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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 14 mars 2017, n° 15-23991

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Brandalley (SA)

Défendeur :

L'Oréal Produits de Luxe France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

M. Peyron, Mme Douillet

Avocats :

Mes Fajgenbaum, Serra, Pecnard

T. com. Paris, du 23 nov. 2015

23 novembre 2015

Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties

La cour rappelle que la société L'Oréal Produits de Luxe France (ci-après " OAPLF "), société du groupe L'Oréal, qui indique détenir les droits nécessaires à la commercialisation des produits des marques Yves Saint Laurent, Diesel, Guy Laroche, Ralph Lauren, Paloma Picasso et Cacharel au sein d'un réseau de distribution sélective, a fait constater par huissier que la société Brandalley, qui exerce une activité de ventes privées sur Internet de divers produits, notamment des vêtements, bijoux, maroquinerie et parfums, a proposé à la vente sur son site www.brandalley.fr :

< le 24 avril 2013, des produits des marques Yves Saint Laurent, Diesel et Cacharel,

< du 3 au 11 novembre 2013, des parfums Yves Saint Laurent, Diesel, Guy Laroche et Cacharel,

< du 17 novembre au 17 décembre 2013, sous l'intitulé " Zoom sur les coffrets ", le produit Loverdose de Diesel,

< le 20 novembre 2013, des parfums, notamment de la marque Diesel, avec une remise jusqu'à 80 %,

< du 24 au 27 novembre 2013, des parfums Yves Saint Laurent, Diesel, Guy Laroche, Ralph Lauren, Paloma Picasso et Cacharel,

< du 7 décembre au 24 décembre 2013, des produits Yves Saint Laurent, Diesel et Guy Laroche ;

Qu'après une procédure de référé, la SNC OAPLF a fait citer par acte du 24 décembre 2013 la SA Brandalley pour qu'il lui soit ordonné de cesser la commercialisation de ces produits et l'entendre condamner à réparer le préjudice ainsi causé sur le fondement, de première part, de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce selon lequel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout ... commerçant... de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables au droit de la concurrence, de seconde part, de la concurrence déloyale caractérisée par des actes de parasitisme, une atteinte à son image de marque, des pratiques commerciales trompeuses et un approvisionnement frauduleux ;

Que, le 27 novembre 2015, la société Brandalley a interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 23 novembre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

Ordonné à la SA Brandalley la cessation immédiate de la vente des produits de marque " Yves Saint Laurent ", " Diesel ", " Guy Laroche ", " Ralph Lauren ", " Paloma Picasso " et " Cacharel " sur le site www.brandalley.fr et sur tout autre site qui pourrait lui être lié édité par la SA Brandalley sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé un délai de 24 heures à compter de la signification du présent jugement ;

Condamné la SA Brandalley à verser à OAPLF la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Ordonné la publication du texte suivant : " par jugement du 23 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Brandalley, éditeur du site www.brandalley.com, pour avoir violé le réseau de distribution exclusive de L'Oréal Produits de Luxe et s'être rendue coupable, à son égard, d'actes de concurrence déloyale du fait notamment d'annonces de réductions de prix fictives. " à une insertion dans chacun des magazines suivants : " cosmétiquemag " et " comestiquehebdo " et à une insertion pour une durée d'une journée maximum sur le site Internet www.cosmétiquemag.fr, en police de type " Times New Roman " de taille " 12 " et dans la limite de 15 000 euros HT pour l'ensemble des insertions ;

Condamné la SA Brandalley à verser à la SNC L'Oréal Produits de Luxe France la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, condamné la société Brandalley aux dépens ;

Que dans ses dernières conclusions du 22 novembre 2016, la société Brandalley demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 23 novembre 2015 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Dire et juger la société L'Oréal Produits de Luxe France irrecevable et mal fondée en ses demandes, fins et conclusions, à l'encontre de la société Brandalley ;

Dire et juger la société Brandalley recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

Dire et juger illicite le réseau de distribution sélective dont se prévaut la société L'Oréal Produits de Luxe France ;

Et, en conséquence,

Dire et juger que la société Brandalley n'a pas commis d'acte sanctionné par l'article L. 442-6 du Code de commerce au préjudice de la société L'Oréal Produits de Luxe France ;

Dire et Juger que la société Brandalley n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société L'Oréal Produits de Luxe France et n'a pas porté atteinte à son image ;

Dire et Juger que la société L'Oréal Produits de Luxe France a eu un comportement fautif à l'égard de la société Brandalley, lui ayant causé un préjudice économique et d'image ; condamner en conséquence la société L'Oréal Produits de Luxe France à verser la société Brandalley la somme 500 000 € en réparation du préjudice qu'elle lui a causé ;

Condamner la société L'Oréal Produits de Luxe France à verser à la société Brandalley la somme de 50 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, en ce compris les frais liés à la levée des certificats de marque délivrés par l'INPI, au profit de la SCP Nataf Fajgenbaum &Associes ;

Que dans ses dernières conclusions du 24 novembre 2016, la SNC OAPLF demande à la cour de :

Confirmer dans son intégralité le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 novembre 2015 sauf en ce qui concerne le contenu du texte publié qui devra être remplacé par le texte suivant : " Par arrêt du [à compléter], la Cour d'appel de Paris a condamné la société Brandalley, éditeur du site www.brandalley.fr, pour avoir violé le réseau de distribution sélective de L'Oréal Produits de Luxe France et s'être rendue coupable, à son égard, d'actes de concurrence déloyale du fait notamment d'annonces de réduction de prix fictives " ;

Rejeter l'intégralité des demandes de Brandalley ;

Condamner Brandalley à verser à OAPLF la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Brandalley aux entiers dépens ;

Que l'ordonnance de clôture est du 29 novembre 2016 ;

SUR CE

Considérant que pour demander l'infirmation du jugement, la SA Brandalley soutient, à titre principal, que la SNC OAPLF n'est pas recevable à agir, faute de justifier de droits exclusifs sur les marques commercialisées à travers le réseau de distribution sélective revendiqué, à titre subsidiaire, qu'elle ne justifie pas de la licéité de son réseau, à titre très subsidiaire, qu'il n'est démontré aucun acte sanctionné au titre de l'article L. 442-6 du Code de commerce ni d'acte de concurrence déloyale, et qu'en tout état de cause les mesures réparatrices prévues par le jugement sont déconnectées des faits ; qu'à titre reconventionnel, elle sollicite une somme de 500 000 € à raison du préjudice causé à son image par une campagne de presse selon elle orchestrée par OAPLF le 29 décembre 2015 ;

I - Sur la recevabilité à agir

Considérant que l'action engagée par la SNC OAPLF, qui n'a pas pour objet de faire juger que la défenderesse se serait rendue coupable du délit civil de contrefaçon de marque, vise essentiellement à faire dire que la société Brandalley a proposé à la vente des produits des marques Yves Saint Laurent, Diesel, Guy Laroche, Ralph Lauren, Paloma Picasso et Cacharel en violation du réseau de distribution sélective qui la lie à ses distributeurs, outre des faits connexes de concurrence déloyale ;

Considérant que pour démontrer sa qualité à agir, la SNC OAPLF produit aux débats, de première part, la totalité des contrats de distribution sélective la liant, pour chacune des six marques précitées, aux distributeurs Sephora, Marionnaud et Nocibé ; de seconde part, la liste de la totalité de ses distributeurs agréés ;

Qu'ainsi, de même que les autres contrats produits, celui du 24 mai 2013 la liant à la société Sephora stipule notamment que la SNC OAPLF, qui détient les droits exclusifs de distribution des produits cosmétiques, de maquillage et de parfumerie de la marque Yves Saint Laurent en France et à Monaco... accorde la distribution [de ces produits] aux seuls distributeurs qui répondent aux critères de sélectivité de la marque et que la société a agréés au préalable en application de sa procédure d'agrément, la distribution sélective étant le système de distribution choisi pour la commercialisation de la marque sur l'ensemble du territoire de l'EEE et de l'AELE ;

Considérant que l'ensemble de ces liens contractuels constitue un système de distribution sélective au sens de l'article 1-e du règlement UE 330/2010 dont la violation par un tiers est sanctionnée par l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce allégué en l'espèce ;

Qu'alors que la SNC OAPLF agit essentiellement sur le fondement de ce texte et accessoirement sur celui de la concurrence déloyale, sa qualité de fournisseur et son intérêt à agir pour défendre ce réseau de distribution sélective la rendent recevable en son action ;

Considérant que les moyens tendant à contester la recevabilité de cette action faute de justifier de droits exclusifs sur les marques commercialisées sont inopérants dès lors que celle-ci n'est pas engagée sur le fondement du droit des marques ; qu'au demeurant, cette preuve résulte suffisamment, de première part, de ce que les contrats de distribution sélective ci-dessus produits mentionnent expressément que la SNC OAPLF détient les droits exclusifs de distribution des produits ... de la marque, de deuxième part, des attestations en ce sens de son gérant et de son directeur juridique, de troisième part, de ce que la société appelante ne justifie en aucune manière de ce que les titulaires actuels des droits sur ces marques se soient manifestés, notamment pour s'opposer à cette action, ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire si la SNC OAPLF avait été illégitime à agir ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

II - Sur la licéité du réseau de distribution sélective

Considérant que la société Brandalley soutient que la SNC OAPLF ne justifie pas de la licéité de son réseau alors, en premier lieu, que sa part de marché dans la fourniture de parfums de luxe serait manifestement supérieure à 30 %, en deuxième lieu, que son contrat de distribution sélective ferait apparaître l'existence de clauses noires, en troisième lieu, qu'elle ne justifierait pas de son étanchéité juridique ;

A - Sur le dépassement du seuil de 30 %

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 2 et 3 du règlement UE 330/2010 que les systèmes de distribution sélective sont exemptés des dispositions de l'article 101 §1 du traité à condition que la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il vend les biens... contractuels ;

Considérant, en l'espèce, que la SNC OAPLF produit des tableaux établis par l'institut NPD desquels il résulte que la part d'OAPLF sur le marché des parfums s'est élevée à 20,1 % en 2012, 20,8 % en 2013, 20,7 % en 2014 et 22,1 % en 2015 ;

Considérant que la SA Brandalley critique la valeur probante de ces tableaux et produit elle-même d'autres pièces, notamment un baromètre Toluna LSA sur les parfums préférés des français au mois de décembre 2014 faisant ressortir des pourcentages d'acheteurs de 10 % pour Lancôme, 9 % pour Yves Saint Laurent, 8 % pour Diesel et 6 % pour Cacharel, soit en tout 33 % ;

Mais considérant, de première part, que la SNC OAPLF observe justement que le baromètre Toluna LSA produit par l'appelante n'est pas probant sur la question posée ; qu'en effet, les pourcentages présentés ne correspondent pas à des parts de marché mais à des intentions d'achat, les consommateurs pouvant donc exprimer leur intention cumulativement pour plusieurs marques, l'addition de l'ensemble des pourcentages atteignant non 100 % mais 150 % ; de seconde part, que l'institut NPD a une autorité reconnue, ainsi qu'il résulte de la production d'avis de l'Autorité de la concurrence du 5 décembre 2012 et de la Commission européenne du 16 avril 2008 qui se réfèrent expressément à ses études ;

Qu'en l'état de ces pièces, la SNC OAPLF établit suffisamment que sa part dans le marché des parfums ne dépasse pas 30 % et le moyen sera rejeté ;

B - Sur l'existence de clauses noires

Considérant que la SA Brandalley soutient que l'article 4.1.2.1 des contrats de la SNC OAPLF contient des clauses contraires aux dispositions du règlement UE 330/2010 ;

Considérant, en premier lieu, que la clause selon laquelle " le Distributeur Sélectif s'engage à revendre les Produits au détail directement à des consommateurs finals " et " le Distributeur Sélectif s'engage à ne pas céder les Produits, sous quelque forme que ce soit, à tout négociant ou distributeur, grossiste ou détaillant, sauf si ledit distributeur appartient au réseau de distribution sélective de la Marque dans l'E.E.E et/ ou dans l'A.E.L.E et aux conditions décrites ci-après (...) " serait contraire aux dispositions de l'article 4c du règlement UE 330/2010 en ce qu'elle aurait pour objet de restreindre les ventes actives ou, les ventes passives aux utilisateurs finals ;

Mais considérant, alors qu'il résulte de l'article 1 des contrats que la distribution sélective [est] le système de distribution choisi pour la commercialisation de la marque sur l'ensemble du territoire de l'EEE et de l'AELE, qu'il est de l'essence même de ce système de distribution sélective que les produits ne soient pas cédés, à l'intérieur du territoire ainsi défini, à tout négociant ou distributeur, grossiste ou détaillant n'appartenant pas à ce réseau ;

Que ce premier moyen sera écarté ;

Considérant, en second lieu, que la clause selon laquelle " le Distributeur Sélectif s'engage à ne pas procéder à des ventes actives d'un nouveau Produit qui n'a pas encore été lancé dans le pays sur le territoire duquel il est établi pendant une durée d'un (1) an à compter de la date du premier lancement de ce Produit dans un autre État Membre de l'EEE et/ou de l'AELE " serait constitutive d'une restriction caractérisée au sens des dispositions des articles 4b, 4c et 4d du règlement UE 330/2010 ;

Mais considérant que cette clause, qui est précédée de la phrase " De sorte à ne pas compromettre le lancement d'un nouveau produit en cas de campagnes de lancement échelonnées ", et qui a donc pour objet de tester un produit pendant une période limitée sur un territoire déterminé, ne constitue pas une restriction caractérisée au sens des textes précités ;

Que ce second moyen ne peut qu'être écarté ;

C - Sur l'étanchéité juridique

Considérant que la SA Brandalley soutient que le réseau sélectif mis en place par la SNC OAPLF ne serait pas étanche dès lors, de première part, qu'elle ne communiquerait aucun contrat de distributeur conclu dans les autres pays de l'Espace économique européen, de deuxième part, qu'elle n'expliquerait pas le sort réservé aux stocks de ses anciens distributeurs, de troisième part, que cette absence d'étanchéité juridique se vérifierait par une absence d'étanchéité pratique ;

Mais considérant, de première part, alors, en premier lieu, que la SNC OAPLF a communiqué le contrat-type de distribution sélective qu'elle propose aux distributeurs européens, en second lieu, que la SA Brandalley n'indique pas les conditions dans lesquelles elle se serait fournie régulièrement dans un pays de l'EEE des produits faisant l'objet du système de distribution sélective, la preuve d'un défaut d'étanchéité juridique n'est pas rapportée et le premier moyen ne peut qu'être écarté ; de deuxième part, alors que les contrats prévoient effectivement que la SNC OAPLF se réserve la possibilité de reprendre les stocks en fin de contrat, que rien ne permet de soutenir que les distributeurs concernés pourraient procéder à la liquidation de leur stock, aucune preuve concrète n'étant rapportée en ce sens ; que ce deuxième moyen sera aussi écarté ; de troisième part, que si la SA Brandalley soutient que l'un de ses concurrents directs, Showroom Privé, a pu, entre les mois de février à avril 2016, proposer à la vente des produits du réseau de distribution sélective, ce seul fait ne démontre pas le défaut d'étanchéité juridique du réseau ; que ce troisième moyen sera aussi rejeté ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit licite ce réseau de distribution sélective ;

III - Au fond

A - Sur la violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce

Considérant qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout ... commerçant... de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables au droit de la concurrence ;

Considérant qu'il sera rappelé que la SA Brandalley a proposé à la vente sur son site www.brandalley.fr :

< le 24 avril 2013, des produits des marques Yves Saint Laurent, Diesel et Cacharel,

< du 3 au 11 novembre 2013, des parfums Yves Saint Laurent, Diesel, Guy Laroche et Cacharel,

< du 17 novembre au 17 décembre 2013, sous l'intitulé " Zoom sur les coffrets ", le produit Loverdose de Diesel,

< le 20 novembre 2013, des parfums, notamment de la marque Diesel, avec une remise jusqu'à 80 %,

< du 24 au 27 novembre 2013, des parfums Yves Saint Laurent, Diesel, Guy Laroche, Ralph Lauren, Paloma Picasso et Cacharel,

< du 7 décembre au 24 décembre 2013, des produits Yves Saint Laurent, Diesel et Guy Laroche ;

Qu'alors qu'elle n'est pas distributeur agréé et qu'elle ne justifie pas de l'origine régulière de son approvisionnement, la SA Brandalley a consommé l'élément matériel de cette faute civile ;

Considérant que pour s'en exonérer, elle allègue qu'elle n'avait pas une connaissance effective de l'existence d'un réseau de distribution sélective licite ;

Mais considérant, de première part, que dès le 25 avril 2013, la SA Brandalley avait été mise en demeure par la SNC OAPLF de cesser ses agissements, ce qui implique nécessairement qu'elle ne pouvait plus invoquer une quelconque ignorance pour les offres de vente qui ont suivi ; de seconde part, que les produits comportaient tous la mention ce produit ne peut être vendu que par les distributeurs agréés ou distribution exclusive chez les dépositaires agréés par [nom de la marque] ;

Que cette première faute civile est donc caractérisée en tous ses éléments et le jugement sera confirmé ;

B - Sur les actes de concurrence déloyale

Considérant, au préalable, et contrairement à ce qui est allégué, qu'une même série de faits peut porter atteinte à des intérêts juridiques différents, permettant de caractériser autant de fautes civiles distinctes donnant lieu à condamnation ;

Considérant que c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a considéré, de première part, que la SA Brandalley, qui a commercialisé les produits protégés par un réseau de distribution sélective sur son site, sans aucun investissement qualitatif particulier, et qui a bénéficié, sans bourse délier, de la notoriété et de l'image de ces produits, a commis des actes de parasitisme ; de deuxième part, qu'en offrant à la vente ces produits de luxe comme des fins de série, ou en procédant parallèlement à des ventes de couches pour bébés ou de produits électroménagers, la SA Brandalley a encore commis une faute en portant atteinte à l'image de marque de ces produits ; de troisième part, qu'en vendant ces produits avec la mention ce produit ne peut être vendu que par les distributeurs agréés ou distribution exclusive chez les dépositaires agréés par [nom de la marque], la SA Brandalley a trompé les consommateurs en leur faisant accroire son appartenance à un réseau de distribution sélective ; de quatrième part, qu'en proposant des réductions de prix, alors que la SNC OAPLF ne pratique pas de prix conseillés, la SA Brandalley a encore trompé les consommateurs ; de cinquième part, qu'en supprimant les codes apposés par la SNC OAPLF sur les produits pour en apposer de nouveaux, ne permettant ainsi pas d'en déterminer l'origine, la SA Brandalley a enfin commis une faute constitutive de concurrence déloyale ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a caractérisé toutes ces fautes distinctes ;

C - Sur les mesures réparatrices

Considérant, au préalable, que compte tenu de l'importance de l'atteinte portée au réseau de distribution sélective dont la SNC OAPLF est le chef de file, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné, d'une part, la cessation immédiate des ventes sous astreinte, d'autre part, la publication judiciaire, sauf à préciser le contenu du texte publié ainsi qu'il est dit au dispositif ;

Que concernant le quantum des dommages et intérêts, la cour confirmera le montant de 500 000 € retenu par le premier juge, étant précisé que l'importance du préjudice à réparer résulte de la désorganisation du réseau de distribution sélective entraînée nécessairement par des ventes par des distributeurs non agréés, de la multiplicité et la réitération des faits, de la notoriété du site www.brandalley.fr, de l'atteinte portée à l'image de luxe de ces marques et du réseau de distribution ainsi enfin des tromperies des consommateurs ;

IV - Sur les demandes reconventionnelles

Considérant que la SA Brandalley demande reconventionnellement une somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts en imputant à l'initiative de la SNC OAPLF la parution le 29 décembre 2015 d'un article du quotidien Le Monde pointant ses difficultés financières ;

Que cependant, si cet article fait suite à une procédure de référé du 24 décembre 2015 à l'occasion de laquelle la SA Brandalley, pour demander la suspension de l'exécution provisoire du jugement, invoquait sa santé financière, rien n'établit avec certitude que ce soit la SNC OAPLF qui soit à l'origine de la communication de ces éléments à la presse ;

Que la SA Brandalley sera déboutée de ses demandes reconventionnelles, le jugement étant encore confirmé ;

V - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la SA Brandalley ayant succombé en ses demandes et en son appel, le jugement sera confirmé de ces chefs ; qu'ajoutant, la SA Brandalley sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 30 000 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déboute la SA Brandalley de son appel et de toutes ses demandes, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Précisant, dit que le texte publié sera le suivant " Par arrêt du 14 mars 2017, la Cour d'appel de Paris a condamné la société Brandalley, éditeur du site www.brandalley.fr pour avoir violé le réseau de distribution sélective de L'Oréal Produits de Luxe France et s'être rendue coupable, à son égard, d'actes de concurrence déloyale du fait notamment d'annonces de réduction de prix fictives ", Ajoutant, Condamne la SA Brandalley à payer à la SNC OAPLF une somme de 30 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Brandalley aux entiers dépens.