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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 31 mai 2017, n° 15-13702

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sourire à Bord (SARL), Jousset (ès qual.)

Défendeur :

Cremonini Restauration (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Ravet, Pia Randelli, Grassin, Courtecuisse, Mélen

T. com. Paris, du 3 juin 2015

3 juin 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Sourire à Bord a pour objet le service de vente au bar à bord des TGV sur certaines lignes, et la commercialisation de produits alimentaires destinés à la vente auprès des voyageurs. La société Cremonini Restauration est une entreprise de restauration ferroviaire.

Le 11 janvier 2005, la société Cremonini Restauration a soumis un " précontrat de franchise " à la société Sourire à Bord auquel étaient joints un document d'information et un projet de contrat, respectivement signés le 11 janvier et le 1er février 2005.

Plusieurs avenants ont été par la suite rédigés par la société Cremonini et signés par la société Sourire à Bord. Au total, 7 avenants ont été conclus entre le 21 juin 2005 et le 1er janvier 2009.

Durant l'année 2012, les relations entre les parties se sont dégradées, la société Cremonini reprochant à la société Sourire à Bord une baisse de la qualité du service. Il était ainsi relevé durant l'année 2012 que 60 services n'avaient pas été assurés par elle, suscitant plusieurs avertissements de la société Cremonini (pièces n° 13 à 15 de la société Cremonini).

Par courrier en date du 4 décembre 2012, la société Cremonini Restauration a mis en demeure la société Sourire à Bord d'avoir à lui régler la somme de 73 294,94 euros au titre de factures, solde actualisé au 29 novembre 2012, faisant valoir qu'à défaut de paiement, la clause de résiliation du contrat de franchise serait mise en œuvre.

Le 7 janvier 2013, la société Cremonini Restauration a adressé une seconde mise en demeure à la société Sourire à Bord d'avoir à lui régler sous huitaine un solde actualisé au 7 janvier 2013 à hauteur de 113 430 euros, à peine de résiliation immédiate du contrat.

Le 7 janvier 2013, la société Sourire à Bord a cessé d'exécuter sa prestation contractuelle sans en avertir la société Cremonini.

Le 29 janvier 2013, la société Cremonini Restauration a notifié à la société Sourire à Bord la résolution du contrat à effet immédiat.

Par assignation en date du 27 février 2013, la société Cremonini Restauration a assigné en référé la société Sourire à Bord devant le Président du Tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme en principal de 117 539,64 euros à titre provisionnel. Le 13 mars 2013, le Tribunal de commerce d'Orléans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Sourire à Bord et désigné Maître Jean-Paul Jousset en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement en date du 3 juin 2015, le Tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- requalifié en contrat de concession le contrat passé entre la société Cremonini Restauration et la société Sourire à Bord,

- débouté Maître Jean-Paul Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord, de sa demande de remboursement de 772 819,29 euros,

- l'a débouté de sa demande de paiement de 300 000 euros de dommages et intérêts,

- condamné Maître Jean-Paul Jousset ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord à payer à la société Cremonini Restauration la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné Maître Jean-Paul Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par Maître Jean-Paul Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord et ses dernières conclusions notifiées le 27 août 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- s'entendre dire recevable et au demeurant bien fondé, l'appel interjeté par Maître Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord, à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en date du 3 juin 2015,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le contrat liant la société Cremonini Restauration et la société Sourire à Bord n'était pas un contrat de franchise,

- confirmer le jugement en sa décision de requalification en contrat de concession,

- l'infirmant pour le surplus, condamner la société Cremonini Restauration à verser à Maître Jousset, ès qualités de liquidateur de la société Sourire à Bord la somme de 772 819,29 euros,

À titre infiniment subsidiaire,

- requalifier les relations contractuelles entre la société Cremonini Restauration et la société Sourire à Bord en contrat de concession,

- dire que les redevances payées par la société Sourire à Bord à la société Cremonini Restauration étaient juridiquement infondées,

En conséquence,

- condamner la société Cremonini Restauration à rembourser à Maître Jousset, ès qualités de liquidateur de la société Sourire à Bord la somme de 772 819,29 euros,

En toute hypothèse,

- dire que la société Cremonini Restauration a abusé de la situation de dépendance économique de la société Sourire à Bord et à ce titre condamner la société Cremonini Restauration à verser à Maître Jousset, ès-qualités de liquidateur de la société Sourire à Bord la somme de 300 000 euros de dommages-intérêts,

- condamner la société Cremonini Restauration à verser à Maître Jousset, ès qualités de liquidateur de la société Sourire à Bord la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Cremonini Restauration aux entiers dépens ; Vu les dernières conclusions notifiées le 27 mars 2017 par la société Cremonini Restauration, intimée et appelante à titre incident, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en date du 3 juin 2015 en toutes ses dispositions,

Et en conséquence,

- déclarer Maître Jean-Paul Jousset, agissant ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord, mal fondé,

- recevoir la société Cremonini Restauration en ses conclusions, l'en dire bien fondée et,

- débouter Maître Jean-Paul Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord de l'intégralité de ses demandes,

Et y ajoutant,

- condamner Maître Jean-Paul Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord, à payer à la société Cremonini Restauration la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce,

Sur l'inexistence du contrat de franchise et la demande de requalification La société Sourire à Bord soutient que la spécificité du contrat de franchise nécessite que celui-ci fasse l'objet d'un écrit. Or, elle souligne qu'aucun contrat de franchise n'est intervenu après la signature du pré-contrat. Elle prétend qu'il n'existait aucun contrat de franchise entre les parties dès lors que le franchiseur n'a jamais mis en place de réseau, mais a utilisé d'anciens salariés, n'a transmis aucun savoir-faire et n'a organisé aucune formation, séminaire, ou réunion. Par ailleurs, le franchiseur n'aurait réalisé aucune prestation d'assistance technique et commerciale.

Ainsi, la société Sourire à Bord estime que le contrat de franchise est inexistant et que la situation contractuelle entre les parties correspondait en réalité à un contrat de concession exclusive, dans la mesure où la société Crémonini Restauration lui confiait l'exclusivité de la vente de ses produits de restauration ferroviaire initialement sur les lignes Paris-Montpellier et Paris-Marseille, puis uniquement sur la ligne Paris-Perpignan depuis le 1er janvier 2007 et jusqu'à la fin de leurs relations commerciales. Si des prestations réciproques étaient effectivement réalisées entre les deux sociétés, celles-ci ne justifieraient en rien le versement d'une redevance par la société Sourire à Bord et elle sollicite donc la restitution des sommes versées par la société Sourire à Bord au titre des redevances, s'élevant à la somme de 772 819,29 euros.

La société Sourire à Bord indique toutefois que si, par extraordinaire, la cour estimait que les relations entre les sociétés Sourire à Bord et Cremonini Restauration pouvaient recevoir la qualification de contrat de franchise, elle ne pourrait que constater le manquement de la société Cremonini Restauration à ses obligations et prononcer en conséquence la résolution judiciaire du contrat et la restitution des sommes versées par la société Sourire à Bord au titre des redevances s'élevant à la somme de 772 819,29 euros, avec effets rétroactifs.

La société Cremonini Restauration soutient que quand bien même ce contrat aurait été qualifié de pré-contrat par les parties, il existait bien et régissait les relations entre les parties. Elle souligne par ailleurs, que la forme d'un écrit n'est pas exigée par l'article L. 330-3 du Code de commerce. Elle estime que les éléments constitutifs du contrat de franchise étaient bel et bien réunis en l'espèce dès lors qu'elle a mis à la disposition de la société Sourire à Bord des signes distinctifs notoires lui appartenant ainsi que sa marque, lui a communiqué un savoir-faire et en particulier des informations techniques, commerciales, promotionnelles, publicitaires, administratives et financières nécessaires pour commercialiser des denrées alimentaires à bord des trains et a formé le personnel de la société Sourire à Bord aux techniques de commercialisation des produits. Elle prétend aussi avoir assisté la société Sourire à Bord tout au long de la relation contractuelle et indique à cet égard que dans le cadre de cette assistance, la société Sourire à Bord a notamment communiqué régulièrement à la société Cremonini Restauration son chiffre d'affaires, celle-ci exerçant un contrôle sur la gestion de son activité, afin de l'assister en cas de difficultés.

La société Cremonini estime donc qu'il existait un contrat de franchise et que quand bien-même l'un des éléments constitutifs du contrat de franchise serait manquant, le contrat existant s'analyserait en un contrat d'entreprise ou " contrat de partenariat commercial " fixant la loi entre les parties, au titre duquel aucun élément ne permet à société Sourire à Bord de justifier sa demande de restitution des sommes versées à ce titre.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat de franchise, la société Cremonini Restauration indique que la société Sourire à Bord n'explique pas quelle serait l'obligation en cause qui n'aurait pas été exécutée et qui justifierait qu'une résolution judiciaire soit prononcée. Elle rappelle de surcroît que le contrat conclu entre les sociétés Cremonini Restauration et Sourire à Bord a déjà fait l'objet d'une résiliation et ce en raison de la non-exécution par la société Sourire à Bord de ses propres obligations contractuelles, celle-ci ayant purement et simplement interrompu ses prestations, laissant la société Cremonini Restauration dans une situation très préjudiciable. Enfin, la société Cremonini estime qu'en tout état de cause, la résolution judiciaire dans un contrat synallagmatique à exécution successive n'a d'effet que pour l'avenir et ne permet pas d'opérer de restitutions.

Il résulte des pièces du dossier que la société Sourire à Bord a signé avec la société Cremonini un pré contrat de franchise le 11 janvier 2005 prévoyant que la société Sourire à Bord disposait d'un délai de 20 jours à compter de la signature du pré contrat pour confirmer sa volonté de devenir franchisé. Deux annexes étaient jointes à ce pré-contrat de franchise : le document d'information pré contractuel, et le projet de contrat de franchise fixant les modalités de la relation contractuelle entre le franchiseur et le franchisé. Ce projet était signé par les parties le 1er février 2005.

Le 22 février 2005, la société Sourire à Bord a adressé à la société Cremonini un " contrat de franchise " reprenant les dispositions du pré contrat de franchise et comportant les mêmes annexes y compris le projet de contrat de franchise signé par la société Sourire à Bord le 1er février 2005. Ce projet de contrat fait la loi des parties. Il a été exécuté et a fait l'objet d'avenants sans susciter aucune discussion. La société Sourire à Bord est donc malvenue à soutenir l'absence de contrat écrit. La société Sourire à Bord expose que le contrat est dépourvu de cause, aucun savoir-faire n'étant transmis au franchisé et aucun réseau n'existant à la date de conclusion du contrat. Elle reproche également à la société Cremonini l'absence d'assistance.

Le savoir-faire est défini comme un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel. Le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, relatif aux restrictions verticales définit ainsi le savoir-faire (art. 1er, g) : " le savoir-faire signifie un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci ".

En l'espèce, le savoir-faire protégé est, aux termes du préambule du contrat de franchise signé le 11 janvier 2004, défini comme " une méthode spécifique de commercialisation de produits et de services de restauration ferroviaire que (la société Cremonini) a expérimenté directement avec succès depuis plusieurs années ". Selon l'annexe II, à savoir le contrat signé le 1er février 2004, " cette franchise (...) se propose de promouvoir en France des centres spécialisés dans la fourniture de prestations de services de restauration à bord des trains de voyageurs, repose sur un concept original fondé autour d'une unité de présentation et d'animations spécifiques avec l'appui d'une logistique d'organisation et d'images sous l'enseigne " Chef Express " dont la marque, le logo et les autres signes distinctifs sont protégés (...) ".

La société Cremonini expose sans être sérieusement contredite, qu'elle a transmis l'usage de la marque " Chef Express " à son franchisé, ainsi que les éléments nécessaires à la mise en place d'opérations promotionnelles spécifiques et l'ensemble des informations techniques et commerciales nécessaires à la société Sourire à Bord afin de réaliser la commercialisation des denrées alimentaires à bord des trains. Elle justifie également, par la production de courriels, avoir formé le personnel de la société Sourire à Bord en le faisant participer à des réunions ou des formations. Par ailleurs, elle verse aux débats les contrats de franchise conclus entre d'autres franchisés et elle, qui constituent un réseau. Enfin, si le franchiseur est tenu à une obligation d'assistance à l'égard du franchisé tout au long de l'exécution du contrat, la société Sourire à Bord ne fait pas état de demandes d'assistance qu'elle aurait pu formuler et qui seraient restées sans réponse.

Pendant plusieurs années, la société Sourire à Bord s'était acquittée d'une redevance équivalant à 20 % de son chiffre d'affaires, sans émettre la moindre contestation, en contrepartie des prestations d'assistance et du savoir-faire transmis par la société Cremonini.

Il n'est donc pas démontré que le contrat serait dépourvu de cause.

Sur le caractère disproportionné des redevances versées à la société Cremonini Restauration

La société Sourire à Bord estime que les redevances ont été calculées sur la base d'un contrat inexistant et qu'elles sont manifestement excessives et totalement injustifiées dans la mesure où la société Cremonini Restauration agissait dans le cadre de relations contractuelles en tant que simple concédant et non en qualité de franchiseur. La société Sourire à Bord sollicite donc la restitution de l'intégralité des redevances perçues par la société Cremonini Restauration, soit la somme de 772 819 euros. Les redevances seraient en outre différentes des redevances imposées aux autres membres du réseau.

La société Cremonini Restauration rappelle qu'en application de l'ancien article 1134 du Code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier leur caractère prétendument lésionnaire, de surcroît, lorsque cette lésion n'est corroborée par aucun élément produit par la partie qui s'en prévaut. La société Cremonini Restauration affirme par ailleurs que le contrat conclu entre les parties justifie le versement d'une redevance par la société Sourire à Bord dès lors que ce contrat a permis à la société Sourire à Bord de réaliser durant de nombreuses années un chiffre d'affaires conséquent et un résultat net positif.

Mais la société Sourire à Bord ne démontre pas que le contrat doive être requalifié en contrat de concession, les caractéristiques de celui-ci étant celles de la franchise (mise à disposition d'une marque, d'un savoir-faire précis).

À supposer même que telle soit la nature du contrat en cause, la société Sourire à Bord n'établit pas que la redevance exigée, d'abord de 20 %, puis de 15 % serait disproportionnée au regard des services rendus.

Sur l'abus de dépendance économique

La société Sourire à Bord estime que la société Cremonini Restauration, le leader européen du secteur alimentaire notamment au sein du transport du réseau ferroviaire européen, a abusé de la dépendance économique dans laquelle se trouvait la société Sourire à Bord vis à vis de son partenaire, lui imposant des conditions contractuelles abusives, des changements de périmètre et de durée hebdomadaire de ses prestations, des redevances disproportionnées et lui empêchant toute perspective d'évolution dans son domaine d'activité. À ce titre, elle sollicite la condamnation de la société Cremonini Restauration à lui verser une somme de 300 000 euros.

La société Cremonini Restauration estime que les conditions de la dépendance économique ne sont nullement réunies en l'espèce dans la mesure où la société Sourire à Bord s'est elle-même placée en situation de dépendance vis à vis de Cremonini Restauration. Elle soutient que l'abus n'est pas démontré (tel qu'un refus de vente, des ventes liées, des accords de gamme ou des pratiques discriminatoires) et pas davantage une affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence dès lors que l'appelante ne propose aucune analyse de la situation du marché et de l'impact qu'auraient eu les prétendues pratiques sur le jeu de la concurrence.

L'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce, prohibe, " dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires visées à l'article L. 442-6. "

L'abus de dépendance économique peut se définir comme une entrave à la concurrence exercée par une entreprise placée en situation de force sur un marché à l'encontre de ses partenaires commerciaux qui ne peuvent se passer de cette coopération, car elles ne disposent pas de solution alternative dans des conditions économiques raisonnables.

L'application de cet article suppose ainsi d'établir, dans un premier temps, l'état de dépendance économique d'une entreprise à l'égard d'une autre, dans un deuxième temps, l'abus commis par cette dernière, et enfin la potentialité d'affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence.

La seule circonstance qu'un distributeur réalise une part très importante voire exclusive de son approvisionnement auprès d'un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Celle-ci, au sens de l'article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce, résulte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de sa part de marché, de l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur et, enfin, de la difficulté pour le distributeur d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents, ces conditions devant être simultanément remplies, sans que la circonstance que cette situation de dépendance économique résulte de clauses volontairement souscrites puisse être opposée à la victime.

Or, en l'espèce, la cour ne dispose d'aucune indication sur le marché pertinent et sur la position de la société Cremonini sur celui-ci. En outre, la société Sourire à Bord ne démontre pas l'absence d'alternatives, la société Cremonini ayant signé des contrats avec la SNCF qui déterminent sa part dans la desserte des TGV et la part de ses concurrentes. La situation de dépendance économique n'est donc pas établie.

Par ailleurs, elle ne démontre pas davantage que les clauses contractuelles seraient déséquilibrées à son détriment, que les changements de périmètre et de durée hebdomadaire de ses prestations dans les différents avenants, ou encore les redevances exigées par Cremonini seraient excessivement élevés et l'empêcheraient d'avoir une activité rentable. Enfin, elle n'établit pas l'existence d'un abus et, encore moins, l'affectation potentielle du marché.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a qualifié en contrat de concession le contrat passé entre la société Cremonini et la société Sourire à Bord, Condamne Maître Jean-Paul Jousset, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sourire à Bord, aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Fixe la créance de la société Cremonini au passif de la société Sourire à Bord à la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.