A la fin de l'année 2011, des négociations ont été menées entre la société Clarelia et le groupe Nutrisens, fortement implanté dans la restauration collective, ce dont la société Bocage Restauration a été avertie le 16 mars 2012. Les pourparlers n'ont pas abouti.

Parallèlement, la société Nutrisens s'est rapprochée de la société Bocage Restauration et en mars 2012 a bénéficié d'une cession de parts.

La société Bocage Restauration a rompu les relations contractuelles la liant à la société Clarelia en avril 2012 moyennant un préavis de trois mois expirant le 6 juillet 2012.

La société Bocage Restauration a fabriqué des produits pour le compte de la société Nutrisens Restauration et a mis sur le marché des plats fabriqués sous la marque Nutrigène.

La société Clarelia a fait constater la commercialisation en octobre 2012, par la société Nutrisens, de produits qu'elle estime similaires aux siens, sous la marque " Nutrigène " et a fait procéder suivant procès-verbal du 14 décembre 2012, à une saisie-contrefaçon, puis a fait assigner les sociétés Nutrisens, Nutrisens Restauration et Bocage Restauration devant le Tribunal de grande instance de Paris par actes du 31 décembre 2012 en contrefaçon et par acte du 12 février 2013 devant le Tribunal de commerce de Rennes pour rupture contractuelle abusive, lequel s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement contradictoire en date du 12 février 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré la société Clarelia irrecevable à agir en contrefaçon des marques n° 441802113 et 3167539,

- rejeté l'action en contrefaçon de la marque Natama n° 3723621 appartenant à la société Clarelia SAS,

- dit la société Clarelia SAS irrecevable à agir au titre des droits d'auteur,

- condamné in solidum, les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Restauration à payer à la société Clarelia SAS, la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de la concurrence déloyale,

- condamné la société Bocage Restauration à payer à la société Clarelia la somme de 50 000 euros en indemnisation du préjudice généré par la violation de la clause de non-concurrence contractuelle,

- déclaré nulle la clause de confidentialité liant les parties,

- condamné in solidum les sociétés Bocages Restauration, Nutrisens et Nutrisens Restauration à payer à la société Clarelia, la somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice généré par la rupture abusive des relations contractuelles,

- condamné la société Bocage Restauration à payer à la société Clarelia la somme de 1 751,55 euros pour manquements à ses obligations contractuelles,

- débouté les défenderesses de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté les parties de leurs plus amples ou contraires prétentions, jugées non fondées,

- condamné in solidum, les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Restauration à payer à la société Clarelia SAS la somme de 8 000 euros pour frais irrépétibles et aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Médical (venant aux droits de la société Nutrisens Restauration) ont interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 1er avril 2016.

La société Nutrisens Médical est venue aux droits de la société Nutrisens Restauration suite à une opération de fusion-absorption intervenue en 2016.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2017, les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Médical (venant aux droits de la société Nutrisens Restauration) demandent à la cour, au visa de l'article 716-3 du Code de propriété intellectuelle, de l'article 1382 du Code civil, et de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté l'intimée de ses demandes au titre de la contrefaçon de marque, la contrefaçon de droit d'auteur, la violation de la clause de confidentialité, la rupture brutale des relations commerciales établies,

- infirmer le jugement querellé pour le reste,

Statuant à nouveau, débouter purement et simplement l'intimée de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre,

- condamner l'intimée à leur verser une somme de 8 000 euros à chacune au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'intimée à leur verser une somme de 20 000 euros à titre de dédommagement pour procédure abusive, et aux entiers dépens distraits au profit de leur conseil.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2017, la société Clarelia demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

jugé que les appelantes ont violé la clause de non-concurrence contenue au contrat ;

reconnu le caractère abusif de la rupture de ses relations commerciales avec la société Bocage Restauration ;

condamné les appelantes pour parasitisme et concurrence déloyale à son égard, et les a débouté de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

déclaré nulle la clause de confidentialité liant les parties et les a débouté de leurs autres demandes.

en conséquence et statuant à nouveau :

- dire et juger que:

la clause de non concurrence est applicable à compter du jour de la décision de la cour pour une durée d'un an ;

la société Bocage Restauration a violé ses obligations contractuelles de non-concurrence et de confidentialité et a méconnu les articles 1134 et 1147 du Code civil, a rompu brutalement ses relations commerciales avec l'intimée, n'a pas rempli ses obligations contractuelles en ne respectant pas son obligation d'hygiène et de sécurité et en fabriquant des produits défectueux et non conformes pour le compte de l'intimée;

- constater que les similitudes relevées entre les produits sont constitutives de contrefaçons de marque et de droits d'auteur ;

en conséquence :

- condamner la société Bocage Restauration à lui payer :

la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice lié au non-respect des clauses de non-concurrence et de confidentialité ;

la somme de 704 928 euros au titre de son indemnisation pour le gain manqué entrainé par rupture brutale des relations contractuelles ;

la somme de 380 582,88 euros au titre de son indemnisation pour les pertes subies et coûts entrainés par la rupture brutale des relations contractuelles ;

la somme de 50 000 euros à raison de la contrefaçon de la marque n° 3179648 ;

la somme de 5 023,46 euros TTC correspondant à la facture n° 2012090559 émise le 1er septembre 2012 avec intérêt au taux légal à compter de cette date;

- condamner in solidum les appelantes à lui payer :

la somme de 150 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme;

la somme de 100 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices du fait de leur collusion frauduleuse et la rupture abusive des relations contractuelles;

la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

- interdire à la société Bocage Restauration :

toute reproduction de la marque " Clarelia Natama " sur son site Internet et sur tout autre support commercial ou publicitaire et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

de participer directement ou indirectement à " toute action de conception et de fabrication de produits alimentaires à composition ou fabrication garantie présentés comme, destinés aux personnes souffrant d'allergies d'origine alimentaire ", et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce pour une durée de 1 an à compter de la date de la décision à intervenir ;

- interdire aux appelantes de mettre en œuvre en tout ou partie du savoir-faire communiqué par elle, pour son propre compte ou pour le compte de tiers, et ce pour une durée de 5 ans à compter de la date de la décision à intervenir ;

- interdire aux sociétés Nutrisens et Nutrisens Restauration toute commercialisation de produits présentés comme " destinés aux personnes allergiques et intolérantes alimentaires " de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public avec les produits et services de la marque " Natama " et de retirer du circuit commercial tous les produits contrefaisants ses droits d'auteur sur les emballages de plats, et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir;

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois revues spécialisées au frais avancés des appelantes, sur simple présentation d'un devis, à savoir : " Linéaires", " NéoRestauration " et la " Revue Française d'Allergologie et d'Immunologie Clinique ", dans la limite de 5 000 euros HT par publication sous l'intitulé " publication judiciaire " publié in extenso en immédiate première page et plein écran de tout site Internet utilisé par les appelantes pour les besoins de leur activité ce, pendant une durée de trois mois à compter de sa signification, notamment sur les sites suivants : www.nutrisens.com et www.bocagerestauration.fr ;

- dire et juger qu'elle pourra sous l'intitulé " publication judiciaire " publié in extenso ou par extraits la décision à intervenir sur son site Internet et notamment celui à l'adresse www.natama.eu ce pendant une durée de 6 mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2017.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

Sur la rupture des relations commerciales

Considérant que la société Clarelia soutient qu'elle a été victime d'une brusque rupture des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Bocage Restauration depuis 2003, que le préavis de 3 mois qui lui a été accordé est insuffisant et que les produits fabriqués étant des produits sous marque de distributeur, le préavis doit être doublé.

Considérant que la société Bocage Restauration qui ne conteste pas le caractère établi de ces relations soutient qu'elles ont commencé en 2007 et que le préavis de trois mois a été suffisant.

Considérant que, si en 2003 lors de la signature du "cahier des charges fabricant" la SAS Clarelia, n'existait pas, n'ayant été immatriculée que le 18 décembre 2006 et n'ayant commencé ses activités qu'en 2007, elle a bénéficié de l'apport d'une branche d'activité de la société Couties Developpement devenue la société Clarelia Holding et a poursuivi la même activité ; que s'il n'y a pas eu de fusion entre les deux sociétés, le traité d'apport a porté sur tous les éléments de l'activité ; que le nouveau contrat conclu entre la société Bocage Restauration et la société Clarelia, n'a eu pour objet que de régulariser une poursuite des activités qui avaient été apportées à la SAS Clarelia; que dès lors il y a lieu de faire débuter les relations commerciales entre les deux parties en 2003.

Considérant que la société Bocage Restauration prétend que la relation qu'elle a entretenue avec la société Clarelia n'était pas celle prévue contractuellement et qu'elle ne portait pas sur la fabrication de produits mais sur la location de son usine.

Considérant qu'il résulte des contrats précités que la société Bocage Restauration figurait en qualité de fabricant ; que l'article 1 stipulait que " Les présentes conditions générales ont pour objet d'organiser la confection par le fabricant de préparations alimentaires à composition garantie destinées à la restauration collective ou à la distribution sur commande de la société Clarelia ".

Considérant que dans ses conclusions récapitulatives de première instance, la société Clarelia a reconnu que "cette convention n'a jamais été appliquée de cette façon;

En effet, la société Clarelia n'a jamais passé de commande de fabrication à la société Bocage Restauration mais se faisait mettre à disposition par cette dernière ses moyens de production pendant une durée déterminée et ce afin de réaliser sa propre production" ; que si elle a reconnu une mise à disposition des locaux, il n'en demeure pas moins que le personnel chargé de la fabrication était celui de la société Bocage Restauration, quand bien même était présent sur le site un ingénieur de la société Clarelia ; que la société Clarelia indique avoir à cet effet formé le personnel de la société Clarelia ce qui n'est pas contesté ; que la fabrication de produits spécifiques sans allergène nécessitait des conditions particulières, notamment un nettoyage des lieux de sorte que lorsque des produits Clarelia étaient fabriqués, toute autre production était exclue ; que la société Bocage Restauration restait le fabricant ; que peu importent les conditions dans lesquelles les deux sociétés ont convenu d'établir la facturation résultant des différentes prestations fournies par la société Bocage Restauration, cette dernière, seul employeur du personnel et détentrice des outils de fabrication, restant le fabricant contractuellement convenu ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que les parties ont mis en œuvre des conditions de fabrication spécifiques liées à la nature des produits, conditions que la société Bocage Restauration n'a remises en cause qu'après avoir notifié la rupture de leurs relations commerciales et alors que le groupe Nutrisens était entré à son capital; que dès lors cette rupture était imprévisible pour la société Clarelia ;

Que, si la société Bocage Restauration lui a écrit qu'elle " restait ouverte à toute relation dans laquelle elle exercerait effectivement son métier à savoir la fabrication de plats cuisinés, par mail du 22 juin 2012. Je souhaite que nous nous inscrivions dans une relation normale de client fournisseur à savoir nous développons les produits, nous achetons les MP (matières premières), nous fabriquons et expédions et nous facturons un coût à la barquette " et encore le 23 juillet " Je te rappelle mon dernier courrier. Je n'ai aucune demande de production de ta part ni aucune commande pour produire fin juillet. Courant septembre et pour la dernière fois nous avons réservé le 3 et 4 septembre pour fabriquer des produits de ta gamme, merci donc de nous faire parvenir une commande au plus tard le 31 juillet si tu souhaites une production.

En cas de fabrication pour le 3 ou le 4, les plateaux sont disponibles le 15. Il sera ainsi possible d'assurer la rentrée scolaire sans aucun problème ", ce dernier courriel est intervenu alors même que le préavis délivré le 6 avril était expiré; que ces échanges constituent une proposition nouvelle faite par la société Bocage Restauration et ne sauraient constituer un allongement du préavis d'autant qu'ils portaient sur une modification des accords contractuels tels qu'exécutés jusque-là.

Considérant qu'il appartient à la cour d'apprécier si la durée de préavis, soit trois mois, était suffisante.

Considérant que la relation commerciale a duré 9 ans et portait sur la fabrication de produits alimentaires réalisée dans des conditions spécifiques comme il a été vu ci-avant.

Considérant que la société Bocage Restauration fait valoir que dès le mois d'octobre 2012 la société Clarelia a commencé à faire fabriquer auprès d'un autre prestataire et que son chiffre d'affaires 2012 a été en progression de 6 % par rapport à l'année précédente ; qu'elle reconnaît à tout le moins qu'elle n'a pas pu se réorganiser efficacement afin de fournir les établissements scolaires et les crèches pour la rentrée de septembre ; qu'il en résulte qu'elle n'avait pas à sa disposition un stock pour faire face à celle-ci.

Considérant qu'à la suite de la rupture, la société Clarélia devait trouver un nouveau fabricant répondant à ses conditions générales de fabrication et notamment former son personnel, intégrer les recettes dans son outil informatique, adapter le process de fabrication en fonction des équipements de celui-ci ; que les nouvelles recettes devaient être élaborées impérativement en juillet pour être proposées en septembre ; que le Centre d'Expertise Technique qualifié d'Institut Trecnhnique Agro-Industriel par le ministère de l'Agriculture, reconnu comme " Centre de référence pour l'établissement et la validation des barèmes de traitements thermiques " estime qu'un délai de 9 mois était nécessaire pour le transfert du process industriel des plats cuisinés ; que ce délai ne prend pas en compte le délai supplémentaire nécessaire à la prospection et à l'audit d'une nouvelle usine.

Considérant que par courrier du 5 juillet 2012 la société Bocage Restauration a indiqué à la société Clarélia " En revanche dans le cadre d'une demande de fabrication c'est-à-dire sur les nouvelles bases conventionnelles. Nous pouvons en discuter sachant que nous sommes dans l'impossibilité de fabriquer avant notre départ en vacances "; que ce courriel met à l'évidence la difficulté pour la société Clarélia de trouver un fournisseur au cours de la période du préavis.

Considérant que, si la société Clarélia a été en mesure de faire assurer une production en octobre, ayant transféré celle-ci vers un nouveau site industriel en Espagne, il n'en demeure pas moins que son chiffre d'affaires pour les mois de septembre et d'octobre 2012 a été en baisse à hauteur respectivement de 14 011 euros et de 13 257 euros par rapport aux mêmes mois de 2011, démontrant qu'elle n'avait pas pu se réorganiser.

Qu'il résulte de ces éléments que le délais de préavis de 3 mois était manifestement insuffisant ; que la cour fixera celui-ci à 6 mois.

Considérant que la société Clarélia expose qu'il doit être doublé en ce que les produits en cause sont des produits sous marque de distributeur.

Considérant que l'article L. 112-6 du Code de la consommation définit le produit vendu sous marque de consommateur comme " le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupement d'entreprises qui en assure la vente au détail et qui est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ".

Considérant que la société Clarélia est titulaire de la marque Natama sous laquelle les produits dont elle a défini toutes les caractéristiques étaient vendus à des crèches ou à des établissements de restauration collective et ne donnaient pas lieu à revente de sorte qu'ils relèvent de la vente au détail ; qu'il y a lieu en conséquence de doubler la durée du préavis et de la porter à 12 mois.

Sur le préjudice résultant de la brusque rupture

Sur le préjudice lié au préavis

Considérant que la société Clarélia produit une attestation de son expert-comptable faisant ressortir une marge brute de 49,45 % et un chiffre d'affaires de 814 590 euros soit une marge brute moyenne de 33 568 euros par mois.

Considérant que, comme il a été vu ci-avant, la société Bocage Restauration ne peut nier avoir fabriqué les produits commercialisés par la société Clarélia ; qu'en conséquence, l'indemnité au titre du préavis doit être appréciée au regard de la marge brute que réalisait la société Clarélia.

Considérant que, si la société Clarélia faisait fabriquer l'essentiel de ses produits par la société Bocage Restauration, elle avait un autre fournisseur pour ses soupes de sorte qu'elle ne saurait réclamer réparation d'un préjudice fondé sur la totalité de son chiffre d'affaires ; qu'en conséquence, la cour retiendra une somme de 30 000 euros par mois et condamnera la société Bocage Restauration à lui payer la somme de 270 000 euros correspondant aux 9 mois de préavis supplémentaires.

Sur les autres préjudices

Considérant que la société Clarélia fait valoir qu'elle a subi un préjudice du fait de la rupture de stocks de produits et de l'absence de recettes à la rentrée 2012.

Considérant que la reconstitution de son stock et la diminution de son chiffre d'affaires en septembre et octobre 2012 sont intégrées dans sa perte de marge.

Considérant que la société Clarélia fait valoir qu'elle a dû transférer des matières premières de la société Bocage Restauration chez son nouveau fabricant, qu'elle a dû recruter un ingénieur du fait de ce transfert, qu'elle a dû faire face à des frais de déplacement et d'hébergement de personnel sur le nouveau site.

Considérant que ces dépenses sont induites par un changement de fabricant ce qui constituait un aléa dans la vie des affaires et n'est pas la conséquence de la brutalité de la rupture, seule indemnisable.

Considérant que, si la société Clarélia a subi des pertes de 2012 à 2014 alors que son chiffre d'affaires était stable, elle ne démontre pas que celles-ci sont la conséquence de la brutalité de la rupture.

Considérant que la société Clarélia fait enfin état d'une perte en raison de son impossibilité à accéder au marché espagnol car elle devait bénéficier du logo européen sans gluten accordé par l'organisation espagnole Face qui imposait un audit annuel par un laboratoire indépendant habilité (Aerta), audit qui a été réalisé le 2 avril 2012 donc avant la dénonciation du contrat.

Que la société Clarélia ne conteste pas que le laboratoire a préconisé des actions correctives ; qu'elle ne peut prétendre avoir perdu la certification Face du fait de la brutalité de la rupture dès lors que la société Bocage Retauration démontre que son accréditation avait expiré le 5 janvier 2012 ce qu'elle a d'ailleurs reconnu dans ses courriels ; que dès lors le fait qu'elle n'ait pas pu honorer la première commande d'un client espagnol ne résulte pas de la brutalité de la rupture.

Considérant que la société Clarélia relate avoir eu l'intention de développer une gamme de produits biologiques indispensables pour certains marchés, ayant obtenu la licence bio pour ses productions chez la société Soup Ideal et avoir perdu cette licence pour ses produits fabriqués par la société Bocage Restauration, prétendant que cette dernière n'a pas fourni les pièces nécessaires.

Qu'elle ne produit qu'une étude de marché réalisée en 2011 concernant la mise sur le marché d'une nouvelle gamme de produits cuisinés Clarélia sans allergène et ne démontre pas que les produits en cause étaient alors définis dans leur composants et mode de fabrication, elle-même reconnaissant que cette gamme n'a pu être mise en œuvre qu'en 2016 ; qu'il n'est pas rapporté la preuve que le retard allégué soit en lien avec la brutalité de la rupture des relations commerciales.

Considérant que les conséquences de la brutalité de la rupture sont réparées par l'octroi d'un préavis de 12 mois et par la somme de de 270 000 euros.

Sur le caractère abusif de la rupture

Considérant que la société Clarélia soutient que la rupture a été abusive en ce que la société Bocage Restauration l'a entretenue dans la croyance d'une poursuite des relations tout en menant des négociations avec un nouveau partenaire.

Considérant qu'après la rupture des relations commerciales la société Bocage Restauration a indiqué dans ses courriels qu'elle était disposée à poursuivre leurs relations dans le cadre d'une " relation normale de client fournisseur "; que cette proposition ne l'empêchait pas de négocier avec un nouveau client comme le groupe Nutrisens.

Que, si ce dernier a dans le même temps engagé des pourparlers avec la société Clarélia au cours desquels ont été successivement envisagés son rachat puis un contrat de commissionnement, les deux parties ne sont pas parvenues à un accord.

Qu'il relevait de la liberté contractuelle de ce groupe d'acquérir des parts de la société Bocage Restauration et de conclure un contrat de prestations de services avec celle-ci qui, pour sa part, était libre de rompre le contrat conclu avec la société Clarélia sauf à le faire loyalement et à respecter les engagements contractuels pris avec cette dernière.

Que s'agissant des conditions de cette rupture, celle-ci incombe à la société Bocage Restauration et il a été vu ci-avant qu'elle constituait une rupture brutale, la cour ayant fixé le préavis raisonnable qui aurait dû être donné par la société Bocage Restauration.

Que cette dernière était liée à la société Clarélia par des clauses de non-concurrence et de confidentialité qui seront examinées ci-après.

Que la société Nutrisens demeurait tenue de respecter les règles d'une concurrence loyale vis-à-vis de la société Clarélia, point qui sera également examiné ci-après.

Considérant en conséquence que la société Clarélia ne peut se prévaloir d'une rupture abusive ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de la débouter de sa demande de ce chef.

Sur la contrefaçon de marque

Considérant que la société Clarélia soutient que la société Bocage Restauration a reproduit sur son site internet la marque semi-figurative Clarélia Natama n° 3179648, marque distincte de la marque semi figurative n° 481 802 113 et produit un constat d'huissier de justice réalisé le 19 novembre 2012.

Considérant que la SAS Clarélia justifie de l'enregistrement de la marque française Naturama sous le n° 3176 648.

Considérant que la société Bocage Restauration ne conteste pas la reproduction de la marque semi-figurative Clarélia Natama n° 3179648 sur son site, faisant valoir que celle-ci ne visait pas à commercialiser des produits concurrents mais les propres produits de la société Clarélia ; qu'elle indique que le maintien de la référence au partenariat et à la marque Natama était un oubli et qu'elle l'a supprimé après la délivrance de l'assignation.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Bocage Restauration a reproduit la marque en cause sur son site sans autorisation.

Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris, de dire la SAS Clarélia recevable et de condamner la société Bocage Restauration à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Considérant que l'intimée soutient que la société Nutrisens Restauration commercialise sous la marque Nutrigène des " box " contenant des plats cuisinés destinés aux enfants souffrant d'allergies alimentaires en reprenant tant par leur contenu que par leur représentation les caractéristiques de la marque "Natama" n° 3723621, par des conditionnements, un code couleur, un étiquetage, la structure de la création graphique et celle interne du logotype et de l'icône ainsi qu'un encart informatif sur le carton de regroupement des menus à l'identique.

Considérant que la SAS Clarélia est titulaire de la marque française semi figurative Natama n° 3723621 qui se compose d'un élément verbal violet, précédé de cinq éléments figuratifs de couleur différentes représentant des gouttes en suspension;

Considérant toutefois qu'il n'existe aucune similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle entre la marque Natama n° 3723621 et la marque Nutrigène en ce que la marque Natama est semi-figurative alors que la marque Nutrigène est verbale, que la marque Natama se caractérise par une prédominance de la lettre A, absente dans le signe Nutrigène, que la marque Natama n'a pas de signification alors que Nutrigène correspond à la contraction des mots nutriment et gène ; que la police et les couleurs sont différentes ; que dès lors n'est pas établie la contrefaçon par imitation sans qu'il y ait d'examiner la similitude des produits.

Sur la contrefaçon de droits d'auteur

Considérant que la société Clarélia soutient que les caractéristiques de ses emballages témoignent d'un effort créatif et caractérisent leur originalité.

Considérant que l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre jouit sur celle-ci du seul fait de sa création d'un droit de propriété intellectuelle, quel qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination pour autant qu'il s'agisse d'une œuvre originale.

Considérant que la société Clarélia soutient que les emballages pris en leur combinaison constituent une œuvre créatrice par :

- l'utilisation de contenants ronds en forme d'assiette

- l'association de couleurs contrastées qui, tout en rappelant les couleurs des familles de plats, sont représentées dans des " gouttes d'eau " qui s'évaporent en gouttelettes de plus en plus fines exprimant par le contraste un sentiment festif et par l'envol un sentiment de légèreté

- la forme " goutte d'eau " reprise sur l'étiquette principale, cette combinaison étant destinée à exprimer un esprit festif et gustatif à des plats destinés à un public spécifique.

Considérant que l'emploi de contenants de forme ronde est pratiqué de façon courante dans le secteur de la vente de plats cuisinés individuels ; que de plus c'est la société Bocage Restauration qui les fournit tant à la société Clarélia qu'à d'autres clients, la société Clarélia ne justifiant pas d'une exclusivité, ni d'une création dédiée.

Que la structure de l'emballage, constituée par une boîte en carton contenant un kit de couverts jetables est également courante dans le secteur des plats cuisinés à emporter.

Que la société Clarélia soutient que les étiquettes apposées sur les produits sont originales en ce qu'elles reprennent les caractéristiques de la marque Natama laquelle se distingue par son graphisme en forme de gouttes d'eau.

Que celles-ci par leur forme ronde ne font que s'adapter à la boîte ; que les mentions y figurant sont celles imposées par le code de la consommation ; que l'indication des catégories de plats et leur photograhie ne lui confèrent aucune originalité.

Que, si la société Clarélia utilise trois couleurs, vert pour les entrées, framboise pour les desserts et marron pour les plats cuisinés, ces couleurs sont dictées par la nature des produits et se retrouvent sous d'autres marques.

Que la forme de gouttes invoquée n'est que la reproduction de la marque internationale semi figurative Natama.

Considérant qu'aucun de ces éléments, ni leur combinaison, ne caractérisent un effort créatif de la société Clarélia et révélant son empreinte.

Considérant en conséquence que les appelantes ne démontrent l'originalité ni des emballages, ni des étiquettes ; que dès lors il n'y a pas lieu d'examiner les faits de contrefaçon allégués; que c'est à bon droit que les premiers juges les ont déboutées de leur demande du chef de contrefaçon de droits d'auteur.

Sur les clauses de confidentialité et de non-concurrence

Considérant que la société Clarélia soutient que le contrat stipulait des clauses de confidentialité et de non concurrence parfaitement distinctes et que la société Bocage Restauration a violé l'une et l'autre.

Considérant que l'article 11-2 du contrat stipule que " le fabricant s'interdit de concevoir, fabriquer ou commercialiser des produits présentés comme destinés aux personnes souffrant d'allergies alimentaires " ; que cette clause était valable pour une durée d'un an après la fin des relations commerciales, expirant donc le 6 juillet 2013.

Considérant que la société Bocage Restauration soutient que cette clause est nulle en ce qu'elle n'est pas limitée dans l'espace et en ce qu'elle n'est pas proportionnée à l'objet du contrat ou aux intérêts légitimes à protéger.

Considérant, d'une part, que cette clause est brève puisque limitée à un an, d'autre part, qu'elle vise les opérations de concevoir , fabriquer ou commercialiser par le fabricant ; que celles-ci sont des actes relevant directement de l'activité industrielle du fabricant et non des activités confiés à des tiers que, dès lors, elles ont nécessairement un cadre géographique restreint qui est celui du site sur lequel se situe l'activité industrielle de conception et de fabrication et les sites de commercialisation dont il n'est pas démontré qu'ils en seraient distincts ; que, dès lors, la clause de non concurrence est limitée dans le temps et l'espace.

Considérant que, si le marché des produits destinés aux personnes allergiques représente 100 % du chiffre d'affaires de la société Clarélia, il ne représente que 0,03 % de celui de la société Bocage Restauration, de sorte que la société Clarélia était fondée à protéger son activité par rapport à celle de son fabricant ; qu'en conséquence, la clause de non-concurrence a un objet parfaitement déterminé et n'est pas disproportionnée au regard des activités de chacune des parties.

Considérant que le contrat stipule en outre que " Les parties s'interdisent réciproquement et formellement de divulguer les renseignements techniques et/ou commerciaux concernant l'autre partie, qu'elles auraient été amenées à connaître dans le cadre de l'exécution du présent contrat, notamment aux produits objet du contrat. La présente clause s'appliquera même après la fin de la relation entre les parties.

Il est particulièrement insisté sur cette obligation, la société Clarélia étant détentrice d'un savoir-faire particulier, transmis au fabriquant dans le cadre des présentes, et tenant à la définition des matières premières utilisées, l'élaboration de recettes spécifiques, à la sélection des fournisseurs, à la maîtrise de la filière en terme de traçabilité, de l'approvisionnement en matières premières jusqu'à la commercialisation du produit fini. Le fabricant reconnaît ce savoir-faire et s'interdit de le mettre en œuvre en tout ou partie pour son propre compte ou pour le compte de tiers.

Le fabricant s'interdit, par ailleurs, de copier ou de s'inspirer de tout élément des produits pour toute fabrication pendant la durée de la relation, comme pendant les cinq années suivant sa fin ".

Considérant que cette clause porte sur la divulgation à des tiers du savoir-faire de la société Clarélia lequel est caractérisé comme tenant à la définition des matières premières utilisées, l'élaboration de recettes spécifiques, à la sélection des fournisseurs, à la maîtrise de la filière en terme de traçabilité, de l'approvisionnement en matières premières jusqu'à la commercialisation du produit fini.

Que cette clause ne saurait être confondue avec la clause de non-concurrence qui vise la conception, la fabrication, ces opérations pouvant être réalisées indépendamment du savoir-faire transmis par la société Clarélia, si comme il est soutenu, la société Nutrisens Restauration commercialisait déjà des produits qui évincaient un certain nombre d'allergènes ce qui supposait qu'elle disposait aussi d'un savoir-faire propre.

Que la société Clarélia décrit le savoir-faire qu'elle a transmis à la société Bocage Restauration et fait valoir que les produits que la société Nutrisens Restauration faisait fabriquer et qu'elle commercialisait était une gamme sans gluten, soit un seul allergène évincé ; que la société Nutrisens ne démontre pas la commercialisation de produits concernés par d'autres allergènes avant sa prise de participation au capital de la société Bocage Restauration; que dès lors la société Bocage Restauration a nécessairement divulgué le savoir-faire qu'elle détenait du fait de son partenariat avec la société Clarélia pour permettre à la société Nutrisens Restauration de créer une telle gamme ce d'autant que cette dernière avait mis comme condition qu'une telle gamme soit finalisée dès le 1er juillet 2012.

Considérant qu'il y a lieu de constater que la société Bocage Restauration a violé chacune des deux clauses ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a retenu que la violation de la clause de non-concurrence, de confirmer le quantum alloué à ce titre et de condamner la société Bocage Restauration à payer à la société Clarélia la somme globale de 50 000 euros du chef de violation de la clause de confidentialité.

Sur l'inexécution contractuelle

Considérant que la société Clarélia expose que la société Bocage Restauration a manqué à ses obligations contractuelles au titre d'une contamination d'aliments, d'une perte de matière première et de produits défectueux

Considérant que la société Clarélia fonde ses demandes sur des fiches de non-conformité ; que toutefois elle n'en produit qu'une en date du 12 avril 2012 portant sur des flans de tomates-haricots verts faisant mention de 941 produits alors qu'elle a établi une facture pour 1071 non conformités et qu'elle n'a avisé la société Bocage Restauration qu'en septembre 2012.

Considérant qu'il n'est produit aucun élément permettant la vérification de ces allégations ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de débouter la société Clarélia de ses demandes.

Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme

Considérant que la société Clarélia soutient que les faits allégués de concurrence déloyale et de parasitisme sont plus larges que ceux allégués au titre de la contrefaçon en ce qu'ils portent sur le savoir-faire, la stratégie et les éléments de communication qu'elle a développés.

Considérant que, comme il a été vu lors de l'examen de la violation de la clause de confidentialité, la société Bocage Restauration avait nécessairement acquis de la société Clarélia un savoir-faire en matière de fabrication de produits sans allergènes.

Que les produits développés par la société Nutrisens Restauration appartiennent au même marché, celui de la commercialisation de produits sans allergènes.

Que la société Nutrisens Restauration a lancé une gamme de produits évinçant 50 allergènes dont 44 allergènes communs à ceux des produits Clarélia.

Que dès le 16 mai 2012 la société Nutrisens Restauration a indiqué à la société Bocage Restauration qu'elle souhaitait qu'une gamme de produits sans allergènes soit impérativement finalisée pour le 1er juillet suivant ; que dès le 12 juin 2012, la société Nutrisens Restauration s'est prévalu auprès de l'Association française pour la prévention des allergies de son partenariat avec la société Bocage Restauration mais aussi de ce que cette dernière fabriquait des produits Natama de la société Clarélia.

Considérant que le marché des produits sans allergènes est un marché porteur depuis plusieurs années; que la société Nutrisens Restauration a développé ses produits en commercialisant à la rentrée 2015 une gamme de produits excluant un plus grand nombre d'allergènes, soit 50, comme la gamme commercialisée dès 2002 par la société Clarélia; qu'elle a adopté la même présentation sous forme d'un plateau repas de forme rectangulaire recouvert d'un film transparent comportant trois barquettes individuelles en plastique de forme ronde correspondant à l'entrée, au plat et au dessert qui sont de dimensions identiques et qui comportent des étiquettes dont l'emplacement et le diamètre similaires ; que ces plateaux comportent aussi un kit couverts en plastique; que les informations sur le plateau sont disposées dans les deux cas de façon identique avec la présence d'un bloc marque à gauche du grand côté du plateau et du logo, que l'emplacement et l'encombrement de la photo de la recette sont positionnés également à l'identique ; que les plateaux comportent une même étiquette menu rectangulaire blanche; que l'élément distinctif en forme de goutte d'eau a également été repris ; que les codes couleur sont également semblables.

Considérant ainsi que de nombreux éléments ont été repris sans aucune nécessité par la société Nutrisens Restauration; qu'il s'ensuit un risque de confusion chez les clients laissant supposer des liens entre les deux sociétés ; que ces faits constituent des actes de concurrence déloyale ; que ces faits sont imputables à la société Nutrisens Restauration.

Considérant que la société Clarélia justifie des investissements qu'elle a réalisés soit un montant cumulé de 982 000 euros au bilan 2011 et de sa notoriété dans le secteur des produits sans allergène ; que la société Nutrisens s'est manifestement placée dans son sillage pour développer des produits dans ce secteur.

Considérant que, si ces faits sont distincts de ceux relatifs à la rupture brutale imputés à la société Bocage Restauration, cette dernière a aussi été retenue par la cour sur le fondement des clauses contractuelles de non-concurrence et de confidentialité la liant à la société Clarélia ; qu'en conséquence, elle ne saurait être condamnée pour des faits de concurrence déloyale commis par les sociétés Nutrisens ; que la cour fixera le montant alloué à la société Clarélia soit à la somme de 50 000 euros à la seule charge des sociétés Nutrisens.

Sur les autres demandes de la société Clarélia

Considérant que les réparations allouées sont suffisantes sans qu'il soit nécessaire d'ajouter des mesures de publication.

Considérant qu'il n'est pas démontré la poursuite des agissemments en cause de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner des mesures d'interdiction.

Sur la demande pour procédure abusive

Considérant que les sociétés Bocage Restauration et Nutrisens Restauration succombant dans leurs prétentions, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Clarélia dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, réforme le jugement déféré en ce qu'il a : dit irrecevable la société Clarélia à agir en contrefaçon de marque et au titre des droits d'auteur, condamné in solidum les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Restauration au titre de la concurrence déloyale à la somme de 20 000 euros, déclaré nulle la clause de confidentialité liant les parties, condamné la société Bocage Restauration à payer à la société Clarélia la somme de 1 751,55 euros pour manquements à ses obligations contractuelles, rejeté la demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales. Et statuant à nouveau, dit la société Clarélia recevable en ses demandes en contrefaçon de marque et au titre des droits d'auteur. Condamne la société Bocage Restauration à payer à la société Clarélia la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de la marque Clarélia Natama n° 3179648. Juge la société Clarélia mal fondée en ses autres demandes en contrefaçon de marque et au titre des droits d'auteur. Dit que la société Bocage Restauration a rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Clarélia. Fixe A 12 mois le préavis au titre de la rupture brutale des relations commerciales. Condamne la société Bocage Restauration à payer la somme de 270 000euros à la société Clarélia au titre de l'inexécution de ce préavis. Condamne la société Bocage Restauration à payer à la société Clarélia la somme de 50 000 euros du chef de violation de la clause de confidentialité. Condamne Nutrisens et Nutrisens Médical, venant aux droits de la société Nutrisens Restauration, à payer à la société Clarélia la somme globale de 50 000 euros au titre de la concurrence déloyale et des actes de parasitisme. Condamne In solidium les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Médical, venant aux droits de la société Nutrisens Restauration, à payer à la société Clarélia la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire. Condamne in solidum les sociétés Bocage Restauration, Nutrisens et Nutrisens Médical, venant aux droits de la société Nutrisens Restauration, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.