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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 30 mai 2017, n° 16-03658

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

TKM Diffusion (Sté)

Défendeur :

Tommy Hilfinger Europe BV (Sté), PHV France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Daniel

Avocats :

Mes Naux, Renaudin, Masset

T. com. Saint-Nazaire, du 6 avr. 2016

6 avril 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Par actes des 5 et 6 mai 2014, la société TKM Diffusion a assigné la société Tommy Hilfiger devant le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire aux fins de :

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil, L. 442-6 du Code de commerce,

- voir constater que la société Tommy Hilfiger a refusé de livrer les commandes passées au titre de la saison automne-hiver 2013 ainsi que de la saison printemps-été 2014 ; en conséquence la condamner à réparer le préjudice en découlant, soit les sommes de 61 087,46 euros et 101 978,25 euros ;

- voir constater que la société Tommy Hilfiger a rompu les relations commerciales sans respect du moindre préavis et en conséquence la condamner à réparer le préjudice subi, soit la somme de

178 158 euros ;

- voir constater qu'elle n'a pas procédé aux remises commerciales et reprises convenues et en conséquence la condamner à verser la somme de 15 158 euros.

La société PVH France, intervenante volontaire, a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire au profit du Tribunal du district d'Amsterdam, Pays-Bas, la Rechtbank Amsterdam, en application d'une clause attributive de compétence insérée dans le contrat ou à défaut, de se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Rennes, juridiction spécialement désignée pour examiner les litiges fondés sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Le 6 avril 2016, le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire :

- s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal du District d'Amsterdam, Pays-Bas,

- invité en conséquence la société TKM Diffusion à mieux se pourvoir,

- l'a condamnée aux dépens de l'instance et au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société TKM Diffusion a formé un contredit à l'encontre de ce jugement, demandant à la cour de :

Voir constater que la SAS PVH France soutient ne pas représenter la société Tommy Hilfiger Europe BV et en conséquence la déclarer irrecevable en ses demandes formulées pour le compte de cette dernière ;

Accueillir la société TKM Diffusion en sa demande et la dire bien fondée ;

Débouter la société PVH France de l'ensemble de ses demandes.

Réformer le jugement ;

Constater qu'il n'est pas versé aux débats les conditions générales de vente acceptées par elle et rejeter l'exception d'incompétence ;

A défaut voir constater le caractère potestatif de la clause attributive de compétence et en conséquence l'annuler ;

Vu les dispositions de l'article 5 du règlement du 22 décembre 2000,

Dire que le Tribunal de commerce de Saint Nazaire est compétent pour avoir à statuer sur le présent litige, et renvoyer les parties devant cette juridiction.

Condamner les sociétés Tommy Hilfiger Europe BV et PVH France au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En réponse, la société PVH France demande à la cour de :

- déclarer irrecevable le contredit formé par la société TKM Diffusion envers la société Tommy Hilfiger Europe BV pour défaut de droit à agir ;

- confirmer le jugement ;

- à titre subsidiaire, déclarer le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire incompétent au profit du Tribunal de commerce de Rennes ;

- condamner la société TKM Diffusion à payer la somme de 3 000 euros pour abus du droit d'agir et de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les parties ont été invitées à l'audience à s'expliquer sur le pouvoir juridictionnel du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire de statuer sur une demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de

procédure civile et sur celui de la Cour de Rennes de se prononcer sur la juridiction compétente pour examiner le litige.

Le demandeur au contredit se prévaut de l'arrêt rendu le 1er mars 2017 par la Cour de cassation selon lequel " les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce attribuant le pouvoir juridictionnel pour les litiges relatifs à son application aux juridictions désignées par l'article D. 442-3 du même Code ne peuvent être mises en échec par une clause attributive de compétence " pour conclure à l'infirmation du jugement.

Le défendeur au contredit conclut, vu les arrêts de la Cour de cassation des 4 novembre 2014 (13-16.755) et 20 octobre 2015 (14-15.851), à l'irrecevabilité du contredit en ce qu'il est formé devant la Cour de Rennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La société TKM a saisi le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire d'une demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, invoquant sa connexité avec ses autres demandes pour conclure à la compétence de cette juridiction pour le tout.

Or il résulte des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce et R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire que seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par le deuxième texte sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l'application du premier, et ceci même si les demandes ne reposent pas exclusivement sur ce fondement juridique. La violation de ces dispositions d'ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir qu'il incombe à la cour de relever d'office, les parties ayant été invitées au préalable à s'expliquer sur le moyen relevé d'office.

En effet, il est dorénavant acquis que seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions de premier degré spécialement désignées sont portés devant la Cour d'appel de Paris de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par l'article D. 442-3. Il en est ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci ont, à tort, statué sur l'application de l'article L. 442-6, auquel cas elles doivent relever d'office l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables.

(Com. 29 mars 2017 15-17.659 et 15-24.241).

Il n'y a donc pas lieu de déclarer le contredit irrecevable en ce qu'il a été transmis à la Cour d'appel de Rennes.

Le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire, juridiction non investie de la connaissance du contentieux relevant de l'article L. 442-6 du Code de commerce, ne pouvait se prononcer sur le litige, fût-ce pour juger de son incompétence, l'examen de cette exception de procédure supposant au préalable que soit admise la recevabilité des demandes. N'ayant pas le pouvoir juridictionnel d'examiner ces demandes, il a ainsi commis un excès de pouvoir imposant l'annulation de son jugement.

La Cour d'appel de Rennes n'ayant pas davantage le pouvoir juridictionnel de se prononcer sur la juridiction compétente pour statuer sur les demandes soumises au tribunal, les demandes en ce sens qui lui ont été soumises par les parties seront déclarées irrecevables.

L'abus de procédure dénoncé n'étant pas démontré, la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Par ces motifs, LA COUR : Annule le jugement rendu le 6 avril 2016 par le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire ; Statuant à nouveau, Déclare les demandes présentées par les parties irrecevables ; Rejette la demande de dommages-intérêts pour abus du droit d'agir ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société TKM Diffusion aux entiers dépens de la procédure.