CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 5 mai 2017, n° 15-15434, 15-16205
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
MHCS (SNC), Jas Hennessy (SCS), Polmos Zyrardow SP. ZO. O (Sté) , Macdonald & muir LTD (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Renard, Douillet
Faits et procédure
Les sociétés MHCS, JAS Hennessy & C°, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited appartiennent au groupe Moët Hennessy et sont spécialisées dans l'élaboration et le négoce de champagne, vins et spiritueux.
La société MHCS est titulaire des marques suivantes :
- la marque française " Moët & Chandon " déposée notamment en classes 33 et 35, sous le n°1273825, en date du 24 mai 1984 ;
- la marque communautaire " Moët & Chandon " dénominative déposée en classes 32, 33 et 42 sous le n°515338 en date du 17 avril 1997 ;
- la marque communautaire " Moët " dénominative déposée en classes 31, 32 et 33 sous le n°515569, en date du 17 avril 1997 ;
- la marque internationale désignant la France " Moët & Chandon Impérial " représentant la bouteille de champagne Impérial, déposée en classes 32, 33 et 43 sous le n°1082673 sous priorité de la marque française n°378681 en date du 30 mai 2011 ;
- la marque communautaire " Moët & Chandon " représentant la bouteille de Champagne Brut Impérial, marque tridimensionnelle déposée en classes 32,33 et 42 sous le n°1318161 en date du 22 septembre 1999 ;
- la marque communautaire "Veuve C. P. " déposée en classes 33, 35 et 41 sous le n°4099743 le 16 décembre 2004 ;
- la marque communautaire semi-figurative " Veuve C. P. " déposée en classes 32, 33 et 35 sous le N°8601742 en date du 8 octobre 2009 ;
- la marque communautaire semi-figurative " Veuve C. " déposée en classes 33, 35 et 41, le 14 janvier 2008 n°6490205 ;
- la marque communautaire " Krug " déposée en classes 33, 35 et 41 sous le n°3428695, le 4 décembre 2003 ;
- la marque communautaire figurative tridimensionnelle " Krug " représentant la bouteille, déposée en classes 33, 35 et 41 n°7020597, le 27 juin 2008 ;
- la marque française semi-figurative " Krug " représentant une bouteille n°4035685 déposée en classes 32, 33 et 43, le 27 septembre 2013 ;
- la marque française dénominative "Ruinart " déposée en classes 33 et 35 sous le n°92431630 en date du 25 août 1992 ;
- la marque communautaire " Ruinart " déposée en classes 32, 33 et 42 sous le n°514638 en date du 17 avril 1997 ;
- la marque communautaire tridimensionnelle " Ruinart " représentant la bouteille, déposée en classes 32, 33 et 42 sous le n°1509215, le 15 février 2000.
La société JAS Hennessy & C° est titulaire des marques suivantes :
- la marque communautaire " Hennessy " déposée en classes 32, 33 et 43 en date du 25 juillet 2005 sous le n°4559241 ;
- la marque française " Belvedere " déposée en classe 33 représentant la bouteille de Vodka n°3282489, le 26 mars 2004.
La société Macdonald & Muir Limited est titulaire des droits suivants :
- la marque communautaire " Glenmorangie " déposée en classe 33, le 1er avril 1996 sous le n°85316.
La société 2BDR, qui exerce sous le nom commercial " Qu'on se le dise " (QSLD), est une société de design graphique spécialisée dans le packaging de flacons et de bouteilles. Elle édite sur internet et sur les réseaux sociaux, des pages consacrées à son activité et à ses réalisations.
Les sociétés MHCS, JAS Hennessy & C°, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited ont travaillé en collaboration avec la société 2BDR pour la branche " vins et spiritueux " du groupe Moët Hennessy.
La société MHCS a estimé que la société 2BDR utilisait sur son site internet www.qsld.com ses marques sans son autorisation. Par courrier du 14 novembre 2013, elle lui a adressé une mise en demeure de supprimer tous les visuels litigieux.
Les sociétés MHCS, JAS Hennessy & C°, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited ont par la suite fait constater, par huissier de justice, l'utilisation litigieuse sur le site internet des marques Moët & Chandon, Veuve C., Krug, Ruinart, Belvedere, Glenmorangie et Hennessy ainsi que sur les pages des réseaux sociaux Facebook et Pinterest.
Suite à un échange de courrier avec la société 2BDR, les sociétés MHCS, JAS Hennessy & C°, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited l'ont assignée par acte d'huissier en date du 24 décembre 2013, pour contrefaçon de marques, atteinte aux marques renommées et parasitisme.
Par ordonnance rendue le 3 juillet 2014, le juge de la mise en état, saisi d'un incident, a :
- dit que la vraisemblance des atteintes sur les marques des sociétés MHCS, JAS Hennessy & C°, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited n'était pas suffisamment établie,
en conséquence,
- rejeté l'ensemble des demandes formées par les sociétés défenderesses, et l'ensemble des demandes reconventionnelles formées par la société 2BDR au titre de la contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale,
- condamné chacune des sociétés défenderesses à verser à la société 2BDR la somme de 1 500euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Par jugement contradictoire en date du 18 juin 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté les sociétés MHCS, JAS Hennessy, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited de leurs demandes en contrefaçon de marques et d'atteinte à la renommée de leurs marques à l'égard de la société QSLD ;
- débouté les sociétés MHCS, JAS Hennessy, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited de leurs demandes au titre du parasitisme envers la société QSLD ;
- débouté la société QSLD de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné in solidum les sociétés MHCS, JAS Hennessy, Polmos Zyrardow et Macdonald & Muir Limited à payer à la société QSLD la somme de 30 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de leur conseil conformément aux conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
La société 2BDR a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 16 juillet 2015.
Les sociétés MHCS, Jas Hennessy, Polmos Zyrardow, Macdonald & Muir Limited ont interjeté appel de la décision par déclaration au greffe le 24 juillet 2015.
Par ordonnance du 29 octobre 2015, les deux instances étaient jointes.
Par jugement du 27 avril 2016, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société 2BDR. Maître Patrick L. de G., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société 2BDR est intervenu volontairement à l'instance.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2016, Maître Patrick L. de G., ès-qualités de liquidateur de la société 2BDR, demande à la Cour de :
- juger irrecevables les demandes de la société MHCS relatives à l'atteinte à la marque renommée Veuve C. P. n°4099743, à la reproduction d'une bouteille " gamme GOLDEN " de Moët & Chandon et à la reproduction partielle de la photographie du " Fridge " Veuve C. P. ;
- écarter des débats les pièces adverses 5, 6, 8, 12 et 58 ;
- juger mal fondées les demandes des intimées relatives aux marques renommées et au parasitisme ;
- juger irrecevables ou à tout le moins mal-fondées les demandes des intimées fondées sur les articles L. 121-1 et L. 115-33 du Code de la consommation et celles fondées sur l'atteinte aux marques renommées ;
- juger que les marques Veuve C. P. n°4099743, Ruinart n°514638, Hennessy n°4559241 et Glenmorangie n°85316 ne sont pas renommées ;
- prononcer la nullité des marques n°7020597, n°1318161, n°3786381, n° 1082673, n°4035685, n°1509215, n°3282489 ;
- prononcer la déchéance des droits de la société MHCS sur les marques :
n°7020597, à compter du 27 juin 2013 ;
n°1318161, à compter du 22 septembre 2004 ;
n°1509215, à compter du 15 février 2005 ;
- prononcer la déchéance des droits de la société Macdonald & Muir Limited sur la marque n°3282489, à compter du 26 mars 2009 ;
- prononcer la déchéance des droits de la société MHCS sur les marques suivantes, en ce qu'elles visent les services de publicité :
n°1273825 à compter du 24 mai 1989 ;
n°4099743 à compter du 16 décembre 2009 ;
n°8601742 à compter du 8 octobre 2014 ;
n°6490205 à compter du 14 janvier 2013 ;
n°3428695 à compter du 4 décembre 2008 ;
n°7020597 à compter du 27 juin 2013 ;
n°92431630 à compter du 25 aout 1997 ;
à titre subsidiaire :
- débouter les intimées de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
à titre infiniment subsidiaire :
- n'interdire l'usage des marques Moët & Chandon n°515338, Veuve C. P. n°4099743, Ruinart n°514638, Hennessy n°4559241 et Glenmorangie n°85316 qu'en ce qu'il ne serait pas conforme aux usages en la matière ;
et, en tout état de cause
- condamner solidairement les intimées à lui verser :
la somme de 50 000euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
la somme de 77 700 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2017, les sociétés MHCS, JAS Hennessy & C°, Polmos Zyrardow SP. ZO. O et Macdonald & Muir Limited demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive
- dire que les demandes de nullité et déchéance de l'appelante relatives aux marques des sociétés du groupe Moët Hennessy n°7020597, n°1318161, n°3786381, n°1082673, n°4035685, n°1509215, n°3282489, n°1273825, n°8601742, n°6490205, n°3428695 et n°92431630 sont irrecevables ou à tout le moins infondées ;
et statuant de nouveau, constater que l'appelante :
porte atteinte aux marques de renommée verbales communautaires Moët & Chandon n°515338, Veuve C. P. n°4099743 et Ruinart n°514638 détenues et exploitées par la société MHCS ; Hennesy n°4559241 détenue et exploitée par la société JAS Hennessy & C° ; et Glenmorangie n°85316 détenue et exploitée par la société Macdonald & Muir Limited ;
commet des actes parasitaires leur portant préjudice;
en conséquence, interdire à l'appelante et à son liquidateur, à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 1 000euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :
tout usage d'un signe identique ou similaire aux marques de renommée verbales communautaires Moët & Chandon n°515338, Veuve C. P. n°4099743 et Ruinart n°514638 détenues et exploitées par la société MHCS, Hennesy n°4559241 détenue et exploitée par la société JAS Hennessy & C° et Glenmorangie n°85316 détenue et exploitée par la société Macdonald & Muir Limited ;
toute exploitation des produits Moët & Chandon, Veuve C., Ruinart, Krug, Hennessy, Belvedere et Glenmorangie, constitutive d'actes de parasitisme ;
en tout état de cause :
- fixer le montant de la créance de la société MHCS au passif de la liquidation judiciaire de l'appelante, à la somme totale de 105 000 euro correspondant :
d'une part, l'indemnisation de son préjudice au titre de l'atteinte à ses marques de renommée, et subsidiairement d'agissements parasitaires, à hauteur de 75 000 euro ;
et, d'autre part, aux frais irrépétibles devant lui être remboursés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 30 000 euro ;
- fixer le montant de la créance de la société JAS Hennessy & C° au passif de la liquidation judiciaire de l'appelante à la somme totale de 50 000 euro correspondant :
d'une part, l'indemnisation de son préjudice au titre de l'atteinte sa marque de renommée, et subsidiairement d'agissements parasitaires, à hauteur de 20 000euro
et, d'autre part, aux frais irrépétibles devant lui être remboursés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 30 000 euro ;
- fixer le montant de la créance de la société Polmos Zyrardow SP ZO.O au passif de la liquidation judiciaire de l'appelante à la somme totale de 50 000euro correspondant :
d'une part, l'indemnisation de son préjudice au titre d'agissements parasitaires à hauteur de 20 000euro
et, d'autre part, aux frais irrépétibles devant lui être remboursés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 30 000 euro ;
- fixer le montant de la créance de la société Macdonald & Muir Limited au passif de la liquidation judiciaire de l'appelante à la somme totale de 40 000euro correspondant :
d'une part, l'indemnisation de son préjudice au titre de l'atteinte sa marque de renommée, et subsidiairement d'agissements parasitaires, à hauteur de 10 000 euro
et, d'autre part, aux frais irrépétibles devant lui être remboursés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 30 000 euro ;
- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, et que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2017.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur la demande de la société 2BDR tendant à voir écarter les pièces adverses 5, 6, 8, 12 et 58
Considérant que cette demande est motivée par le fait que les pièces susvisées sont rédigées en anglais.
Considérant que cette seule circonstance est insuffisante dès lors qu'avant l'examen au fond la cour ne peut juger si leur traduction est une condition nécessaire de leur prise en compte ; que l'existence même de ces documents, voire des éléments de leur contenu peuvent en effet être appréciés par la Cour indépendamment de leur traduction ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de les écarter avant l'examen au fond de l'affaire.
Sur la demande tendant à l'irrecevabilité des demandes nouvelles fondées sur les marques
Considérant que la société 2BDR soutient qu'en cause d'appel les sociétés MHCS, Hennessy, Polmos et Macdonald font des demandes nouvelles, faisant observer qu'en première instance, les demandes portaient, à titre principal, sur la contrefaçon de 7 marques et l'atteinte à 18 marques renommées, et, à titre subsidiaire, sur le parasitisme alors qu'en appel, elles sont fondées, à titre principal, sur l'atteinte à 5 marques renommées, le parasitisme, des pratiques commerciales trompeuses et des faits nouveaux.
Considérant que l'article 565 du Code de procédure civile dispose que " Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ".
Considérant qu'il n'est formé aucune demande au titre du droit de la consommation ; que la demande du chef de parasitisme formée à titre subsidiaire l'est à titre principal ; qu'il ne s'agit pas de demandes nouvelles.
Considérant que la société 2BDR vise comme étant nouvelles les demandes suivantes :
- la reproduction d'une bouteille " gamme golden " de Moët & Chandon et la reproduction partielle du " Fridge Veuve C. P. "
- la marque Veuve C. P. n°4099743 qui faisait l'objet d'une demande sur le fondement de la contrefaçon et qui est invoquée en appel sur le fondement de l'atteinte à une marque renommée.
Considérant que la bouteille " golden " de Moët & Chandon et l'étui " Fridge " Veuve C. P. figuraient sur les supports de communication de la société 2BDR visés au procès-verbal de constat d'huissier dressé le 1er juillet 2014 et produit en première instance ; qu'il ne s'agit donc pas de demandes nouvelles.
Considérant que la demande formée en appel pour atteinte à la renommée de la marque Veuve C. P. tend aux mêmes fins que la demande en contrefaçon à savoir sanctionner son exploitation ;
Considérant qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société 2BDR de ce chef.
Sur les demandes en nullité et déchéance :
Considérant que la société 2BDR demande à la cour de prononcer :
- la nullité des marques n°7020597, n°1318161, n°3786381, n°1082673, n°4035685, n°1509215 de la société MHCS et n°3282489 de la société Polmos,
- la déchéance des droits de la société MHCS sur les marques :
n°7020597, à compter du 27 juin 2013 ;
n°1318161, à compter du 22 septembre 2004 ;
n°1509215, à compter du 15 février 2005 ;
- la déchéance des droits de la société Macdonald & Muir Limited sur la marque n°3282489,
- la déchéance partielle pour les services de la classe 35. des droits de la société MHCS sur les marques :
n°1273825 à compter du 24 mai 1989 ;
n°4099743 à compter du 16 décembre 2009 ;
n°8601742 à compter du 8 octobre 2014 ;
n°6490205 à compter du 14 janvier 2013 ;
n°3428695 à compter du 4 décembre 2008 ;
n°7020597 à compter du 27 juin 2013 ;
n°92431630 à compter du 25 aout 1997.
Considérant que le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas d'usage des signes en cause à titre de marque et n'a pas examiné les demandes de la société 2BDR, s'agissant de moyens de défense.
Considérant qu'en cause d'appel ces marques ne sont plus opposées car les sociétés MHCS ont concentré leurs demandes sur la seule atteinte aux marques de renommée verbale communautaires suivantes :
Moët & Chandon n°515338,
Veuve C. P. n°4099743,
Ruinart n°514638, ces trois marques étant détenues et exploitées par la société MHCS,
Hennesy n°4559241 détenue et exploitée par la société JAS Hennessy & C°,
Glenmorangie n°85316 détenue et exploitée par la société Macdonald & Muir Limited.
Considérant que ne sont plus invoqués des actes de contrefaçon de sorte que le litige est limité, d'une part, à l'atteinte portée aux cinq marques précitées en tant que marques renommées, d'autre part, à titre subsidiaire, à des actes de parasitisme.
Considérant que la Cour n'étant plus saisie de demandes autres, la société 2BDR ne saurait invoquer un intérêt à agir en nullité ou en déchéance de marques qui ne sont plus visées ni au titre de la contrefaçon, ni sur le fondement de l'atteinte aux marques renommées ; que la demande de parasitisme étant faite à titre subsidiaire, elle ne peut concerner que les cinq marques précitées.
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer irrecevable la société 2BDR en ses demandes de nullité et de déchéance des sept marques suivantes :
- Krug n°700597
- Moët & Chandon brut imperial n°1318161
- Moët & Chandon imperial n°3786381
- Moët & Chandon imperial n°1082673
- Krug n°4035685
- Ruinart n°1509215
- Belvedere n°3282489.
Considérant que la société 2BDR sera en revanche déclarée recevable en ce qu'elle soutient la déchéance de la marque Veuve C. P. n°4099743, pour les services de la classe 35, cette marque étant visée comme étant une marque renommée.
Sur la demande tendant à la déchéance de la marque Veuve C. P. n°4099743 pour les services de la classe 35
Considérant que la société 2BDR soutient que la société MHC doit être déchue de sa marque Veuve C. P. n°4099743 pour les services de la classe 35 faute d'exploitation pour les services de publicité.
Considérant que la société MHCS justifie qu'elle a exploité la marque Veuve C. P. dans le cadre d'événements de communication promotionnelle en relation avec le champagne commercialisé sous cette marque en France et dans l'Union Européenne et qu'elle offre également sous cette marque un service de contenus relatif à l'univers du vin.
Considérant qu'il y a lieu en conséquence de débouter la société 2BDR de sa demande en déchéance.
Sur le caractère de marque renommée des marques en cause
Considérant que les appelantes soutiennent que les marques qui restent dans la cause sont des marques renommées, que ni les usages de la profession ni les contrats conclus avec elles ne justifiaient leur reproduction par la société 2BDR et que l'exploitation démesurée, qui en a été faite et qui persiste alors que les relations commerciales ont cessé, est fautive.
Considérant que la société 2BDR affirme que les marques en cause ne relèvent pas du régime des marques renommées et ne sauraient bénéficier de la protection en découlant.
Considérant que les produits en cause sont des produits de luxe, à savoir des boissons alcoolisées consommées ou repérées par tout français qui fréquente notamment les restaurants, les bars, les magasins spécialisés dans la vente d'alcool ou les grandes surface ; qu'en conséquence, pour être renommée une marque doit être connue d'une fraction significative de ce public.
Concernant la marque Moët & Chandon n°515338
Considérant que la maison Moët & Chandon a été créée en 1743 ; qu'elle arrive dans le classement des 10 marques de champagne les plus importantes au monde , ayant 11% de parts de marché en France et 21% au sein de l'Union européenne ; qu'elle engage depuis des années des investissements importants de promotion et de communication ; que selon le sondage produit, ses bouteilles sont connues de 71% des consommateurs ; que ces éléments démontrent qu'elle est une marque renommée.
Concernant la marque Veuve C. P. n°4099743
Considérant que la marque Veuve C. P. a été créée en 1772 et qu'elle a été exploitée de façon continue ; qu'elle est présente tant sur le marché français qu'en Europe et se situe en deuxième position dans le classement des marques les plus importantes de champagne ; qu'elle a un budget publicitaire significatif ; que par un arrêt du 30 juin 2015, la cour d'appel de Bruxelles a jugé que la marque représentant la nuance " jaune c. " et celle représentant la collerette et l'étiquette des bouteilles de champagne Veuve C. étaient renommées ; qu'enfin, est produite une enquête Ifop montrant qu'elle est connue de 64% des consommateurs ; que l'ensemble de ces éléments démontrent qu'elle est une marque renommée.
Concernant la marque Ruinart n°514638
Considérant que la marque Ruinart a été créée en 1729 et que la maison du même nom constitue la plus ancienne des maisons de champagne ; qu'elle connait un succès commercial en France et sur le marché de l'Union Européenne ; qu'elle consacre un budget important, d'une part, pour sa promotion en France, au sein de l'union Européenne et dans monde, d'autre part pour la défense de ses droits de marque ; que l'ensemble de ces éléments démontrent qu'elle est une marque renommée.
Concernant la marque Hennessy n°4559241
Considérant que la maison Hennessy a été créée en 1765 et a fait un usage ininterrompu de la marque verbale Hennessy depuis plus de deux siècles ; qu'elle est le troisième producteur au monde pour les spiritueux haut de gamme et le premier producteur de cognac dans le monde, le cognac Hennessy étant distribué dans 130 pays ; que depuis de nombreuses années elle fait l'objet de campagnes de publicité ; que l'ensemble de ces éléments démontrent qu'elle est une marque renommée.
Concernant la marque Glenmorangie n°85316
Considérant que la marque Glenmorangie a été créée en 1843 et a été exploitée de façon continue ;
Que, toutefois, si la marque Glenmorangie est présentée comme leader en Ecosse sur le marché du single malt, les intimées évoquent le whisky Glenmorangie, produisant un article de presse et un tableau de ses parts de marché au Royaume Uni et en France ; que ces documents concernent donc deux produits qui seraient commercialisés sous cette marque sans démontrer que celle-ci aurait acquis une renommée pour l'un ou pour l'autre ni en France, ni au Royaume-Uni.
Sur les atteintes alléguées à l'encontre des marques renommées
Considérant que l'article 9 du règlement communautaire 207/2009 du 26 février 2009 dispose que :
" La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif .Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :
c) d'un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans la Communauté et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice ".
Considérant qu'il y a atteinte à une marque renommée lorsque l'usage qui en a été fait :
- a été réalisé " pour des produits ou services "
- sans juste motif
- et qu'il est tiré indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.
Considérant que, si la société 2BDR prétend que les appelantes n'identifient pas les reproductions sur lesquelles portent leurs demandes, la Cour constate que celles-ci ont clairement précisé, photos à l'appui tant dans les constats dressés que dans les dernières conclusions, pour chacune des marques, les visuels litigieux, la Cour écartant seulement toute référence aux marques Krug et Belvedere qui ne sont plus visées dans le débat au titre des marques renommées.
Considérant que l'usage de la marque est destiné à identifier un produit ou un service comme provenant d'une entreprise déterminée et à le distinguer d'autres produits ; que l'atteinte à la marque de renommée ne nécessite pas de démontrer l'existence d'un risque de confusion, l'atteinte à la marque renommée se caractérisant par son usage pour des produits ou services.
Considérant que la société 2BDR soutient qu'elle ne fait pas usage des marques en cause dès lors que ses services de design sont désignés par ses propres signes distinctifs " QSLD ", son logo avec l'indication de son activité comme étant " Art direction &design " figurant sur la première page de son site et aucune des marques n'étant enregistrée à titre de mots clés.
Considérant que, si les créations de la société 2BDR portent sur des articles de service, seaux à glace, coffrets, étuis, flûtes , plateaux, frigo et des emballages destinés aux produits commercialisés sous les marques en cause, cette société utilise de façon systématique pour présenter ses créations sur son site et sur les pages Facebook et Pinterest les bouteilles et flacons faisant ainsi apparaître les marques en cause.
Considérant que la société 2BDR affirme que les utilisations des marques des appelantes sont conformes aux usages, ceux-ci étant d'ailleurs consacrés par les contrats conclus avec elles.
Considérant que les appelantes ne contestent pas un tel usage mais soutiennent qu'en l'espèce l'usage qui a été fait de leurs marques dépasse les limites de ce qui est autorisé ;
Que, si les présentations étaient faites autrefois sur papier dans des livrets de présentation dits book, elles le sont aujourd'hui sur internet ; que la société 2BDR produit des contrats qui mettent en évidence que les appelantes laissent des concurrents reproduire leurs créations en matière de conditionnement ; qu'elle produit également trois contrats conclus avec elle qui stipulent " Il est naturellement convenu que tant l'Agence que les différents tiers intervenus dans les Créations pourront faire état de leur participation aux Créations lorsque les Créations auront été mises sur le marché à titre de référence de leur style et expérience uniquement dans les dossiers qu'ils présenteraient à des tiers et dans des revues professionnelles " ; que d'autres contrats indiquent " L'Agence se réserve toutefois la possibilité d'utiliser pour sa propre publicité tout ou partie des créations réalisées par MHCS dès lors que ces Créations auront déjà fait l'objet divulgation au public par MHCS. Cela comprend notamment, conformément aux exigences de l'activité de l'Agence, l'utilisation de tout ou partie desdites Créations sur son site internet et ses composantes " ;
Que les contrats relatifs aux marques Moët & Chandon et Hennessy stipulent expressément la possibilité pour la société 2BDR de représenter ses créations, selon l'usage en vigueur alors que le contrat relatif à la marque Ruinart précise " sous réserve de l'accord préalable expresse de Ruinart sur le contenu et support de communication envisagé " ; que force est de constater que ces contrats consacrent l'usage invoqué en ce qu'il concerne les œuvres du créateur.
Considérant que sur certains articles créés par la société 2BDR figure la mention de la marque, la société 2BDR ayant choisi de l'apposer ou non, à tel ou tel endroit, de telle ou telle manière, de sorte que la marque apposée est alors un élément constitutif de l'objet qu'elle a créé ; que de même la société 2BDR ayant participé à la création d'étiquettes, la marque fait alors partie de la création.
Considérant toutefois que les appelantes visent trois usages faisant apparaitre leurs marques indépendamment de toute création de la société 2BDR à savoir :
- la page du site sur laquelle apparaît la marque Veuve C. P. sur la bouteille placée dans un seau à glace transparent dit " Ice Bucket " ; que, toutefois, la marque n'est pas mise en exergue et apparait en raison de la transparence du contenant de sorte qu'elle ne constitue une composante du produit créé par la société 2BDR,
- un extrait de la page Facebook du 25 septembre 2013 qui représente une partie du " fridge " conçu par la société 2BDR ; que l'examen de la publication en son entier montre que cet extrait apparaît à côté d'une reproduction en gros format du logo, du nom commercial et du secteur d'activité de la société 2BDR ; que le fridge est parfaitement visible , la marque n'apparaissant qu'en arrière-plan, de façon peu lisible sur l'étiquette de la bouteille qu'il contient
- les carrés de couleur grise sur lesquels s'affiche la marque, reprenant sa typographie et les éléments figuratifs les caractérisant ; que la société 2BDR soutient qu'il s'agit d'un mode d'accès à ses créations, conforme aux usages des agences de création, permettant à l'internaute d'avoir d'un coup d'œil une idée de la variété , du nombre et du type de ses clients, aucune preuve contraire d'une telle pratique n'étant rapportée ; que les marques sont ainsi reproduites en tant que noms commerciaux selon une présentation similaire à la page clients du site internet de la société 2BDR, page qui n'est pas critiquée ; qu'en conséquence ces carrés ne sauraient constituer un usage pour des produits ou services mais ont une fonction informative.
Considérant qu'il n'existe aucun risque d'atteinte à la fonction de garantie d'origine des marques en cause, le consommateur moyen ne pouvant être trompé sur les produits offerts par la société 2BDR d'autant qu'elle ne s'adresse qu'à des professionnels.
Considérant qu'une marque et a fortiori une marque de renommée a pour fonction de garantir la qualité du produit et une fonction de communication, d'investissement ou de publicité.
Qu'en raison même de la renommée des marques en question, la société 2BDR ne pouvait, pour illustrer ses propres créations qu'utiliser les produits desdites marques sauf à les dénaturer, et aussi à banaliser l'image des produits et des marques en cause.
Considérant que la société 2BDR a répondu à des commandes des sociétés appelantes et a réalisé un travail de création dont elle a tiré son bénéfice ; qu'au demeurant en première instance les appelantes ont admis que la société 2BDR avait œuvré au maintien de la renommée de leur marque ; que la société 2BDR présente de la même manière l'ensemble de ses créations sans chercher à tirer plus profit des une que des autres ; que, si le fait de créer pour des marques renommées, a constitué un avantage pour elle, il n'est pas démontré qu'elle en aurait tiré un profit indû.
Considérant que les appelantes ne démontrent pas que la société 2BDR aurait associé leurs marques à celles de tiers, le seul fait qu'elles apparaissent sur la même page que d'autres marques ne constituant pas une association.
Considérant, en conséquence, que n'est pas démontré une atteinte aux marques renommées des appelantes ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.
Sur le parasitisme
Considérant que les appelantes prétendent à titre subsidiaire que la société 2BDR a commis des actes de parasitisme en détournant à son profit la notoriété des produits Moët &Chandon, Veuve C., Ruinart, Hennessy, Glenmorangie, Krug, et Belvédère.
Considérant que, si le tribunal avait retenu à tort que la société 2BDR était le concepteur des bouteilles, ce point n'est pas soutenu en cause d'appel et il n'est produit aucun élément démontrant que la société 2BDR aurait trompé le tribunal.
Considérant qu'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de se placer dans le sillage d'un opérateur économique en cherchant à tirer indûment profit de la notoriété de ses produits.
Considérant que comme il a été vu précédemment la société 2BDR ne présente pas son travail de façon ambigüe, et n'a pas tenté de dissimuler la réalité de ses propres créations.
Considérant qu'il n'est pas davantage démontré qu'elle utiliserait l'environnement graphique des marques dans un but purement publicitaire.
Considérant que les appelantes font valoir que cet usage est excessif en ce qu'il intervient jusque dans la signature électronique des salariés de l'agence.
Considérant que ces signatures sont connues des appelantes depuis 10 ans et qu'elles ne font qu'intégrer des créations de la société 2BDR.
Considérant que la société 2BDR n'a reproduit les marques des appelantes avec ou sans leur environnement graphique que sur les créations qu'elle a réalisées pour leur compte et qu'elle a ensuite conformément aux contrats et aux usages en vigueur représentées sur ses supports commerciaux à titre d'information ; que ce comportement n'est ni excessif, ni déloyal.
Considérant que les appelantes ne se sont pas inscrites dans le sillage des appelantes ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre du parasitisme.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société 2BDR pour procédure abusive
Considérant que la société 2BDR soutient que la présente procédure a été engagée pour justifier la rupture des relations commerciales.
Considérant que, quand bien même la cour n'a pas fait droit aux demandes des appelantes et a confirmé le jugement entrepris, il n'est pas démontré que celles-ci ont engagé leur action de mauvaise foi dans un but autre que l'intention de faire valoir leurs droits sur leur marques renommées ni qu'elles ont abusé de leur droit à interjeter appel ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société 2BDR.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que Me de G., ès-qualités, a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif .
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement déféré sauf à y ajouter. Déboute la société 2BDR, représentée par Me de G., ès-qualités, de sa demande de rejet des pièces, de ses demandes en nullité et déchéance. Dit mal fondée la société 2BDR, représentée par Me de G., ès-qualités, en sa demande de déchéance de la marque C. P. pour les services de la classe 35. Condamne in solidum les sociétés MHCS, JAS Hennessy, Polmos Zyrardow SP. ZO. O. et Macdonald & Muir Limited à payer à Me de G., ès-qualités, la somme de 30 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire. Condamne in solidum les sociétés MHCS, JAS Hennessy, Polmos Zyrardow SP. ZO. O. et Macdonald & Muir Limited aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.