CA Poitiers, 1re ch. civ., 19 mai 2017, n° 15-04414
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Polyfont (SAS)
Défendeur :
Pelletier (ès qual.), Dachser France (SAS), SEG (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chassard
Conseillers :
M. Orsini, Mme Verrier
Avocats :
Mes Simonet, Musereau, Migne, Allerit, Weber
Le 10 Juillet 2009, un protocole d'achat " Graveleau Dascher" est signé entre la société Dachser France et la société SEG Samro, pour l'acquisition de 60 semi-remorques au prix unitaire de 28 445 euro HT, ladite acquisition devant se faire en 2 commandes de 30 semi-remorques chacune.
Ledit protocole prévoyait notamment la mise en place de panneaux de carrosserie de couleur Jaune Ral 1004 sur les semi-remorques, pour lesquels la société SEG Samro s'est approvisionnée pour partie auprès de la société Polyfont.
Le 8 septembre 2009, le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SEG Samro.
La société Dachser France a pris livraison des remorques sur une période s'étalant du mois d'octobre 2009 à avril 2010.
Les livraisons des 30 semi-remorques commandées se sont déroulées au cours du dernier trimestre de l'année 2009, puis les 30 semi-remorques de la seconde commande ont été livrées sur la période s'étalant de janvier à mai 2010.
La société Dachser France a, par courrier en date du 13 octobre 2010, signalé à la société SEG Samro, suite à la livraison de la première commande de semi-remorques, un problème de qualité concernant la teinte des panneaux équipant les véhicules vendus.
Une réunion d'expertise diligentée par le Cabinet Cunningham Lindsley a eu lieu au contradictoire des sociétés Dachser France, SEG Samro, Polyfont.
Au terme d'un rapport en date du 23 juin 2011, l'expert a identifié que tous les panneaux de fabrication Polyfont étaient affectés de décoloration, et l'expert a fixé le montant nécessaire aux réparations des désordres à la somme à minimale de 150 000 euro au titre des 41 semi-remorques affectés dudit désordre.
Au fil du temps d'autres véhicules se sont endommagés et à ce titre par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 juillet 2011, la société Dachser France mettait la société SEG Samro en demeure de remédier aux désordres affectant 45 véhicules identifiés, puis le 27 juillet 2011, la société Dascher France a, de nouveau, mis en demeure sa cocontractante, mais cette fois-ci pour 47 véhicules, soit un montant TTC s'élevant à la somme de 161 328,44 euro.
Par acte des 29 mai et 1er juin 2012, la société Dachser France a diligenté une procédure par devant Monsieur le Président du Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon statuant en référé à l'effet d'entendre condamner la société SEG Samro et son assureur la MMA à lui payer la somme provisionnelle de 148 961,80 euros TTC au titre des réparations affectant 47 véhicules, outre 3 934,84 euros TTC au titre des frais de convoyage, 8 431,80 euros TTC au titre du coût d'immobilisation des semi-remorques pendant les réparations. Cette procédure n'a pas eu de suite et la société Dachser indique qu'elle a fait une radiation compte tenu de la liquidation judiciaire de la société SEG Samro.
Le 12 novembre 2012, la société Dachser a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SEG Samro (cf. pièce Dachser n° 15).
C'est dans ce contexte que la société Dascher France a assigné suivant exploit en date du 4 octobre 2012 devant le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon la société SEG Samro à lui régler différentes sommes en indemnisation des frais de réparation, de convoyage et d'immobilisation des semi-remorques, sauf à déduire les provisions qui auront pu être versées à ces mêmes titres.
Par jugement du 3 juin 2013, le Tribunal de commerce de Dunkerque qui statuait sur une demande de la société Dachser à l'encontre de la société Polyfont tendant au paiement de la somme de 161 328,44 euros sur le fondement de l'article 1641 du Code civil - a estimé que le rapport technique amiable versé aux débats (qui a servi également de fondement à l'action devant le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon) ne suffisait pas à démontrer l'ampleur et l'origine de la décoloration alléguée des panneaux.
Il n'a pas été interjeté appel de cette décision.
Le Tribunal de commerce de Dunkerque a également décidé qu'en aucun cas la preuve n'était apportée d'un préjudice imputable à la société Polyfont.
Par jugement en date du 22/09/2015, le Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon a statué comme suit :
" Donne acte à Maître Marcel Pelletier, ès qualité de ce qu'il s'en rapporte à Justice quant à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Polyfont.
Dit et juge que le tribunal de céans est compétent pour connaître du présent litige.
Déboute la société Polyfont de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Déboute la société SEG Samro et Maître Marcel Pelletier ès qualité, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
Dit et juge que 47 véhicules cédés à la société Dascher France étaient affectés d'un vice caché.
Dit et juge que le préjudice subi par la société Dascher France s'élève en totalité à la somme de cent soixante et un mille trois cent vingt-huit euros et quarante-quatre cents (161,328,44 euro) TTC,
Dit et juge que la société SEG Samro et la société Polyfont sont débitrices in solidum de la somme de cent soixante et un mille trois cent vingt-huit euros et quarante-quatre cents (161 328,44 euro) à l'égard de la société Dascher France.
Dit et juge que la société SEG Samro et la société Polyfont sont débitrices in solidum de la somme de trois mille euros (3 000 euro) au titre de l'indemnité article 700 du Code de procédure civile.
Fixe les sommes de cent soixante et un mille trois cent vingt-huit euros et quarante-quatre cents (161 328,44 euro) et de trois mille euros (3 000 euro) à titre chirographaire au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société SEG Samro.
Condamne la société Polyfont à payer les sommes de cent soixante et un mille trois cent vingt-huit euros et quarante-quatre cents (161,328,44 euro) et trois mille euros (3 000 euro) à la société Dascher France.
Déboute la société Dascher France de ses plus amples demandes.
Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.
Condamne la société Polyfont aux entiers dépens et frais de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de cent quarante euros et quarante cents (140,40 euro) ".
LA COUR
Vu l'appel général en date du 29/10/2015 interjeté par la SAS Polyfont
Vu l'article 954 du Code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14/01/2016, la SAS Polyfont a présenté les demandes suivantes :
" Il est demandé à la Cour d'appel de Poitiers de bien vouloir :
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en date du 22 septembre 2015.
En conséquence,
In limine litis
Vu l'article 42 du Code de procédure civile,
- Recevoir la société Polyfont en son exception d'incompétence et déclarer le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon incompétent au profit du Tribunal de commerce de Dunkerque.
- Renvoyer en conséquence Dachser à mieux se pourvoir devant le Tribunal de commerce de Dunkerque.
Vu l'article 480 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1351 du Code civil,
- Dire que la décision du Tribunal de commerce de Dunkerque en date du 3 juin a autorité de chose jugée à l'encontre de Dascher
- A défaut, Dire que le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dunkerque est opposable à la société Dascher et aux premiers juges.
Vu l'article 56 du Code de procédure civile,
- Prononcer la nullité de l'assignation pour défaut de motivation en droit et absence d'indication du fondement juridique de la demande.
A titre subsidiaire, sur le fond
- Déclarer toute demande fondée sur les principes de la responsabilité extracontractuelle irrecevable.
A titre infiniment subsidiaire
Vu l'article 1648 du Code civil,
- Déclarer l'action en garantie des vices cachés diligentée par la société Dascher prescrite.
- Et eu égard au fait qu'il est inéquitable que Polyfont soit contraint de se défendre à une multiplication de procédures tendant toutes aux mêmes fins, condamner le demandeur au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ".
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14/03/2016, la société Dascher a présenté les demandes suivantes :
" Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Vu les pièces du dossier,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 septembre 2015 par le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.
Y additant, condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, Maître Marcel Pelletier ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEG Samro et la société Polyfont :
- à régler à la société Dachser France une indemnité 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais non répétibles d'appel,
- aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Eric A., de la de la SCP G. et G., avocat aux offres de droit qui bénéficiera des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Débouter la société Polyfont de l'intégralité de ses demandes, écrits fins et conclusions plus amples ou contraires.
Débouter Maître Marcel Pelletier ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEG Samro et la société SEG Samro de l'intégralité de leurs demandes, écrits fins et conclusions plus amples ou contraires ".
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22/01/2016, la société SEG Samro et Me Pelletier désigné comme mandataire judiciaire à la liquidation de ladite société ont présenté les demandes suivantes :
" Déclarer l'appel incident de Maître Pelletier ès qualités et de la société SEG recevable et bien fondé et y faire droit.
En conséquence, réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Débouter la société Dachser France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement, dire et juger que la société Polyfont devra garantir Maître Pelletier ès qualités et la SEG de toutes condamnations qui pourraient prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires.
Y ajoutant,
Condamner tout succombant à payer à Maître Pelletier ès qualités une somme de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les condamner également aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Jurica pour ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ".
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 08/11/2016.
Sur ce
Sur l'étendue du litige
Devant le Tribunal de commerce de Dunkerque, l'action avait été engagée le 21/10/2011 par la société SEG Samro contre la société Polyfont. L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois. Me Pelletier est intervenu aux débats en sa qualité de liquidateur judiciaire compte tenu de la liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon par jugement du 23/10/2012. Le jugement a débouté Me Pelletier et la société SEG Samro de ses demandes en relevant notamment que sa cliente (à savoir la société Dachser) n'avait pas été appelée à la cause, qu'il n'était pas justifié que cette dernière ait été indemnisée d'un préjudice de sorte qu'il n'était pas justifié d'un préjudice subi par la société SEG Samro et qui soit de plus imputable à la société Polyfont.
Lors des débats devant le Tribunal de commerce de Dunkerque intervenus le 18/03/2013, toutes les parties avaient connaissance de la procédure engagée devant le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon ayant abouti au jugement entrepris puisque les motifs évoquent cette procédure en rejetant la demande de constat de l'existence de cette procédure.
Le jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque est définitif.
Compte tenu de la résolution du plan et la liquidation judiciaire prononcées par le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon le 23/10/2012, la société Dachser a assigné le 15/11/2012, Me Pelletier en sa qualité de liquidateur. Le 16/11/2012, elle déclarait sa créance puis a assigné les administrateurs judiciaires et la société Polyfont les 5, 6 et 8 mars 2013.
Il résulte des conclusions des parties que la société Dachser France exerce une action contractuelle à l'encontre de la société SEG Samro sur le fondement de l'article 1641 du Code civil et une action directe contre la société Polyfont, cette société étant le fournisseur des panneaux litigieux affectés de décolorations.
La société SEG Samro et Me Pelletier conclut au principal au débouté et subsidiairement appellent en garantie la société Polyfont de toutes condamnations pouvant être prononcées.
Sur l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Polyfont
Le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon s'est déclaré compétent au motif que la société Polyfont ayant été assignée en intervention forcée, elle devait l'être nécessairement devant la juridiction saisie de l'instance originaire par application de l'article 333 du Code de procédure civile. Il ajoutait qu'il n'y avait ni litispendance ni connexité, observant que le jugement était rendu par le Tribunal de commerce de Dunkerque depuis le 03/06/2013.
La société Polyfont soutient à tort que l'article 42 du Code de procédure civile serait applicable et la juridiction de Dunkerque compétente au motif que l'assignation initiale n'avait été délivrée qu'à l'encontre de la société SEG Samro.
En effet, le tribunal de commerce a, à juste titre retenu l'application de l'article 333 du Code de procédure civile qui énonce que " Le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence ".
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu sa compétence territoriale.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, soulevée par la société Polyfont
La société Polyfont oppose cette fin de non-recevoir de manière générale.
Il est établi que le Tribunal de commerce de Dunkerque a débouté la société SEG Samro par jugement du 03/06/2013 désormais définitif, de ses demandes présentées à l'encontre de la société Polyfont.
Sur l'irrecevabilité sollicitée à l'encontre des demandes présentées par la société Dachser
Il résulte de l'article 1351 du Code civil que " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ".
L'autorité de la chose jugée ne concerne que le dispositif.
En présence d'un jugement irrévocable, ledit jugement n'a autorité de droit qu'à l'égard des seules parties et ne peut donc peut créer de droits ou d'obligations qu'à l'égard de tiers au jugement prononcé.
Le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dunkerque ne peut donc priver la société Dachser de son droit de voir reconnaître la responsabilité de son contractant ni même d'agir contre le fournisseur de son co-contractant sur le fondement d'une responsabilité extra contractuelle.
L'action de la société Dachser est donc recevable et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a considérée comme telle.
Pour autant, le jugement a autorité de fait à l'égard de tous de sorte que les tiers doivent tenir compte de la situation juridique reconnue par le jugement. Ils bénéficient dès lors sous certaines conditions d'une procédure spécifique pour défendre leurs intérêts atteints par ledit jugement auquel ils n'étaient pas partie à savoir la tierce opposition. La décision qui fait droit à la tierce-opposition ne réforme le jugement que sur les points préjudiciables au tiers opposant et conserve ses effets entre les parties même sur les points annulés sauf en cas d'indivisibilité.
Cette autorité de fait ne rend pas pour autant son action irrecevable au visa de l'article 122 du Code de procédure civile dès lors qu'il n'y a pas identité de cause, d'objet et de parties s'agissant de l'action directe engagée par la société Dachser à l'encontre de la société Polyfont.
En conséquence, la fin de non-recevoir en tant que présentée à l'encontre de la société Dachser sera rejetée.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la SEG Samro et Me Pelletier dans le cadre de l'appel en garantie formé à l'encontre de la société Polyfont
L'appel en garantie présente le même objet et concerne les mêmes parties que l'instance qui s'est déroulée devant le Tribunal de commerce de Dunkerque.
En conséquence, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée ou une créance fixée au passif de la société SEG Samro, le recours en garantie contre la société Polyfont est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dunkerque. Il y a en effet sur ce point identité d'objet, de cause et de parties.
Sur la nullité de l'assignation soulevée par la société Polyfont au visa des dispositions de l'article 56 du Code de procédure civile
La société Polyfont soutient que la dénonciation qui lui a été faite de l'assignation faite par la société Dachser à la société SEG Samro par acte du 05/03/2013 ne contient pas de fondement juridique autre que celui de la garantie des vices cachés. Elle considère que ce fondement n'est pas adapté puisque la société Dachser n'est pas contractuellement liée à la société Polyfont.
Il est constant que l'assignation délivrée la société Polyfont ne mentionne aucun fondement juridique mais qu'elle comportait la dénonciation de l'assignation initiale délivrée sur le fondement de l'article 1641 du Code civil à la société SEG Samro.
L'article 56 du Code de procédure civile précise que " l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice :
(...)
2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;
(...) ".
Conformément aux dispositions de l'article 114 du Code de procédure civile : " Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ".
Si l'assignation doit, à peine de nullité, contenir, notamment, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit, le juge apprécie également la validité de cette assignation au regard de l'objet de l'action dont il est saisi (Arrêt de la Cour d'appel du Versailles, Chambre 12, n° RG 01/0500, Arrêt n° 590 du 19 décembre 2002)
Le tribunal de commerce a retenu que l'action engagée par la société Dachser était fondée sur la garantie des vices cachés. Il a énoncé que " lorsque la demande d'un sous-acquéreur, en l'espèce la société Dascher France, est fondée sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil, ce dernier dispose d'une action directe contre le fabricant de la marchandise défaillante, en l'espèce la teinte des panneaux fixés aux véhicules cédés ".
En effet, l'acheteur d'un bien peut exercer l'action en garantie des vices cachés (garantie d'origine légale (Com., 19 mars 2013, n° 11-26.566) non seulement contre son propre vendeur, mais encore contre le fabricant ou les vendeurs intermédiaires (Civ., 04/02/1963; Ass. plén., 7 février 1986) dès lors que " le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose, qui appartenaient à son auteur ".
En transmettant en qualité de sous-acquéreur l'assignation délivrée à l'encontre de son propre vendeur et en visant la garantie légale des vices cachés, la société Polyfont ne pouvait se méprendre sur le fondement juridique de l'action engagée par la société Dachser à son égard. Elle ne caractérise donc pas de grief et ce d'autant qu'elle avait déjà connu du litige sur ce fondement devant le Tribunal de Dunkerque, ce qu'elle invoque elle-même et avait participé aux opérations d'expertise préalables.
Sur la prescription de la garantie des vices cachés opposée à la société Dachser par la société Polyfont
Il résulte des motifs qui précèdent que l'action engagée par la société Dachser est fondée sur la garantie des vices cachés.
La société Polyfont invoque la prescription de cette action sur le fondement de l'article 1648 du Code de procédure civile.
Le point de départ de la prescription est fixé par cette disposition au jour de la découverte du vice.
C'est par courrier en date du 13/10/2010 que la société Dascher a signalé à la société SEG Samro un problème de qualité concernant les teintes des panneaux équipant les véhicules vendus. La société SEG Samro a déclaré le sinistre à son assureur le 09/11/2010.
Il résulte de l'expertise amiable qu'une première réunion a eu lieu le 14/12/2010 pour examen des problèmes allégués et que c'est suite à cette réunion que la société EG Samro a contacté son fournisseur la société Polyfont laquelle a dénié sa garantie par message du 22/12/2010 (page 5 du rapport d'expertise). La première réunion contradictoire en présence de la société Polyfont a eu lieu le 24/02/2011. Le rapport d'expertise a été établi la 23/06/2011 et constitue le point de départ de la connaissance du vice possiblement imputable à la société Polyfont.
Il sera d'ailleurs observé que l'action avait été aussi engagée par la société SEG Samro devant le Tribunal de Dunkerque le 21/10/2011 soit postérieurement au dépôt du rapport d'expertise.
En conséquence, l'action engagée par la société Dachser tant à l'encontre de la société SEG Samro que de la société Polyfont est recevable et ne peut être considérée comme prescrite.
Sur le fond
Sur l'action en garantie des vices cachés présentée au fond à l'encontre de la société SEG Samro et Me Pelletier, son liquidateur
La SEG Samro et Me Pelletier considèrent que le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon ne pouvait faire droit aux demandes par des motifs contradictoires avec ceux exprimés par le Tribunal de commerce de Dunkerque s'agissant de l'appréciation du contenu de l'expertise.
Ces sociétés n'en tirent pour autant aucune conclusion procédurale et concluent simplement à l'infirmation du jugement pour ce motif.
A supposer que ce moyen s'inspire de la question de l'autorité de la chose jugée, il sera rappelé que ce principe ne s'applique qu'au dispositif et non au motif d'une décision judiciaire.
De plus, et à titre superfétatoire, l'appréciation de l'expertise par le Tribunal de commerce de Dunkerque ne fait suite qu'aux seules conclusions de la société SEG Samro et de son liquidateur et de la société Polyfont de sorte que le débat n'était pas noué au vu des arguments du principal intéressé. De plus, les motifs de ladite décision ne sont que partiellement relatifs à l'expertise.
Dès lors, il convient simplement de considérer que la société SEG Samro et Me Pelletier conclut simplement que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée par le rapport technique déposé.
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. En l'espèce, aucune exclusion de garantie n'a été convenue en l'espèce entre la société SEG Samro et la société Dachser.
Le défaut ou le vice allégué doit présenter un caractère de gravité suffisant rendant le chose impropre à l'usage auquel elle est destinée. Le demandeur doit démontrer que le défaut existait antérieurement à la vente ou qu'il existait déjà à l'état de germe.
Conformément à l'article 1315 du Code civil, il revient à l'acquéreur de rapporter la preuve que les défauts qu'il invoque correspondent à ceux qui entraînent le jeu de la garantie.
Conformément à l'article 1644 du Code civil, l'acheteur, qui agit en garantie en raison de vices cachés, dispose à son choix de l'action estimatoire lui permettant de conserver la chose et obtenir la restitution d'une partie du prix payé et de l'action rédhibitoire entraînant la résolution de vente.
En outre, en application de l'article 1645 du Code Civil, le vendeur qui connaît les vices de la chose, est tenu de tous les dommages et intérêts de l'acheteur.
La nature de la chose influe sur l'appréciation du vice susceptible d'affecter son usage normal.
La société Dachser exerce en l'espèce une action tendant à la restitution du prix fondé sur les éléments chiffrés de reprise résultant notamment de l'expertise.
Les relations contractuelles se fondent sur :
- un protocole d'achat signé le 10/07/2009 établi sur la base d'un devis du 03/07/2009 mentionnant au titre de la peinture que " les panneaux seront teintés dans la masse ", Faces avant, arrière et latérales en Jaune RAL 1004 et Bleu RAL 5003 et face de Toit jaune RAL 1004. Le prix unitaire est fixé à 28 445 euros HT soit pour 60 camions 2 041 213, 19 euros TTC.
- des conditions générales de vente (pièce annexe au rapport d'expertise n° 9 pièces SEG Samro et Me Pelletier)
Des panneaux colorés Jaune RAL 1004 ont été livrés par la société FRAPPA en septembre 2009.
La commande de 60 panneaux à la société Polyfont par la société SEG Samro (annexe 5 de l'expertise) est du 14/09/2009 et la livraison en a été faite le 21/09/2009. Une deuxième commande a été faite en décembre 2009 et a été livrée le 16/12/2009. Une troisième commande a été faite le 09/02/2010 et livrée le 03/03/2010.
Il résulte de l'expertise que les panneaux litigieux affectés de désordres de décoloration proviennent de la société Polyfont.
La société Polyfont avait privilégié l'hypothèse d'une décoloration due au lavage ce qu'a contesté la société Dachser compte tenu de la nature de la décoloration très uniforme. L'expert a partagé l'avis de la société Dachser faute de traces de coulures et également dès lors que les constatations ont mis en évidence que sur un camion AM862 CM les deux panneaux latéraux sont décolorés et non le panneau face avant ce qui s'explique par la provenance des panneaux, la face avant provenait d'un autre fournisseur tandis que les panneaux décolorés provenaient de la société Polyfont.
Il a été reconnu par la société Polyfont que la stabilité de couleur des panneaux devrait être maintenue pendant 5 ans, ce qui n'est pas le cas vu les dates d'apparition des décolorations dès 2010.
L'expert énonce : " dans la mesure où aucune piste sérieuse autre qu'un défaut de fabrication ne peut expliquer ce défaut de stabilité de la teinte, la responsabilité de Polyfont semble être totalement engagée dans cette affaire ". Si cette conclusion se fonde sur une explication par défaut en l'absence d'analyse chimique des panneaux, l'expert avait clairement envisagé l'hypothèse d'un gelcoat défectueux et avait demandé à la société Polyfont les fiches de fabrication des trois livraisons, avec liste exhaustive des matières premières utilisées et la société Polyfont n'a jamais produit ces documents. (page 4 du rapport). Pour sa part, la société Dachser avait sur la demande de Polyfont produit tous les éléments utiles concernant le lavage des véhicules dès le 18/03/2011.
En conséquence, il résulte de l'apparition extrêmement rapide des décolorations et de leur origine dans la fourniture des panneaux issus spécifiquement de la société Polyfont, il est établi que le vice est antérieur à la vente des véhicules. La société SEG Samro indiquait en outre dans son courrier du 22 09 2009 qu'elle pouvait poursuivre la fabrication dans la mesure où elle disposait d'un stock important de matières premières et que la première livraison des panneaux Polyfont est antérieure à ce courrier.
Les véhicules commandés en juillet 2009 ont été livrés entre le 16/10/2009 et le 01/12/2009 à la société Dachser.
Les véhicules commandés en septembre 2009 ont été livrés entre le 18/01/2010 et le 10/05/2010.
La société Dachser étant tenue par la charte graphique de ses véhicules roulants et l'impact extérieur de l'identification commerciale des poids lourds circulants permet de considérer que le vice présente un niveau de gravité suffisant au sens de l'article 1641 ancien et applicable du Code civil.
La société Dachser a déclaré sa créance pour :
- 22 véhicules au titre de la première livraison soit :
> 69 726,80 euros au titre des réparations
> 1 841,84 euros au titre des frais de convoyages jusqu'aux ateliers de réparation
> 3 946,80 euros au titre du coût d'immobilisation pendant les réparations
- 25 véhicules pour la commande de septembre 2009 :
> 79 235 euros au titre des réparations
> 2 093 euros au titre des frais de convoyage jusqu'aux ateliers de réparation
> 4 485 euros au titre du coût d'immobilisation pendant les réparations
Soit au total la somme de 161 328,44 euros.
Il résulte des motifs exposés préalablement que Me Pelletier ne peut opposer à la société Dachser France la motivation succincte du jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque qui indiquait que le rapport technique amiable versé aux débats ne suffisait pas à démontrer l'ampleur et l'origine de la décoloration alléguée de divers panneaux dès lors qu'au surplus, le Tribunal de commerce de Dunkerque soulignait précisément que la cliente (société Dachser) n'avait pas été appelée à la cause et que rien ne montrait que cette dernière ait été indemnisée.
De plus, dans le cadre de la présente instance, Me Pelletier, en qualité de liquidateur de la société SEG Samro ne remet pas en question en son quantum l'évaluation du préjudice sollicité par la société Dachser qui est conforme à l'évaluation proposée par l'expert pour un minimum de 150 000 euros HT pour 41 véhicules.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que 47 véhicules étaient affectés d'un vice caché et en ce qu'il a fixé au passif de la société SEG Samro la somme de 161 328,44 euros.
Sur le recours en garantie de la société SEG Samro et Me Pelletier liquidateur à l'encontre de la société Polyfont
Il résulte des motifs qui précèdent que le recours en garantie est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu entre ces même parties au titre du préjudice susvisé subi par la société Dachser, cliente de la société SEG Samro et ce en considération de l'identité de cause, de parties et d'objet.
Me Pelletier es qualités de liquidateur de la société SEG Samro, n'ayant pas demandé au premier juge d'être garanti de toutes condamnations par la société Polyfont, il sera statué par dispositions nouvelles et la demande jugée irrecevable.
Sur l'action directe de la société Dachser contre la société Polyfont
Conformément aux principes jurisprudentiels précédemment énoncés, l'action engagée par la société Dachser à l'encontre de la société Polyfont est une action extracontractuelle en ce sens qu'il n'existe aucun lien contractuel direct entre la société Dachser et la société Polyfont mais qui trouve son fondement juridique dans la garantie des vices cachés. Elle est donc parfaitement recevable et la société Polyfont ne peut utilement remettre en cause le bien-fondé de cette action.
Le fait que Me Pelletier soit irrecevable en sa demande tendant à être garanti par la société Polyfont ne concerne que les relations entre ces deux parties et ne peut préjudicier à l'obligation de la société Polyfont d'assumer la garantie des vices cachés qu'elle doit également au sous-acquéreur à savoir la société Dachser.
L'expertise caractérise très clairement que seuls les panneaux qu'elle a fournis sont affectés de décolorations et que ces derniers sont affectés d'un vice caché.
Elle ne conteste d'ailleurs pas en ses conclusions l'existence de ce vice caché pas plus qu'elle ne l'avait fait devant le premier juge.
Les arguments soulevés par elle devant l'expert ont été écartés de manière claire et objective.
Etant le fournisseur des panneaux affectés d'un vice caché et qui sont à l'origine des décolorations dont se plaint le sous acquéreur, elle ne saurait échapper à une condamnation in solidum à l'égard de la société Dachser ainsi que l'a à juste titre retenu le tribunal de commerce.
En conséquence, il ne peut être fait droit à la demande de la société Polyfont de voir infirmer le jugement sur ce point.
Le jugement sera donc confirmé à cet égard.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du Code de procédure civile
Il résulte de l'article 696 du Code de procédure civile que " La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie (...) ".
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de d'appel seront fixés à la charge de la société Polyfont, appelante.
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Il est équitable de condamner la société Polyfont à prendre en charge sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile la somme précisée au dispositif au titre des frais irrépétibles exposés par la société Dachser d'une part et par Me Pelletier en qualité de liquidateur de la société SEG Samro d'autre part.
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions étant précisé que le débouté de la société Polyfont de toutes ses demandes comprend, outre les autres décisions : - le rejet de l'exception d'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon ; - le rejet de la fin de non-recevoir tirée de l'existence du jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque du 03/06/2013 en tant qu'opposée à la société Dachser ; - le rejet de l'exception de nullité de l'assignation qui lui a été délivrée ; - le rejet de la prescription de l'action engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés. Statuant par dispositions nouvelles : Vu l'article 122 du Code de procédure civile et l'autorité de la chose jugée du jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque en date du 03/06/2013 dans les rapports entre la SEG Samro et Me Pelletier son liquidateur et la société Polyfont ; - Dit irrecevable le recours en garantie formé par Me Pelletier en qualité de liquidateur de la société SEG Samro à l'encontre de la société Polyfont. Y ajoutant : Condamne la société Polyfont à payer à Me Pelletier en qualité de liquidateur de la société SEG Samro la somme de 2000 euro et à la société Dachser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires. Condamne la société Polyfont aux dépens d'appel étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.