ADLC, 1 juin 2017, n° 17-D-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par l'Institut national de recherches archéologiques préventives dans le secteur de l'archéologie préventive
L'Autorité de la concurrence (section II),
Vu la saisine en date du 25 septembre 2015 enregistrée sous le numéro 15/0101 F, par laquelle la société Hades a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'archéologie préventive ; Vu la saisine en date du 15 octobre 2015 sous le numéro 15/0102 F, par laquelle la société Études et Valorisations Archéologiques, la société Mosaiques Archéologie et la société Paleotime ont également saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre edans le secteur de l'archéologie préventive ; Vu la décision du 1er juin 2016 par laquelle il a été procédé à la jonction de l'instruction de ces deux dossiers ; Vu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu la décision de secret des affaires n° 16-DSA-173 du 1er juillet 2016 ; Vu l'évaluation préliminaire des préoccupations de concurrence en date du 4 octobre 2016 transmise aux parties et au commissaire du Gouvernement le 6 octobre 2016 ; Vu les engagements proposés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives le 23 novembre 2016 et mis en ligne le 5 décembre 2016 sur le site Internet de l'Autorité de la concurrence pour un test de marché, et leurs modifications intervenues par courrier du 6 mars 2017 puis à l'issue de la séance du 27 avril 2017 ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la société Hades, de la société Études et Valorisations Archéologiques, de la société Mosaiques Archéologie et de la société Paleotime, les représentants de l'Institut national de recherches archéologiques préventives entendus lors de la séance du 27 avril 2017; Les représentants du ministère de la culture et de la communication entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 463-7 du Code de commerce ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Dans la décision ci-après, l'Autorité met un terme à la procédure d'engagements mise en œuvre e sur le fondement de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans une affaire concernant l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Cet établissement public administratif, présent sur l'ensemble des activités archéologiques préventives, tant celles relevant de missions de service public sous monopole (les diagnostics archéologiques préalables) que celles relevant du secteur marchand (les fouilles archéologiques), est le principal acteur du secteur de l'archéologie préventive en France. Mis en cause par différents opérateurs de fouilles, l'INRAP a proposé différents engagements répondant aux deux préoccupations de concurrence identifiées dans l'évaluation préliminaire, la première concernant l'accès privilégié à des informations en sa qualité d'opérateur de diagnostic, la seconde portant sur des pratiques tarifaires intervenant dans un contexte de subventions croisées.
En ce qui concerne la première préoccupation de concurrence, l'État a proposé, à la suite du test de marché, une réforme de l'accès aux informations archéologiques préalables dont le champ dépasse la nature des engagements que l'INRAP était en mesure de proposer. Les pouvoirs publics se sont en effet engagés à créer une plateforme informatique sécurisée permettant à l'ensemble des opérateurs de fouilles d'accéder à ces informations dans des conditions comparables et à mettre en place des dispositions transitoires favorisant leur accès effectif. Au regard de l'intervention de l'État, qui institue des conditions d'accès équivalentes à ces informations pour l'ensemble des opérateurs de fouilles et qui apporte une réponse pérenne au secteur en posant les conditions d'une concurrence renouvelée entre ses acteurs, l'Autorité a considéré que les engagements initialement proposés par l'INRAP n'avaient plus lieu d'être.
En ce qui concerne la seconde préoccupation de concurrence, l'Autorité accepte et rend obligatoire les engagements pris par l'INRAP de mettre en place une comptabilité analytique permettant non seulement de garantir une stricte séparation comptable et financière (étanche et fiable) entre ses activités non-lucratives et ses activités lucratives, mais aussi d'assurer une traçabilité des moyens alloués à chacune de ses missions pour prévenir tout risque de subventions croisées.
I. Constatations
1. Par lettre en date du 25 septembre 2015 enregistrée sous le numéro 15/0101 F, la société Hades a saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") de pratiques mises dans le secteur de l'archéologie préventive.
2. Par lettre en date du 15 octobre 2015 enregistrée sous le numéro 15/0102 F, la société Etudes et Valorisations Archéologiques (ci-après Eveha), la société Mosaiques Archéologie et la société Paleotime ont également saisi l'Autorité de pratiques mises dans le secteur de l'archéologie préventive.
3. Les pratiques dénoncées par les différentes entreprises saisissantes seraient mises en œuvre e par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (ci-après l'INRAP).
4. Conformément à la décision du 1er juin 2016, il a été procédé à la jonction de l'instruction des deux affaires précitées.
A. LES PARTIES
5. Les opérations d'archéologie préventive qui, aux termes du Code du patrimoine (Livre V, Titre II), distinguent les opérations de diagnostics préalables et les opérations de fouilles, peuvent être réalisées par différents types d'acteurs. En fonction du type d'activité considéré, ces opérations peuvent être confiées soit à l'INRAP, soit à des opérateurs, publics ou privés, dont la compétence scientifique est garantie par un agrément délivré par l'État.
1. LES PARTIES SAISISSANTES
6. Les entreprises saisissantes sont toutes des opérateurs privés agréés par l'État pour réaliser des opérations de fouilles archéologiques préventives.
7. La société Hades est composée d'un effectif d'une soixantaine de personnes, agréée depuis le 2 mai 2005 par le ministère de la Culture en qualité d'opérateur en archéologie préventive, couvrant les périodes de la Protohistoire, de l'Antiquité, du Moyen Âge et les époques moderne et contemporaine avec, en outre, une compétence particulière en matière d'études archéologiques des élévations.
8. Les sociétés Eveha, Mosaiques Archéologie et Paleotime sont également des sociétés agréées par le ministère de la Culture en qualité d'opérateurs en archéologie préventive intervenant sur le marché des fouilles d'archéologie préventive.
9. Comptant treize agences sur le territoire métropolitain et une en Martinique, Eveha regroupe plus de 230 collaborateurs, dont plus de 200 sont salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée. La société a réalisé un chiffre d'affaires de 11,3 millions d'euros en 2014.
10. Les sociétés Mosaiques Archéologie et Paleotime sont de taille plus modeste. La première dispose d'un effectif compris entre 10 et 19 salariés et a réalisé un chiffre d'affaires de 1 333 700 euros en 2014. La seconde est une structure de recherche et d'archéologie préventive spécialisée dans la Préhistoire, elle dispose actuellement de 16 collaborateurs salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1 039 400 euros en 2014.
11. Ces entreprises saisissantes font partie, à côté des acteurs publics, d'un ensemble d'acteurs privés apparu à partir de l'ouverture du marché à la concurrence en 2003. Ces acteurs constituent, comme le souligne le rapport "Faure"2, un ensemble d'entités non homogène dont les statuts sont variés et les volumes d'activités contrastés : "au 30 avril 2015, il existait trois associations et quinze sociétés agréées, de l'exercice en profession libérale à la société anonyme, la majorité prenant la forme de SARL ". Elles emploient généralement des archéologues formés dans les mêmes enceintes que les archéologues du secteur public, qu'ils ont pu côtoyer par la suite au sein de structures publiques (INRAP ou services de collectivités).
12. Leur poids sur le marché reste limité. Selon le rapport "Faure" précité, " en 2013, les opérateurs privés ont réalisé 169 fouilles, soit 33% des fouilles réalisées cette année-là, pourcentage en augmentation par rapport aux années précédentes (30,2 % en 2009, 28 % en 2010, 25,8 % en 2011, 29 % en 2012). Deux sociétés se distinguent fortement des autres par leur chiffre d'affaires : Éveha et Archeodunum devancent largement six entreprises de taille moyenne (HADES, Chronoterre, Archéopôle, ANTEA, Paléotime et Archéoloire) et sept structures plus petites ".
2. LES AUTRES PARTIES
a) L'INRAP
13. L'INRAP est un établissement public à caractère administratif créé par une loi du 17 janvier 2001. L'établissement est placé sous tutelles ministérielles, en particulier de celle du ministère de la culture et de la communication. Au 31 décembre 2015, l'établissement employait 2119 personnes dont 2043 en CDI et disposait d'un budget de 157 millions d'euros.
14. Comme il le sera précisé ultérieurement (cf. § 60 et suivants), l'INRAP est le principal acteur de l'archéologie préventive en France et dispose d'un statut particulier qui découle directement du cadre législatif et réglementaire qui lui est applicable. L'INRAP est en particulier compétent pour réaliser aussi bien des opérations de diagnostic que des opérations de fouille.
b) Les autres acteurs du secteur
15. A côté de l'INRAP, un autre type d'acteur public est compétent pour réaliser, sous réserve d'un agrément de l'État, des opérations de diagnostic ou des opérations de fouilles. Il s'agit des services archéologiques de collectivités territoriales.
16. Il ressort du rapport "Faure" précité qu'"au 30 avril 2015, soixante-sept services archéologiques de collectivités disposent d'un agrément : vingt-trois communes, onze groupements de communes, trente-deux départements et un groupement de départements. Seulement quatre d'entre eux (deux communes et deux départements) ne sont agréés que pour les diagnostics. (...) En 2013, environ 1000 personnes travaillent pour l'archéologie au sein des collectivités territoriales (...). Les services archéologiques de collectivités ont réalisé, en 2013, 462 diagnostics (19 %) et 97 fouilles (19 %). Ces pourcentages sont en augmentation constante même si la situation en termes de diagnostics tend à se stabiliser quand la présence des collectivités en matière de fouilles s'accroît ".
B. LE SECTEUR
1. RAPPELS SUR LA DISTINCTION ENTRE LES OPÉRATIONS DE DIAGNOSTIC ET LES OPÉRATIONS DE FOUILLES ET L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DU SECTEUR DES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUE PRÉVENTIVES
17. Le dispositif institutionnel national de l'archéologie préventive a été instauré par deux lois successives : la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 et la loi n° 2003-707 du 1er août 2003.
18. La loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 a notamment eu pour objectif de doter le pays d'un cadre juridique conforme aux engagements internationaux pris par la France en 19923 et de clarifier le statut juridique de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan), en assurant sa compatibilité avec les droits national et communautaire de la concurrence.
19. Le contexte de l'adoption de la loi de 2001 est décrit dans l'avis du Conseil de la Concurrence n° 98-A-07 du 19 mai 1998 qui concluait que " l'exécution des fouilles archéologiques préventives est une activité économique " et que " conférer des droits exclusifs, voire un monopole, pour l'ensemble des opérations d'exécution des fouilles n'apparaît ni indispensable, ni nécessaire pour l'exécution de cette mission particulière ", tout en jugeant que des dispositions spécifiques devaient être prises pour assurer la protection du patrimoine (via, notamment, un dispositif d'agrément des opérateurs de fouilles).
20. C'est à cette époque que l'Afan devient l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)4, établissement public à caractère administratif, doté à sa création de droits exclusifs pour la réalisation de ses missions (réalisation de diagnostics et de fouilles, et diffusion des résultats).
21. C'est la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 précitée qui a ouvert l'archéologie préventive à de nouveaux opérateurs (structures privées et collectivités territoriales dotées de services archéologiques), sous réserve que ces nouveaux acteurs jouissent d'un agrément délivré par l'État.
22. Les aménageurs jouent dorénavant un rôle central dans le dispositif. Ils initient d'abord la mise en œuvre e de la procédure d'archéologie préventive lorsque leur projet, soumis à autorisation d'urbanisme ou à étude d'impact et instruit par les services régionaux de l'archéologie (SRA5), justifie la prescription d'une opération archéologique (diagnostic et fouilles). Ils assument ensuite, dans l'hypothèse d'une prescription de l'État à la suite du diagnostic, la maîtrise d'ouvrage de l'opération de fouilles archéologiques avant le commencement de leur projet de construction. Depuis 2003, le choix de l'opérateur relève ainsi du seul aménageur.
23. La répartition des activités concurrentielles et non concurrentielles s'organise donc, depuis la réforme, de la manière suivante :
- l'activité de diagnostic reste une activité sous monopole public : la compétence de l'INRAP pour réaliser les diagnostics se trouve dorénavant partagée avec les services archéologiques de collectivités territoriales ; - le secteur des fouilles est ouvert à la concurrence.
24. Le financement du dispositif instauré en 2003 est différent selon le type d'activité considéré.
25. Ainsi, si les activités qui relèvent des missions d'intérêt général (diagnostics, exploitation scientifique et diffusion des résultats) ont vocation à être financées exclusivement par la redevance d'archéologie préventive (RAP), les opérations de fouilles, elles, sont financées par l'aménageur au prix du marché. Il convient de souligner qu'une partie de la RAP sert également à abonder le Fonds national d'archéologie préventive (Fnap), qui vient en aide à certains aménageurs, par le biais de prises en charge ou de subventions couvrant tout ou partie du coût des fouilles.
26. Jusqu'à la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 (article 41), le financement des activités de service public de l'INRAP était assuré par la perception directe de la RAP et par des subventions de l'État. Depuis cette loi, l'INRAP ne perçoit plus directement la RAP. Comme le confirme un responsable de l'INRAP (cotes 397 et 398), "depuis le début de l'année 2016, le Parlement a décidé de voter une subvention qui assure dorénavant à l'INRAP un financement conforme aux prévisions annuelles, l'Etat continuant à percevoir directement le produit de la RAP. Cette subvention est votée en fonction du montant estimé et prévisionnel du coût des missions non lucratives de l'INRAP. C'est le ministère de tutelle (Ministère de la culture) qui prend la décision du montant à soumettre au Parlement ".
27. Enfin, il convient de souligner que la récente loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine modifie significativement le régime applicable au secteur de l'archéologie préventive. Aux termes des travaux législatifs et en particulier du rapport du député Patrick Bloche établi au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, il s'agit pour le législateur de lever " les limites du dispositif actuel " et de remédier à " la "crise" que traverse le secteur et [aux] difficultés rencontrées par les différents acteurs de l'archéologie préventive "6.
28. Les principales modifications apportées par ce texte ont visé, d'une part, à clarifier et simplifier le droit du patrimoine archéologique et, d'autre part, à consolider le cadre juridique de l'archéologie préventive, en renforçant le contrôle scientifique, technique et financier de l'État sur l'activité des fouilles archéologiques préventives, jusqu'à présent jugé insuffisant. Aux termes de l'article L. 522-1 modifié, l'État "veille à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l'archéologie préventive dans sa dimension scientifique, ainsi que dans ses dimensions économique et financière dans le cadre des missions prévues à l'article L. 523-8-1 ".
29. Le législateur a ainsi renforcé le contrôle exercé par l'État à l'égard des opérateurs de fouilles agréés en les soumettant au respect d'exigences scientifiques, sociales, financières et comptables non seulement dans le cadre du processus d'agrément (cf. article L. 523-8-1 du Code du patrimoine), mais aussi à l'occasion de la présentation de leurs offres commerciales lorsqu'ils candidatent à un marché de fouilles (cf. article L. 523-9 du Code du patrimoine). Si les collectivités locales disposant de services archéologiques ne font plus l'objet d'un agrément des services de l'État, elles sont soumises à une procédure moins contraignante d'habilitation (article L. 522-8 du Code du patrimoine).
2. LES DÉTERMINANTS DE L'ACTIVITÉ DU SECTEUR
30. C'est l'État qui décide, le cas échéant, de prescrire des fouilles en fonction de l'intérêt archéologique que le site peut présenter. Le rapport "Faure" précité de mai 2015 souligne ainsi que l'État, à travers le ministère de la culture, est au "coeur " du dispositif (cote 93) : "Les services archéologiques du ministère de la Culture (direction générale des patrimoines/sous-direction de l'archéologie et département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines [Drassm] au niveau central, Drac/SRA au niveau régional) sont chargés de veiller à la réalisation des objectifs de la politique d'archéologie préventive. À cette fin, il leur appartient :
- d'élaborer la carte archéologique nationale, inventaire topographique fondamental ;
- d'évaluer l'impact des travaux d'aménagement sur le patrimoine archéologique ;
- de prescrire, le cas échéant, les mesures archéologiques (diagnostics, fouilles ou
- modification de consistance des projets d'aménagement) ;
- d'autoriser les opérations et d'en désigner le responsable scientifique ;
- d'exercer le contrôle scientifique et technique sur l'ensemble de la chaîne opératoire ;
- d'assurer la conservation pérenne du mobilier archéologique mis au jour et de la documentation scientifique constituée lors des opérations appartenant à l'État ".
31. Au-delà du rôle prescripteur de l'État, il apparait surtout que les activités de fouilles archéologiques préventives et, en amont, de diagnostics préalables, sont directement dépendantes de la quantité de chantiers d'aménagement lancés sur le terrain par les aménageurs privés et publics. Dans son avis n° 98-A-07 précité, le Conseil de la concurrence soulignait déjà que l'activité du secteur de l'archéologie préventive était " étroitement dépendante de celle des secteurs de l'aménagement et de la construction. Elle est donc soumise aux aléas de la conjoncture économique et des grands chantiers ".
32. L'ouverture à la concurrence des fouilles d'archéologie préventive en 2003 a constitué pour les nouveaux opérateurs du marché une véritable opportunité dans la mesure où l'INRAP était "alors dans l'incapacité opérationnelle de réaliser l'ensemble des opérations prescrites " (rapport "Faure" précité, cote 99). La Cour des comptes relève ainsi que la loi "a permis de répondre à l'accroissement du nombre de sites fouillés, que l'INRAP n'aurait pas été en mesure d'assumer seul à crédits constants "7.
33. Jusqu'en 2012, tous les opérateurs ont connu une progression financière constante, sur fond d'augmentation du nombre de fouilles prescrites. Le nombre des opérateurs agréés (opérateurs privés et collectivités locales) intervenant dans le champ des fouilles archéologiques préventives a ainsi augmenté entre 2005 (35) et 2013 (85).
(Tableau issu du rapport "Faure", p. 19, cote 100).
34. Néanmoins, le ralentissement de l'activité économique du pays à la fin des années 2000 et la diminution du nombre de chantiers d'aménagement qui en a découlé, ainsi que l'arrêt ou l'achèvement de grands chantiers d'aménagement du territoire (les lignes de TGV par exemple) ont eu, à partir du début des années 2010, un impact sur l'activité des acteurs de l'archéologie préventive.
35. Différents rapports ont dressé ce diagnostic, comme le rapport "Faure" précité. Dans son rapport public annuel 2016, la Cour des comptes note également que " le ralentissement de l'activité économique depuis 2008 s'est traduit par une diminution moyenne d'environ 15 % du nombre de dossiers d'aménagement reçus par les services régionaux d'archéologie des DRAC, à l'exception d'un rebond observé en 2012. Si le nombre de diagnostics prescrits par les services de l'État s'est maintenu en 2011 et 2012 à un niveau proche de celui observé avant 2008, il a chuté d'environ 10 % en 2013 pour se stabiliser à ce niveau en 2014. Le nombre de fouilles a connu une évolution d'ampleur comparable avec, de surcroît, une forte baisse de la surface moyenne fouillée "8.
36. Cette forte réduction du volume d'activité a eu pour conséquence un renforcement de l'intensité concurrentielle sur le secteur. Comme le souligne un responsable de l'INRAP, " le volume d'activité ayant ainsi diminué au regard de ces éléments tendanciels et conjoncturels, la concurrence s'est mécaniquement renforcée sur ce volume plus restreint " (cote 408).
C. LES PRATIQUES DÉNONCÉES
37. Les saisissants dénoncent un certain nombre de pratiques qui seraient mises en œuvre epar l'INRAP :
- une pratique d'accès et d'utilisation d'informations privilégiées (saisines 15/0101F et 15-0102F) ;
- une pratique d'utilisation par l'INRAP de sa notoriété et de son image de marque (saisine 15/0102F) ;
- une pratique de confusion entre les missions de service public et les activités exercées en concurrence (saisines 15/0101F et 15/0102F) ;
- une pratique liée à la possibilité de recevoir des dons et des legs dans le cadre du mécénat (saisine 15/0101F) ;
- des pratiques tarifaires liées à la perception de financements publics et à l'absence de comptabilité analytique (saisines 15/0101F et 15/0102F) ;
- une pratique de dénigrement (saisine 15/0102F).
38. Les pratiques dénoncées reposent principalement sur le raisonnement au terme duquel l'INRAP s'appuierait sur sa position particulière sur l'activité de diagnostic préalable (activité sous monopole) pour se procurer un avantage indu sur le marché des fouilles ouvert à la concurrence.
II. L'évaluation préliminaire
39. L'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que l'Autorité de la concurrence peut "accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 ".
8 Rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, Tome 2, chapitre IV-La cour alerte, "La politique d'archéologie préventive : des mesures d'ajustements tardives, un opérateur à réformer en profondeur " (https://www.ccomptes.fr/content/download/89533/2121407/version/1/file/14-politique-archeologie- preventive-RPA2016-Tome-2.pdf).
40. Eu égard notamment à la volonté de l'INRAP de proposer des engagements9, les services d'instruction ont considéré que la situation de l'espèce rendait possible le recours à une procédure d'engagements.
41. Par courrier du 6 octobre 2016, le rapporteur a transmis à l'INRAP une note d'évaluation préliminaire mentionnant les préoccupations de concurrence suscitées en l'espèce.
42. Seront successivement abordés ci-après, l'application du droit de l'Union européenne (A), la définition des marchés pertinents et la position de l'INRAP (B) et les préoccupations de concurrence (C).
A. LE DROIT APPLICABLE
43. Les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), s'appliquent aux ententes et aux abus de dominance qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres de façon sensible.
44. Selon une jurisprudence constante, les pratiques commises sur le territoire d'un seul État membre sont susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire et la Commission européenne précise, au point 96 de ses lignes directrices, que " toute pratique abusive qui rend plus difficile l'entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce ".
45. Dans le cas d'espèce, les pratiques de l'INRAP qui ont été dénoncées couvrent l'ensemble du territoire français et pourraient dissuader des opérateurs européens d'exercer une activité d'opérateurs de fouilles ou de solliciter à cette fin l'agrément délivré par l'État français10. Si elles étaient avérées, ces pratiques seraient donc susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres. Elles pourraient donc être qualifiées au regard de l'article 102 TFUE.
46. L'application du droit européen n'est pas contestée par les parties à la procédure.
B. LES MARCHÉS CONCERNÉS ET LA POSITION DE L'INRAP
1. MARCHÉ PERTINENT
47. Deux catégories de fouilles archéologiques peuvent être distinguées : les fouilles programmées et les fouilles préventives.
48. Les premières concernent des sites archéologiques dont l'intérêt scientifique est connu et sont menées sur des crédits publics spécifiques dans le but de faire évoluer la recherche fondamentale.
49. Les secondes, dites également "de sauvetage" sont entreprises lorsque des travaux d'aménagement sont susceptibles de détruire ou d'endommager irrémédiablement un site pouvant contenir des vestiges archéologiques.
50. Le présent dossier concerne les fouilles archéologiques préventives qui, selon les saisissantes (saisine 15/0102 F, cote 9), "comportent une succession d'opérations qui peuvent se répartir en deux catégories :
- la phase de diagnostic ;
- les fouilles proprement dites et les opérations liées à l'analyse et à la diffusion des résultats, dites post fouilles ".
51. Au sein des activités d'archéologie préventive, les activités de diagnostic et de fouilles " sont de nature distincte et précisées par le Code du patrimoine " (cote 396).
52. Aux termes du 1° de l'article R. 523-15 du Code du patrimoine, la réalisation d'un diagnostic "vise, par des études, prospections ou travaux de terrain, à mettre en évidence et à caractériser les éléments du patrimoine archéologique éventuellement présents sur le site et à présenter les résultats dans un rapport ". Cette activité de diagnostic est réservée à deux types d'acteurs publics : est dévolue une compétence générale à l'INRAP et une compétence subsidiaire aux collectivités locales lorsque celles-ci sont dotées d'un service archéologique autorisé11. Ces services peuvent par ailleurs également être acteurs sur le marché des fouilles.
53. Le rapport de diagnostic est établi à l'issu de l'opération de diagnostic et "rend compte des résultats de l'opération de diagnostic, caractérise les vestiges archéologiques repérés, en définit la nature et la datation " (cote 2394).
54. Comme le rappelle un responsable du ministère de la culture, "c'est le document qui permet ensuite aux services de l'État de déterminer s'il est ou non nécessaire de procéder à la fouille des vestiges repérés, en raison de leur rareté ou de leur bon état de conservation par exemple " (cote 2394).
55. Aux termes du 2° de l'article R. 523-1 du Code du patrimoine, la réalisation d'une fouille vise quant à elle "par des études, des travaux de terrain et de laboratoire, à recueillir les données archéologiques présentes sur le site, à en faire l'analyse, à en assurer la compréhension et à présenter l'ensemble des résultats dans un rapport final ".
56. A la suite de la réforme législative de 2003, si l'activité de diagnostic reste considérée comme une mission de service public en raison de la nécessité de garantir l'objectivité de ces opérations, qui ont pour objet la détection et la caractérisation des vestiges présents dans le sol, et dont les rapports contiennent les informations scientifiques qui permettent à l'État de prescrire les mesures de sauvegarde appropriées, l'activité de fouilles devient quant à elle une activité marchande ouverte à la concurrence.
57. Bien que dépendantes de la réalisation d'un diagnostic préalable et de l'intervention prescriptive de l'Etat, les fouilles archéologiques préventives, dont les objectifs et les procédures se distinguent des autres étapes de la chaine archéologique, constituent ainsi une activité économique consacrée et circonscrite par la loi de 2003.
58. Au regard de ces éléments et sans préjudice d'une analyse plus poussée, il apparaît donc que les activités d'archéologie préventive comportent deux activités principales distinctes : d'une part, l'activité de diagnostic préalable dont la mise en œuvre est confiée en monopole à des acteurs publics strictement énumérés par la loi et, d'autre part, le marché des fouilles archéologiques préventives ouvert à la concurrence.
59. Ce marché apparaît en première analyse de dimension nationale, en particulier dans la mesure où la présence de vestiges susceptibles de faire l'objet d'une fouille peut concerner tout point du territoire. La dimension nationale de ce marché résulte également tant de la compétence nationale de l'INRAP et que du contenu de l'article R. 522-8 du Code du patrimoine qui n'assortit l'agrément délivré aux autres opérateurs de fouilles d'aucune limitation territoriale, même s'il peut être limité à certaines périodes chronologiques en fonction des compétences scientifiques réunies au sein de la structure agréée.
2. POSITION DE L'INRAP
60. Dans son avis n°°98-A-07 du 19 mai 1998, le Conseil de la concurrence soulignait que " compte tenu de son importance dans l'exécution des fouilles archéologiques préventives et du poids de ses concurrents éventuels, l'AFAN pourrait être regardée comme disposant d'une position dominante sur le marché des fouilles archéologiques préventives ".
61. L'INRAP demeure encore aujourd'hui le principal acteur du secteur comme en témoigne l'étendue de ses missions codifiées à l'article L. 523-1 du Code du patrimoine12. Comme le rappelle un responsable de l'établissement public (cote 396) :
"Ses missions couvrent l'ensemble de la chaine archéologique :
- les diagnostics et les fouilles ;
- l'exploitation scientifique (la recherche), la valorisation et le développement culturel.
Certaines missions relèvent du secteur concurrentiel : il s'agit des opérations de fouilles qui comprennent la réalisation en phase terrain de l'exploitation post-fouille. Un marché de fouille comprend à la fois la réalisation des fouilles et l'analyse des résultats. Ces résultats sont remis dans la cadre d'un rapport aux services de l'Etat. De manière complémentaire, mais marginale, nous pouvons avoir des activités de conseil et d'expertise, notamment à l'étranger.
Les autres activités, à savoir les diagnostics, l'exploitation scientifique (la recherche), la valorisation et le développement culturel relèvent de missions de service public ".
62. Le rapport "Faure" note ainsi que " l'INRAP, établissement public national à caractère administratif, est le principal opérateur en archéologie préventive " (cote 95).
63. L'analyse chiffrée de la position de l'INRAP sur le secteur montre certes, dans un contexte de ralentissement de la conjoncture économique et de diminution du nombre de chantiers d'aménagement, une dégradation de la position de l'établissement public sur le marché : "En 2013, l'INRAP a exécuté 1983 diagnostics (81 % des diagnostics prescrits) et 245 fouilles (48 % des fouilles). La part des opérations d'archéologie préventive réalisées par l'établissement public est en baisse sur les deux secteurs, du fait notamment de l'ouverture de ces opérations aux collectivités territoriales et aux structures privées. Mais la position de l'INRAP sur les diagnostics semble s'être stabilisée alors que sa situation vis-à-vis des fouilles est, elle, plus mouvante. Cette dernière s'est grandement dégradée ces cinq dernières années, passant sous le seuil des 50 % pour la première fois en 2013 (53,6 % en 2009, 56,6 en 2010, 55,1 % en 2011, 54,5 % en 2012) " (rapport "Faure", cote 95).
64. Toutefois cette tendance peut être nuancée à plusieurs égards.
65. En premier lieu, bien qu'étant passée sous la barre des 50 % des opérations de fouilles réalisées en volume, la part de marché de l'INRAP reste plus importante en valeur. Le rapport "Faure" précise ainsi que la diminution du poids de l'INRAP au profit des collectivités territoriales et des structures privées peut être nuancée "parce que, bien qu'en dessous du seuil des 50 % de fouilles réalisées en 2013, l'INRAP n'en conserve pas moins, cette même année, 58% de parts financières du " marché " national des fouilles archéologiques " (cote 99). Il convient à cet égard de souligner qu'en règle générale, le fait pour un acteur de bénéficier d'une part de marché en valeur supérieure à sa part de marché en volume constitue un indice de marges de manœuvre financières supérieures par rapport à des concurrents qui seraient en situation inverse.
66. En second lieu, si la part des opérateurs privés tend à se renforcer sur le marché des fouilles archéologiques préventives, il convient de souligner qu'elle est constituée d'un nombre d'acteurs très important, pouvant avoir des statuts disparates13 et des capacités d'intervention géographique plus limitées que l'INRAP. Comme cela est souligné dans le rapport "Faure", " leur nombre (une quinzaine) témoigne d'une forte atomisation de ces acteurs qui œuvrent sur un marché particulièrement restreint " (cote 98). Selon le même rapport, "en 2013, les opérateurs privés ont réalisé 169 fouilles, soit 33 % des fouilles réalisées cette année-là, pourcentage en augmentation par rapport aux années précédentes (30,2 % en 2009, 28 % en 2010, 25,8 % en 2011, 29 % en 2012). Deux sociétés se distinguent fortement des autres par leur chiffre d'affaires : Éveha et Archeodunum devancent largement six entreprises de taille moyenne (HADES, Chronoterre, Archéopôle, ANTEA, Paléotime et Archéoloire27) et sept structures plus petites. "
67. En troisième lieu, l'INRAP reste en tout état de cause un acteur central du secteur pour plusieurs raisons.
68. Comme indiqué ci-dessus, l'établissement garde d'abord une position très forte en ce qui concerne l'activité des diagnostics préalables. Au-delà de son positionnement au niveau des diagnostics et des fouilles, l'INRAP conserve ensuite un rôle particulier dans le dispositif global puisque l'établissement public est le seul opérateur à qui la loi reconnaissait jusqu'à la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 précitée un rôle en matière d'exploitation scientifique et de diffusion des résultats, pour l'ensemble des opérations archéologiques préventives réalisées sur le territoire national. Dorénavant, tant les services archéologiques des collectivités locales habilités que les opérateurs agréés peuvent contribuer à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive qu'ils réalisent et à la diffusion de leurs résultats (nouveaux articles L. 522-7 et L. 523-8-2 du Code du patrimoine).
69. Ensuite, comme le rappelle un responsable de l'établissement public, l'INRAP est le seul acteur du marché des fouilles archéologiques préventives à "disposer d'une compétence sur l'ensemble des périodes et sur l'ensemble du territoire (c'est une obligation que nous avons) " (cote 407).
70. Au-delà du fait que "ses missions couvrent l'ensemble de la chaine archéologique " (cf. § 61), l'INRAP dispose par ailleurs d'une notoriété certaine sur le secteur14 et apparait comme un acteur incontournable. Une proportion très importante des aménageurs (plus de 70 %) déclare ainsi n'avoir jamais travaillé avec d'autres opérateurs d'archéologie préventive que l'INRAP, comme cela ressort d'une étude interne de l'établissement public, ce résultat étant stable dans le temps (cote 2259).
71. En outre, en tant qu'acteur public en situation de "monopole public partagé " (cf. § 23) sur l'activité des diagnostics et en tant qu'ancien monopole sur l'ensemble de l'activité archéologique préventive, l'INRAP peut présenter un statut de référent auprès des collectivités locales, dont les chantiers d'aménagement représentent une source importante de l'activité du secteur, même si cette part semble diminuer depuis 2013 comme le souligne un responsable de l'INRAP (cote 408). Il ressort en effet de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle que " les relations privilégiées entretenues par les anciens monopoles publics avec les collectivités locales peuvent conférer à ces entreprises un statut de référent voire de prescripteur " (décision n° 16-D-11, § 187).
72. Au stade de l'évaluation préliminaire et sans préjudice d'une analyse plus poussée, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'INRAP est, au-delà de sa situation de monopole public partagé avec les collectivités locales sur l'activité de diagnostic préalable, susceptible de détenir une position dominante sur le marché national des fouilles archéologiques préventives.
C. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE RELEVÉES PAR LES SERVICES D'INSTRUCTION
73. Aux termes du communiqué de procédure du 2 mars 2009 précité, l'objectif d'une procédure d'engagements est, d'une part, " d'obtenir que l'entreprise cesse ou modifie de son plein gré, pour l'avenir, des comportements ayant suscité des préoccupations de concurrence, à la différence d'une décision de condamnation, qui constate le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause, en impose la cessation ou la modification, et le sanctionne le cas échéant " et, d'autre part, de représenter " une économie de ressources pour l'Autorité " en permettant " d'accélérer la résolution des affaires ne portant pas sur des pratiques dont la nature ou les effets sont tels qu'ils appellent a priori le prononcé d'une sanction ".
74. C'est dans ce cadre que les services d'instruction sont conduits, le cas échéant, à retenir des préoccupations de concurrence portant sur des comportements susceptibles de se traduire par la mise en œuvre e d'une pratique, sans qu'il soit besoin d'en établir le caractère anticoncurrentiel.
75. En l'espèce, certaines pratiques dénoncées par les saisissants n'ont pas suscité de préoccupations de concurrence. Il s'agit de la pratique d'utilisation par l'INRAP de sa notoriété et de son image de marque, de la pratique liée à la possibilité pour l'établissement de recevoir des dons et des legs et de la pratique de dénigrement. Tant les éléments apportés par les saisissants au soutien des pratiques dénoncées que les éléments recueillis par l'instruction n'ont pas permis de confirmer leur existence.
76. En revanche, deux problématiques relatives aux comportements de l'INRAP ont pu être analysées comme suscitant des préoccupations de concurrence. La première porte sur l'accès par l'INRAP à des informations privilégiées au titre de son activité de diagnostic (1), la seconde concerne les conséquences de l'absence d'outils de gestion de son activité suffisamment performants pour permettre de dissocier pleinement ses activités lucratives et non lucratives (2).
1. L'ACCÈS ET L'UTILISATION D'INFORMATIONS PRIVILÉGIÉES
a) Les informations dont disposent les opérateurs d'archéologie préventive dans la perspective d'une fouille
77. Depuis la loi de 2003, le choix de l'opérateur de fouilles est fait par l'aménageur qui consulte les candidats, le plus souvent à travers une mise en concurrence (appels d'offres en ce qui concerne les aménageurs publics, éventuelle mise en concurrence en ce qui concerne les aménageurs privés), sur la base d'un certain nombre d'informations dont dispose en principe l'ensemble des acteurs.
78. Il ressort de l'article R. 523-39 du Code du patrimoine que " lorsque le préfet de région prescrit, dans les conditions prévues par l'article R. 523-19, la réalisation d'une fouille, il assortit son arrêté de prescription d'un cahier des charges scientifique qui :
1° Définit les objectifs, les données scientifiques ainsi que les principes méthodologiques et techniques de l'intervention et des études à réaliser ;
2° Précise les qualifications du responsable scientifique de l'opération et, le cas échéant, celles des spécialistes nécessaires à l'équipe d'intervention ;
3° Définit la nature prévisible des travaux nécessités par l'opération archéologique. Le cahier des charges scientifique en indique, le cas échéant, la durée minimale et fournit une composition indicative de l'équipe ;
4° Détermine les mesures à prendre pour la conservation préventive des vestiges mis au jour ;
5° Fixe le délai limite pour la remise du rapport final. "
79. Si l'article R. 523-40 du Code du patrimoine prévoit que l'arrêté de prescription archéologique de fouilles n'est directement notifié qu'à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de travaux et à l'aménageur, il n'en demeure pas moins que les opérateurs de fouilles peuvent in fine accéder à cette prescription ainsi qu'à son cahier des charges scientifique annexé, sous réserve qu'ils aient connaissance de l'opération de fouilles lancée par l'aménageur pour faire acte de candidature. L'article R. 523-44 du Code du patrimoine précise ainsi que " l'aménageur conclut avec l'opérateur un contrat qui définit le projet scientifique d'intervention et les conditions de sa mise en œuvre Ce projet détermine les modalités de la réalisation de l'opération archéologique prescrite, notamment les méthodes et techniques employées et les moyens humains et matériels prévus. Il est établi par l'opérateur sur la base du cahier des charges scientifique " (soulignement ajouté).
80. Après en avoir reçu communication officielle par les services de la préfecture, l'aménageur pourra ainsi mettre à disposition des opérateurs de fouilles, le cas échéant dans le cadre d'un appel d'offre, les principales informations suivantes :
- l'arrêté de prescription de fouille établi par le préfet ;
- le cahier des charges scientifique qui y est annexé (ce document définit en particulier les objectifs scientifiques, les principes méthodologiques de l'intervention, les études à réaliser, et précise les qualifications du responsable scientifique d'opération).
81. En ce qui concerne l'accès par les opérateurs de fouilles au rapport de diagnostic établi à l'issu de l'opération archéologique de diagnostic, le dispositif législatif et réglementaire ne prévoit pas que les opérateurs de fouilles disposent directement de ce rapport, bien que l'arrêté de prescription de fouilles repose sur le rapport de diagnostic préalable. Or, il serait nécessaire qu'un opérateur d'archéologie puisse avoir accès à un tel document pour pouvoir proposer un projet scientifique d'intervention dans la mesure où les arrêtés de prescription de fouilles ne retranscrivent pas le niveau de détail contenu dans les rapports de diagnostic mais n'utilisent qu'une partie de leurs éléments pour fonder le cadre administratif et scientifique de l'opération à venir (cote 2394).
82. Ce déficit d'information est parfois comblé par un accès indirect des opérateurs de fouilles aux rapports de diagnostic :
- selon un responsable de l'INRAP, le rapport de diagnostic peut être " joint à la prescription de fouilles " dont disposent les opérateurs de fouilles (cote 397). Cette hypothèse n'a néanmoins pu être illustrée par aucun des exemples d'arrêtés de prescription de fouilles communiqués par ailleurs par l'établissement dans le cadre de la procédure ;
- par ailleurs, aux termes de l'article R. 523-36 du Code du patrimoine, " le rapport de diagnostic complet est transmis au préfet de région qui le porte à la connaissance de l'aménageur et du propriétaire du terrain ". Ainsi, selon un responsable du ministère de la culture, " l'aménageur a la possibilité de fournir ce document à l'opérateur qui lui en ferait la demande dans le cadre du dialogue instauré avec celui-ci postérieurement à la prescription d'une fouille, intervenant le cas échéant dans le cadre d'une mise en concurrence. Dans l'absolu, un aménageur peut communiquer ce document avant l'intervention éventuelle d'une prescription de fouilles, une telle prescription devant intervenir le cas échéant 3 mois après la remise du rapport au préfet " (cote 2395) ;
- en tout état de cause, le rapport de diagnostic reste, comme le rappelle un responsable de l'INRAP "un document administratif communicable et consultable " (cote 397). Néanmoins, l'accès à ce document est susceptible d'intervenir dans le cadre du processus formel institué par la loi selon des délais de saisine et de transmission qui ne peuvent pleinement garantir la possibilité de s'inscrire dans une procédure de mise en concurrence encadrée dans un temps parfois plus restreint15.
83. Au-delà des informations contenues dans le rapport de diagnostic, les opérateurs de fouilles peuvent enfin parfaire les informations dont ils disposent en consultant, en tant que de besoin, la carte archéologique nationale. Etablie par le préfet de région, cette carte est constituée d'arrêtés de zonage qui renseignent, en fonction de la zone considérée, sur la présence et le type de vestiges déjà étudiés (la période des vestiges préexistants peut par exemple donner des indications sur la profondeur des études à mener). Ces arrêtés sont tenus à la disposition du public - ils font en principe l'objet d'une publication dans les recueils administratifs des préfectures et d'un affichage dans les mairies concernées.
84. C'est donc en principe sur la base de l'ensemble des informations dont il est susceptible de disposer à la suite d'une prescription de fouilles que l'opérateur de fouilles est conduit à se positionner dans sa proposition commerciale. C'est à partir de cette proposition que l'aménageur opère ensuite son choix et qu'est enfin conclu entre eux le contrat de fouilles. Au terme du processus, l'opérateur réalise la fouille conformément à la prescription du préfet, au cahier des charges scientifique, et dans les délais et selon les coûts fixés contractuellement avec l'aménageur.
b) La situation de l'INRAP
85. Si l'INRAP bénéficie, comme tous les opérateurs de fouilles, des informations présentées précédemment, il dispose également d'informations au titre de son activité de diagnostic consacrée par la loi. La question sera de savoir, en particulier au vu de l'organisation interne de l'établissement, si les équipes de l'établissement chargées de l'activité des fouilles ont la possibilité d'accéder aux informations issues de son activité d'opérateur de diagnostic, dans des conditions susceptibles de lui procurer un avantage par rapport aux opérateurs de fouilles non-intégrés.
Les informations dont dispose l'INRAP en tant qu'opérateur de diagnostic
86. Dans le cadre des opérations de diagnostic qu'ils réalisent, les opérateurs de diagnostic sont susceptibles de disposer d'un ensemble plus complet d'informations selon des modalités d'accès parfois différentes comme le montrent les développements suivants.
87. En premier lieu, il ressort de l'article R. 523-24 du Code du patrimoine que " les prescriptions archéologiques de diagnostic sont notifiées à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de travaux, à l'aménageur, à l'Institut national de recherches archéologiques préventives ainsi que, s'ils disposent d'un service archéologique agréé, aux collectivités territoriales ou aux groupements de collectivités territoriales sur le territoire desquels l'opération d'aménagement doit avoir lieu ". L'arrêté de prescription de diagnostic n'est donc pas notifié à l'ensemble des opérateurs de fouille, mais uniquement aux autorités qui délivrent l'autorisation de travaux (mairie, DDE), à l'aménageur et aux acteurs publics chargés potentiellement de réaliser le diagnostic, dont l'INRAP. Cette information est susceptible de permettre à celui qui en bénéficie de mieux appréhender et anticiper les débouchés potentiels sur le marché des fouilles.
88. En deuxième lieu, comme le souligne l'INRAP sur son site Internet16, les opérateurs de diagnostic peuvent disposer directement d'un certain nombre d'informations au titre de la réalisation même du diagnostic.
89. En troisième lieu, les opérateurs de diagnostic disposent en temps réel d'une connaissance exhaustive du contenu des rapports de diagnostic qu'ils établissent et qu'ils transmettent aux services de l'État (DRAC/Service régional de l'Archéologie de la région concernée). Ainsi, en cas de diagnostic positif (des vestiges ont été découverts sur tout ou partie de l'emprise du projet) et dans l'hypothèse de la décision de l'État de prescrire une fouille archéologique, les opérateurs de diagnostic disposent dès l'origine d'informations dont peuvent disposer indirectement les autres opérateurs de fouilles selon des délais d'accès différents (cf. § 81 à 82).
90. A cet égard, différents éléments recueillis dans le cadre de l'instruction montrent que les équipes de l'INRAP ont parfois pu recueillir un certain nombre de données allant au-delà du périmètre même d'informations strictement nécessaires à la réalisation du diagnostic prescrit dans l'arrêté préfectoral. Afin d'encadrer " les pratiques régionales en matière de diagnostics " de certaines de ses équipes consistant à réaliser des études plus complètes, l'INRAP a ainsi été amené à diffuser "plusieurs recommandations reposant sur la stricte définition du diagnostic :
- limitation à l'expertise du potentiel archéologique et à la caractérisation des vestiges ;
- adaptation aux connaissances antérieures et aux contextes géographique et historique ;
- choix pertinents au regard de l'objectif assigné (taux d'ouverture, profondeur des sondages, ouverture de fenêtres, réalisation de prélèvements, recours aux spécialistes et méthodes d'enregistrement) ;
- circonscription de la phase étude et du rapport à l'objet même du diagnostic, à savoir la caractérisation des vestiges " (cotes 1665 et 1666).
91. Enfin, les opérateurs de diagnostic disposent, au-delà des éléments retranscrits ou non dans le rapport de diagnostic remis aux services de la préfecture, d'une connaissance réelle du terrain et d'une remontée d'expérience de la zone d'aménagement concernée par l'opération d'archéologie préventive. Grâce aux relations professionnelles établies avec l'aménageur, tant à l'occasion de l'organisation de l'opération de diagnostic que dans la gestion quotidienne du chantier, ils peuvent en outre disposer d'une connaissance précise de son personnel et de son organisation.
L'organisation interne de l'INRAP
92. Dans le cadre de sa pratique décisionnelle, l'Autorité a souligné qu'il était licite, pour une entreprise publique qui dispose d'une position dominante sur un marché en vertu d'un monopole légal, d'entrer sur un ou des marchés relevant de secteurs concurrentiels, à condition qu'elle n'abuse pas de sa position dominante pour restreindre ou tenter de restreindre l'accès au marché de ses concurrents en recourant à des moyens autres que la concurrence par les mérites (voir notamment la décision n° 02-D-63 du 8 octobre 2002 relative à des pratiques constatées dans le secteur des télécommunications).
93. Dans sa pratique décisionnelle, l'Autorité de la concurrence a par ailleurs rappelé que la séparation étanche entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification pouvait être à la fois juridique, matérielle, comptable, financière et commerciale (voir notamment les décisions n° 09-MC-01 du 8 avril 2009 et n° 17-D-06 du 21 mars 2017).
94. En l'espèce, il ressort de l'instruction qu'il n'existe pas, au sein de l'INRAP, d'organisation particulière distinguant de manière étanche les activités de diagnostic et de fouilles (cote 406) : "L'organisation du travail au sein de l'INRAP fait qu'il n'y a pas d'association ou de dissociation préétablie et organisée entre les personnes qui ont réalisé le diagnostic et les personnes qui seraient ensuite susceptibles de réaliser les fouilles ".
95. Les équipes qui interviennent dans le cadre d'une fouille concernant une opération d'aménagement donnée ont pu être amenées à intervenir sur le diagnostic préalable réalisé pour cette même opération d'aménagement et, par suite, à connaitre des éléments d'informations recueillis dans ce cadre.
96. Ce constat doit être mis en regard de la proportion importante du nombre de cas (de l'ordre de 89 %) dans lesquels l'INRAP a assuré le diagnostic et les fouilles d'un même chantier, comme cela ressort du graphique suivant extrait d'une étude interne de l'établissement public (cote 2303).
c) Analyse
97. Dans son avis n° 98-A-07, le Conseil de la concurrence avait relevé que " la mission confiée à l'AFAN pour la réalisation de la carte archéologique de la France peut lui octroyer, sur le marché des fouilles préventives ouvert à la concurrence, par sa connaissance des dossiers, un avantage qu'elle pourrait utiliser pour évincer ses concurrents. Une telle pratique pourrait faire l'objet d'une qualification d'abus de position dominante et il conviendrait donc de la prévenir ".
98. Si la carte archéologique nationale est maintenant arrêtée par les services préfectoraux en fonction des informations scientifiques qui laissent présager la présence de vestiges et tenue à la disposition du public (les arrêtés de zonage font l'objet d'une publication dans les recueils administratifs des préfectures et d'un affichage dans les mairies concernées), il convient de s'interroger dans le cadre de la présente affaire sur d'autres informations dont dispose l'INRAP au titre de la mise en œuvre de ses missions.
99. À cet égard, la question est de savoir si l'utilisation sur le marché des fouilles de certaines informations recueillies dans le cadre de son activité d'opérateur de diagnostic est susceptible de conférer à l'INRAP un avantage compétitif indu.
100. En l'espèce, la connaissance d'un marché et de ses débouchés potentiels constitue une source d'informations stratégique pour un acteur économique qui y évolue. Au-delà des démarches de prospection commerciale qu'un acteur est susceptible de mettre en œuvre par lui-même, les caractéristiques de fonctionnement de certains marchés peuvent parfois fournir à ces acteurs des informations facilitant cet exercice.
101. S'agissant du secteur de l'archéologie préventive, force est de constater que la mise en œuvre e effective d'une opération de fouilles dépend en particulier de l'intervention prescriptive de l'État, tant au stade du diagnostic préalable qu'au stade même de la fouille. Cette intervention de l'État se concrétise formellement, comme précédemment indiqué, par des arrêtés de prescription de diagnostic et des arrêtés de prescription de fouilles. L'information qui découle de ces arrêtés est de nature à permettre aux opérateurs de fouilles d'identifier les débouchés potentiels du marché.
102. S'agissant des prescriptions de diagnostic, un opérateur privé du secteur indique ainsi que leur connaissance "permet en premier lieu d'identifier les aménageurs susceptibles d'être concernés par l'archéologie préventive (donc d'établir une liste de clients potentiels qu'il est ensuite possible de démarcher, de sensibiliser très en amont de la fouille) " et qu'elle permet par ailleurs "de suivre les évolutions et les prévisions d'activité selon les régions et ainsi d'anticiper la planification " (cote 2368).
103. Or, le mode du fonctionnement du secteur connait certaines limites à cet égard. Par exemple, la décision d'un aménageur de mettre en concurrence les opérateurs de fouilles ne permet pas à ces derniers, en raison de son intervention tardive dans la chaine de l'archéologie préventive, de s'inscrire dans un travail prospectif et de sensibilisation de long terme. En outre, toutes les opérations de fouilles ne font pas l'objet par les aménageurs d'une consultation ouverte des opérateurs du secteur17, de sorte que ces derniers n'ont pas forcément connaissance, même tardivement, des opportunités de marché qui pourraient s'ouvrir à eux.
104. Comme le souligne un responsable de l'INRAP, "dans le cadre d'un marché de fouille, la principale différence qui existe entre les aménageurs privés et publics porte sur la publicité qui est faite par rapport à l'existence du marché. Tous les acteurs du marché connaissent cette difficulté " (cote 409).
105. Comme l'illustrent les graphiques qui suivent, il convient de souligner à cet égard que la part des appels d'offres publics faisant l'objet d'une publication au BOAMP tend à diminuer dans le temps (cote 2263), ce qui diminue d'autant les possibilités de connaître, même tardivement, les débouchés potentiels sur le marché.
106. Si l'INRAP semble être dans la même situation que les autres opérateurs de fouilles en ce qui concerne la connaissance des arrêtés de prescriptions de fouilles, tel n'est pas le cas en ce qui concerne les arrêtés de prescription de diagnostic. Comme cela est indiqué au § 87, l'établissement public figure parmi les destinataires des arrêtés de prescription de diagnostic, conformément à l'article R. 523-24 du Code du patrimoine. Or, en l'absence "d'association ou de dissociation préétablie et organisée entre les personnes qui ont réalisé le diagnostic et les personnes qui seraient ensuite susceptibles de réaliser les fouilles " au sein de l'INRAP (cf. § 94), il ne peut être exclu à ce stade du dossier que l'utilisation de cette information par les équipes chargées des opérations de fouilles puisse leur conférer un avantage compétitif indu, en leur permettant de mieux appréhender et anticiper les débouchés potentiels sur le marché des fouilles.
107. Il ressort néanmoins de l'instruction du dossier que la question de la connaissance du marché par l'ensemble des acteurs, à travers l'accès aux arrêtés de prescription de diagnostic et de fouilles, constitue pour les services de l'État en charge de l'archéologie un point d'attention particulier ayant fait l'objet de rappels importants ces derniers temps.
108. Comme le souligne un responsable du ministère de la culture (cote 2395) : "Les professionnels de l'archéologie préventive, dont les opérateurs agréés font notamment partie, ont vocation à pouvoir accéder à ces arrêtés de diagnostics. Néanmoins, pour des raisons de sécurité des vestiges archéologiques les arrêtés de prescription d'archéologie (diagnostic ou fouille) ne sont pas publiés au recueil des actes administratifs des préfectures. Ils donneraient des informations précises aux personnes souhaitant porter atteinte à ce patrimoine. Aussi la transmission des arrêtés se fait à la demande des opérateurs de fouilles. Néanmoins, les SRA ont souvent largement appliqué des règles de discrétion à la diffusion de cette information, notamment dans le cadre de la lutte contre le pillage de biens archéologiques. En effet, une information trop aisément disponible sur ce sujet peut amener le développement de comportements répréhensibles. Ce sujet s'inscrit depuis un certain temps dans un nouveau contexte où les demandes d'accès aux prescriptions se faisaient plus pressantes qu'auparavant : les opérateurs de fouilles ont voulu recevoir avec plus de régularité et d'automaticité ces informations, notamment dans un contexte de crise économique où ces derniers se mettaient à chercher plus activement des débouchés.
Face à ce nouveau contexte, il y a eu de la part de l'État une réaffirmation de la règle d'accès à ces documents auprès de ses services déconcentrés depuis au moins octobre 2014 et l'État a été amené à préciser à ses services les pratiques à suivre concernant la consultation de ces arrêtés de prescription par les opérateurs.
Ce rappel a consisté à réaffirmer que les arrêtés de prescription de diagnostic et de fouilles sont des documents communicables aux opérateurs d'archéologie préventive et que le service régional doit pouvoir organiser les modalités de sa réponse et de la transmission des documents ".
109. Il ressort de ces éléments que le rappel par l'État auprès de ses services en préfecture de la règle d'accès aux arrêtés de prescription et de fouilles par l'ensemble des opérateurs du secteur auprès de ses services déconcentrés serait de nature à assurer une information plus homogène de l'ensemble des acteurs du secteur de l'archéologie préventive.
110. Néanmoins, à défaut de l'existence d'un outil permettant à l'ensemble des acteurs du secteur d'accéder de manière homogène et dans des délais comparables aux informations précitées, l'avantage dont est susceptible de disposer l'INRAP demeure, au moins en partie.
111. En l'absence d'association ou de dissociation préétablie et organisée entre les personnes qui ont réalisé le diagnostic et les personnes qui seraient ensuite susceptibles de réaliser les fouilles au sein de l'INRAP, il ne peut donc être exclu que les équipes chargées des opérations de fouilles accèdent à ces informations dans des conditions différentes que celles dont bénéficient les seuls opérateurs de fouilles et que leur utilisation leur confère un avantage compétitif indu.
2. LES PRATIQUES TARIFAIRES
112. Après un rappel des principes inhérents aux risques concurrentiels associés à la situation d'organisme public ayant à la fois des activités de service public et des activités marchandes, seront présentés les éléments du dossier susceptibles de se traduire par la mise en œuvre ed'une pratique anticoncurrentielle.
a) Rappels du cadre juridique relatif aux risques associés à la situation d'organisme public ayant à la fois des activités de service public et des activités marchandes
113. Il convient de rappeler, d'une part, la pratique décisionnelle relative aux pratiques anticoncurrentielles, en particulier tarifaires, intervenant dans un contexte de subventionnement croisé et, d'autre part, l'existence d'outils permettant de limiter les risques concurrentiels inhérents à cette situation.
Sur les pratiques tarifaires de prédation ou d'éviction intervenant dans un contexte de subventionnement croisé
114. Une pratique de prix mise en œuvre epar une entreprise en position dominante peut, aux termes de la pratique décisionnelle et la jurisprudence, tant françaises qu'européennes, être qualifiée de prix prédateurs lorsque les prix pratiqués ne permettent pas de couvrir un certain niveau de coûts pertinents ou, s'ils y sont supérieurs, s'inscrivent dans une stratégie ayant pour objectif d'évincer un concurrent du marché18. Dans certaines conditions, une pratique de prix bas peut également être qualifiée de prix d'éviction en raison de ses effets potentiels sur la concurrence, et ceci en dehors de toute stratégie de prédation19.
115. Dans plusieurs décisions (notamment décisions n° 00-D-47 du 22 novembre 2000 "EDF/Citélum", n° 00-D-57 du 6 décembre 2000 "Gaz et Electricité de Grenoble " et décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 "Française des Jeux "), le Conseil de la concurrence a considéré que le subventionnement croisé d'activités peut être sanctionné lorsqu'il est mis en œuvre epar une entreprise dominante pour supporter une politique de prix bas sur le marché concurrentiel qui peut éventuellement être qualifiée soit de pratique de prédation, soit de pratique tarifaire ayant un effet d'éviction anticoncurrentiel.
116. Ainsi que le Conseil de la concurrence l'a indiqué en particulier dans sa décision n° 05-D-53, " la mise à disposition de moyens tirés d'une activité réalisée dans le cadre d'un monopole légal pour le développement d'activités relevant du champ concurrentiel est susceptible d'être qualifiée au regard des règles de concurrence si deux conditions cumulatives sont réunies : il faut, en premier lieu, que la mise à disposition de moyens puisse être qualifiée de subvention, c'est-à-dire qu'elle ne donne pas lieu, de la part de l'activité qui en bénéficie, à des contreparties financières reflétant la réalité des coûts, il faut, en second lieu, que l'appui ainsi apporté ait été utilisé pour présenter des offres anormales (prix prédateur ou perturbation durable du marché) ".
117. La démonstration de l'existence de prix prédateurs, mis en œuvre e par une entreprise assurant une mission de service public, répond à un standard de preuve spécifique en application tant de la jurisprudence communautaire que nationale, tenant compte de la situation particulière de l'entreprise concernée. La Commission européenne a indiqué le type de coûts à analyser (affaire Deutsche Post du 20 mars 2001).
118. Par ailleurs la cour d'appel de Paris a jugé dans un arrêt du 28 juillet 2016 que, dans le cas d'une entreprise ou d'un organisme ayant à la fois des activités de service public et des activités marchandes, " la preuve " d'une pratique tarifaire visant à fixer, soit des prix "dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un ou des concurrents(s) ", soit à fixer des prix "susceptibles de provoquer des effets, potentiels ou réels, d'éviction ", peut notamment être rapportée "par l'établissement de l'existence d'un subventionnement croisé, en ce que celui-ci atteste que l'entreprise en position dominante est en mesure de conserver sur une longue période des prix inférieurs à ses coûts à long terme et par conséquent d'exclure ses concurrents (prédations ou effet d'éviction) "20.
L'existence d'outils permettant de limiter les risques concurrentiels inhérents à cette situation
119. La nécessité de prendre des mesures de transparence a à maintes reprises été rappelée par le Conseil et l'Autorité de la concurrence dans la situation d'organismes publics ayant à la fois des activités de service public et des activités marchandes et, lorsque les premières sont couvertes par un monopole public, cela devient a fortiori une "nécessité impérieuse " (avis n° 14-A-10, § 87 et 82).
120. Au premier rang de ces mesures figure la séparation comptable. Cette séparation comptable "consiste, au minimum, à mettre en place une comptabilité analytique " (avis n° 14-A-10, § 84). L'objectif d'une séparation comptable consiste ainsi à s'assurer que les subventions budgétaires allouées à l'activité de service public ne servent pas à financer les activités marchandes (avis n° 14-A-10, § 85).
121. Il ressort de l'avis n° 14-A-10 précité que cette comptabilité analytique doit présenter les caractéristiques suivantes :
- elle doit permettre d'identifier clairement les missions de service public et les activités marchandes à travers une "délimitation fine et précise " de chacune d'elles (§ 86). En particulier, elle doit faire ressortir tant " les produits et les charges associés aux deux catégories d'activités " que " la méthode retenue pour l'imputation ou la répartition des produits et des charges " (§ 88) ;
- elle doit permettre, au sein des activités marchandes, "d'identifier chaque prestation " (§ 85) ;
- pour être utile, cette comptabilité analytique doit pouvoir être soumise à un contrôle et doit en particulier faire l'objet d'audit par activité (§ 84).
122. Dans le secteur de l'archéologie préventive, il convient de rappeler que dans son avis n° 98-A-07, le Conseil de la concurrence avait tout particulièrement relevé les risques concurrentiels existant sur le marché des fouilles et, par ailleurs, avait identifié les mesures à prendre pour garantir l'exercice du contrôle du respect des règles de concurrence : "Ainsi, la coexistence, au sein de l'AFAN, d'activités dont le financement est assuré par des subventions et d'activités qu'elle pourrait exercer dans le cadre d'une politique éventuelle de diversification dans des secteurs concurrentiels ( par exemple : chantiers relatifs à des monuments historiques, activités pédagogiques, culturelles, animations, publications...) pourrait générer des subventions croisées entre activités, de nature à faciliter des pratiques de prix prédateurs à destination des clients situés sur ces marchés concurrencés, compensés par des surcoûts pesant sur ses clients dans le cadre de l'exécution des fouilles préventives et à interdire l'accès au marché de compétiteurs potentiels. De telles pratiques, qui seraient sans doute contraires à sa mission de service public, constitueraient également des infractions aux règles de la concurrence. Lorsqu'une entreprise détenant une position dominante sur un marché du fait de ses droits exclusifs exerce à la fois des activités liées à ses missions de service public et des activités ouvertes à la concurrence, le contrôle du respect des règles de la concurrence nécessite que soit opérée une séparation claire entre ces deux types d'activité, de manière à empêcher que les activités en concurrence ne puissent bénéficier pour leur développement des conditions propres à l'exercice des missions d'intérêt général, au détriment des entreprises opérant sur les mêmes marchés. Les autorités de concurrence considèrent généralement que la séparation des comptes constitue une condition nécessaire à l'exercice du contrôle du respect des règles de concurrence. Au cas d'espèce, il serait donc nécessaire que l'AFAN dispose, le cas échéant, d'une comptabilité appropriée permettant d'individualiser les coûts de ses différentes activités et de vérifier l'absence de subventions croisées dans le cadre de ses activités de diversification. "
b) Les éléments d'analyse développés au stade de l'évaluation préliminaire
123. Dans le cadre de l'examen des éléments du dossier, la préoccupation de concurrence identifiée par les services d'instruction découle principalement de la combinaison de trois facteurs propres à l'espèce susceptible de se traduire par la mise en œuvre ed'une pratique : (i) l'origine des ressources financières de l'INRAP, provenant en partie de la mise en œuvre e d'activités non lucratives protégées par un monopole de droit, (ii) l'absence d'outils de gestion pleinement satisfaisants et (iii) la politique tarifaire de l'établissement. Sur la part du financement public de l'INRAP
124. Comme précédemment rappelé, le financement de l'archéologie préventive instauré par la loi du 1er août 2003 prévoyait en principe que la RAP couvre les activités non ouvertes à la concurrence (en particulier les diagnostics).
125. La Cour des comptes a constaté cependant que " l'État n'a pas donné à l'INRAP les moyens de mettre en œuvre e pleinement les missions qui lui ont été confiées " (référé n°67181 du 6 juin 2013, cotes 312 et 313).
126. Selon la Cour, ceci a conduit l'État à pallier les défaillances du dispositif associé au financement global de l'INRAP, en particulier au regard des difficultés de rendement de la RAP. Dans son document, la Cour note ainsi (cote 313) :
- " le versement récurrent [par les autorités de tutelle] de subventions exceptionnelles d'équilibre et les mesures ponctuelles de reconstitution du fonds de roulement, pour un montant cumulé de 175 M entre 2002 et 2011 ", la Cour estimant que ces financements complémentaires intervenaient " aux dépens d'autres priorités de politique culturelle et en contradiction avec les crédits et les objectifs de dépense votés par le Parlement " ;
- des "ponctions répétées sur la trésorerie du Fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP), au détriment de la neutralité de son emploi " ;
- "une avance consentie par l'Agence France Trésor ".
127. Selon le rapport "Faure" précité, l' "effort budgétaire considérable du ministère de la culture, par redéploiement de crédits exceptionnels pour financer dans l'urgence l'INRAP et le Fnap ", s'élève à " un total de 247 M entre 2006 et 2014, prélevés en cours d'année sur le programme 175 (Patrimoines) " (cote 113).
128. Le subventionnement de l'État a continué en 2015, comme le montre le tableau suivant issu du rapport financier 2015 de l'INRAP (cote 2431) :
129. Depuis le début de l'année 2016, l'INRAP ne perçoit plus directement le fruit de la RAP et voit ses activités de service public financées uniquement par voie de subvention de l'État.
130. Au-delà de ces constats, il convient par ailleurs de relever, comme le montre le graphique suivant21, d'une part, que la proportion des ressources en principe allouée aux activités non lucratives22 a, sur la période analysée, toujours été plus importante que la proportion que ces mêmes activités non lucratives représente dans l'activité globale de l'INRAP23 et, d'autre part, que cette tendance s'accentue depuis 2013.
131. Une analyse fine de ces ratios est rendue difficile par l'absence d'outils internes adéquats.
Sur l'existence d'outils de gestion perfectibles
132. Bien que le Conseil de la concurrence ait, dans son avis n° 98-A-07 précité, rappelé "que la séparation des comptes constitue une condition nécessaire à l'exercice du contrôle du respect des règles de concurrence " et, s'agissant de l'Afan, qu'il serait nécessaire qu'elle dispose "d'une comptabilité appropriée permettant d'individualiser les coûts de ses différentes activités et de vérifier l'absence de subventions croisées dans le cadre de ses activités de diversification ", force est de constater que l'INRAP qui lui a succédé ne dispose pas d'outils comptables pleinement satisfaisants à cet égard.
133. Dans son référé n° 67181 de juin 2013, la Cour des comptes estime ainsi que "plusieurs actions apparaissent nécessaires de manière urgente pour garantir le respect du libre jeu de la concurrence ". Parmi ces actions qui doivent ainsi "permettre de garantir un exercice transparent et non faussé du jeu de la concurrence " figure " le perfectionnement de la méthode de comptabilité analytique actuellement utilisée par l'INRAP" (cote 316). Pour la Cour, l'établissement "d'une véritable comptabilité analytique " permettrait en particulier d'analyser les "coûts de chaque opération " (cote 317).
134. Dans des documents internes, l'INRAP souligne lui-même, d'une part, certaines limites de ses outils de gestion interne et d'évaluation de son activité et, d'autre part, l'absence persistante d'outil de comptabilité analytique permettant de dégager un résultat pour chaque opération de fouille (cotes 431, 638, 819, 1000, 1166, 2441).
135. Ces éléments confirment la persistance de difficultés relevées par la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2016 qui, bien que notant un certain nombre d'améliorations mises en œuvre e par l'INRAP dans sa gestion, estime que "dans ses missions de service public financées par l'État comme dans ses activités relevant du secteur concurrentiel, l'INRAP ne peut plus s'exonérer de la mise en œuvre de réformes visant à rendre ses pratiques de fonctionnement conformes aux règles de bonne gestion du secteur public, à améliorer sa capacité de prévision, à réduire ses coûts et à redresser sa productivité "24.
136. Dans leur réponse commune au rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes précité, le Ministre des finances et des comptes publics et le Secrétaire d'État chargé du budget soulignent qu' "en termes de progrès sur les outils, ainsi que l'indique la Cour, la mise en place de la comptabilité analytique des coûts reste à achever au sein de l'INRAP. Ce doit être un chantier prioritaire pour 2016 ".
137. Il ressort donc de ces éléments que des insuffisances subsistent encore aujourd'hui concernant les outils de gestion utilisés par l'INRAP. Il apparaît en particulier que l'INRAP ne dispose toujours pas à ce jour d'outil de comptabilité analytique permettant de dégager un résultat pour chaque opération de fouille. S'agissant d'un établissement public financé en partie sur des deniers publics et menant aussi bien des activités lucratives et non lucratives, l'absence d'une véritable séparation comptable et financière étanche et fiable entre ces deux activités n'apparaît pas de nature à garantir un exercice transparent et non faussé du jeu de la concurrence.
Le positionnement tarifaire de l'INRAP
138. Les constats relatifs aux outils comptables dont dispose l'INRAP pour la gestion de ses différentes activités et à la part importante de financement public de l'INRAP doivent être mis en regard du positionnement tarifaire de l'INRAP sur le marché des fouilles.
139. Dans sa réponse au rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, l'INRAP confirme la tendance du secteur qui y est observée et l'intensification de la concurrence entre les acteurs du marché : "La Cour a relevé l'évolution notable du secteur de l'archéologie préventive au cours des dernières années. De fait, alors que son précédent contrôle portait sur une période (2002-2011) de développement de l'activité d'archéologie préventive, soutenue par l'essor de l'aménagement public et privé, les années 2012-2015 ont au contraire été marquées par une contraction et une modification de la typologie des opérations de construction et d'aménagement. Dans le même temps, les dernières années ont été caractérisées par une intensification de la concurrence entre les opérateurs publics et privés dans les réponses aux consultations et marchés des fouilles "25.
140. Le nombre des opérateurs agréés intervenant dans le champ des fouilles archéologiques préventives semble ainsi connaître, depuis 2013, un certain infléchissement, comme le montre le tableau précité (cf. § 33). Les récentes cessations d'activité de deux sociétés privées semblent montrer l'existence de difficultés économiques affectant les entreprises du secteur.
141. L'INRAP a, aux termes du rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, "cherché à adapter ses prix pour faire face à la concurrence, puisqu'il a limité à 5,65 % en quatre ans (2009-2013) l'augmentation de ses tarifs à l'hectare pour les opérations de fouilles "26.
142. La question de la compétitivité prix apparaît ainsi, parmi les raisons principalement avancées par les aménageurs pour choisir l'INRAP, comme " la raison de choix déterminante ", ainsi que le montrent les résultats d'une étude interne de l'INRAP lancée auprès des aménageurs (cote 2264).
143. Les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction du dossier montrent que la politique tarifaire plus agressive de l'INRAP s'est accentuée depuis 2013.
144. Un document interne de l'établissement ("Exécution du budget 2015 : Note de l'Ordonnateur ", présentée aux membres du Conseil d'administration de l'INRAP lors de son conseil du 25 mars 2016) analyse notamment l'évolution du "ratio de recettes directes par jour-homme " et souligne que la " forte dégradation des recettes directes par jour/homme traduit les efforts en matière tarifaire que l'INRAP est obligé de réaliser pour rester compétitif au regard des prix pratiqués par les concurrents " (cote 2406).
145. Le rapport financier 2014 de l'INRAP précise que "La baisse d'activité de fouilles enregistrée en 2013 s'est accentuée en 2014 avec un recul du chiffre d'affaires de 25% par rapport à 2013, soit 30 % en deux ans. Désormais, l'activité lucrative représente moins de la moitié des produits de fonctionnement de l'établissement (46 %) avec un impact direct sur la trésorerie de l'établissement en diminuant les ressources. La baisse des produits n'a pas été compensée par une baisse équivalente des charges (-11.2 %) générant un résultat négatif de 1.69 M qui viendra augmenter le report à nouveau déficitaire, porté à 6,1 M. Le fléchissement des principaux indicateurs financiers (capacité d'autofinancement, valeur ajoutée, résultat net comptable) observé l'an dernier s'est poursuivi en 2014 " (cote 1142). Pour l'année 2015, le document interne de l'INRAP précité ("Exécution du budget 2015 : Note de l'Ordonnateur ", présentée aux membres du CA de l'INRAP lors de son conseil du 25 mars 2016) souligne par ailleurs que " la dégradation du résultat de cette activité [l'activité de fouilles en l'occurrence] par rapport au BR2 2015 s'explique à la fois par une baisse d'activité (- 7 200 J/H) mais surtout par la marge opérationnelle (recettes d'exploitation - dépenses opérationnelles) qui est de 54 du j-h en réalisé 2015 pour un BR2 2015 de 145 du j-h soit - 91 du j-h (- 63 %). Cette marge 2015 de 6,53 M ne permet pas de couvrir la quote-part de frais de structure (19,85 M) ainsi que le solde net des autres charges / produits d'exploitation de 3,3 M affectés à l'activité de fouilles loi 2003 " (cote 2417).
146. Les deux graphiques suivants illustrent les efforts tarifaires mis en œuvre epar l'INRAP depuis 2013 sur ses activités lucratives, en agissant aussi bien sur le ratio des recettes et des charges par jour homme (graphique n° 1) qu'en valeur absolue (graphique n° 1 bis)27.
147. Il apparaît en particulier que les revenus tels qu'affectés par l'INRAP à ses activités lucratives sont inférieurs aux charges affectées à ces mêmes activités lucratives depuis 2013, alors que les ratios relatifs à l'activité globale de l'établissement connaissent une évolution inverse, ce qui laisse penser que l'activité globale de l'INRAP est portée par ses activités non lucratives (l'activité globale de l'INRAP étant composée de la somme des activités lucratives et non lucratives).
148. Or, si le graphique n° 2 représenté ci-dessous confirme, depuis 2013, la diminution de la part des activités lucratives par rapport aux activités non lucratives de l'INRAP28, il fait néanmoins apparaître que les activités lucratives constituent et demeurent la principale source d'activité de l'INRAP : les activités lucratives représentent en moyenne, entre 2010 et 2015, plus de 63% de l'activité globale de l'INRAP en jours/homme, alors que les activités non lucratives n'en représentent en moyenne qu'un peu plus de 36% sur la même période29.
Conclusion
149. Il ressort de ces éléments, en particulier au vu de l'absence de comptabilité analytique satisfaisante, qu'un établissement public financé en partie sur des deniers publics et menant aussi bien des activités concurrentielles que sous monopole comme l'INRAP, ne présente pas les outils d'analyse suffisants, tant en termes de précision que de fiabilité, pour garantir l'identification des produits et des charges associés aux deux catégories d'activités. Au regard de la politique tarifaire mise en œuvre par l'INRAP ces dernières années, il ne peut dès lors être exclu qu'il existe un risque de subventions croisées entre ses activités de service public et ses activités commerciales, susceptible de se traduire par la mise en œuvre de pratiques tarifaires pouvant constituer des prix prédateurs ou pouvant produire des effets d'éviction.
III. La mise en œuvre de la procédure d'engagements
150. En réponse aux préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire, l'INRAP a transmis une proposition d'engagements.
151. Conformément à l'article R. 464-2 du Code de commerce, les engagements proposés ont fait l'objet d'une communication aux parties à la procédure et au commissaire du Gouvernement et ont par ailleurs fait l'objet d'une consultation des tiers pour qu'ils formulent leurs observations éventuelles.
A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR L'INRAP LE 23 NOVEMBRE 2016
152. Le 23 novembre 2016, l'INRAP a transmis à l'Autorité de la concurrence un courrier comprenant une proposition d'engagements visant à répondre aux deux préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire.
1. EN CE QUI CONCERNE L'ACCÈS À DES INFORMATIONS PRIVILÉGIÉES
153. Au vu de la préoccupation de concurrence identifiée par les services d'instruction sur la question de l'accès à des informations privilégiées, l'INRAP a proposé deux engagements (cote 2696) :
- L'engagement n° 1 : " l'INRAP s'engage, dans le cadre de la désignation par l'Etat du responsable scientifique des fouilles (l'État étant le seul compétent pour désigner ce responsable scientifique), à ne pas proposer, dans le cadre de la prérogative qui lui est accordée par l'article R.523-46 du Code du patrimoine, le nom d'un agent ayant déjà assumé la responsabilité de la conduite du diagnostic préalable effectué sur le même site " ;
- L'engagement n° 2 : " l'INRAP s'engage à ce que l'ensemble des données scientifiques concernant les opérations de diagnostic, recueillies par ses agents lors des opérations de diagnostic qu'ils effectuent, soient retranscrites intégralement et de manière exhaustive dans le rapport de diagnostic remis aux services de l'État (DRAC/Service régional de l'Archéologie de la région concernée) ".
2. EN CE QUI CONCERNE LES PRATIQUES TARIFAIRES
154. Afin de répondre à la préoccupation de concurrence identifiée par les services d'instruction sur la question des pratiques tarifaires susceptibles d'être mises en œuvre l'INRAP a proposé plusieurs engagements complémentaires (cote 2696 à 2699) : - L'engagement n° 3 : " L'INRAP s'engage donc à faire évoluer rapidement sa comptabilité analytique en vue d'instaurer une stricte séparation comptable et financière (étanche et fiable) entre ses activités non lucratives, relevant de sa mission de service public, et ses activités lucratives (ouvertes à la concurrence) ". Dans le cadre de cet engagement, le prestataire que choisira l'INRAP pour mettre en place cette comptabilité procèdera de manière progressive avant la fin de l'année 2017 de telle sorte que celle-ci soit pleinement effective au plus tard le 1er janvier 2018.
Cet engagement sera par ailleurs appliqué selon les modalités suivantes : o l'INRAP s'engage à mettre en place une comptabilité analytique propre à chacune de ses activités selon une délimitation fine et précise de chacune d'elles ;
o l'INRAP s'engage à mettre en place une comptabilité analytique faisant ressortir les produits et les charges associés à ces deux catégories d'activités ainsi que la méthode retenue pour l'imputation ou la répartition des produits et des charges entre ces deux catégories d'activités ;
o l'INRAP s'engage à mettre en œuvre une comptabilité analytique justifiant de la non affectation à ses activités lucratives des subventions publiques perçues dans le cadre de ses activités non-lucratives ;
o l'INRAP s'engage à mettre en place une comptabilité analytique permettant de connaître la rentabilité de ses activités (lucratives et non lucratives) et la part des subventions publiques perçues et affectées à ses activités non lucratives.
- L'engagement n° 4 : " L'INRAP s'engage à mettre en place un processus permettant une détermination du calcul de la marge par opération, préalablement à la transmission de ses offres dans le cadre du marché des fouilles ", étant précisé que cet outil sera en particulier construit en prenant en compte " l'exhaustivité des coûts complets " qui " intégreront les coûts directs affectés à chaque opération et quote-part de coûts indirects ". L INRAP s'engage à mettre en œuvre cet engagement "dans un délai de 8 mois à compter de la notification au prestataire - visé à l'engagement n° 3 et qui sera sélectionné conformément aux dispositions du Code des marchés publics - du marché de mise en œuvre de la comptabilité analytique ".
- L'engagement n° 5 : "L'INRAP s'engage à désigner un auditeur indépendant dans les conditions définies par les dispositions du Code des marchés publics dans les trois mois suivant le prononcé de la décision de l'Autorité de la concurrence adoptant les engagements et qui devra procéder à l'audit de la comptabilité analytique exposée à l'engagement n° 3 " ;
- L'engagement n° 6 : " L'INRAP s'engage à prévoir un audit annuel de sa comptabilité analytique telle que présentée à l'engagement n° 3 ". L'audit qui en résultera " aura ainsi pour objet de faire contrôler par l'Auditeur Missionné que les ressources et moyens alloués par l'Etat à l'INRAP pour l'exercice de sa mission de service public ne sont pas utilisés pour financer ses activités lucratives (opérations de fouilles archéologiques) ". Il apparait néanmoins que l'Auditeur missionné ne pourra effectivement procéder à cet audit qu'au titre de l'exercice comptable 2018 et pour les exercices comptables suivants.
- L'engagement n° 7 : " L'INRAP s'engage à transmettre annuellement à l'Autorité de la concurrence un état synthétique de la comptabilité analytique auditée et l'attestation de conformité du système de comptabilité analytique de l'INRAP établie par l'Auditeur ". Cette transmission interviendra ainsi pour la première fois en 2019 pour les comptes 2018.
3. EN CE QUI CONCERNE LAMISEEN OEUVRE DES ENGAGEMENTS DANS LE TEMPS
155. Dans le cadre de son engagement n° 8, l'INRAP opère une distinction sur la durée des engagements qu'il propose :
- en ce qui concerne les engagements n° 1, 2, 3 et 4 : il s'agit d'engagements souscrits pour une durée indéterminée ;
- en ce qui concerne les engagements n° 5, 6 et 7 : il s'agit d'engagements souscrits pour une durée de 5 ans à compter de l'adoption de la décision de l'Autorité de la concurrence acceptant les engagements.
B. LES OBSERVATIONS RECUEILLIES LORS DU TEST DE MARCHÉ
156. Le test de marché a soumis aux acteurs du marché, entre le 5 décembre 2016 et le 9 janvier 2017, les engagements proposés par l'INRAP le 23 novembre 2016. Le contenu de ce test de marché rappelle en particulier que " les deux préoccupations de concurrence relevées dans le cadre de l'instruction de l'affaire pourraient être considérées comme étant constitutives d'abus de position dominante, pratiques contraires aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE".
157. L'Autorité a reçu des observations de la part du commissaire du Gouvernement, de l'ensemble des parties saisissantes et d'un tiers intéressé (l'Association Nationale pour l'Archéologie de Collectivités Territoriales).
1. LES OBSERVATIONS RELATIVES À LA PRATIQUE LIÉE À L'ACCÈS AUX INFORMATIONS PRIVILÉGIÉES
a) Sur les constats dressés dans l'évaluation préliminaire
158. Les observations reçues au terme du test de marché partagent d'une manière générale les constats dressés dans l'évaluation préliminaire.
159. Le commissaire du Gouvernement estime en particulier (cote 2754) que " l'INRAP est susceptible de disposer d'un avantage compétitif indu au stade des opérations de diagnostic et au stade des opérations de fouilles proprement dites ". Notamment " dès la phase de diagnostic, l'INRAP dispose d'informations privilégiées, dont ses concurrents ne disposent pas à ce stade, lui permettant de construire une offre technique et tarifaire pertinente dans la perspective d'une fouille archéologique préventive ". Par ailleurs, " l'INRAP dispose donc d'un avantage compétitif important par rapport aux opérateurs privés de fouilles archéologiques préventives, qui ne reçoivent pas systématiquement les arrêtés de prescription de diagnostic. Les opérateurs privés ne peuvent en effet pas anticiper le nombre d'opérations d'aménagements susceptibles de faire l'objet in fine d'une fouille archéologique préventive, contrairement à l'INRAP". Ainsi, " les opérateurs de fouilles archéologiques préventives ne disposent pas du même niveau d'informations, et même si certains d'entre eux obtiennent ces informations, elles ne leur sont communiquées que postérieurement à l'INRAP".
160. Les saisissants partagent également l'analyse effectuée dans l'évaluation préliminaire et soulignent que l'action de l'État n'a toujours pas pleinement favorisé l'accès des opérateurs privés aux informations dont dispose l'INRAP (cote 2736).
b) Sur les engagements proposés
161. Les réponses au test de marché soulignent que les deux engagements proposés par l'INRAP ne permettent pas de garantir que les personnes en charge de l'activité lucrative au sein de l'établissement soient placées dans les mêmes conditions que les autres opérateurs (Cote 2755).
162. Par ailleurs, il ressort des observations reçues que les deux engagements ne font que s'inscrire dans le cadre de la mise en œuvre de dispositions du Code du patrimoine et n'y apportent aucune garantie complémentaire.
163. S'agissant plus particulièrement de l'engagement n° 1, le commissaire du Gouvernement estime qu'il " pourrait fragiliser la qualité scientifique des fouilles préventives menées par l'l'INRAP, en particulier dans les zones géographiques où le nombre d'agents de l'INRAP est faible. Une telle interdiction pourrait aussi, selon le ministère de la culture et de la communication, méconnaître les prérogatives de l'Etat, qui conserve la responsabilité de désigner le responsable scientifique le mieux à même de conduire les fouilles, et qui peut donc être amené à désigner la même personne pour les deux opérations ". De la même manière, l'ANACT souligne (cote 2738) que " cet engagement risque d'introduire une nouvelle norme portant préjudice aux collectivités territoriales habilitées comme opérateur en archéologie préventive " et " pourrait léser les collectivités territoriales habilitées en archéologie ", " car la majorité de ces services ne disposent pas des effectifs nécessaires pour mettre en œuvre cette limitation. Faute de personnel suffisant ayant les qualifications requises et reconnues par l'État, les collectivités territoriales habilitées comme opérateur d'archéologie préventive se verraient exclues soit de l'activité de diagnostic soit de l'activité de fouille ".
164. En outre, il ressort des observations recueillies que l'engagement n° 1 ne porte pas précisément sur la préoccupation de concurrence, qui se concentre davantage sur la phase des appels d'offre lancés par les aménageurs. Selon les saisissants, " le responsable scientifique visé par l'engagement n° 1 n'est pas la personne qui va établir la relation commerciale vis-à-vis des aménageurs pour permettre à l'INRAP de remporter le marché de fouilles " (cote 2738). De la même manière, il est souligné qu'" un tel engagement ne répond en rien à la préoccupation de concurrence. En effet, lorsqu'il s'agit de nommer le responsable scientifique des fouilles, c'est que l'opérateur est déjà désigné (INRAP ou opérateurs privés) " (cote 2726).
165. En ce qui concerne plus particulièrement l'engagement n° 2, il ressort des observations reçues que " l'engagement proposé de rédiger un rapport de diagnostic " exhaustif " ne constitue pas réellement une servitude supplémentaire pour l'INRAP, dont la consistance serait en tout état de cause invérifiable, et n'apporte donc aucune garantie nouvelle " (commissaire du Gouvernement, cote 2755), cet engagement ne faisant que rappeler les obligations réglementaires qui s'imposent déjà aux opérateurs chargés des diagnostics (cotes 2710, 2739 et 2740).
c) L'hypothèse d'une solution alternative
166. Au-delà des appréciations négatives exprimées à l'occasion du test de marché sur les engagements proposés par l'INRAP, il convient de souligner que le commissaire du Gouvernement a présenté une solution alternative pour répondre aux préoccupations de concurrence identifiées, et dont le champ dépasserait la nature des engagements que l'INRAP était en mesure de proposer. Selon la proposition formulée par le commissaire du gouvernement, l'Etat pourrait intervenir pour aligner les conditions d'accès des opérateurs privés aux informations préalables sur celles dont dispose l'INRAP.
167. En instituant des conditions d'accès équivalentes pour l'ensemble des acteurs du secteur, cette solution alternative apporterait une réponse pérenne aux préoccupations de concurrence du secteur et serait de nature à modifier les constats dressés par les services d'instruction dans le cadre de l'évaluation préliminaire. Elle aurait comme conséquence de ne pas faire peser sur l'INRAP la résolution de la problématique identifiée. 168. Comme cela sera abordé dans la suite de la décision, le gouvernement français a, par conséquent, entrepris d'engager une réforme de cette nature, afin de remédier aux préoccupations de concurrence identifiées dans la présente affaire.
2. LES OBSERVATIONS RELATIVES AUX PRATIQUES TARIFAIRES INTERVENANT DANS UN CONTEXTE DE SUBVENTIONNEMENT CROISÉ
a) Sur les constats dressés dans l'évaluation préliminaire
169. Les observations reçues au terme du test de marché partagent d'une manière générale les constats dressés dans l'évaluation préliminaire.
170. Le commissaire du Gouvernement estime ainsi, au vu des éléments dégagés dans le cadre de l'instruction, qu' " il ne peut être exclu qu'existe un risque de subventions croisées entre les activités de service public de l'INRAP et ses activités commerciales " (cote 2756).
b) Sur les engagements proposés
171. Les retours des acteurs du secteur, bien que partagés, sont relativement positifs.
172. Pour le commissaire du Gouvernement, les propositions de l'INRAP vont dans le bon sens (cote 2756) : les engagements proposés " paraissent répondre à la préoccupation de concurrence identifiée par le rapporteur et n'appellent pas de remarque particulière de ma part " dans la mesure où ils " répondent pleinement au standard exigé par la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence en la matière ".
173. Néanmoins, les saisissants considèrent que les engagements proposés par l'INRAP pourraient présenter certaines limites.
174. D'abord, ils soulignent que la portée des engagements proposés dépendra notamment des principes retenus pour la mise en place de la séparation comptable. Les saisissants estiment par exemple que la mise en place de l'engagement n° 3 doit viser à assurer la "non affectation des moyens humains dédiés aux activités non-lucratives à des activités lucratives ", d'une part, en permettant " de contrôler l'affectation des moyens humains (déterminés en jours-hommes) afin d'éviter que des moyens dédiés aux activités non- lucratives (par exemple les Projets d'Action Scientifique (" PAS ")) soient finalement alloués à l'établissement de rapport de fouilles (activité lucrative) " (cote 2742) et, d'autre part, en s'assurant que l'INRAP ne puisse pas " compenser des périodes de manque d'activité concurrentielle dans une région donnée par l'affectation des agents de l'INRAP à des activités publiques " (cote 2743).
175. Par ailleurs, les réponses au test de marché soulignent que la mise en œuvre e des engagements proposés reste lointaine au regard de la mise en place de la comptabilité analytique pour fin 2017 et de la transmission des premiers comptes audités en 2019 sur les comptes 2018.
176. Si l'instauration d'une séparation comptable nécessite un délai de mise en place incompressible, les saisissants estiment ainsi que des mesures complémentaires transitoires pourraient utilement compléter les engagements proposés, au vu de la situation concurrentielle et des risques soulevés par les services d'instruction.
C. DISCUSSION
1. EN CE QUI CONCERNE LA PRÉOCCUPATION DE CONCURRENCE LIÉE À L'ACCÈS À DES INFORMATIONS PRIVILÉGIÉES
a) L'intervention de l'État postérieurement au test de marché
177. Á la suite des propositions avancées par le commissaire du Gouvernement dans ses observations sur le test de marché, l'État a décidé de mettre en place une plateforme informatique sécurisée permettant à l'ensemble des opérateurs de fouilles d'accéder aux informations préalables dont disposent les opérateurs de diagnostics et, ceci, selon des délais comparables.
178. Par courrier en date du 3 mars 2017, le commissaire du Gouvernement a formellement informé l'Autorité de la concurrence du dispositif qui serait précisément mis en place par le Gouvernement.
179. Aux termes de ce courrier, "sera mise en place une plateforme informatique sécurisée, à laquelle pourront accéder tous les opérateurs autorisés à intervenir sur le marché des fouilles archéologiques préventives. Cette plateforme permettra un accès aux arrêtés de prescription de diagnostics, dès leur notification à l'aménageur, aux rapports de diagnostic, dès leur validation, et aux arrêtés de prescription de fouilles, dès leur notification à l'aménageur. "
180. Le courrier souligne que "cet outil garantira donc que les opérateurs privés, l'INRAP et les collectivités territoriales accèderont à ces informations dans des conditions identiques ".
181. La mise en place d'un tel outil nécessitant un certain temps (la plateforme étant mise en place "au plus tard le 1er mars 2018 "), l'État indique qu'un régime transitoire sera introduit de manière complémentaire, à travers l'instauration d'" un mécanisme spécifique d'information de ces opérateurs en cas d'adoption d'un arrêté de prescription de diagnostic ". Aux termes du courrier du Gouvernement, ce mécanisme transitoire aura pour objectif "de traiter sur un strict pied d'égalité, et avec toute l'attention et la diligence requises les demandes des opérateurs d'archéologie préventive d'accéder aux informations mentionnées ci-dessus, telles qu'elles sont disponibles auprès des directions régionales des affaires culturelles ".
182. La mise en place de ce mécanisme fera l'objet d'une communication rapide (au plus tard le 31 mars 2017) auprès des Préfets de région par l'intermédiaire d'"une instruction ministérielle, dont le contenu aura été validé conjointement par les ministères de la culture et de l'économie ".
b) L'évolution du périmètre des engagements proposés par l'INRAP le 6 mars 2017
183. Informée de l'évolution des règles de fonctionnement du secteur qu'entendait mettre en œuvre l'État, l'INRAP a procédé au retrait de ses engagements n° 1 et 2 dans un courrier en date du 6 mars 2017.
184. Selon l'INRAP, l'évolution du cadre applicable en raison du dispositif proposé par l'État est de nature à modifier les constats dressés dans le cadre de l'évaluation préliminaire et à modifier ses conclusions en ce qui concerne l'existence d'une préoccupation de concurrence.
185. D'une part, l'INRAP estime que la mise en place par l'État "d'une plateforme informatique sécurisée garantissant à tous les opérateurs de fouilles archéologiques agréés et aux collectivités territoriales habilitées, un accès aux informations mentionnées ci-dessus dans des conditions identiques, permet de répondre à la préoccupation de concurrence exposée par l'Autorité de la concurrence s'agissant de l'accès à l'information par les opérateurs privés de fouilles. Elle aboutit en effet à ce que l'INRAP ne bénéficie plus d'un prétendu avantage de nature informationnelle sur le marché des fouilles archéologiques du fait de son monopole légal sur les activités de diagnostic " (cote 2792).
186. L'établissement public souligne d'autre part que le dispositif transitoire proposé par l'État " permettra, avant que ne soit mise en œuvre ela plateforme sécurisée, de rappeler aux services déconcentrés la nécessité d'assurer une information homogène de l'ensemble des acteurs du secteur de l'archéologie préventive, ce qui était demandé par certains opérateurs agréés auprès des services compétents " (cote 2797).
187. L'INRAP considère en conséquence qu'"au regard des mesures prises par l'État en vue d'assurer un égal accès à l'information à l'égard de tous les opérateurs agréés intervenant sur le marché concurrentiel des fouilles archéologiques, il apparaît que les engagements comportementaux n° 1 et n° 2 que l'INRAP avait proposés dans sa proposition d'engagements du 23 novembre 2016 n'ont plus lieu d'être " (cote 2798). Il déclare retirer dès lors les engagements comportementaux n° 1 et 2 devenus sans objet.
c) Analyse
188. La création par l'État d'un outil permettant aux opérateurs de fouilles d'accéder dans des délais comparables aux arrêtés de prescriptions archéologiques (de diagnostic et de fouilles) et aux rapports de diagnostic sur le fondement desquels sont pris les arrêtés de prescription de fouilles, ainsi que le dispositif transitoire proposé le temps de sa mise en place, sont susceptibles de modifier les constats dressés par les services d'instruction dans le cadre de l'évaluation préliminaire à cet égard.
189. L'accès à ces informations permettra en particulier à l'ensemble des opérateurs de fouilles de bénéficier, dans des conditions comparables et dès le début de la chaine archéologique préventive, d'une vision prospective du marché et de ses débouchés potentiels et, à mesure de l'avancement de la procédure, de sa mise à jour progressive. Le cas échéant, ces informations leur permettront de démarcher et de sensibiliser les aménageurs susceptibles, à terme, d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'un chantier de fouilles.
190. Néanmoins, la réalité de l'intervention de la réforme dans le temps constitue un élément d'appréciation important, dans la mesure où l'absence d'engagement de la part de l'INRAP sur la question de l'accès à l'information préalable n'est théoriquement envisageable que si les évolutions intervenues à la suite du test de marché sont effectivement de nature à remettre en cause les préoccupations de concurrence.
191. En séance, les représentants de l'État, qu'il s'agisse du commissaire du gouvernement ou des représentants du ministère de la culture et de la communication entendus en qualité de témoin, ont apporté des éléments d'informations concrets sur la mise en œuvre ede cette réforme.
Sur la mise en place de la plateforme
192. Il a d'abord été indiqué que la création de cette plateforme a d'ores et déjà fait l'objet, et fera encore jusqu'à sa mise en place définitive, d'une collaboration étroite entre le ministère de l'économie et des finances et le ministère de la culture et de la communication, pour que l'outil annoncé réponde pleinement aux considérations de concurrence soulevées par la question de l'accès aux informations archéologiques préalables.
193. Cette plateforme contiendra les arrêtés de prescription de diagnostic et de fouilles, ainsi que l'intégralité des rapports de diagnostic (rapport et annexes), pour permettre leur consultation, depuis Internet, par les opérateurs d'archéologie préventive (connexion par compte et mot de passe fournis par l'administration).
194. En ce qui concerne l'accès aux rapports de diagnostics, l'Autorité note qu'elle permettra en théorie aux opérateurs de fouilles de bénéficier d'un niveau d'information scientifique comparable à celui dont dispose l'opérateur ayant réalisé le diagnostic. En effet, la communication aux services de l'État de l'intégralité des données scientifiques recueillies à l'occasion d'un diagnostic est strictement encadrée par le Code du patrimoine, en particulier par ses articles L. 522-130 et R. 523-3631.
195. D'abord alimentée de manière manuelle et très régulière par les services instructeurs des directions régionales à l'action culturelle (DRAC), cette plateforme devrait dans un second temps être améliorée par la mise en place d'une alimentation automatique. Cette évolution devrait pérenniser l'existence de la plateforme et en faire un outil clef pour les acteurs du secteur.
196. Il a enfin été confirmé que cette plateforme serait opérationnelle et activée au plus tard le 1ermars 2018.
Sur le dispositif transitoire
197. Les représentants des pouvoirs publics ont, en séance, apporté différentes précisions sur l'instruction ministérielle signée le 21 avril 2017 par la ministre de la culture et de la communication et d'ores et déjà diffusée aux préfets de région.
198. Il a en particulier été annoncé que le dispositif présenté dans cette instruction, qui a pour objectif de souligner la nécessité de traiter sur un strict pied d'égalité, et avec toute l'attention et la diligence requises, les demandes des opérateurs d'archéologie préventive qui souhaitent accéder aux prescriptions archéologiques préventives (diagnostic et fouilles) et aux rapports de diagnostic, sera applicable à compter du 1ermai 2017.
199. Concrètement, il a été rappelé en séance que cette instruction prévoit que :
- le Préfet de région devra communiquer à son initiative à tous les opérateurs d'archéologie préventive, par voie électronique, deux fois par mois, une information sur les documents d'archéologie préventive, c'est-à-dire une liste actualisée : des (i) arrêtés de diagnostic notifiés aux destinataires de droit (à l'exception des arrêtés de l'article R. 523-14 du Code du patrimoine, c'est-à-dire ceux qui sont pris dans le cadre d'une demande anticipée); (ii) des rapports de diagnostic validés par le Service Régional d'Archéologie (SRA) de la DRAC et (iii) des arrêtés de fouille notifiés aux aménageurs concernés ;
- les DRAC devront communiquer ces documents dès lors qu'un opérateur en fera la demande (à l'exception des arrêtés de diagnostic de l'article R. 523-14 du Code du patrimoine), la communication des documents demandés devant intervenir dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la réception de la demande.
d) Conclusion
200. Au regard de ces éléments de mise en œuvre concrète, il apparaît que l'État, en instituant des conditions d'accès équivalentes à ces informations pour l'ensemble des opérateurs de fouilles, apporte une réponse pérenne au secteur qui répond aux préoccupations de concurrence comprises dans la présente affaire, et qui pose les conditions d'une concurrence renouvelée entre ses acteurs, tout en préservant les particularités d'une activité caractérisée par une forte dimension scientifique.
201. En conséquence, le retrait par l'INRAP des engagements n° 1 et 2 initialement proposés le 23 novembre 2016 apparaît légitime et justifié.
2. EN CE QUI CONCERNE LA PRÉOCCUPATION DE CONCURRENCE LIÉE À LA MISE EN OEUVRE EDE PRATIQUES TARIFAIRES
202. Au vu de la pratique décisionnelle rappelée précédemment (cf. § 119 à 122), l'Autorité considère que l'instauration et la mise en œuvre d'une comptabilité analytique visant à assurer la stricte séparation comptable des activités de l'INRAP apportent une réponse crédible, pertinente, proportionnée et vérifiable aux préoccupations de concurrence exprimées le 6 octobre 2016.
203. L'ensemble des engagements proposés par l'INRAP permettront en effet de mettre en place un contrôle interne assurant une lecture directe et une traçabilité des moyens alloués à chacune de ses missions. L'Autorité note à cet égard que tant la mise en place de cette nouvelle comptabilité, assurée par un prestataire extérieur, que l'audit des comptes confié à un expert indépendant, donnent les gages d'une séparation claire des comptes entre les activités de l'INRAP en monopole et celles ouvertes à la concurrence, condition nécessaire au bon fonctionnement de la concurrence.
204. Dans tous les cas, l'Autorité rappelle que la comptabilité analytique reste un outil de gestion et de pilotage interne dont seul l'INRAP doit être responsable, en particulier devant l'Autorité, de sorte que les prestataires extérieurs ayant travaillé à sa mise en place et à son contrôle ne peuvent être décideurs, in fine, des choix de gestion. En revanche, il importe que ces derniers disposent d'une réelle indépendance et soient force de proposition s'ils estiment infondés les choix effectués de l'INRAP.
205. De manière à garantir la portée et l'utilité de la transmission des comptes audités à l'Autorité et afin de préciser le rôle et le champ des investigations de l'auditeur missionné, il a été demandé à l'INRAP de préciser le contenu de ces engagements. Jusqu'à la séance, l'INRAP s'était en effet engagée à transmettre annuellement à l'Autorité un état synthétique de la comptabilité analytique auditée ainsi que l'attestation de conformité du système de comptabilité analytique de l'INRAP établie par l'Auditeur Missionné par rapport aux critères définis aux engagements précédents. Néanmoins, les éléments ainsi transmis ne permettaient pas de connaître les différentes clés de répartition utilisées dans le cadre de l'élaboration du modèle de séparation comptable ainsi que les inducteurs de coûts pertinents sous-jacents utilisés à cette fin. Sans ces éléments, le système risquerait de produire des restitutions impropres à toute analyse et impossibles à modifier, ce qui viderait l'engagement de sa portée. Au regard de cet enjeu, l'INRAP a accepté de s'engager à transmettre annuellement à l'Autorité de la concurrence, en complément des éléments précités, la méthode de répartition annuelle des coûts permettant de démontrer sa conformité à la jurisprudence applicable en la matière.
206. Il a enfin été demandé à l'INRAP de clarifier la formulation concernant la durée de 5 années pendant laquelle elle proposait d'appliquer certains de ces engagements, comme celui de soumettre à l'Autorité ses comptes audités. En proposant de souscrire à une durée de 5 ans à compter de l'adoption de la décision de l'Autorité de la concurrence, la durée réelle des engagements concernés aurait eu un effet utile plus court, puisque la comptabilité analytique ne sera pas encore effective à cette date. L'INRAP a donc accepté de modifier la rédaction de ses engagements pour qu'ils concernent 5 exercices à compter, non pas de la décision de l'Autorité, mais de la mise en place effective de la comptabilité analytique.
3. EN CE QUI CONCERNE LA PORTÉE DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DE L'ACTIVITÉ DEFOUILLES ARCHÉOLOGIQUES PRÉVENTIVES
207. En complément de la discussion intervenue spécifiquement sur les deux préoccupations de concurrence identifiées dans le cadre de l'évaluation préliminaire, la séance a été l'occasion d'appréhender la question de la portée de l'ouverture à la concurrence du secteur des fouilles archéologiques préventives, tant au sein du personnel de l'INRAP que parmi les aménageurs.
208. En ce qui concerne l'INRAP, ses représentants ont indiqué en séance qu'ils avaient d'ores et déjà mis en place au sein de l'établissement, depuis le début de l'année 2017, des actions de formation au droit de la concurrence à destination de ses agents. Ce plan de formation, assuré par un cabinet d'avocats spécialisé en droit économique, aborde différents aspects permettant d'appréhender l'ensemble des problématiques concurrentielles auxquelles l'INRAP est confronté en tant qu'établissement public administratif intervenant sur le marché concurrentiel des fouilles archéologiques préventives.
209. Au vu de l'intérêt qui s'attache à ce qu'une telle formation soit dispensée dans la durée, les représentants de l'INRAP ont accepté, en séance, de proposer un engagement supplémentaire pour une durée de 5 ans, consistant à poursuivre les actions de formation entreprises en droit de la concurrence à destination de ses agents (notamment ceux qui interviennent dans la négociation des opérations de fouilles) afin de les sensibiliser et les former activement aux règles du droit de la concurrence.
210. En ce qui concerne les aménageurs, l'Autorité note que les représentants de l'État ont indiqué en séance leur volonté de renforcer la connaissance par les aménageurs du contenu des réformes introduites au début des années 2000 sur l'ouverture à la concurrence du secteur des fouilles archéologiques préventives. Le commissaire du gouvernement a ainsi annoncé que le ministère de la culture et de la communication souhaitait très prochainement engager une campagne de sensibilisation des aménageurs à cet égard. Cette information passerait par la diffusion d'un dépliant à l'attention des aménageurs qui reviendrait sur le déroulement des différentes phases de l'archéologie préventive, les interactions entre ses différents acteurs, qu'ils soient publics ou privés. Ce dépliant serait ainsi l'occasion de revenir sur le contenu et les conséquences de l'ouverture du secteur à la concurrence.
211. Toute action complémentaire des services de l'État permettant à l'ensemble des acteurs, et en particulier aux aménageurs, de pleinement appréhender la portée de la réforme de 2003 serait en tout état de cause bienvenue. Comme le montrent différentes pièces versées au dossier, les arrêtés de prescription de fouilles peuvent être un bon vecteur d'information pour les aménageurs :
- le courrier de notification peut ainsi présenter les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché des fouilles préventives (cote 1319) ;
- l'arrêté même de prescription de fouilles peut également indiquer que le choix de l'opérateur est ouvert à l'aménageur (cote 1323).
212. Le fait pour les services de l'État de veiller à continuer à rappeler systématiquement dans les arrêtés de prescription de fouilles la possibilité de choisir entre différents opérateurs au terme d'une mise en concurrence pourrait ainsi s'avérer utile.
D. CONCLUSION
213. Il apparaît, en premier lieu, que les préoccupations de concurrence initialement identifiées sur la question de la connaissance de différentes informations relatives aux opérations archéologiques préventives ne sont plus d'actualité, dès lors que l'État s'est engagé à créer une plateforme informatique sécurisée permettant à l'ensemble des opérateurs de fouilles d'y accéder dans des conditions comparables et à mettre en place des dispositions transitoires favorisant l'accès effectif à ces informations. Dans ces conditions, il n'apparaît plus nécessaire que l'INRAP maintienne les engagements n° 1 et 2 proposés le 23 novembre 2016.
214. Il apparaît, en second lieu, que les engagements proposés par l'INRAP le 6 mars 2017, complétés et améliorés lors de la séance du 27 avril 2017 répondent aux préoccupations de concurrence exprimées et présentent un caractère substantiel, crédible et vérifiable. Il y a donc lieu de les accepter, de les rendre obligatoires et de clore la procédure.
DÉCISION
Article 1er : L'Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par l'Institut national de recherches archéologiques préventives qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.
Article 2 : Les saisines enregistrées sous les numéros 15/0101F et 15/0102F sont closes. Délibéré sur le rapport oral de M. Franck Bertrand, rapporteur et l'intervention de M. Nicolas Deffieux, rapporteur général adjoint, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, Mme Séverine Larere et M. Olivier d'Ormesson, membres.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Madame la députée Martine Faure, en mission auprès de la Ministre de la culture et de la communication, a établi en mai 2015 le rapport intitulé " Pour une politique publique équilibrée de l'archéologie préventive ".
3 La France s'engage au niveau international sur la question de l'archéologie préventive en signant en 1992 la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, dite Convention de Malte (ratifiée en 1995).
4 "L'INRAP est un établissement public administratif crée par une loi en 2001 et mis en place en 2002 " (cote 396).
5 Les SRA sont intégrés aux les directions régionales des affaires culturelles (Drac).
6 http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3068-tI.asp#P540_147797
7 Référé de la Cour des comptes concernant l'INRAP n° 67181du 6 juin 2013, page 2.
9 Par courriel en date du 15 juin 2016, l'INRAP a manifesté son intention de recourir à la procédure d'engagements prévue aux articles L. 464-2, I° et R. 464-2 du Code de commerce, dans le but de mettre fin à la procédure en cours devant l'Autorité de la concurrence.
10 Les organismes archéologiques originaires ou non d'un État membre de l'Union Européenne peuvent réaliser des fouilles préventives sur le territoire français, dans la mesure où ils obtiennent l'agrément nécessaire à tout opérateur. Si un système d'agrément est déjà prévu par leur État d'origine, les demandeurs étrangers peuvent s'en prévaloir, sous réserve de l'appréciation de l'équivalence de cet agrément à celui prévu par la réglementation française.
11 L'article L. 523-1 du Code du patrimoine : " Sous réserve des cas prévus à l'article L. 523-4, les diagnostics d'archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif qui les exécute conformément aux décisions délivrées et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions du présent livre (...) " ; l'article L. 523-4 du Code du patrimoine : "Les services archéologiques qui dépendent d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales établissent, sur décision de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement, dans les mêmes conditions que l'établissement public, les diagnostics d'archéologie préventive relatifs à : a) Soit une opération d'aménagement ou de travaux réalisée sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales. La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales fait connaître au représentant de l'Etat dans la région sa décision relative à l'exécution du diagnostic dans un délai de quatorze jours à compter de la réception de la notification du diagnostic ; b) Soit, pendant une durée minimale de trois ans, l'ensemble des opérations d'aménagement ou de travaux réalisées sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales (...) ".
12 Ses missions sont la réalisation des diagnostics et des fouilles, l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive et diffusion de leurs résultats, le concours à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.
13 Comme le souligne le rapport Faure, " leurs statuts sont variés. Il existe, au 30 avril 2015, trois associations et quinze sociétés agréées (de l'exercice en profession libérale à la société anonyme, la majorité prenant la forme de SARL) " (cote 97) ; " les opérateurs privés en archéologie préventive sont majoritairement classés comme " Très petites entreprises " (TPE), les plus importantes pouvant prétendre au statut de petite entreprise " (cote 98).
14 Il ressort d'une étude interne de l'INRAP que son "expertise reconnue en termes de gestion d'un chantier " et sa "notoriété scientifique " font partie des principales raisons qui conduisent les aménageurs à choisir l'établissement public (cote 2264).
15 Aux termes de la loi du 17 juillet 1978 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs (aujourd'hui codifiée au code des relations du public avec l'administration), il apparaît en particulier que l'administration dispose d'un délai d'un mois pour répondre à une demande, faute de quoi le silence est regardé comme une décision implicite de refus de communication.
16 http://www.INRAP.fr/les-etapes-du-diagnostic-9721
17 C'est le cas des aménageurs privés qui n'ont pas l'obligation, contrairement aux aménageurs publics, de passer un appel d'offres public.
18 Voir notamment l'arrêt de la Cour de Justice du 3 juillet 1991, Akzo Chemie BV / Com., C-62/86.
19 Arrêt Post Danmark A/S contre Konkurrencerådet, aff. C-23/14
20 Cour d'appel de Paris, arrêt du 28 juillet 2016, RG n° 16/11253.
21 Le graphique a été réalisé à partir de données chiffrées issues des cotes 615, 1150, 2360 et 2363.
22 Les ressources comptabilisées pour les activités non lucratives comprennent les sommes récoltées au titre de la RAP ainsi que les différentes subventions versées par les autorités de tutelle de l'INRAP qui ne servent pas, en théorie, à financer les activités lucratives de l'INRAP, comme le rappelle un responsable de l'établissement (cote 400).
23 La mesure de l'activité est réalisée au regard de la notion de jour/homme (JH).
24 Rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, Tome 2, chapitre IV- La Cour alerte, "La politique d'archéologie préventive : des mesures d'ajustements tardives, un opérateur à réformer en profondeur " (https://www.ccomptes.fr/content/download/89533/2121407/version/1/file/14-politique-archeologie- preventive- RPA2016-Tome-2.pdf).
25 Idem
26 Rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, Tome 2, chapitre IV-La cour alerte, "La politique d'archéologie préventive : des mesures d'ajustements tardives, un opérateur à réformer en profondeur " (https://www.ccomptes.fr/content/download/89533/2121407/version/1/file/14-politique-archeologie- Preventive- RPA2016-Tome-2.pdf).
27 Les deux graphiques sont réalisés à partir de données chiffrées issues des cotes 615, 1150, 2360 et 2363.
28 Cette évolution s'inscrivant dans le contexte de contraction du marché des fouilles précédemment évoquée.
29 Les deux graphiques sont réalisés à partir de données chiffrées issues des cotes 615, 1150, 2360 et 2363.
30 Le 4° de l'article L. 522-1 du Code du patrimoine précise que l'Etat "est destinataire de l'ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations " (soulignement ajouté).
31 Aux termes de l'article R. 523-36 du Code du patrimoine, " le rapport de diagnostic complet est transmis au préfet de région qui le porte à la connaissance de l'aménageur et du propriétaire du terrain " (soulignement ajouté).