TA Paris, sect. 3 3e ch., 31 mai 2016, n° 1104965/3-3
PARIS
Jugement
PARTIES
Demandeur :
SNCF Mobilités
Défendeur :
Vinci (SA), Vinci Construction France (Sté), SFIG (Sté), Bouygues (Sté), Bouygues Travaux publics (Sté), Schneider Electric (SA), Eiffage (SA), Eiffage Construction (Sté), Eiffage Infrastructures (Sté), Spie Opérations (SA), Eiffage Génie Civil (Sté), Spie Batignolles TPCI (Sté), Montcocol (Sté), Fougerolle (Sté), Sogea Travaux publics Ile-de-France (Sté), Müller Travaux publics (Sté), Razel-Bec (Sté), Soletanche Bachy France (Sté), Vinci Construction (Sté), Bouygues Construction (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Camenen
Avocats :
Me Dal Farra, Me Héber-Suffrin, Me Otto, Me Normand-Bodard, Me Molas, Me Selnet, Me Coppinger, Me Caron, Me Lapp
Rapporteur public :
Mme Dorion
Président :
Mme Tiger-Winterhalter
Conseiller :
M. Grondin
Vu la procédure suivante jusqu'à l'intervention du désistement partiel de SNCF Mobilités :
SNCF Mobilités :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 mars 2011, 3 novembre 2011, 28 août 2012, 19 décembre 2012, 5 mars 2013, 30 octobre 2013, 2 janvier 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 1er juillet 2014, 22 décembre 2014 et 30 avril 2015, SNCF Mobilités, représentée par Me Dal Farra, demande au tribunal :
1°) à titre principal, d'annuler ou déclarer nul le marché public du lot n° 34 B du projet Eole ;
2°) de condamner solidairement ou in solidum, au titre de la répétition de l'indu, les sociétés Vinci Construction France, Vinci Construction et Merizan à lui verser la somme de 197 685 251,77 euros ou, à titre subsidiaire, chacune en ce qui la concerne, à lui verser les sommes reçues en exécution du marché avec prise en compte de l'inflation, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation ;
3°) de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Eiffage, Vinci SA, Bouygues, Bouygues Travaux publics, Vinci Construction France, Schneider Electric SA, Spie SA, SBTP, Spie Batignolles TPCI et Montcocol à garantir le paiement de la somme précitée de 197 685 251,77 euros, le cas échéant augmentée des intérêts capitalisés, dans la limite de la somme de 33 952 271 euros, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle ;
4°) d'annuler ou de déclarer nul le marché public du lot n° 37 B du projet Eole ;
5°) de condamner solidairement ou in solidum, au titre de la répétition de l'indu, les sociétés Vinci Construction France, Vinci SA, Fougerolle, Sogea Travaux publics Ile-de-France, Müller Travaux publics, Eiffage Construction, Eiffage TP, Schneider Electric SA, Spie SA, SBTP, Spie Batignolles TPCI, Razel-Bec, Bouygues et Bouygues Travaux publics à lui verser la somme de 281 422 996,35 euros ou, à titre subsidiaire, chacune en ce qui la concerne, à lui verser les sommes reçues en exécution du marché avec prise en compte de l'inflation, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation ;
6°) de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Eiffage, Vinci SA, Bouygues, Bouygues Travaux publics, Vinci Construction France, Vinci Construction, Schneider Electric SA, Spie SA, SBTP, Spie Batignolles TPCI et Soletanche Bachy France à garantir le paiement de la somme précitée de 281 422 996,35 euros, le cas échéant augmentée des intérêts capitalisés, dans la limite de la somme de 37 236 391 euros, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle ;
7°) à titre subsidiaire s'agissant du lot n° 34 B du projet Eole, de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Eiffage, Vinci SA, Bouygues, Bouygues Travaux publics, Vinci Construction France, Schneider Électric SA, Spie SA, SBTP, Spie Batignolles TPCI et Montcocol à payer à la SNCF la somme de 33 952 271 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle ;
8°) s'agissant du lot n° 37 B du projet Eole, de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Eiffage, Vinci SA, Bouygues, Bouygues Travaux publics, Vinci Construction France, Vinci Construction, Schneider Electric SA, Spie SA, SBTP, Spie Batignolles TPCI et Soletanche Bachy France à payer à la SNCF la somme de 37 236 391 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés chaque année après une année d'intérêts à compter de la demande, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle ;
9°) en tout état de cause, de mettre solidairement à la charge des défenderesses le versement de la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
SNCF Mobilités soutient que :
- elle conserve un intérêt direct et certain pour agir malgré la substitution de Réseau Ferré de France (RFF) pour les droits et obligations liés aux biens qui lui ont été apportés en vertu de l'article 6 de la loi du 13 février 1997 ; elle conserve la maîtrise d'ouvrage des biens objets des lots n° 34 B et 37 B ;
- le juge administratif est compétent pour connaître de l'action en nullité des marchés de travaux publics ;
- les marchés sont nuls conformément aux dispositions de l'article L. 420-3 du Code de commerce ; ils ont été conclus à la faveur d'une entente prohibée ; l'action en nullité n'est pas prescrite ;
- à titre subsidiaire, le dol dont la SNCF a été victime entache de nullité les marchés ; l'utilisation du logiciel Drapo caractérise l'existence de manœuvres dolosives ; les entreprises cocontractantes se sont livrées à des concertations et des échanges d'informations en vue de répartir les travaux entre les entreprises participant à l'entente et d'augmenter la valeur des travaux ; la SNCF a été induite en erreur sur les prix proposés ; son consentement est vicié en application de l'article 1116 du Code civil ; s'agissant du lot n° 34 B, les entreprises candidates connaissaient le montant des offres devant être remises et les prix de revient estimés lors du tour de table ; l'écart entre l'offre de l'attributaire et son prix de revient est de 23,88 % ; de même, pour le lot n° 37 B, le prix proposé par le groupement attributaire s'élève à la somme de 1 009 835 284 francs contre 949 373 747 francs pour le prix normal ; les pratiques anticoncurrentielles des entreprises ont conduit la SNCF à accepter des conditions plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait normalement dû souscrire ; la SNCF ne disposait d'aucun élément permettant d'établir ou de présumer l'existence d'une entente ; du fait de la nullité des marchés, les décomptes généraux et définitifs sont inopposables ; le dol n'était pas établi dans toute son ampleur lors de l'intervention des décomptes généraux et définitifs des marchés les 30 avril 1999 et 17 octobre 2000 ; l'action en nullité fondée sur le dol n'est pas prescrite, le délai de prescription n'ayant commencé à courir qu'à compter de la date à laquelle la décision du Conseil de la concurrence est devenue définitive, le 13 octobre 2009 ; la plainte avec constitution de partie civile du 4 juillet 1997 n'a pas fait courir le délai de prescription de l'action en nullité pour dol ;
- la SNCF est fondée à demander la restitution de l'intégralité des sommes qu'elle a versées en exécution des marchés nuls au titre de la répétition de l'indu, soit 197 685 251,77 euros pour le lot n° 34 B et 281 422 996,35 euros pour le lot n° 37 B ; les titulaires des marchés ne peuvent obtenir le remboursement des dépenses qui auraient été utiles à la SNCF ni le paiement du bénéfice dont ils auraient été privés ;
- le juge administratif est compétent pour connaître de l'action en responsabilité quasi-délictuelle engagée contre les entreprises qui ont participé à l'entente dès lors qu'un tel litige est né à l'occasion de la passation d'un marché public, même non soumis au Code des marchés publics ;
- l'action n'est pas prescrite à la date d'enregistrement de la requête ; le délai de prescription de l'action indemnitaire a commencé à courir le 13 octobre 2009 pour une durée d'au moins cinq ans, ou, à titre subsidiaire, pour une durée de dix ans à compter de la publication de la décision du Conseil de la concurrence, ou, à titre très subsidiaire, pour une durée de cinq ans à compter du 19 juin 2008, date de publication de la loi du 17 juin 2008 réduisant le délai de prescription à cinq ans ; la constitution de partie civile ne constitue pas le point de départ de la prescription ; à titre subsidiaire, si la constitution de partie civile a interrompu la prescription, l'effet interruptif de la prescription s'est produit jusqu'au 26 novembre 2002, date de l'ordonnance du juge d'instruction constatant l'extinction de l'action publique ; un nouveau délai de prescription a couru jusqu'au 26 novembre 2012 ; en tout état de cause, l'auto-saisine du Conseil de la concurrence a interrompu le délai de prescription ;
- le dol est établi ;
- l'existence d'un préjudice est également établie ; l'intervention des décomptes généraux et définitifs est sans incidence sur l'indemnisation du surcoût supporté par la SNCF du fait des pratiques anticoncurrentielles ; à titre subsidiaire, les décomptes de marchés nuls sont inopposables ; les décomptes peuvent être remis en cause en cas de manœuvres dolosives ; l'avenant n° 57 relatif au lot n° 34 B ne comporte aucune clause de renonciation à recours ; l'avenant n° 55 relatif au lot n° 37 B comporte une clause de renonciation qui ne vaut que pour les faits connus par cet avenant ; les faits à l'origine de l'action indemnitaire n'ont été connus qu'après la signature de cet avenant ; il n'est pas établi que les surcoûts supportés par la SNCF ont été reportés sur les usagers ou ont été compensés par les subventions reçues par l'entreprise ; en tout état de cause, l'origine du financement des travaux comme le transfert de la dette par un service non personnalisé de la SNCF sont sans incidence ; le surcoût doit intégralement être réparé; il s'établit à 33 952 271 euros pour le lot n° 34 B et 37 236 391 euros pour le lot n° 37 B.
Vinci SA :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 décembre 2012, 5 mars 2013, 30 octobre 2013, 27 décembre 2013, 23 mai 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 19 décembre 2014 et 27 février 2015, la société Vinci SA, représentée par Me Héber-Suffrin, demande au tribunal :
1°) de rejeter la requête de la SNCF ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la SNCF à lui payer la somme de 170 175 187,52 euros, au titre de la restitution en valeur des infrastructures objets du lot n° 37 B du marché litigieux, et à défaut au titre de l'enrichissement sans cause ;
3°) de limiter l'indemnité accordée à la SNCF à 32,2 % du montant des restitutions ou du préjudice ;
4°) de condamner, premièrement la société Eiffage SA à hauteur de 26,66 %, deuxièmement les sociétés Bouygues SA, Bouygues Travaux Publics ou Bouygues Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 26,66 % au titre de l'entente générale, et à hauteur de 2 % au titre de l'entente particulière, troisièmement les sociétés Schneider Electric, Spie SA ou Spie Batignolles TPCI, ou subsidiairement les trois solidairement, à hauteur de 2 %, quatrièmement la société Soletanche Bachy France à hauteur de 2 %, cinquièmement les sociétés Eiffage TP, Eiffage Travaux publics ou Eiffage Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 2 %, sixièmement la société Fougerolle à hauteur de 2 %, septièmement la société Razel à hauteur de 2 %, et huitièmement la société Montcocol à hauteur de 2 %, à la garantir de toute condamnation au titre de la répétition de l'indu, et à défaut de condamner une ou plusieurs des sociétés précitées, de répartir la condamnation à parts égales entre défenderesses condamnées ;
5°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Vinci SA soutient que :
- s'agissant de l'action indemnitaire, le juge administratif est incompétent ;
- les comptes de la SNCF ne font état d'aucune diminution de son actif ;
- l'action de la SNCF est prescrite au regard de l'article 2270-1 du Code civil ;
- la SNCF est dépourvue du droit d'agir ;
- le préjudice invoqué n'est pas établi ;
- la société exposante doit être garantie par les autres défenderesses en cas de condamnation ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en nullité de la SNCF fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce ;
- cette action est prescrite ; le délai de prescription de 10 ans de l'article L. 110-4 I du Code de commerce a commencé à courir à la date de signature des marchés en 1993 et a expiré en 2003 ; en tout état de cause, par l'effet de la réforme de 2008, le délai de prescription de 5 ans a expiré au plus tard le 17 juin 2013 ; le délai de prescription n'a pas commencé à courir à la date de la décision du conseil de la concurrence ; la prescription de l'action en nullité pour dol est acquise en tout état de cause en application de l'article 2232 du Code civil, le délai de prescription ne pouvant être porté au-delà de 20 ans à compter de la signature des contrats soit en 2013 ;
- cette action est irrecevable en application de la loi du 13 février 1997 qui prévoit le transfert des biens objets des marchés litigieux de la SNCF à RFF ; les marchés ayant été intégralement exécutés, il n'existe aucune atteinte à la concurrence ; la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ;
- cette action en nullité est mal fondée ; les articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce ne sont pas applicables à une personne publique contractante ; la nullité de plein droit de l'article L. 420-3 ne s'applique pas à un contrat administratif ; l'annulation serait sans effet sur les marchés qui ont été entièrement exécutés ; l'exigence de loyauté et de stabilité des relations contractuelles s'oppose à cette nullité qui porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; les marchés ne comportent aucune clause ayant par elle-même pour effet de placer les entreprises dans une situation d'entente anticoncurrentielle ; la décision du conseil de la concurrence a autorité sur ce point ; le juge administratif n'a pas relevé d'office la nullité des marchés ; la réception des travaux a mis fin aux contrats ; le recours pour excès de pouvoir ne peut plus être exercé dès lors que les contrats ont produit tous leurs effets ;
- l'action en nullité fondée sur le dol est prescrite en vertu de l'article 1304 du Code civil ; la découverte du dol est antérieure au 1er janvier 1997 ; le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 4 juillet 1997 date de la constitution de partie civile ; le délai a expiré le 1er janvier 2007 ou le 1er juillet 2007 ; l'action en nullité est également prescrite en vertu de l'article 2232 du Code civil ; s'agissant du lot n° 34 B, l'action est mal dirigée contre Vinci Construction et Merizan qui ne viennent pas aux droits de Dumez ;
- la SNCF ne saurait se prévaloir d'une erreur ayant vicié son consentement ; les infrastructures objets des lots n° 34 B et 37 B ne sont affectées d'aucun surcoût ; les comptes sociaux de la SNCF ne reflètent pas ce surcoût ; la signature sans réserve des décomptes généraux et définitifs des lots n° 34 B et 37 B les 21 avril 1999 et 1er octobre 2000 fait obstacle à ce que la SNCF forme ultérieurement une action en nullité pour dol ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en répétition de l'indu de la SNCF, dès lors qu'elle est dirigée contre des personnes privées et repose sur un fondement extracontractuel ; cette action relève de la compétence du juge judiciaire, d'autant qu'aucun texte ne donne compétence au juge administratif pour tirer les conséquences, en matière de restitutions réciproques, de l'annulation d'un contrat administratif ;
- l'action en répétition de l'indu de la SNCF dirigée contre diverses personnes prises in solidum est irrecevable ; en ce qui concerne le lot n° 34 B, elle vise les sociétés Vinci Construction et Merizan, dont la SNCF considère à tort qu'elles viennent aux droits de la société Dumez ; l'action en nullité étant prescrite, la SNCF est tardive, irrecevable et infondée à agir contre une personne venant aux droits de Dumez ;
- la SNCF est irrecevable à demander la répétition de l'indu sur un fondement quasi-contractuel ; les prestations dont les paiements ont constitué la contrepartie lui ont été utiles ; les infrastructures ont été inscrites à son actif ; leur valeur n'a pas été diminuée ; elle n'ignorait pas l'irrégularité dont elle se prévaut ;
- la SNCF ne justifie pas de manière suffisante du paiement de toutes les sommes dont elle demande la répétition ; les productions relatives aux marchés sont insuffisantes ; la SNCF n'apporte pas la preuve des paiements ; les sommes versées directement aux sous-traitants ne peuvent faire l'objet d'une action en répétition de l'indu ; le chiffrage n'est pas justifié ; la SNCF n'est pas fondée à appliquer un coefficient d'érosion monétaire ;
- la SNCF n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés visées par son action en répétition de l'indu ; cette solidarité ne peut être déduite d'aucun contrat ;
- dans l'hypothèse d'une annulation des marchés litigieux, la SNCF serait tenue de restituer la valeur des infrastructures qui en sont l'objet en vertu du principe de répétition de l'indu consacré par les articles 1376 et suivants du Code civil et ayant valeur constitutionnelle ; s'agissant du lot n° 34 B, Vinci Construction venant aux droits de Chantiers Modernes et de Dumez-Dumez GTM est fondée à demander la somme à parfaire de 197 685 251,77 euros ; s'agissant du lot n° 37 B, Sogea TPI et Vinci SA venant aux droits de Sogea sont fondées à demander la somme à parfaire de 340 350 375,03 euros, soit 170 175 187,52 euros pour chacune ;
- à titre subsidiaire, la société Vinci SA est fondée à réclamer à la SNCF, en cas d'annulation des marchés, le remboursement des dépenses utiles qu'elle a engagées sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les conditions de cet enrichissement étant réunies ; la SNCF ne peut se prévaloir d'un dol ; l'absence d'indemnisation au titre des dépenses utiles engagées par la société Vinci SA constituerait une violation du principe de sécurité juridique, ainsi qu'une privation de propriété au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle serait contraire aux principes figurant dans le livre blanc de la commission européenne ; la société Vinci SA n'ayant pas été condamnée par le Conseil de la concurrence, elle ne peut pas être considérée comme l'auteur d'un dol ayant vicié le consentement de la SNCF ;
- l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux est constitutive d'un abus de position dominante ; la SNCF est en situation de monopole sur le marché national du transport ferroviaire de personnes et sur les marchés connexes ; les sociétés du BTP sont en concurrence avec la SNCF sur le marché des travaux d'entretien des infrastructures ferroviaires ; en cas d'annulation des marchés, la SNCF conserverait les subventions qu'elle a reçues ; il s'agirait d'aides illégales ; la SNCF pourrait les utiliser pour des activités dans lesquelles elle est en situation de concurrence ; ces activités sont susceptibles de bénéficier des avantages tirés du monopole historique de la SNCF ; les critères de l'abus de position sont remplis ; la SNCF est en position dominante ; l'action de la SNCF caractérise un abus de position dominante ; elle abuse de sa qualité d'EPIC pour tenter d'échapper aux règles de prescription de droit commun ;
- la société Vinci SA est fondée à appeler en garantie, en cas de condamnation à la répétition de l'indu, les autres entreprises défenderesses sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, dès lors que cette condamnation, préjudiciable pour elle, résulterait de la faute commise par ces autres sociétés au titre de l'entente générale et des ententes particulières la mettant en application ;
- l'existence d'un surcoût n'est pas établie pour les lots n° 34 B et 37 B ; pour le lot n° 34 B, seule la véritable offre du groupement de 699 202 213 francs peut être retenue ; le prix de revient retenu par la SNCF de 569 MF ne comporte ni les frais généraux ni la marge ; avec les frais généraux, on déduit un taux de marge de 2,98 % ; l'offre du groupement était 10,1 % inférieur au prix objectif de la SNCF ; le surcoût n'est pas établi ; il ne peut en tout état de cause être calculé sur la base du décompte général et définitif incluant les prix nouveaux, les indemnités extracontractuelles et les révisions de prix ; l'assiette du surcoût serait de 833 370 078 francs ; pour le lot n° 37 B, l'expert de la SNCF compare, au titre de la méthode du différentiel de marge, deux résumés d'études de prix sans rapport entre elles ; l'assiette du surcoût serait de 1 169 657 829 francs ; la méthode des prix objectifs n'est pas recevable car fondée sur les éléments erronés retenus pour le lot n° 34 B ; l'offre initiale de Sogea était inférieur de 2,8 % au prix objectif pour le lot n° 37 B ;
- la SNCF n'a pas intérêt à agir, le dommage ayant été constaté après le 1er janvier 1997 et RFF étant devenu maître d'ouvrage ; les décomptes ont été acceptés les 28 février 2000 et 21 février 2001 ; la propriété des ouvrages a été transférée à hauteur de 67,8 % à RPF ; la SNCF ne peut être indemnisée à plus de 32,2 %.
Sogea Travaux Publics Ile-de-France :
Par un mémoire et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 octobre 2011, 30 août 2012, 21 décembre 2012, 5 mars 2013, 30 octobre 2013, 27 décembre 2013, 23 mai 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 19 décembre 2014 et 27 février 2015, la société Sogea Travaux Publics Ile-de-France, représentée par Me Héber-Suffrin, demande au tribunal :
1°) de rejeter la requête de la SNCF ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la SNCF à lui payer la somme de 170 175 187,52 euros, au titre de la restitution en valeur des infrastructures objets du lot n° 37 B du marché litigieux, et à défaut au titre de l'enrichissement sans cause ;
3°) de limiter l'indemnité accordée à la SNCF à 32,2 % du montant des restitutions ou du préjudice ;
4°) et de condamner, premièrement la société Eiffage SA à hauteur de 26,66 %, deuxièmement les sociétés Bouygues SA, Bouygues Travaux Publics ou Bouygues Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 26,66 % au titre de l'entente générale, et à hauteur de 2 % au titre de l'entente particulière, troisièmement les sociétés Schneider Electric, Spie SA ou Spie Batignolles TPCI, ou subsidiairement les trois solidairement, à hauteur de 2 %, quatrièmement la société Soletanche Bachy France à hauteur de 2 %, cinquièmement les sociétés Eiffage TP, Eiffage Travaux publics ou Eiffage Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 2 %, sixièmement la société Fougerolle à hauteur de 2 %, septièmement la société Razel à hauteur de 2 %, et huitièmement la société Montcocol à hauteur de 2 %, à la garantir de toute condamnation au titre de la répétition de l'indu, et à défaut de condamner une ou plusieurs des sociétés précitées, de répartir la condamnation à parts égales entre défenderesses condamnées ;
5°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Sogea TPI soutient que :
- s'agissant de l'action indemnitaire, le juge administratif est incompétent ;
- les comptes de la SNCF ne font état d'aucune diminution de son actif ;
- l'action de la SNCF est prescrite au regard de l'article 2270-1 du Code civil ;
- la SNCF est dépourvue du droit d'agir ;
- le préjudice invoqué n'est pas établi ;
- la société exposante doit être garantie par les autres défenderesses en cas de condamnation ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en nullité de la SNCF fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce ;
- cette action est prescrite ; le délai de prescription de 10 ans de l'article L. 110-4 I du Code de commerce a commencé à courir à la date de signature des marchés en 1993 et a expiré en 2003 ; en tout état de cause, par l'effet de la réforme de 2008, le délai de prescription de 5 ans a expiré au plus tard le 17 juin 2013 ; le délai de prescription n'a pas commencé à courir à la date de la décision du conseil de la concurrence ; la prescription de l'action en nullité pour dol est acquise en tout état de cause en application de l'article 2232 du Code civil, le délai de prescription ne pouvant être porté au-delà de 20 ans à compter de la signature des contrats soit en 2013 ;
- cette action est irrecevable en application de la loi du 13 février 1997 qui prévoit le transfert des biens objets des marchés litigieux de la SNCF à RFF ; les marchés ayant été intégralement exécutés, il n'existe aucune atteinte à la concurrence ; la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ;
- cette action en nullité est mal fondée ; les articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce ne sont pas applicables à une personne publique contractante ; la nullité de plein droit de l'article L. 420-3 ne s'applique pas à un contrat administratif ; l'annulation serait sans effet sur les marchés qui ont été entièrement exécutés ; l'exigence de loyauté et de stabilité des relations contractuelles s'oppose à cette nullité qui porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; les marchés ne comportent aucune clause ayant par elle-même pour effet de placer les entreprises dans une situation d'entente anticoncurrentielle ; la décision du conseil de la concurrence a autorité sur ce point ; le juge administratif n'a pas relevé d'office la nullité des marchés ; la réception des travaux a mis fin aux contrats ; le recours pour excès de pouvoir ne peut plus être exercé dès lors que les contrats ont produit tous leurs effets ; le juge ne peut être saisi que d'un contrat liant les parties sauf à méconnaître le principe de proportionnalité et de sécurité ;
- l'action en nullité fondée sur le dol est prescrite en vertu de l'article 1304 du Code civil ; la découverte du dol est antérieure au 1er janvier 1997 ; le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 4 juillet 1997 date de la constitution de partie civile ; le délai a expiré le 1er janvier 2007 ou le 1er juillet 2007 ; l'action en nullité est également prescrite en vertu de l'article 2232 du Code civil ; s'agissant du lot n° 34 B, l'action est mal dirigée contre Vinci construction et Merizan qui ne viennent pas aux droits de Dumez ;
- la SNCF ne saurait se prévaloir d'une erreur ayant vicié son consentement ; les infrastructures objets des lots n° 34 B et 37 B ne sont affectées d'aucun surcoût ; les comptes sociaux de la SNCF ne reflètent pas ce surcoût ; la signature sans réserve des décomptes généraux et définitifs des lots n° 34 B et 37 B les 21 avril 1999 et 1er octobre 2000 fait obstacle à ce que la SNCF forme ultérieurement une action en nullité pour dol ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en répétition de l'indu de la SNCF, dès lors qu'elle est dirigée contre des personnes privées et repose sur un fondement extracontractuel ; cette action relève donc de la compétence du juge judiciaire, d'autant qu'aucun texte ne donne compétence au juge administratif pour tirer les conséquences, en matière de restitutions réciproques, de l'annulation d'un contrat administratif ;
- l'action en répétition de l'indu de la SNCF dirigée contre diverses personnes prises in solidum est irrecevable ; en ce qui concerne le lot n° 34 B, elle vise les sociétés Vinci construction et Merizan, dont la SNCF considère à tort qu'elles viennent aux droits de la société Dumez ; l'action en nullité étant prescrite, la SNCF est tardive, irrecevable et infondée à agir contre une personne venant aux droits de Dumez ;
- la SNCF est irrecevable à demander la répétition de l'indu sur un fondement quasi-contractuel ; les prestations dont les paiements ont constitué la contrepartie lui ont été utiles ; les infrastructures ont été inscrites à son actif ; leur valeur n'a pas été diminuée ; elle n'ignorait pas l'irrégularité dont elle se prévaut ;
- la SNCF ne justifie pas de manière suffisante du paiement de toutes les sommes dont elle demande la répétition ; les productions relatives aux marchés sont insuffisantes ; la SNCF n'apporte pas la preuve des paiements ; les sommes versées directement aux sous-traitants ne peuvent faire l'objet d'une action en répétition de l'indû ; le chiffrage n'est pas justifié ; la SNCF n'est pas fondée à appliquer un coefficient d'érosion monétaire ;
- la SNCF n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés visées par son action en répétition de l'indu ; cette solidarité ne peut être déduite d'aucun contrat ;
- dans l'hypothèse d'une annulation des marchés litigieux, la SNCF serait tenue de restituer la valeur des infrastructures qui en sont l'objet en vertu du principe de répétition de l'indu consacré par les articles 1376 et suivants du Code civil et ayant valeur constitutionnelle ; s'agissant du lot n° 34 B, Vinci Construction venant aux droits de Chantiers Modernes et de Dumez-Dumez GTM est fondée à demander la somme à parfaire de 197 685 251,77 euros ; s'agissant du lot n° 37 B, Sogea TPI et Vinci SA venant aux droits de Sogea sont fondées à demander la somme à parfaire de 340 350 375,03 euros, soit 170 175 187,52 euros pour chacune ;
- à titre subsidiaire, la société Sogea TPI est fondée à réclamer à la SNCF, en cas d'annulation des marchés, le remboursement des dépenses utiles qu'elle a engagées sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les conditions de cet enrichissement étant réunies ; la SNCF ne peut se prévaloir d'un dol ; l'absence d'indemnisation au titre des dépenses utiles engagées par la société Sogea TPI constituerait une violation du principe de sécurité juridique, une privation de propriété au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une violation du principe non bis in idem ; elle serait contraire aux principes figurant dans le livre blanc de la commission européenne ; la société Sogea TPI n'ayant pas été condamnée par le Conseil de la concurrence, elle ne peut pas être considérée comme l'auteur d'un dol ayant vicié le consentement de la SNCF ;
- l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux est constitutive d'un abus de position dominante ; la SNCF est en situation de monopole sur le marché national du transport ferroviaire de personnes et sur les marchés connexes ; les sociétés du BTP sont en concurrence avec la SNCF sur le marché des travaux d'entretien des infrastructures ferroviaires ; en cas d'annulation des marchés, la SNCF conserverait les subventions qu'elle a reçues ; il s'agirait d'aides illégales ; la SNCF pourrait les utiliser pour des activités dans lesquelles elle est en situation de concurrence ; ces activités sont susceptibles de bénéficier des avantages tirés du monopole historique de la SNCF ; les critères de l'abus de position sont remplis ; la SNCF est en position dominante ; l'action de la SNCF caractérise un abus de position dominante ; elle abuse de sa qualité d'EPIC pour tenter d'échapper aux règles de prescription de droit commun ;
- la société Sogea TPI est fondée à appeler en garantie, en cas de condamnation à la répétition de l'indu, les autres entreprises défenderesses sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, dès lors que cette condamnation, préjudiciable pour elle, résulterait de la faute commise par ces autres sociétés au titre de l'entente générale et des ententes particulières la mettant en application ;
- l'existence d'un surcoût n'est pas établie pour les lots n° 34 B et 37 B ; pour le lot n° 34 B, seule la véritable offre du groupement de 699 202 213 francs peut être retenue ; le prix de revient retenu par la SNCF de 569 MF ne comporte ni les frais généraux ni la marge ; avec les frais généraux, on déduit un taux de marge de 2,98 % ; l'offre du groupement était 10,1 % inférieur au prix objectif de la SNCF ; le surcoût n'est pas établi ; il ne peut en tout état de cause être calculé sur la base du décompte général et définitif incluant les prix nouveaux, les indemnités extracontractuelles et les révisions de prix ; l'assiette du surcoût serait de 833 370 078 francs ; pour le lot n° 37 B, l'expert de la SNCF compare, au titre de la méthode du différentiel de marge, deux résumés d'études de prix sans rapport entre elles ; l'assiette du surcoût serait de 1 169 657 829 francs ; la méthode des prix objectifs n'est pas recevable car fondée sur les éléments erronés retenus pour le lot n° 34 B ; l'offre initiale de Sogea était inférieur de 2,8 % au prix objectif pour le lot n° 37 B ;
- la SNCF n'a pas intérêt à agir, le dommage ayant été constaté après le 1er janvier 1997 ; RFF étant devenu maître d'ouvrage ; les décomptes ont été acceptés les 28 février 2000 et 21 février 2001 ; la propriété des ouvrages a été transférée à hauteur de 67,8 % à RFF ; la SNCF ne peut être indemnisée à plus de 32,2 %.
Vinci Construction France :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 octobre 2011, les 30 août 2012, 21 décembre 2012, 5 mars 2013, 30 octobre 2013, 27 décembre 2013, 23 mai 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 19 décembre 2014 et 27 février 2015, la société Vinci Construction France, représentée par Me Héber-Suffrin, demande au tribunal :
1°) de rejeter la requête de la SNCF ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la SNCF à lui payer la somme de 197 685 251,77 euros, sauf à parfaire, au titre de la restitution en valeur des infrastructures objets du lot n° 34 B du marché litigieux, et à défaut au titre de l'enrichissement sans cause ;
3°) de limiter l'indemnité accordée à la SNCF à 32,2 % du montant des restitutions ou du préjudice ;
4°) et de condamner, premièrement la société Eiffage SA à hauteur de 26,66 %, deuxièmement les sociétés Bouygues SA, Bouygues Travaux Publics ou Bouygues Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 26,66 % au titre de l'entente générale, et à hauteur de 2 % au titre de l'entente particulière, troisièmement les sociétés Schneider Electric, Spie SA ou Spie Batignolles TPCI, ou subsidiairement les trois solidairement, à hauteur de 2 %, quatrièmement la société Soletanche Bachy France à hauteur de 2 %, cinquièmement les sociétés Eiffage TP, Eiffage Travaux publics ou Eiffage Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 2 %, sixièmement la société Fougerolle à hauteur de 2 %, septièmement la société Razel à hauteur de 2 %, et huitièmement la société Montcocol à hauteur de 2 %, à la garantir de toute condamnation au titre de la répétition de l'indu, et à défaut de condamner une ou plusieurs des sociétés précitées, de répartir la condamnation à parts égales entre défenderesses condamnées ;
5°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Vinci Construction France soutient que :
- s'agissant de l'action indemnitaire, le juge administratif est incompétent ;
- les comptes de la SNCF ne font état d'aucune diminution de son actif ;
- l'action de la SNCF est prescrite au regard de l'article 2270-1 du Code civil ;
- la SNCF est dépourvue du droit d'agir ;
- le préjudice invoqué n'est pas établi ;
- la société exposante doit être garantie par les autres défenderesses en cas de condamnation ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en nullité de la SNCF fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce ;
- cette action est prescrite ; le délai de prescription de 10 ans de l'article L. 110-4 I du Code de commerce a commencé à courir à la date de signature des marchés en 1993 et a expiré en 2003 ; en tout état de cause, par l'effet de la réforme de 2008, le délai de prescription de 5 ans a expiré au plus tard le 17 juin 2013 ; le délai de prescription n'a pas commencé à courir à la date de la décision du conseil de la concurrence ; la prescription de l'action en nullité pour dol est acquise en tout état de cause en application de l'article 2232 du Code civil, le délai de prescription ne pouvant être porté au-delà de 20 ans à compter de la signature des contrats soit en 2013 ;
- cette action est irrecevable en application de la loi du 13 février 1997 qui prévoit le transfert des biens objets des marchés litigieux de la SNCF à RFF ; les marchés ayant été intégralement exécutés, il n'existe aucune atteinte à la concurrence ; la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ;
- cette action en nullité est mal fondée ; les articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce ne sont pas applicables à une personne publique contractante ; la nullité de plein droit de l'article L. 420-3 ne s'applique pas à un contrat administratif ; l'annulation serait sans effet sur les marchés qui ont été entièrement exécutés ; l'exigence de loyauté et de stabilité des relations contractuelles s'oppose à cette nullité qui porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; les marchés ne comportent aucune clause ayant par elle-même pour effet de placer les entreprises dans une situation d'entente anticoncurrentielle ; la décision du Conseil de la concurrence a autorité sur ce point ; le juge administratif n'a pas relevé d'office la nullité des marchés ; la réception des travaux a mis fin aux contrats ; le recours pour excès de pouvoir ne peut plus être exercé dès lors que les contrats ont produit tous leurs effets ; le juge ne peut être saisi que d'un contrat liant les parties sauf à méconnaître le principe de proportionnalité et de sécurité ;
- l'action en nullité fondée sur le dol est prescrite en vertu de l'article 1304 du Code civil ; la découverte du dol est antérieure au 1er janvier 1997 ; le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 4 juillet 1997 date de la constitution de partie civile ; le délai a expiré le 1er janvier 2007 ou le 1er juillet 2007 ; l'action en nullité est également prescrite en vertu de l'article 2232 du Code civil ; s'agissant du lot n° 34 B, l'action est mal dirigée contre Vinci construction et Merizan qui ne viennent pas aux droits de Dumez ;
- la SNCF ne saurait se prévaloir d'une erreur ayant vicié son consentement ; les infrastructures objets des lots n° 34 B et 37 B ne sont affectées d'aucun surcoût ; les comptes sociaux de la SNCF ne reflètent pas ce surcoût ; la signature sans réserve des décomptes généraux et définitifs des lots n° 34 B et 37 B les 21 avril 1999 et 1er octobre 2000 fait obstacle à ce que la SNCF forme ultérieurement une action en nullité pour dol ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en répétition de l'indu de la SNCF, dès lors qu'elle est dirigée contre des personnes privées et repose sur un fondement extracontractuel ; cette action relève donc de la compétence du juge judiciaire, d'autant qu'aucun texte ne donne compétence au juge administratif pour tirer les conséquences, en matière de restitutions réciproques, de l'annulation d'un contrat administratif ;
- l'action en répétition de l'indu de la SNCF dirigée contre diverses personnes prises in solidum est irrecevable ; en ce qui concerne le lot n° 34 B, elle vise les sociétés Vinci Construction et Merizan, dont la SNCF considère à tort qu'elles viennent aux droits de la société Dumez ; l'action en nullité étant prescrite, la SNCF est tardive, irrecevable et infondée à agir contre une personne venant aux droits de Dumez ;
- la SNCF est irrecevable à demander la répétition de l'indu sur un fondement quasi-contractuel ; les prestations dont les paiements ont constitué la contrepartie lui ont été utiles ; les infrastructures ont été inscrites à son actif ; leur valeur n'a pas été diminuée ; elle n'ignorait pas l'irrégularité dont elle se prévaut ;
- la SNCF ne justifie pas de manière suffisante du paiement de toutes les sommes dont elle demande la répétition ; les productions relatives aux marchés sont insuffisantes ; la SNCF n'apporte pas la preuve des paiements ; les sommes versées directement aux sous-traitants ne peuvent faire l'objet d'une action en répétition de l'indu ; le chiffrage n'est pas justifié ; la SNCF n'est pas fondée à appliquer un coefficient d'érosion monétaire ;
- la SNCF n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés visées par son action en répétition de l'indu ; cette solidarité ne peut être déduite d'aucun contrat ;
- dans l'hypothèse d'une annulation des marchés litigieux, la SNCF serait tenue de restituer la valeur des infrastructures qui en sont l'objet en vertu du principe de répétition de l'indû consacré par les articles 1376 et suivants du Code civil et ayant valeur constitutionnelle ; s'agissant du lot n° 34 B, Vinci Construction France venant aux droits de Chantiers Modernes et de Dumez/Dumez GTM est fondée à demander la somme à parfaire de 197 685 251,77 euros ; s'agissant du lot n° 37 B, Sogea TPI et Vinci SA venant aux droits de Sogea sont fondées à demander la somme à parfaire de 340 350 375,03 euros, soit 170 175 187,52 euros pour chacune ;
- à titre subsidiaire, la société Vinci Construction France est fondée à réclamer à la SNCF, en cas d'annulation des marchés, le remboursement des dépenses utiles qu'elle a engagées sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les conditions de cet enrichissement étant réunies ; la SNCF ne peut se prévaloir d'un dol ; l'absence d'indemnisation au titre des dépenses utiles engagées constituerait une violation du principe de sécurité juridique, une privation de propriété au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une violation du principe non bis in idem ; elle serait contraire aux principes figurant dans le livre blanc de la commission européenne ; la société Dumez aux droits de laquelle vient la société Vinci Construction France n'ayant pas été condamnée par le conseil de la concurrence, elle ne peut pas être considérée comme l'auteur d'un dol ayant vicié le consentement de la SNCF ;
- l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux est constitutive d'un abus de position dominante ; la SNCF est en situation de monopole sur le marché national du transport ferroviaire de personnes et sur les marchés connexes ; les sociétés du BTP sont en concurrence avec la SNCF sur le marché des travaux d'entretien des infrastructures ferroviaires ; en cas d'annulation des marchés, la SNCF conserverait les subventions qu'elle a reçues ; il s'agirait d'aides illégales ; la SNCF pourrait les utiliser pour des activités dans lesquelles elle est en situation de concurrence ; ces activités sont susceptibles de bénéficier des avantages tirés du monopole historique de la SNCF ; les critères de l'abus de position sont remplis ; la SNCF est en position dominante ; l'action de la SNCF caractérise un abus de position dominante ; elle abuse de sa qualité d'EPIC pour tenter d'échapper aux règles de prescription de droit commun ;
- la société Vinci Construction France est fondée à appeler en garantie, en cas de condamnation à la répétition de l'indu, les autres entreprises défenderesses sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, dès lors que cette condamnation, préjudiciable pour elle, résulterait de la faute commise par ces autres sociétés au titre de l'entente générale et des ententes particulières la mettant en application ;
- l'existence d'un surcoût n'est pas établie pour les lots n° 34 B et 37 B ; pour le lot n° 34 B, seule la véritable offre du groupement de 699 202 213 francs peut être retenue ; le prix de revient retenu par la SNCF de 569 MF ne comporte ni les frais généraux ni la marge ; avec les frais généraux, on déduit un taux de marge de 2,98 % ; l'offre du groupement était 10,1 % inférieur au prix objectif de la SNCF ; le surcoût n'est pas établi ; il ne peut en tout état de cause être calculé sur la base du décompte général et définitif incluant les prix nouveaux, les indemnités extracontractuelles et les révisions de prix ; l'assiette du surcoût serait de 833 370 078 francs ; pour le lot n° 37 B, l'expert de la SNCF compare, au titre de la méthode du différentiel de marge, deux résumés d'études de prix sans rapport entre elles ; l'assiette du surcoût serait de 1 169 657 829 francs ; la méthode des prix objectifs n'est pas recevable car fondée sur les éléments erronés retenus pour le lot n° 34 B ; l'offre initiale de Sogea était inférieur de 2,8 % au prix objectif pour le lot n° 37 B ;
- la SNCF n'a pas intérêt à agir, le dommage ayant été constaté après le 1er janvier 1997, RFF étant devenu maître d'ouvrage ; les décomptes ont été acceptés les 28 février 2000 et 21 février 2001 ; la propriété des ouvrages a été transférée à hauteur de 67,8 % à RPF ; la SNCF ne peut être indemnisée à plus de 32,2 %.
Vinci Construction :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 août 2012, 21 décembre 2012, 5 mars 2013, 30 octobre 2013, 27 décembre 2013, 23 mai 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2014, 19 décembre 2014 et 27 février 2015, la société Vinci Construction, représentée par Me Héber-Suffrin, demande au tribunal :
1°) de rejeter la requête de la SNCF ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la SNCF à lui payer la somme de 170 175 187,52 euros, au titre de la restitution en valeur des infrastructures objets du lot n° 37 B du marché litigieux, et à défaut au titre de l'enrichissement sans cause ;
3°) de limiter l'indemnité accordée à la SNCF à 32,2 % du montant des restitutions ou du préjudice ;
4°) et de condamner, premièrement la société Eiffage SA à hauteur de 26,66 %, deuxièmement les sociétés Bouygues SA, Bouygues Travaux Publics ou Bouygues Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 26,66 % au titre de l'entente générale, et à hauteur de 2 % au titre de l'entente particulière, troisièmement les sociétés Schneider Electric, Spie SA ou Spie Batignolles TPCI, ou subsidiairement les trois solidairement, à hauteur de 2 %, quatrièmement la société Soletanche Bachy France à hauteur de 2 %, cinquièmement les sociétés Eiffage TP, Eiffage Travaux publics ou Eiffage Construction, ou subsidiairement ces trois sociétés solidairement, à hauteur de 2 %, sixièmement la société Fougerolle à hauteur de 2 %, septièmement la société Razel à hauteur de 2 %, et huitièmement la société Montcocol à hauteur de 2 %, à la garantir de toute condamnation au titre de la répétition de l'indu, et à défaut de condamner une ou plusieurs des sociétés précitées, de répartir la condamnation à parts égales entre défenderesses condamnées ;
5°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Vinci Construction soutient que :
- s'agissant de l'action indemnitaire, le juge administratif est incompétent ;
- les comptes de la SNCF ne font état d'aucune diminution de son actif ;
- l'action de la SNCF est prescrite au regard de l'article 2270-1 du Code civil ;
- la SNCF est dépourvue du droit d'agir ;
- le préjudice invoqué n'est pas établi ;
- la société exposante doit être garantie par les autres défenderesses en cas de condamnation ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en nullité de la SNCF fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce ;
- cette action est prescrite ; le délai de prescription de 10 ans de l'article L. 110-4 I du Code de commerce a commencé à courir à la date de signature des marchés en 1993 et a expiré en 2003 ; en tout état de cause, par l'effet de la réforme de 2008, le délai de prescription de 5 ans a expiré au plus tard le 17 juin 2013 ; le délai de prescription n'a pas commencé à courir à la date de la décision du conseil de la concurrence ; la prescription de l'action en nullité pour dol est acquise en tout état de cause en application de l'article 2232 du Code civil, le délai de prescription ne pouvant être porté au-delà de 20 ans à compter de la signature des contrats soit en 2013 ;
- cette action est irrecevable en application de la loi du 13 février 1997 qui prévoit le transfert des biens objets des marchés litigieux de la SNCF à RFF ; les marchés ayant été intégralement exécutés, il n'existe aucune atteinte à la concurrence ; la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ;
- cette action en nullité est mal fondée ; les articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce ne sont pas applicables à une personne publique contractante ; la nullité de plein droit de l'article L. 420-3 ne s'applique pas à un contrat administratif ; l'annulation serait sans effet sur les marchés qui ont été entièrement exécutés ; l'exigence de loyauté et de stabilité des relations contractuelles s'oppose à cette nullité qui porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; les marchés ne comportent aucune clause ayant par elle-même pour effet de placer les entreprises dans une situation d'entente anticoncurrentielle ; la décision du conseil de la concurrence a autorité sur ce point ; le juge administratif n'a pas relevé d'office la nullité des marchés ; la réception des travaux a mis fin aux contrats ; le recours pour excès de pouvoir ne peut plus être exercé dès lors que les contrats ont produit tous leurs effets ; le juge ne peut être saisi que d'un contrat liant les parties sauf à méconnaître le principe de proportionnalité et de sécurité ;
- l'action en nullité fondée sur le dol est prescrite en vertu de l'article 1304 du Code civil ; la découverte du dol est antérieure au 1er janvier 1997 ; le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 4 juillet 1997 date de la constitution de partie civile ; le délai a expiré le 1er janvier 2007 ou le 1er juillet 2007 ; l'action en nullité est également prescrite en vertu de l'article 2232 du Code civil ; s'agissant du lot n° 34 B, l'action est mal dirigée contre Vinci construction et Merizan qui ne viennent pas aux droits de Dumez ;
- la SNCF ne saurait se prévaloir d'une erreur ayant vicié son consentement ; les infrastructures objets des lots n° 34 B et 37 B ne sont affectées d'aucun surcoût ; les comptes sociaux de la SNCF ne reflètent pas ce surcoût ; la signature sans réserve des décomptes généraux et définitifs des lots n° 34 B et 37 B les 21 avril 1999 et 1er octobre 2000 fait obstacle à ce que la SNCF forme ultérieurement une action en nullité pour dol ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en répétition de l'indu de la SNCF, dès lors qu'elle est dirigée contre des personnes privées et repose sur un fondement extracontractuel ; cette action relève donc de la compétence du juge judiciaire, d'autant qu'aucun texte ne donne compétence au juge administratif pour tirer les conséquences, en matière de restitutions réciproques, de l'annulation d'un contrat administratif ;
- l'action en répétition de l'indu de la SNCF dirigée contre diverses personnes prises in solidum est irrecevable ; en ce qui concerne le lot n° 34 B, elle vise les sociétés Vinci Construction France et Merizan, dont la SNCF considère à tort qu'elles viennent aux droits de la société Dumez ; l'action en nullité étant prescrite, la SNCF est tardive, irrecevable et infondée à agir contre une personne venant aux droits de Dumez ;
- la SNCF est irrecevable à demander la répétition de l'indu sur un fondement quasi-contractuel ; les prestations dont les paiements ont constitué la contrepartie lui ont été utiles ; les infrastructures ont été inscrites à son actif ; leur valeur n'a pas été diminuée ; elle n'ignorait pas l'irrégularité dont elle se prévaut ;
- la SNCF ne justifie pas de manière suffisante du paiement de toutes les sommes dont elle demande la répétition ; les productions relatives aux marchés sont insuffisantes ; la SNCF n'apporte pas la preuve des paiements ; les sommes versées directement aux sous-traitants ne peuvent faire l'objet d'une action en répétition de l'indu ; le chiffrage n'est pas justifié ; la SNCF n'est pas fondée à appliquer un coefficient d'érosion monétaire ;
- la SNCF n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés visées par son action en répétition de l'indu ; cette solidarité ne peut être déduite d'aucun contrat ;
- dans l'hypothèse d'une annulation des marchés litigieux, la SNCF serait tenue de restituer la valeur des infrastructures qui en sont l'objet en vertu du principe de répétition de l'indu consacré par les articles 1376 et suivants du Code civil et ayant valeur constitutionnelle ; s'agissant du lot n° 34 B, Vinci Construction France venant aux droits de Chantiers Modernes et de Dumez-Dumez GTM est fondée à demander la somme à parfaire de 197 685 251,77 euros ; s'agissant du lot n° 37 B, Sogea TPI et Vinci SA venant aux droits de Sogea sont fondées à demander la somme à parfaire de 340 350 375,03 euros, soit 170 175 187,52 euros pour chacune ;
- à titre subsidiaire, la société Vinci Construction est fondée à réclamer à la SNCF, en cas d'annulation des marchés, le remboursement des dépenses utiles qu'elle a engagées sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les conditions de cet enrichissement étant réunies ; la SNCF ne peut se prévaloir d'un dol ; l'absence d'indemnisation au titre des dépenses utiles engagées par la société Sogea TPI constituerait une violation du principe de sécurité juridique, une privation de propriété au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une violation du principe non bis in idem ; elle serait contraire aux principes figurant dans le livre blanc de la commission européenne ; la société Vinci Construction n'ayant pas été condamnée par le Conseil de la concurrence, elle ne peut pas être considérée comme l'auteur d'un dol ayant vicié le consentement de la SNCF ;
- l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux est constitutive d'un abus de position dominante ; la SNCF est en situation de monopole sur le marché national du transport ferroviaire de personnes et sur les marchés connexes ; les sociétés du BTP sont en concurrence avec la SNCF sur le marché des travaux d'entretien des infrastructures ferroviaires ; en cas d'annulation des marchés, la SNCF conserverait les subventions qu'elle a reçues ; il s'agirait d'aides illégales ; la SNCF pourrait les utiliser pour des activités dans lesquelles elle est en situation de concurrence ; ces activités sont susceptibles de bénéficier des avantages tirés du monopole historique de la SNCF ; les critères de l'abus de position sont remplis ; la SNCF est en position dominante ; l'action de la SNCF caractérise un abus de position dominante ; elle abuse de sa qualité d'EPIC pour tenter d'échapper aux règles de prescription de droit commun ;
- la société Vinci Construction est fondée à appeler en garantie, en cas de condamnation à la répétition de l'indu, les autres entreprises défenderesses sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, dès lors que cette condamnation, préjudiciable pour elle, résulterait de la faute commise par ces autres sociétés au titre de l'entente générale et des ententes particulières la mettant en application ;
- l'existence d'un surcoût n'est pas établie pour les lots n° 34 B et 37 B ; pour le lot n° 34 B, seule la véritable offre du groupement de 699 202 213 francs peut être retenue ; le prix de revient retenu par la SNCF de 569 MF ne comporte ni les frais généraux ni la marge ; avec les frais généraux, on déduit un taux de marge de 2,98 % ; l'offre du groupement était 10,1 % inférieur au prix objectif de la SNCF ; le surcoût n'est pas établi ; il ne peut en tout état de cause être calculé sur la base du décompte général et définitif incluant les prix nouveaux, les indemnités extracontractuelles et les révisions de prix ; l'assiette du surcoût serait de 833 370 078 francs ; pour le lot n° 37 B, l'expert de la SNCF compare, au titre de la méthode du différentiel de marge, deux résumés d'études de prix sans rapport entre elles ; l'assiette du surcoût serait de 1 169 657 829 francs ; la méthode des prix objectifs n'est pas recevable car fondée sur les éléments erronés retenus pour le lot n° 34 B ; l'offre initiale de Sogea était inférieur de 2,8 % au prix objectif pour le lot n° 37 B ;
- la SNCF n'a pas intérêt à agir, le dommage ayant été constaté après le 1er janvier 1997 et RFF étant devenu maître d'ouvrage ; les décomptes ont été acceptés les 28 février 2000 et 21 février 2001 ; la propriété des ouvrages a été transférée à hauteur de 67,8 % à RFF ; la SNCF ne peut être indemnisée à plus de 32,2 %.
SFIG :
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2014, la société SFIG, venant aux droits de la société Mérizan et représentée par Me Héber-Suffrin, demande au tribunal de la mettre hors de cause et de rejeter l'ensemble des demandes formées contre elle.
La société SFIG soutient qu'elle doit être mise hors de cause ; elle vient aux droits de la société Mérizan, anciennement Dumez, dont elle était l'unique actionnaire et dont elle a repris l'ensemble des actifs le 17 juillet 2014 ; avant de prendre le nom de société Mérizan, la société Dumez a cédé l'ensemble de ses activités de construction, y compris les travaux objets du marché du lot n° 34 B, dont elle était l'un des attributaires originels, par un traité d'apport partiel d'actifs du 7 juin 1994 à la société Dumez-GTM ; par conséquent la société SFIG ne saurait être considérée comme venant aux droits de la société Dumez pour ce qui concerne les marchés litigieux.
Schneider Electric SA :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 avril 2012, 3 décembre 2012, 4 mars 2013, 23 mai 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrées les 10 octobre 2014, 26 février 2015, la société Schneider Electric SA, représentée par Mes Simic et Rios, demande au tribunal :
1°) de la mettre hors de cause ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de la SNCF et les appels en garantie formés à son encontre et à défaut, s'agissant des demandes en restitution de la SNCF, de désigner un expert chargé d'évaluer le montant des dépenses de Spie Batignolles utiles à la SNCF ;
3°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative et de mettre à la charge de chacune des sociétés Vinci SA, Vinci construction France, Vinci Construction SAS, et Sogea Travaux Publics Ile-de-France, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Schneider Electric SA soutient que :
- elle doit être mise hors de cause ; par un apport partiel d'actifs du 19 mai 1995, excluant expressément toute solidarité sur le passif lié à la branche d'activité transférée, conformément à l'article L. 236-21 du Code de commerce, l'ancienne société Spie Batignolles, avant de devenir Schneider Electric SA, a apporté à la nouvelle société Spie Batignolles la branche d'activité génie civil, concernée par les pratiques anticoncurrentielles alléguées ; cette branche a ensuite été apportée à la société Spie Batignolles TP puis à la société Spie Batignolles TPCI par deux autres traités d'apport ; seule Spie Batignolles TPCI se trouve aux droits de l'ancienne société Spie Batignolles ; la condamnation de Schneider Electric SA par le Conseil de la concurrence n'implique pas qu'elle soit mise en cause s'agissant des conséquences indemnitaires, la sanction des pratiques anticoncurrentielles étant régie par un principe de personnalité des peines similaire au droit pénal, et étant donc indifférent aux opérations ultérieures de cession d'actifs, contrairement au droit commun de la responsabilité civile ; la jurisprudence a confirmé cette analyse ;
- l'action de la SNCF dirigée contre Schneider Electric SA est abusive, dès lors qu'elle n'a pas cherché à la diriger contre la seule société venant réellement aux droits de l'ancienne société Spie Batignolles, et s'est obstinée à maintenir Schneider Electric SA dans la cause, y compris lorsqu'elle a présenté de nouvelles demandes en nullité des marchés litigieux ;
- l'article L. 420-3 du Code de commerce n'est pas applicable aux marchés litigieux ; d'une part, lesdits marchés ne participent pas, par eux-mêmes, à une entente anticoncurrentielle susceptible d'être sanctionnée sur ce fondement ; d'autre part, l'action en nullité visant un marché concerné par une entente anticoncurrentielle peut seulement être fondée sur le dol conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat ; une action en nullité absolue n'est pas envisageable ;
- l'action en nullité de la SNCF des marchés litigieux est prescrite ; elle a été introduite le 1er juillet 2014 ; soit elle est fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce, auquel cas le délai de prescription applicable, initialement fixé à trente ans par l'article 2262 du Code civil et désormais à cinq ans par le nouvel article 2224 du Code civil a expiré au plus tard le 19 juin 2013, soit elle est fondée sur l'article 1116 du Code civil, auquel cas, le délai de prescription applicable, également fixé à cinq ans par l'article 1304 du Code civil, a expiré au plus tard le 4 juillet 2002 ; si l'on admet que le délai de prescription a commencé à courir à compter de la décision du conseil de la concurrence, il n'a en tout état de cause pas couru à compter de la publication des arrêts de la Cour de cassation ;
- la SNCF ne justifie pas du montant des restitutions dont elle se prévaut en cas de nullité des marchés litigieux ; d'une part, le principe du nominalisme monétaire s'oppose à ce que les sommes restituées soient augmentées du coefficient d'érosion monétaire et d'autre part, une partie des sommes réglées aux cocontractants de la SNCF a en réalité été payée par RFF ; en vertu de la loi du 13 février 1997, de son décret d'application du 5 mai 1997 et de la convention de mandat du 29 octobre 1998, la charge financière d'une partie des travaux des lots n° 34 B et 37 B a été transférée à RFF ; la SNCF ne peut obtenir la restitution de l'intégralité des sommes versées à ses cocontractants dès lors qu'elle n'établit pas avoir effectivement versé ces sommes ;
- dans l'hypothèse d'une annulation des marchés, les cocontractants de la SNCF auraient droit à la répétition des dépenses utiles qu'ils ont engagées en vertu du principe de l'enrichissement sans cause ; si la jurisprudence "Tête" et "Decaux" exclut le remboursement des dépenses utiles lorsque le consentement de l'administration est vicié, en l'espèce, le dol de l'ancienne société Spie Batignolles n'est pas établi et cette jurisprudence n'est pas applicable lorsque l'administration sollicite le remboursement des sommes versées au titre de la répétition de l'indu ;
- la SNCF n'est pas fondée à appeler la société Schneider Electric SA en garantie des restitutions liées à l'annulation du lot n° 34 B ; la faute de Spie Batignolles et l'existence d'un préjudice ne sont pas établies ; des sociétés tierces aux marchés ne peuvent être appelées à garantir les restitutions sauf insolvabilité du cocontractant qui n'est pas établie ;
- l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est prescrite ; fixé à dix ans par l'ancien article 2270-1 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir le jour de la constitution de partie civile de la SNCF, soit le 4 juillet 1997, date à laquelle la SNCF avait connaissance du dommage, pour expirer le 4 juillet 2007 ; la SNCF n'est pas fondée à soutenir qu'elle a eu connaissance du dommage à la date de la décision du Conseil de la concurrence ou à la date de l'arrêt de la Cour de cassation confirmant définitivement la sanction des pratiques anticoncurrentielles ; la plainte n'étant pas dirigée contre Schneider, cet arrêt n'a pas interrompu le délai de prescription ; cette plainte ayant donné lieu à une ordonnance constatant la prescription de l'action publique, l'interruption doit être regardée comme non avenue ; l'autosaisine du Conseil de la concurrence n'a pas davantage interrompu la prescription ;
- Schneider Electric SA ne peut se voir imputer aucune faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle ; la décision du Conseil de la concurrence condamnant Schneider pour entente sur les deux lots ne suffit pas à établir sa faute ; cette décision n'a pas autorité de chose jugée ; Schneider n'a pas fait appel de cette décision devant la Cour d'appel de Paris ; elle a cherché à être mise hors de cause ; elle ne disposait d'aucun indice de la participation de Spie Batignolles aux ententes ; pour le lot n° 34 B, la société Spie Batignolles n'a pas participé à l'entente générale et à l'entente concernant ce lot ou à une table "Météor-Eole" ; le montant de l'offre du groupement auquel elle appartenait a pu être transmis par une autre société ; pour le lot n° 37 B, la seule mention de Spie Batignolles sur un cahier de notes ne suffit pas à établir sa participation à une entente ; sa participation à des réunions antérieures à l'attribution sur le montant des offres n'est pas établie ;
- la SNCF n'établit pas l'existence d'un préjudice ; elle n'établit pas l'absence de répercussion des surcoûts sur les tarifs pratiqués auprès des usagers ainsi que l'impossibilité de procéder à cette répercussion, d'autant qu'il apparaît que cette dernière constitue une pratique courante de la SNCF ;
- la SNCF ne justifie pas le montant du préjudice allégué ; seul RFF supporterait un surcoût puisque les biens objets des travaux lui ont été transférés ; ces surcoûts seraient supportés par l'Etat et la région d'Ile-de-France qui ont participé au financement des travaux ; en tout état de cause, le rapport d'expertise de la SNCF, établi non contradictoirement, ne permet pas de justifier du préjudice allégué pour aucun des deux lots ; le tableau utilisé par l'expert pour le lot n° 34 B se fonde sur des données incomplètes ; il n'est pas établit que le prix de revient qu'il comporte correspond à un prix de revient complet ; il n'établit pas que le taux de marge de 2 % serait un taux normal pour ces travaux ; le taux de marge indue ne peut être appliqué sur la totalité du décompte ; s'agissant du lot n° 37 B, il avance un prix normal du marché contestable ; le prix total de ce lot est de 971 millions de francs ; le taux de marge indue ne peut être appliqué à la totalité du décompte général définitif qui comprend des sommes sans rapport avec les faits d'ententes anticoncurrentielles ;
- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître des appels en garantie des autres sociétés défenderesses dirigés contre Schneider Electric SA, qui est liée avec elles par un lien de droit privé.
Soletanche Bachy France :
Par des mémoires, enregistrés les 21 août 2012, 4 mars 2013, 30 décembre 2013, 13 mai 2014, un mémoire récapitulatif et un mémoire, enregistrés les 9 octobre 2014, et 18 février 2015, la société Soletanche Bachy France, représentée par Me Otto, demande au tribunal :
1°) de rejeter les conclusions présentées à son encontre par la SNCF ;
2°) à titre subsidiaire, ordonner à la SNCF de produire tous éléments nécessaires à l'appréciation du bien-fondé de ses prétentions et prescrire une mesure d'expertise ;
3°) de rejeter les appels en garantie dirigés contre elle ;
4°) de condamner solidairement ou à défaut in solidum les sociétés Bouygues, Vinci Construction venant aux droits de la société Dumez GTM, Schneider Electric SA venant aux droits de la société Spie Batignolles, Spie SA venant aux droits de la société Spie Batignolles, Spie Batignolles TPCI venant aux droits de la société Spie Batignolles et Sogea Travaux Publics Ile-de-France "TPI" à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
5°) de condamner la SNCF à payer une amende de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du Code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Soletanche Bachy France soutient que :
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir au regard de la loi du 13 février 1997 ; les ouvrages du lot n° 37 B ont été achevés après le 1er janvier 1997 ; il s'agit d'ouvrages complexes ; la SNCF n'établit pas en être propriétaire ou maître d'ouvrage ; les décomptes généraux et définitifs ont été signés après le 1er janvier 1997 ; le dommage n'a pas été constaté avant le 1er janvier 1997 ;
- l'action en nullité des marchés litigieux sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce est prescrite ; elle n'a été introduite que le 1er juillet 2014 ; le délai de prescription est de cinq ans aux termes des dispositions de l'article 2224 du Code civil résultant de la loi du 17 juin 2008 ; ce délai est applicable aux personnes publiques ;
- l'action en nullité des marchés litigieux sur le fondement du dol est également prescrite ; elle n'a été introduite que le 1er juillet 2014 ; le délai de prescription est de cinq ans aux termes des dispositions de l'article 1304 du Code civil ; la SNCF a eu une connaissance certaine des manœuvres dolosives dès fin 1995, ou lors du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile le 4 juillet 1997 et au plus tard le 21 mars 2006, date de la décision du Conseil de la concurrence ;
- la demande principale de la SNCF tendant à ce que la société Soletanche Bachy France garantisse la SNCF d'une partie du montant de la restitution des sommes versées au titre des marchés litigieux est irrecevable ; cette action en garantie, fondée sur la responsabilité extra-contractuelle, serait subordonnée à l'existence d'un préjudice constitué par l'absence de restitution totale, lequel n'est pas né, actuel et certain, faute pour ladite restitution d'être impossible ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action en responsabilité quasi-délictuelle de la SNCF contre une personne morale de droit privé avec laquelle elle n'a aucun lien contractuel ; le litige n'est pas relatif, en lui-même, à un travail public ;
- la demande subsidiaire de la SNCF fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle est prescrite au regard de l'ancien article 2270-1 du Code civil remplacé par l'article 2224 du même Code par la loi du 17 juin 2008 ; le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 4 juillet 1997 ; à cette date, la SNCF avait connaissance de la manifestation du dommage ; si la plainte du 4 juillet 1997 a interrompu la prescription les effets interruptifs de la prescription ne se sont pas produits jusqu'au 26 novembre 2002, date de l'ordonnance constatant l'extinction de l'action publique ; la procédure devant le Conseil de la concurrence n'a pas interrompu la prescription ;
- l'acceptation sans observation ni réserve par la SNCF le 21 février 2001 du compte-rendu de liquidation des marchés de travaux et l'acceptation du décompte général définitif du marché relatif au lot n° 37 B le 12 octobre 2000, doit être regardée comme emportant la renonciation expresse de la SNCF à son action indemnitaire, qui est par conséquent irrecevable quel qu'en soit son fondement ;
- le préjudice dont la SNCF demande réparation n'est pas établi ; le seul constat d'une entente par le Conseil de la concurrence ne suffit pas à prouver l'existence d'un préjudice ; la SNCF n'établit pas que le préjudice allégué a affecté son propre patrimoine, les infrastructures du lot n° 37 B ayant été transférées à RFF en vertu de la loi du 13 février 1997 ; le marché litigieux n'a pas été financé sur les fonds propres de la SNCF ; 20 % de l'opération a été financée par des emprunts ; la SNCF n'a supporté qu'une quote-part limitée de l'investissement ; elle a reçu une indemnité compensatrice du STIF ; le surcoût éventuel du marché a été répercuté sur les tarifs pratiqués par la SNCF ; la dette de la SNCF a été partiellement transférée au service annexe d'amortissement de la dette avant d'être reprise par l'Etat ; le montant de la réparation ne saurait être celui qu'invoque la SNCF, tant du point de vue du montant du préjudice que de sa quote part réellement supportée par cette dernière ; SNCF et RFF ont supporté directement 4 % de l'investissement ; la SNCF a obtenu des prêts bonifiés de la région à hauteur de 18 % ; l'existence d'une surmage de 141 911 747 francs, soit 14,95 % du lot n° 37 B n'est pas établie ; la surmarge est tout au plus de 21 626 253 francs ou 3 296 901 euros, soit le montant de l'offre retenue moins celui de l'offre normale ; en prenant en compte la quote part de 4 % réellement financée par la SNCF, son préjudice s'établit à seulement 131 876 euros ; le préjudice doit être apprécié à la date de remise de l'offre sans tenir compte de l'indemnité extracontractuelle et des prix nouveaux ; d'autant qu'un rapport d'expertise diligenté par les sociétés du groupe Vinci a mis en évidence les incohérences du chiffrage du préjudice de la SNCF par l'expert de cette dernière ;
- la société Soletanche Bachy France ne saurait être condamnée solidairement avec les autres sociétés défenderesses ; les pratiques anticoncurrentielles établies par le Conseil de la concurrence sont distinctes et ne sont pas liées de manière indivisible ; la société Soletanche Bachy France ne faisait pas partie de l'un des groupements titulaires des lots n° 34 B et 37 B ; elle n'a donc été partie à aucun des contrats litigieux ; elle n'était pas la filiale de l'un des trois groupes visés au titre de l'entente générale ;
- les appels en garantie des sociétés Vinci Construction France, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Vinci Construction et Vinci SA ne sauraient prospérer ; le juge administratif est incompétent pour connaître de telles actions fondées sur un litige relatif à des pratiques anticoncurrentielles et non sur des opérations de travaux publics ;
- à titre subsidiaire, la société Soletanche Bachy France est fondée à demander au tribunal le partage des responsabilités entre elle-même et les autres entreprises susceptibles d'être condamnées, et à défaut, d'être intégralement garantie par ces dernières ;
- la carence de la SNCF à prouver le bien-fondé de ses prétentions justifie qu'il lui soit ordonné de produire toutes les pièces prouvant son intérêt à agir, ainsi que celles permettant d'établir les surcoûts dans le règlement des marchés litigieux, et que dans un second temps il soit ordonné un complément d'expertise permettant d'établir le périmètre des biens de la SNCF transférés à RFF en vertu de la loi précitée du 13 février 1997, ainsi que le mode de financement des travaux objets des lots n° 34 B et 37 B ;
- la requête de la SNCF est abusive ; elle ne démontre pas le bien-fondé de son action et succombe dans l'administration de la preuve dont elle a la charge, contrevenant ainsi aux exigences du débat contradictoire, telles que notamment rappelées par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Spie Batignolles TPCI :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 août 2012 et les 6 mars 2013, un mémoire récapitulatif et un mémoire, enregistrés les 10 octobre 2014 et 26 février 2015, la société Spie Batignolles TPCI, représentée par Me Normand-Bodard, demande au tribunal :
1°) de rejeter les conclusions présentées par la SNCF ainsi que les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, d'une part, de désigner un expert chargé d'apprécier s'il existe un surcoût par rapport au prix effectivement payé par la SNCF et de déterminer le montant des dépenses utiles à la SNCF devant être remboursées par elle, et, d'autre part, d'ordonner à la SNCF de produire l'ensemble des dossiers des lots n° 34 B et 37 B du projet Eole, à son financement et aux prêts consentis à la SNCF par la région Ile-de-France ;
3°) de condamner les sociétés Vinci Construction, Vinci Construction France, Vinci SA, Chantiers Modernes, Bouygues SA, Bouygues TP, Bouygues Construction, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP Ile-de-France, TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle et Razel à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 50 000 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Spie Batignolles TPCI soutient que :
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ; la loi du 13 février 1997 a procédé à un transfert à RFF de la propriété des ouvrages objets des marchés litigieux ; les dommages ont été constatés après le 1er janvier 1997 ; la plainte avec constitution de partie civile a été formée le 4 juillet 1997 ; les travaux se sont poursuivis après le 1er janvier 1997 et les décomptes généraux et définitifs n'ont été signés qu'en 1999 et 2000 ; la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre du 21 décembre 1998 ne fait pas apparaître que la SNCF a gardé la pleine propriété des gares mais seulement de certaines parties de celles-ci ;
- l'action en nullité fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce est prescrite ; régi par l'article 2224 du Code civil résultant de la loi du 17 juin 2008, le délai de droit commun de prescription de cinq ans a commencé à courir lors de l'entrée en vigueur de la loi le 19 juin 2008 ; il était expiré le 1er juillet 2014 ; l'action en nullité pour dol obéit également à un délai de prescription de cinq ans en vertu de l'article 1304 du Code civil ; le dol était connu de la SNCF bien plus de cinq ans avant le 1er juillet 2014 ; l'existence d'une première décision de justice ou d'une décision définitive n'est pas nécessaire pour faire courir le délai de prescription ;
- l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est également prescrite, dès lors que d'une part, elle a été engagée le 14 mars 2011, et que d'autre part, fixé à 10 ans par l'ancien article 2270-1 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir à la date de manifestation du dommage, qui ne saurait être postérieure à son audition par le juge d'instruction le 2 juillet 1997 suivie de sa plainte le 4 juillet 1997, sans que cet événement ne puisse être considéré comme ayant interrompu le délai de prescription dès lors que l'action pénale a été regardée prescrite par l'ordonnance du 26 novembre 2002 ; la prescription est acquise depuis le 4 juillet 2007 ;
- la demande de la SNCF est irrecevable, dès lors que les décomptes généraux définitifs des marchés litigieux ont été signés par elle le 30 avril 1999 pour le lot n° 34 B, et le 17 octobre 2000 pour le lot n° 37 B ; ces décomptes sont intangibles ; à ces dates, elle avait parfaitement connaissance des pratiques anticoncurrentielles ; la SNCF a accepté de payer des sommes sensiblement supérieures aux prix initiaux ; elle s'est constituée partie civile ; elle a conclu avec ses cocontractants des avenants, notamment un avenant le 19 décembre 1997 comportant un désistement d'instance et d'action ;
- la SNCF n'est pas fondée à demander la nullité des marchés litigieux sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce, dès lors que d'une part, cette disposition est inapplicable aux marchés litigieux qui n'ont pas eu pour effet ou pour objet de fausser la concurrence, et d'autre part, quand bien même elle leur serait applicable, la sanction de nullité porterait atteinte aux principes communautaires de proportionnalité, de loyauté et de stabilité des relations contractuelles, ainsi qu'à l'intérêt général de manière excessive ;
- quand bien même la nullité des marchés serait prononcée, les entreprises ayant exécuté les travaux seraient fondées à demander le remboursement des dépenses utiles qu'elles ont engagées, dépenses qui viendraient compenser la restitution à la SNCF du prix des marchés et qui devraient être déterminées par expertise ;
- la SNCF n'est pas fondée à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Spie Batignolles TPCI, dès lors que cette dernière n'a pas été condamnée pour des pratiques anticoncurrentielles portant sur les lots n° 34 B et 37 B ;
- le préjudice dont se prévaut la SNCF n'est pas établi, dès lors que l'existence d'une entente et le dommage à l'économie constaté par le conseil de la concurrence ne sauraient se confondre avec un préjudice propre à la SNCF ; son préjudice n'est pas certain ; le rapport établi par son expert n'est pas probant dès lors qu'il n'a pas été établi de manière contradictoire ; pour le lot n° 34 B, le prix de revient de 569 millions de francs calculé par l'expert n'est pas certain ; la SNCF a négocié avec le groupement retenu ; le montant de l'offre a été ramené à 670 millions de francs ; le montant du décompte général et définitif ne peut être retenu ; pour le lot n° 37 B, la SNCF procède à tort par extrapolation ; elle a négocié avec le groupement retenu ; le montant du décompte ne peut être pris en compte ;
- le préjudice dont se prévaut la SNCF ne lui est pas personnel ; les surcoûts ont nécessairement été répercutés sur les tarifs facturés aux usagers ; les travaux ont été subventionnés et la SNCF et RFF n'ont supporté que 5 % ; RFF a supporté la plus large part ainsi qu'il ressort de la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre conclue entre SNCF et RFF ;
- si le tribunal reconnaissait l'existence d'un préjudice propre à la SNCF, il conviendrait de nommer un expert afin de déterminer l'éventuelle existence d'un surcoût pour les lots n° 34 B et 37 B du projet Eole, et d'ordonner à la SNCF de produire les pièces nécessaires à ce complément d'instruction ;
- la SNCF n'est pas fondée à réclamer la condamnation solidaire de la société Spie Batignolles TPCI dès lors qu'elle ne fait pas partie des groupements attributaires des lots n° 34 B et 37 B et n'a pas participé aux travaux ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître des appels en garantie formés à l'encontre de la société Spie Batignolles TPCI, dès lors que de tels appels en garantie formés entre des sociétés de droit privé liées entre elles par des contrats de droit privé relèvent du juge judiciaire ; la preuve d'une faute de la société Spie Batignolles TPCI n'est pas apportée ;
- si le tribunal se déclare compétent pour statuer sur de tels appels en garantie, il devrait alors condamner les sociétés Vinci construction, Vinci construction France, Vinci SA, Chantiers modernes, Bouygues SA, Bouygues TP, Bouygues Construction, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP Ile-de-France, TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle et Razel à garantir la société Spie Batignolles TPCI de toute condamnation prononcée à son encontre.
Spie Opérations :
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 août 2012, 6 mars 2013, 30 décembre 2013, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 10 octobre 2014, la société Spie Opérations, anciennement dénommée Spie SA, représentée par Me Normand-Bodard, demande au tribunal :
1°) de rejeter les conclusions présentées par la SNCF ainsi que les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, d'une part, de désigner un expert chargé d'apprécier s'il existe un surcoût par rapport au prix effectivement payé par la SNCF et de déterminer le montant des dépenses utiles à la SNCF devant être remboursées par elle, et, d'autre part, d'ordonner à la SNCF de produire l'ensemble des dossiers des lots n° 34 B et 37 B du projet Eole, à son financement et aux prêts consentis à la SNCF par la région Ile-de-France ;
3°) de condamner les sociétés Vinci Construction, Vinci Construction France, Vinci SA, Chantiers Modernes, Bouygues SA, Bouygues TP, Bouygues Construction, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP Ile-de-France, TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle et Razel à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 50 000 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Spie Opérations soutient que :
- elle doit être mise hors de cause, dès lors que d'une part, elle ne vient pas aux droits de l'ancienne société Spie Batignolles, qui a participé à l'appel d'offres du lot n° 34 B et qui a été attributaire du lot n° 37 B, contrairement à la société Spie Batignolles TPCI, laquelle détient, au terme d'opérations d'apports partiels d'actifs successives, la branche d'activité dont relèvent les travaux objets des marchés litigieux, et que d'autre part la société Spie Opérations, anciennement dénommée Spie SA, n'a pas été mise en cause au titre des pratiques anticoncurrentielles ayant entaché la passation desdits marchés ; la jurisprudence a déjà eu l'occasion de la mettre hors de cause ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ; la loi du 13 février 1997 a procédé à un transfert à RPF de la propriété des ouvrages objets des marchés litigieux ; les dommages ont été constatés après le 1er janvier 1997 ; la plainte avec constitution de partie civile a été formée le 4 juillet 1997 ; les travaux se sont poursuivis après le 1er janvier 1997 et les décomptes généraux et définitifs n'ont été signés qu'en 1999 et 2000 ; la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre du 21 décembre 1998 ne fait pas apparaître que la SNCF a gardé la pleine propriété des gares mais seulement de certaines parties de celles-ci ;
- l'action en nullité fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce est prescrite ; régi par l'article 2224 du Code civil résultant de la loi du 17 juin 2008, le délai de droit commun de prescription de cinq ans a commencé à courir lors de l'entrée en vigueur de la loi le 19 juin 2008 ; il était expiré le 1er juillet 2014 ; l'action en nullité pour dol obéit également à un délai de prescription de cinq ans en vertu de l'article 1304 du Code civil ; le dol était connu de la SNCF bien plus de cinq ans avant le 1er juillet 2014 ; l'existence d'une première décision de justice ou d'une décision définitive n'est pas nécessaire pour faire courir le délai de prescription ;
- l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est également prescrite, dès lors que d'une part, elle a été engagée le 14 mars 2011, et que d'autre part, fixé à 10 ans par l'ancien article 2270-1 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir à la date de manifestation du dommage, qui ne saurait être postérieure à son audition par le juge d'instruction le 2 juillet 1997 suivie de sa plainte le 4 juillet 1997, sans que cet événement ne puisse être considéré comme ayant interrompu le délai de prescription dès lors que l'action pénale a été regardée prescrite par l'ordonnance du 26 novembre 2002 ; la prescription est acquise depuis le 4 juillet 2007 ;
- la demande de la SNCF est irrecevable, dès lors que les décomptes généraux définitifs des marchés litigieux ont été signés par elle le 30 avril 1999 pour le lot n° 34 B, et le 17 octobre 2000 pour le lot n° 37 B ; ces décomptes sont intangibles ; à ces dates, elle avait parfaitement connaissance des pratiques anticoncurrentielles ; la SNCF a accepté de payer des sommes sensiblement supérieures aux prix initiaux ; elle s'est constituée partie civile ; elle a conclu avec ses cocontractants des avenants, notamment un avenant le 19 décembre 1997 comportant un désistement d'instance et d'action ;
- la SNCF n'est pas fondée à demander la nullité des marchés litigieux ; c'est à tort que Spie SA est mise en cause pour la nullité du lot n° 37 B ; l'action en nullité ne peut être fondée sur l'article L. 420-3 du Code de commerce ; d'une part, cette disposition est inapplicable aux marchés litigieux qui n'ont pas eu pour effet ou pour objet de fausser la concurrence ; d'autre part, quand bien même elle leur serait applicable, la sanction de nullité porterait atteinte aux principes communautaires de proportionnalité, de loyauté et de stabilité des relations contractuelles, ainsi qu'à l'intérêt général de manière excessive ;
- quand bien même la nullité des marchés serait prononcée, les entreprises ayant exécuté les travaux seraient fondées à demander le remboursement des dépenses utiles qu'elles ont engagées, dépenses qui viendraient compenser la restitution à la SNCF du prix des marchés et qui devraient être déterminées par expertise ;
- la SNCF n'est pas fondée à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Spie SA, dès lors que cette dernière ne vient pas aux droits de l'ancienne société Spie Batignolles n'a pas été condamnée pour des pratiques anticoncurrentielles portant sur les lots n° 34 B et 37 B ;
- le préjudice dont se prévaut la SNCF n'est pas établi, dès lors que l'existence d'une entente et le dommage à l'économie constaté par le conseil de la concurrence ne sauraient se confondre avec une préjudice propre à la SNCF ; son préjudice n'est pas certain ; le rapport établi par son expert n'est pas probant dès lors qu'il n'a pas été établi de manière contradictoire ; pour le lot n° 34 B, le prix de revient de 569 millions de francs calculé par l'expert n'est pas certain ; la SNCF a négocié avec le groupement retenu ; le montant de l'offre a été ramené à 670 millions de francs ; le montant du décompte général et définitif ne peut être retenu ; pour le lot n° 37 B, la SNCF procède à tort par extrapolation ; elle a négocié avec le groupement retenu ; le montant du décompte ne peut être pris en compte ;
- le préjudice dont se prévaut la SNCF ne lui est pas personnel ; les surcoûts ont nécessairement été répercutés sur les tarifs facturés aux usagers ; les travaux ont été subventionnés et la SNCF et RFF n'ont supporté que 5 % ; RFF a supporté la plus large part ainsi qu'il ressort de la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre conclue entre SNCF et RFF ;
- si le tribunal reconnaissait l'existence d'un préjudice propre à la SNCF, il conviendrait de nommer un expert afin de déterminer l'éventuelle existence d'un surcoût pour les lots n° 34 B et 37 B du projet Eole, et d'ordonner à la SNCF de produire les pièces nécessaires à ce complément d'instruction ;
- la SNCF n'est pas fondée à réclamer la condamnation solidaire de la société Spie SA dès lors qu'elle ne fait pas partie des groupements attributaires des lots n° 34 B et 37 B et n'a pas participé aux travaux ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître des appels en garantie formés à l'encontre de la société Spie SA, dès lors que de tels appels en garantie formés entre des sociétés de droit privé liées entre elles par des contrats de droit privé relèvent du juge judiciaire ; la preuve d'une faute de la société Spie SA n'est pas apportée ;
- si le tribunal se déclare compétent pour statuer sur de tels appels en garantie, il devrait alors condamner les sociétés Vinci construction, Vinci construction France, Vinci SA, Chantiers modernes, Bouygues SA, Bouygues TP, Bouygues Construction, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP Ile-de-France, TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle et Razel à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Razel-Bec :
Par des mémoires, enregistrés les 31 août 2012, 5 mars 2013, 2 janvier 2014, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 8 octobre 2014, la société Razel-Bec, venant aux droits de la société Pico, représentée par Me Molas, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de la SNCF tendant à l'annulation du marché constitué par le lot n° 37 B en tant que cette action est prescrite et, à titre subsidiaire, de la mettre hors de cause ;
2°) de constater qu'aucune demande n'est présentée par la SNCF à son encontre en ce qui concerne l'action en responsabilité quasi-délictuelle ;
3°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Razel-Bec soutient que :
- elle est exclue des conclusions de la SNCF au titre des demandes de condamnation fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle ;
- l'action en nullité des marchés litigieux pour dol est prescrite, dès lors que, distincte de l'action en responsabilité quasi-délictuelle, elle n'a été introduite que le 1er juillet 2014 ; le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 21 mars 2006, date de la décision précitée du Conseil de la concurrence ; il a expiré cinq ans plus tard, conformément aux dispositions de l'article 1304 du Code civil ;
- sa mise hors de cause s'impose, dès lors que la société Razel-Bec n'a pas soumissionné à l'appel d'offres relatif aux marchés litigieux et n'a pas conclu ces derniers avec la SNCF ; son intégration au sein de la société en participation formée par les attributaires du lot n° 37 B s'est faite un an après la remise des offres, sans que cela se traduise par une majoration du montant du marché ; elle n'a pas été poursuivie par le conseil de la concurrence au titre de pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'avoir lésé la SNCF ;
- en l'absence de faute, l'appel en garantie des sociétés Chantiers modernes et Sogea TPI doit être rejeté.
Eiffage SA :
Par des mémoires, enregistrés les 31 août 2012, 12 février 2013, 30 octobre 2013, 3 janvier 2014, 26 mai 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 22 décembre 2014, 26 février 2015 et 19 mai 2015, la société Eiffage SA, représentée par Me Selnet, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de rejeter les conclusions à fin d'annulation et les conclusions indemnitaires de la SNCF des marchés litigieux et de rejeter les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) de mettre solidairement à la charge de la SNCF, de la société Chantiers Modernes SAS et de la société Sogea TPI la somme de 100 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour déterminer l'existence, et le cas échéant le montant des surfacturations pratiquées par les défendeurs ainsi que la part des droits et actions transférés par la SNCF à RFF en application de la loi du 13 février 1997 ;
4°) à défaut, de condamner solidairement l'ensemble des autres sociétés défenderesses à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre.
La société Eiffage SA soutient que :
- la SNCF est dépourvue de qualité et/ou d'intérêt à agir ; la loi du 13 février 1997 a procédé à un transfert à RFF des droits et obligations relatifs aux actifs objets des marchés litigieux ; le dommage a été constaté après le 1er janvier 1997 ; la convention de mandat du 21 décembre 1998 conclue entre SNCF et RFF ne permet pas de conforter sa position ; cette convention n'est plus applicable ;
- l'action en nullité des marchés litigieux pour dol est prescrite ; fixé à cinq ans par l'article 1304 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir à la découverte du vice du consentement, à savoir le 4 juillet 1997, date à laquelle la SNCF s'est constituée partie civile ; la procédure devant le Conseil de la concurrence n'a pas suspendu ou interrompu la prescription ; le délai de prescription a expiré le 5 juillet 2002 ;
- l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce est prescrite ; elle n'a été engagée que le 1er juillet 2014 ; malgré l'abrogation de l'ancien article 2227 du Code civil par la loi du 17 juin 2008, le nouvel article 2224 du même Code a fixé le nouveau délai de prescription applicable en l'espèce à cinq ans contre trente auparavant, ce qui a entraîné une prescription de cette action en nullité le 19 juin 2013 au plus tard ;
- les conclusions de la SNCF tendant à ce qu'Eiffage SA, sur un fondement quasi-délictuel, garantisse les entreprises condamnées à restituer les sommes perçues en raison de l'annulation des marchés litigieux, sont mal fondées ; Eiffage SA est un tiers à ces marchés ; la SNCF ne rapporte pas la preuve d'un préjudice actuel et certain ; les actions en restitution et en indemnisation sont incompatibles entre elles ; un tiers au contrat ne peut être appelé à garantir la restitution qu'en cas d'insolvabilité du débiteur ; faute de preuve de l'existence d'un dommage, la demande de garantie contre Eiffage SA doit être rejetée ;
- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de l'action de la SNCF en responsabilité extracontractuelle, dès lors qu'Eiffage SA est une personne morale de droit privé et n'a ni contracté avec la SNCF ni participé à la procédure de passation des marchés litigieux ; il est également incompétent pour connaître des appels en garanties formés entre elles par les sociétés défenderesses, personnes de droit privé liées entre elles par des contrats de droit privé ;
- l'action indemnitaire de la SNCF est prescrite depuis le 5 juillet 2007, dès lors que, fixé à dix ans par l'ancien article 2270-1 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir le 4 juillet 1997, date à laquelle la SNCF a manifesté sa connaissance de son dommage par sa constitution de partie civile, sans que cette dernière ou encore l'auto-saisine du Conseil de la concurrence ne puissent être considérés comme ayant eu un effet interruptif du délai de prescription ;
- la SNCF n'établit pas l'existence d'un lien direct et certain entre la faute reprochée à Eiffage SA et le surprix des lots n° 34 B et 37 B ; le Conseil de la concurrence ayant constaté, dans sa décision du 26 mars 2006, une entente de répartition et non une entente de prix, l'existence d'un surcoût des marchés litigieux n'est pas avérée ; Eiffage SA et ses filiales ont seulement été condamnées au titre de l'entente générale et pas au titre de l'entente particulière aux lots n° 34 B et 37 B ; la SNCF n'établit pas le caractère direct du lien de causalité qui existerait entre les actes fautifs occasionnés par les diverses ententes, et le dommage particulier dont se prévaut la SNCF ;
- le préjudice n'est pas établi ; il ne peut se déduire de considérations théoriques ; le Conseil de la concurrence a seulement constaté l'existence d'une entente de répartition des marchés et non une entente sur les prix ; le protocole d'accord et l'avenant signés par la SNCF postérieurement à sa constitution de partie civile pour le lot n° 37 B montre qu'elle n'a pas subi de préjudice pour ce lot ; l'absence de préjudice se déduit également de la signature des décomptes généraux définitifs des lots n° 34 B et 37 B ; enfin la SNCF s'est gardée de quantifier le partage des actifs avec RFF ;
- l'évaluation de son préjudice par la SNCF, notamment sur la base du rapport de son expert, est contestable, dès lors qu'elle confond le prix d'attribution des marchés et le prix effectivement payé aux entreprises attributaires ; elle n'a pas pris en compte les investissements d'infrastructures ferroviaires transférés à RFF ; le différentiel de marge retenu pour le lot n° 34 B est erroné ; si l'on retient la méthodologie de l'expert, la marge sur coût de revient doit être ramenée de 23,88 % à 17,75 % ; le préjudice doit être ramené de 25 769 323 euros à 13 595 088 euros ; le calcul effectué par l'expert de la SNCF repose sur le postulat que le décompte général et définitif comporte la même surévaluation que les prix de base et que le prix de revient figurant dans la décision du Conseil de la concurrence est un coût de revient complet ; pour le lot n° 37 B, la SNCF n'a pas tenu compte du prix auquel le marché a été traité ; selon la méthodologie de la SNCF, le prix "normal" doit être comparé avec celui de la tranche ferme de la lettre de commande de Sogea ; le différentiel de marge serait alors de 5 040 033 euros, soit environ 2 % ; c'est à tort que le calcul de l'expert est effectué par rapport au montant de l'offre d'un concurrent de l'attributaire supposé avoir déposé une offre de couverture ; c'est à tort que la majoration supposée est appliquée à la totalité du décompte général et définitif ; le préjudice n'est pas davantage établi par la méthode des "prix objectifs" ; c'est à tort qu'il retient le taux de marge indue du lot n° 34 B ;
- s'il était fait droit aux prétentions de la SNCF à l'encontre d'Eiffage SA, cette dernière est fondée à appeler en garantie pour les sommes auxquelles elle serait condamnée l'ensemble des codéfendeurs, notamment ceux condamnés au titre de l'entente générale et de l'entente particulière ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action quasi-délictuelle engagée par la SNCF à l'encontre d'une société qui n'a pas participé à la procédure d'attribution des marchés litigieux ;
- l'action est prescrite ;
- la preuve de l'existence d'un préjudice n'est pas apportée.
Eiffage Infrastructures :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 décembre 2011, 18 mai 2012, 31 août 2012, 13 février 2013, 31 octobre 2013, 3 janvier 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 17 décembre 2014 et 15 mai 2015, la société Eiffage Infrastructures, anciennement dénommée Eiffage Travaux Publics, représentée par Me Coppinger, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause et de rejeter toute demande de condamnation solidaire dirigée contre elle ;
2°) de condamner solidairement la SNCF, la société Vinci Construction France venant aux droits de la société Chantiers Modernes et la société Vinci Construction, et à défaut tout succombant, à lui payer une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
3°) de condamner solidairement les sociétés Vinci Construction France, Vinci construction, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Spie, Schneider Electric, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Müller Travaux Publics, Bouygues Travaux Publics, Razel, Bouygues SA et Vinci SA à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4°) en tout état de cause, de mettre solidairement à la charge de la SNCF, de la société Vinci Construction France et de la société Vinci Construction, et à défaut tout succombant, la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Eiffage Infrastructures soutient que :
- elle n'a jamais été condamnée au titre de pratiques concurrentielles au titre de l'entente générale ou de l'entente particulière ayant porté sur les marchés litigieux ; elle n'est plus visée par les conclusions de la SNCF et ne vient pas aux droits de Fougerolle-Ballot ;
- sa mise en cause initiale par la SNCF, ainsi que par les sociétés Chantiers modernes et Sogea Travaux Publics Ile-de-France, est constitutive de procédures abusives lui ayant causé un préjudice, dont elle est fondée à demander réparation ;
- sa responsabilité solidaire ne saurait en tout état de cause être engagée, dès lors qu'elle n'a pas été l'un des auteurs des pratiques anticoncurrentielles dont se prévaut la SNCF ;
- elle est fondée, en cas de condamnation, à appeler en garantie les entreprises ayant participé aux marchés litigieux et ayant été condamnées au titre des pratiques anticoncurrentielles dénoncées par la SNCF ainsi que les sociétés mères.
Eiffage Génie Civil :
Par des mémoires, enregistrés le 9 octobre 2014, 17 décembre 2014 et 15 mai 2015, la société Eiffage Génie Civil, anciennement dénommée Eiffage TP, représentée par Me Coppinger, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause ou de rejeter les conclusions de la SNCF ainsi que les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé d'établir l'existence d'un éventuel surcoût subi par la SNCF et de minorer le montant de la restitution ou du préjudice la part des travaux confiés à des entreprises non sanctionnées au titre de pratiques anticoncurrentielles, la part des travaux payés aux sous-traitants en paiement direct, la part des travaux supplémentaires commandés en cours de chantier et la part correspondant aux indemnités ;
3°) de condamner solidairement les sociétés Vinci Construction France, Vinci Construction, Sogea Travaux publics Ile-de-France, Müller Travaux Publics, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Spie, Schneider Electric SA, Razel, Bouygues Travaux Publics, Bouygues SA et Vinci SA à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) en tout état de cause, de mettre solidairement à la charge de la SNCF et des sociétés Vinci construction France et Vinci construction la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Eiffage Génie Civil soutient que :
- elle n'a pas été condamnée par le Conseil de la concurrence au titre des lots n° 34 B et 37 B ; elle n'est pas mise en cause par la SNCF pour le lot n° 34 B mais seulement pour le lot n° 37 B ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ; les gares Magenta et Condorcet ont été transférées à RFF en vertu de l'article 6 de la loi du 13 février 1997 ; la SNCF a perdu sa qualité de maître d'ouvrage ; le dommage a été constaté après le 1er janvier 1997 au sens de l'article 6 et n'est pas couvert par l'exception prévue à cet article dès lors que le contrat s'est achevé après cette date ;
- l'action en nullité des lots n° 34 B et n° 37 B est prescrite ;
- l'action de la SNCF en nullité du lot n° 37 B n'est pas fondée ; l'article L. 420-3 du Code de commerce ne peut s'appliquer qu'au contrat qui est directement le support de l'entente anticoncurrentielle ; la notion de contrat se rapportant à une pratique anticoncurrentielle est d'interprétation stricte ; la nullité prévue par ce texte n'est pas d'ordre public ;
- cette même action en nullité du lot n° 37 B est prescrite ; elle n'a été introduite que le 1er juillet 2014 ; le délai de prescription, initialement de trente ans, a été ramené à cinq ans par le II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ; il a commencé à courir lors de l'entrée en vigueur de la loi le 19 juin 2008 et a expiré au plus tard le 19 juin 2013, sans que la SNCF ne soit fondée à dater son point de départ au 13 octobre 2009, date de l'arrêt de la Cour de cassation, dans la mesure où le contrat date de 1993, la connaissance du dommage du 4 juillet 1997 et la décision du Conseil de la concurrence du 21 mars 2006 ;
- l'action de la SNCF en nullité pour dol n'est pas fondée ; l'existence d'une pratique anticoncurrentielle sanctionnée par le Conseil de la concurrence ne suffit pas à établir l'existence d'une faute et d'un préjudice ; en ne recherchant pas la responsabilité de la société Eiffage TP au titre des surcoûts du lot n° 37 B, la SNCF reconnaît que cette dernière n'a pas commis de dol ; elle ne démontre pas une quelconque faute de la société Eiffage TP ; il n'est pas établi que sans l'entente, une offre plus basse aurait pu être remise et que l'entente a eu pour effet d'augmenter artificiellement les prix ; la preuve de manœuvres dolosives n'est pas apportée par la seule existence d'une entente ; la SNCF n'établit pas davantage l'existence d'une erreur ; qu'en tout état de cause, cette erreur serait inexcusable ;
- le règlement financier du lot n° 37 B ne saurait être remis en cause ; la SNCF a renoncé, par la signature de l'avenant n° 55, à tout recours contre le groupement attributaire du lot n° 37 B et pour des faits antérieurs au 6 novembre 1997 ; le décompte général définitif de chacun des deux lots, signé par la SNCF, présente un caractère intangible ; c'est en pleine connaissance de cause que la SNCF a procédé à ces signatures en 2000 alors qu'elle connaissait l'existence des pratiques anticoncurrentielles au moins depuis sa plainte avec constitution de partie civile en 1997 ;
- l'action de la SNCF en nullité du lot n° 37 B sur le fondement du dol est prescrite, dès lors qu'elle l'a introduite le 1er juillet 2014, et que, fixé à cinq ans par l'article 1304 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir à la découverte du dol, soit le 4 juillet 1997, date de sa constitution de partie civile, et au plus tard le 21 mars 2006, date de la décision du Conseil de la concurrence, sans que la SNCF ne soit fondée à considérer la date de l'arrêt de la Cour de cassation comme le point de départ du délai ;
- la nullité n'est pas acquise en l'espèce ; les principes de loyauté et de stabilité des relations contractuelles et de préservation de l'intérêt général s'y opposent ; la SNCF ne peut nier avoir eu connaissance de l'illégalité qu'elle invoque avant l'achèvement du contrat ; elle a accepté un règlement transactionnel, signé de nombreux avenants, réceptionné les ouvrages et notifié un décompte général ; l'annulation du contrat aurait un impact disproportionné sur la situation financière des entreprises concernées ; le préjudice éventuel peut être réparé sans qu'il soit besoin de recourir à l'annulation des contrats ;
- en cas d'annulation du marché du lot n° 37 B, la société Eiffage TP n'ayant commis aucun dol, elle est fondée à demander la restitution des dépenses qui ont été utiles à la SNCF sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause ; en effet, le consentement de la SNCF aux travaux n'a pas été vicié ; quand bien même la société Eiffage TP aurait commis une faute, elle aurait tout de même droit à la restitution desdites dépenses ; la restitution consécutive à une annulation n'est exclue qu'en cas d'indignité ou de fraude ;
- la société Eiffage TP n'ayant commis aucune faute et la SNCF ayant donné son assentiment à ses travaux, elle devrait obtenir le remboursement de la totalité de ses dépenses ; en cas de restitution des sommes perçues, la société Eiffage TP serait fondée à appeler en garantie ses cotraitants ;
- le montant de la restitution ne saurait porter sur la totalité de la somme inscrite au décompte général et définitif ; seul le montant du marché lors de sa conclusion peut servir de référence après retranchement des surcoûts et travaux nouveaux et des travaux sous-traités payés directement, soit 118 881 061,80 euros ; seule la part de marché du lot n° 37 B exécutée par Sogea et Spie est concernée ;
- la société Eiffage TP doit être mise hors de cause s'agissant de l'action en nullité visant le lot n° 34 B ; la SNCF ne dirige pas de conclusions à son encontre ; tout appel en garantie formé à son encontre au titre de ce lot doit être rejeté, dès lors qu'elle n'a pas été condamnée au titre des ententes, et qu'elle n'a ni soumissionné ni participé au lot n° 34 B et ne vient pas non plus aux droits d'une société se trouvant dans cette situation ;
- l'action en répétition de l'indu et en responsabilité quasi-délictuelle ne peuvent se cumuler ;
- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de l'action en responsabilité quasi-délictuelle de la SNCF à l'encontre d'un tiers à un marché public ;
- elle doit être mise hors de cause de l'action de la SNCF sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ; la SNCF ne la vise pas à ce titre ; tout appel en garantie formé à son encontre dans le cadre de cette action ne peut prospérer ; sa responsabilité n'ayant été recherchée que le 9 avril 2014, toute action contre elle est prescrite ;
- la décision du Conseil de la concurrence ne permet pas de caractériser l'existence d'un préjudice subi par la SNCF ;
- l'évaluation de son préjudice par la SNCF, notamment sur la base du rapport de son expert, est contestable, dès lors qu'elle confond le prix d'attribution des marchés et le prix effectivement payé aux entreprises attributaires ; elle n'a pas pris en compte les investissements d'infrastructure ferroviaire qui ont été transférés à RFF ; le différentiel de marge est erroné ; il faut prendre en compte non la lettre d'offre mais la lettre de commande ; le taux de marge indu aurait dû être appliqué sur le coût de revient et non sur le prix de vente ; le calcul de l'expert revient à prendre en compte deux fois les frais d'encadrement ; les éléments figurant dans la décision du Conseil de la concurrence sont incomplets ; il n'est pas établi que le chiffre de 569 MF retenu par cette décision s'étendait d'un prix de revient complet ; la marge indue calculée par l'expert n'est pas vraisemblable ; il serait nécessaire de désigner un expert pour déterminer l'éventuel surcoût supporté par la SNCF ;
- la société Eiffage TP ne saurait être condamnée solidairement avec les autres sociétés défenderesses dès lors qu'elle n'a pas été condamnée au titre des ententes et n'a pas été poursuivie pour dol ;
- dans l'hypothèse où cette dernière serait condamnée au titre du lot n° 34 B, elle serait fondée à appeler en garantie les entreprises ayant participé aux travaux et les entreprises sanctionnées au titre de l'entente et les sociétés mères.
Eiffage Construction :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 août 2012, 13 février 2013, 31 octobre 2013, 3 janvier 2014, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 17 décembre 2014 et 15 mai 2015, la société Eiffage Construction, représentée par Me Coppinger, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause et de rejeter toute demande dirigée contre elle ;
2°) à titre subsidiaire, de faire droit, en ce qui la concerne, aux mêmes demandes que celles présentées par la société Eiffage TP ;
3°) de condamner solidairement les sociétés Vinci Construction France, Vinci Construction, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Spie, Schneider Electric SA, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Müller Travaux Publics, Bouygues Travaux Publics, Razel, Bouygues SA et Vinci SA à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4°) de condamner solidairement la SNCF, la société Vinci Construction France et la société Vinci Construction, et à défaut tout succombant, à lui payer une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
5°) de mettre solidairement à la charge de la SNCF, de la société Vinci Construction France et de la société Vinci Construction, et à défaut tout succombant, la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Eiffage Construction soutient que :
- elle doit être mise hors de cause, dès lors qu'elle ne vient pas aux droits de la société Fougerolle-Ballot ; seule Eiffage TP vient aux droits de Fougerolle-Ballot ;
- sa mise en cause par la SNCF, ainsi que par les sociétés Chantiers Modernes et Sogea Travaux Publics Ile-de-France, est constitutive de procédures abusives lui ayant causé un préjudice, dont elle est fondée à demander réparation ;
- elle ne peut faire l'objet d'aucune condamnation ; elle n'a pas soumissionné ou participé aux marchés objets des lots n° 34 B et 37 B du projet Eole ; la société Fougerolle-Ballot n'a jamais été condamnée par les autorités de la concurrence au titre de l'entente générale ou de l'entente particulière ayant porté sur les marchés litigieux ; Eiffage Construction a été mise hors de cause par les autorités de la concurrence au titre desdits marchés ; la SNCF ne recherche de toute manière pas la responsabilité de la société Fougerolle-Ballot, et par voie de conséquence celle de la société Eiffage Construction, au titre d'un éventuel surcoût supporté au titre des lots n° 34 B et 37 B ;
- dans l'hypothèse où sa responsabilité serait engagée, cela ne saurait être à titre solidaire avec les autres sociétés défenderesses, dès lors qu'elle n'a pas été l'un des auteurs des pratiques anticoncurrentielles dont se prévaut la SNCF, ni au titre de l'entente générale, ni au titre de l'entente particulière ;
- elle est fondée, en cas de condamnation, à appeler en garantie les entreprises ayant participé aux marchés litigieux et ayant été condamnées au titre des pratiques anticoncurrentielles dénoncées par la SNCF ainsi que leurs maisons mères.
Fougerolle :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 août 2012, 13 février 2013, 31 octobre 2013, 3 janvier 2014, et un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 17 décembre 2014 et 15 mai 2015, la société Fougerolle, représentée par Me Coppinger, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause ou de rejeter les conclusions de la SNCF ainsi que les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé d'établir l'existence d'un éventuel surcoût subi par la SNCF et de minorer le montant de la restitution ou du préjudice la part des travaux confiés à des entreprises non sanctionnées au titre de pratiques anticoncurrentielles, la part des travaux payés aux sous-traitants en paiement direct, la part des travaux supplémentaires commandés en cours de chantier et la part correspondant aux indemnités ;
3°) de condamner solidairement les sociétés Vinci Construction France, Vinci Construction, Sogea Travaux publics Ile-de-France, Muller Travaux Publics, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Spie, Schneider Electric SA, Razel, Bouygues Travaux Publics, Bouygues SA et Vinci SA à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) en tout état de cause, de mettre solidairement à la charge de la SNCF et des sociétés Vinci construction France et Vinci construction la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Fougerolle soutient que :
- elle n'a pas été condamnée par le Conseil de la concurrence au titre des lots n° 34 B et 37 B ; elle n'est pas mise en cause par la SNCF pour le lot n° 34 B mais seulement pour le lot n° 37 B ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ; les gares Magenta et Condorcet ont été transférées à RFF en vertu de l'article 6 de la loi du 13 février 1997 ; la SNCF a perdu sa qualité de maître d'ouvrage ; le dommage a été constaté après le 1er janvier 1997 au sens de l'article 6 et n'est pas couvert par cette exception dès lors que le contrat s'est achevé après cette date ;
- l'action en nullité des lots n° 34 B et 37 B est prescrite ;
- l'action de la SNCF en nullité du lot n° 37 B n'est pas fondée ; l'article L. 420-3 du Code de commerce ne peut s'appliquer qu'au contrat qui est directement le support de l'entente anticoncurrentielle et dans lequel tous les attributaires ont participé à cette entente ; la notion de contrat se rapportant à une pratique anticoncurrentielle étant d'interprétation stricte ; la nullité prévue par ce texte n'est pas d'ordre public ;
- cette même action en nullité du lot n° 37 B est prescrite ; elle n'a été introduite que le 1er juillet 2014 ; le délai de prescription, initialement de trente ans, a été ramené à cinq ans par le II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ; il a commencé à courir lors de l'entrée en vigueur de la loi le 19 juin 2008 et a expiré au plus tard le 19 juin 2013, sans que la SNCF ne soit fondée à dater son point de départ au 13 octobre 2009, date de l'arrêt de la Cour de cassation, dans la mesure où le contrat date de 1993, la connaissance du dommage du 4 juillet 1997 et la décision du conseil de la concurrence du 21 mars 2006 ;
- l'action de la SNCF en nullité pour dol n'est pas fondée ; l'existence d'une pratique anticoncurrentielle sanctionnée par le Conseil de la concurrence ne suffit pas à établir l'existence d'une faute et d'un préjudice ; en ne recherchant pas la responsabilité de la société Fougerolle au titre des surcoûts du lot n° 37 B, la SNCF reconnaît que cette dernière n'a pas commis de dol ; elle ne démontre pas une quelconque faute de la société Fougerolle ; il n'est pas établi que sans l'entente, une offre plus basse aurait pu être remise et que l'entente a eu pour effet d'augmenter artificiellement les prix ; la preuve de manœuvres dolosives n'est pas apportée par la seule existence d'une entente ; la SNCF n'établit pas davantage l'existence d'une erreur ; qu'en tout état de cause, cette erreur serait inexcusable ; le lien de causalité n'est pas établi ; la société Fougerolle n'a jamais été mise en cause au titre de pratiques anticoncurrentielles ;
- le règlement financier du lot n° 37 B ne saurait être remis en cause ; la SNCF a renoncé, par la signature de l'avenant n° 55, à tout recours contre le groupement attributaire du lot n° 37 B et pour des faits antérieurs au 6 novembre 1997 ; le décompte général définitif de chacun des deux lots, signé par la SNCF, présente un caractère intangible ; c'est en pleine connaissance de cause que la SNCF a procédé à ces signatures en 2000 alors qu'elle connaissait l'existence des pratiques anticoncurrentielles au moins depuis sa plainte avec constitution de partie civile en 1997 ;
- l'action de la SNCF en nullité du lot n° 37 B sur le fondement du dol est prescrite, dès lors qu'elle l'a introduite le 1er juillet 2014, et que, fixé à cinq ans par l'article 1304 du Code civil, le délai de prescription a commencé à courir à la découverte du dol, soit le 4 juillet 1997, date de sa constitution de partie civile, et au plus tard le 21 mars 2006, date de la décision du Conseil de la concurrence, sans que la SNCF ne soit fondée à considérer la date de l'arrêt de la Cour de cassation comme le point de départ du délai ;
- la nullité n'est pas acquise en l'espèce ; les principes de loyauté et de stabilité des relations contractuelles et de préservation de l'intérêt général s'y opposent ; la SNCF ne peut nier avoir eu connaissance de l'illégalité qu'elle invoque avant l'achèvement du contrat ; elle a accepté un règlement transactionnel, signé de nombreux avenants, réceptionné les ouvrages et notifié un décompte général ; l'annulation du contrat aurait un impact disproportionné sur la situation financière des entreprises concernées ; le préjudice éventuel peut être réparé sans qu'il soit besoin de recourir à l'annulation des contrats ;
- en cas d'annulation du marché du lot n° 37 B, la société Fougerolle n'ayant commis aucun dol, elle est fondée à demander la restitution des dépenses qui ont été utiles à la SNCF sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause ; en effet, le consentement de la SNCF aux travaux n'a pas été vicié ; quand bien même la société Fougerolle aurait commis une faute, elle aurait tout de même droit à la restitution desdites dépenses ; la restitution consécutive à une annulation n'est exclue qu'en cas d'indignité ou de fraude ;
- la société Fougerolle n'ayant commis aucune faute et la SNCF ayant donné son assentiment à ses travaux, elle devrait obtenir le remboursement de la totalité de ses dépenses ; en cas de restitution des sommes perçues, la société Fougerolle serait fondée à appeler en garantie ses cotraitants ;
- le montant de la restitution ne saurait porter sur la totalité de la somme inscrite au décompte général et définitif ; seul le montant du marché lors de sa conclusion peut servir de référence après retranchement des surcoûts et travaux nouveaux et des travaux sous-traités payés directement, soit 118 881 061,80 euros ; seule la part de marché du lot n° 37 B exécutée par Sogea et Spie est concernée ;
- la société Fougerolle doit être mise hors de cause s'agissant de l'action en nullité visant le lot n° 34 B ; la SNCF ne dirige plus de conclusions à son encontre ; pour cette même raison, tout appel en garantie formé à son encontre au titre de ce lot doit être rejeté, dès lors qu'elle n'a pas été condamnée au titre des ententes, et qu'elle n'a ni soumissionné ni participé au lot n° 34 B et ne vient pas non plus aux droits d'une société se trouvant dans cette situation ;
- l'action en répétition de l'indu et en responsabilité quasi-délictuelle ne peuvent se cumuler ;
- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de l'action en responsabilité quasi-délictuelle de la SNCF à l'encontre d'un tiers à un marché public ;
- elle doit être mise hors de cause de l'action de la SNCF sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ; la SNCF ne la vise plus à ce titre ; pour cette même raison, tout appel en garantie formé à son encontre dans le cadre de cette action ne peut prospérer ;
- la décision du Conseil de la concurrence ne permet pas de caractériser l'existence d'un préjudice subi par la SNCF ;
- l'évaluation de son préjudice par la SNCF, notamment sur la base du rapport de son expert, est contestable, dès lors qu'elle confond le prix d'attribution des marchés et le prix effectivement payé aux entreprises attributaires ; elle n'a pas pris en compte les investissements d'infrastructure ferroviaire qui ont été transférés à RFF ; le différentiel de marge est erroné ; il faut prendre en compte non la lettre d'offre mais la lettre de commande ; le taux de marge indu aurait dû être appliqué sur le coût de revient et non sur le prix de vente ; le calcul de l'expert revient à prendre en compte deux fois les frais d'encadrement ; les éléments figurant dans la décision du Conseil de la concurrence sont incomplets ; il n'est pas établi que le chiffre de 569 MF retenu par cette décision s'étendait d'un prix de revient complet ; la marge indue calculée par l'expert n'est pas vraisemblable ; il serait nécessaire de désigner un expert pour déterminer l'éventuel surcoût supporté par la SNCF ;
- la société Fougerolle ne saurait être condamnée solidairement avec les autres sociétés défenderesses dès lors qu'elle n'a pas été condamnée au titre des ententes et n'a pas été poursuivie pour dol ;
- dans l'hypothèse où cette dernière serait condamnée au titre du lot n° 34 B, elle serait fondée à appeler en garantie les entreprises ayant participé aux travaux et les entreprises sanctionnées au titre de l'entente et les sociétés mères.
Montcocol :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 décembre 2012, 2 janvier 2014, et un mémoire récapitulatif et un mémoire, enregistrés les 23 mai 2014 et 20 décembre 2014, la société Montcocol SAS, représentée par Me Caron, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de la SNCF et les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Bouygues SA, Bouygues TP, Bouygues Construction, Schneider Electric SA, Soletanche Bachy, Spie Citra, Vinci Construction, Chantiers Modernes, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Travaux Publics et Industriels d'Ile-de-France, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle, Spie SA, Spie Batignolles TPCI et Razel-Bec à la garantir à hauteur de leur part contributive des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Montcocol SAS soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ; son appel en garantie est irrecevable ;
- son action est prescrite ;
- le décompte général et définitif est intangible ;
- les conditions d'une action en réparation ne sont pas réunies ;
- la société Montcocol ne saurait faire l'objet d'une condamnation solidaire avec les autres défenderesses ;
- les appels en garanties formés à son encontre doivent être rejetés ;
- la société Montcocol doit être garantie par les autres défenderesses.
M. Pierre Bayle, pris en sa qualité de Commissaire à l'exécution du plan de la SA Müller TP :
Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2014, M. Bayle demande à être mis hors de cause.
Bouygues :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mars 2013, 31 octobre 2013, 23 décembre 2013, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 26 février 2015 et 19 février 2016, la société Bouygues SA, représentée par Me Lapp, demande au tribunal :
1°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 37 B du projet Eole et à titre subsidiaire de condamner la SNCF à payer une somme équivalente à la valeur d'usage de la gare déterminée par voie d'expertise, les intérêts ne pouvant courir qu'à compter de la date d'enregistrement du mémoire de la SNCF le 2 juillet 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à sa condamnation sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle et à titre subsidiaire d'enjoindre à la SNCF de communiquer les pièces relatives aux paiements directs des sous-traitants de Bouygues SA ;
3°) de rejeter les appels en garanties formés à son encontre ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Vinci Construction, Vinci Construction France, Vinci SA, Spie Opérations, Spie Batignolles, Chantiers Modernes, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP IDF, Sogea TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle, et Razel-Bec à la garantir de toute condamnation par parts viriles ;
5°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Bouygues SA soutient que :
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux, dès lors que d'une part, l'action de la SNCF en ce qu'elle est dirigée contre Bouygues SA est dirigée contre une société de droit privé avec laquelle elle n'est pas liée par un contrat administratif, et que d'autre part, les parties aux marchés dont la SNCF demande l'annulation ne sont en tout état de cause plus liées par ces derniers, qui ont épuisé leur effet ;
- elle doit être mise hors de cause, dès lors qu'elle a, par un traité d'apport partiel d'actif du 27 avril 1999, transféré à la société Bouygues Travaux Publics l'ensemble des biens, droits et obligations constitutifs de sa branche d'activité "travaux publics", activité concernée par le présent litige ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir en nullité des marchés litigieux, dès lors qu'en vertu de la loi du 13 février 1997, les biens faisant l'objet des lots n° 34 B et 37 B, ou au moins une partie d'entre eux, ont été transférés à RFF, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'apurement des comptes a été effectué par la SNCF en vertu d'un mandat de maîtrise d'ouvrage donné par RFF, et que la constatation du dommage qu'elle invoque, révélée par sa constitution de partie civile du 4 juillet 1997, est postérieure au 1er janvier 1997 ;
- l'action de la SNCF en nullité est irrecevable dès lors qu'elle procède d'un changement de cause juridique par rapport à la requête introductive d'instance de 2011 et que la nullité des marchés litigieux n'est pas d'ordre public ;
- cette même action en nullité, sur le fondement du dol aussi bien que sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce, est prescrite dès lors qu'elle a été introduite le 1er juillet 2014 et que le délai de prescription a été ramené de trente à cinq ans par le nouvel article 2224 du Code civil ; le délai de prescription ayant commencé à courir lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 a expiré au plus tard le 19 juin 2008 ; le délai de prescription est également limité à cinq ans en vertu de l'article 1304 du même Code ; il a commencé à courir le 4 juillet 1997 pour expirer le 4 juillet 2002 ; ce délai n'a pas commencé à courir à la date de la décision du Conseil de la concurrence le 21 mars 2006 ou à la date de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2009 ; l'autosaisine du Conseil de la concurrence n'a pas interrompu le délai de prescription ;
- Bouygues SA n'étant pas signataire des marchés, la SNCF ne peut se prévaloir d'une nullité à son égard ;
- l'action en nullité n'est plus ouverte du fait de la fin des relations contractuelles ;
- la SNCF n'est pas fondée à invoquer l'article L. 420-3 du Code de commerce comme fondement de son action en nullité, dès lors que les marchés ne sont pas constitutifs d'une activité économique et que la disposition précitée ne s'applique qu'aux contrats constituant le support même d'une entente anticoncurrentielle ou d'un abus de position dominante ; la victime d'une pratique anticoncurrentielle ne peut se prévaloir de ces dispositions ;
- les exigences de stabilité des relations contractuelles et d'intérêt général, ainsi que le principe de loyauté des relations contractuelles s'opposeraient à cette annulation, dès lors que les travaux ont été totalement réalisés, que leurs exécutants et les sous-traitants de ces derniers ont été payés, que la SNCF dispose de ces ouvrages depuis près de vingt ans, que de nouveaux aménagements sur ces derniers ont été pratiqués, et qu'enfin la SNCF a répercuté le coût de ces infrastructures par une hausse des tarifs sur les usagers du service ;
- la SNCF ne peut prétendre, au titre de la répétition de l'indu consécutive à l'annulation des contrats, à une somme dix fois supérieure à ce qu'elle reconnaît être son préjudice ; elle ne peut se prévaloir de l'arrêt "Société Decaux" du 10 avril 2008 concernant l'enrichissement sans cause ; cet arrêt n'exclut pas toute rémunération et n'est pas applicable en cas d'annulation sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce ; il doit être tempéré par les principes de loyauté et de stabilité des relations contractuelles ; l'interprétation qu'en fait la SNCF est contraire à l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; la privation de toute indemnité constituerait une sanction manifestement disproportionnée et violerait en définitive le droit de propriété ; dans l'hypothèse où les marchés viendraient à être annulés, une expertise devrait être ordonnée sur le fondement de l'article R. 621-1 du Code de justice administrative, pour déterminer la valeur d'usage de la gare objet du lot n° 37 B à hauteur de laquelle Bouygues SA devrait être rémunérée, compte-tenu de la quote-part des travaux qu'elle a réalisés ; la SNCF n'est pas fondée à majorer les sommes réclamées en leur appliquant l'indice sur la consommation établi par l'INSEE ; une telle actualisation est contraire au principe selon lequel les intérêts légaux ne peuvent être demandés qu'à compter de la date d'enregistrement de la requête, et ce d'autant que ce n'est que le 1er juillet 2014 que l'action en nullité des marchés litigieux a été introduite ; pour cette même raison, la capitalisation des intérêts ne saurait intervenir avant le 1er juillet 2015 ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle ; la société Bouygues SA n'est pas liée par contrat à la SNCF ; l'action est dirigée à l'encontre d'une société privée et est initiée par un établissement public industriel et commercial ; elle résulte d'un dommage causé à l'économie et mettant en cause les règles de la concurrence qui relèvent par nature de la compétence du juge judiciaire ; l'arrêt "Campenon Bernard" n'est pas applicable ; elle ne vise que les cocontractants ; Bouygues SA n'est attributaire d'aucun des lots du projet Eole ; la SNCF ne peut agir contre Bouygues SA ou contre les autres sociétés non parties aux marchés sur le fondement d'agissements dolosifs, dès lors que le dol ne peut être commis que par une partie au contrat, et que la SNCF ne se prévaut pas d'un préjudice né des stipulations du contrat lui-même ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir en responsabilité quasi-délictuelle, les biens sur lesquels porte sa demande ayant été transférés à RFF ;
- l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est prescrite ; les règles de droit commun de la prescription s'appliquent ; le délai de prescription a commencé à courir le 4 juillet 1997, date de la plainte avec constitution de partie civile ; cette plainte n'a eu d'effet interruptif que devant le juge pénal ; l'action publique et l'action civile sont prescrites depuis le 2 juillet 2000 ; la SNCF n'a formulé aucune demande d'actes visant à prévenir cette prescription ; l'autosaisine du Conseil de la concurrence n'a pu avoir un effet interruptif de prescription ;
- la procédure de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est abusive ; il n'est pas établi que la SNCF a été amenée à conclure à des conditions plus onéreuses ; aucun agissement dolosif n'a été retenu contre Bouygues SA ; l'action est présentée devant un juge incompétent, elle est prescrite et la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ;
- cette action est irrecevable, dès lors que le décompte général et définitif des marchés litigieux signé par la SNCF sans observation ni réserve a un caractère intangible ; en signant les avenants transactionnels n° 55 et 57 respectivement les 19 décembre 1997 et 16 juin 1996, la SNCF a renoncé à toute contestation ultérieure ;
- la SNCF n'établit pas l'existence d'un préjudice direct, réel et certain ; il n'y a aucune certitude quant au chiffrage du dommage que la SNCF a majoré sans déduire les sommes directement versées aux sous-traitants ; les seules constatations du Conseil de la concurrence sont insuffisantes pour établir l'existence du préjudice ; le lien de causalité n'est pas établi ; les surcoûts invoqués ont été répercutés sur les usagers, d'autant que la SNCF est en situation de monopole sur les marchés des transports ferroviaires communs en Ile-de-France ; le projet Eole n'a été financé qu'à hauteur de 4 % par la SNCF et RPF ; le préjudice ne saurait en tout état de cause dépasser ce quantum ; en outre, ce préjudice serait encore amoindri du fait du transfert de sa dette au service annexe d'amortissement de la dette, puis à l'Etat après la disparition de ce dernier ;
- le quantum du préjudice dont se prévaut la SNCF est faussé, dès lors que d'une part, la SNCF compare à tort le prix de vente égal au montant de l'offre de l'attributaire, avec le coût prévisionnel du chantier, hors coefficient de vente ; elle confond ainsi le prix de vente et le prix de revient ; le prix déterminé par le Conseil de la concurrence n'est pas un prix de vente mais un simple prix de revient ;
- s'agissant du lot n° 34 B, seul le montant de l'offre de l'attributaire, soit 670 000 000 francs HT peut être pris en compte ; le chiffre de 569 000 000 francs retenu par la SNCF n'est pas un prix de vente mais un prix de revient ; il doit être majoré d'un coefficient de vente incluant les frais généraux, les frais de caution et d'assurance, les aléas et un bénéfice ; l'écart de 17,75 % invoqué par la SNCF est bien inférieur au coefficient de frais généraux habituellement retenu dans le secteur du BTP ;
- s'agissant du lot n° 37 B, il faut retenir le montant de l'offre retenue soit 971 000 000 francs ; si le prix de 949 373 747 francs constitue le prix normal, la différence de 2,27 % correspond à la marge d'incertitude inhérente à tous travaux ; la méthode des prix objectifs utilisée par l'expert de la SNCF est faussée dès lors qu'elle repose sur le postulat d'une marge indue sur le lot n° 34 B, en réalité inexistante ;
- il n'est pas possible d'appliquer un indice d'érosion monétaire de l'INSEE aux sommes réclamées ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître des appels en garantie formés contre Bouygues SA par les sociétés Vinci Construction et Eiffage SA, ou par toute autre société défenderesse, dès lors que Bouygues SA n'a participé ni à la passation ni à l'exécution du lot n° 34 B et que Bouygues SA a participé aux travaux du lot n° 37 B en rejoignant après la signature du marché une société en participation constituée par les sociétés attributaires ; au surplus Bougues Travaux Publics s'est substitué à Bouygues SA s'agissant de l'exécution de ce marché.
Bouygues Travaux Publics :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mai 2012, 31 août 2012, 24 décembre 2012, 6 mars 2013, 31 octobre 2013, 23 décembre 2013, un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 26 février 2015, 19 février 2016, la société Bouygues Travaux Publics, représentée par Me Lapp, demande au tribunal :
1°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 37 B du projet Eole et à titre subsidiaire de condamner la SNCF à payer une somme équivalente à la valeur d'usage de la gare déterminée par voie d'expertise, les intérêts ne pouvant courir qu'à compter de la date d'enregistrement du mémoire de la SNCF le 2 juillet 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à sa condamnation sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle et à titre subsidiaire d'enjoindre à la SNCF de communiquer les pièces relatives aux paiements directs des sous-traitants de Bouygues SA ;
3°) de rejeter les appels en garanties formés à son encontre ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Vinci Construction, Vinci Construction France, Vinci SA, Spie Opérations, Spie Batignolles, Chantiers Modernes, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP IDF, Sogea TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle, et Razel-Bec à la garantir de toute condamnation par parts viriles ;
5°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
La société Bouygues Travaux Publics soutient que :
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action de la SNCF en nullité des marchés litigieux, dès lors que d'une part, l'action de la SNCF en ce qu'elle est dirigée contre Bouygues SA est dirigée contre une société de droit privé avec laquelle elle n'est pas liée par un contrat administratif, et que d'autre part, les parties aux marchés dont la SNCF demande l'annulation ne sont en tout état de cause plus liées par ces derniers, qui ont épuisé leur effet ;
- elle doit être mise hors de cause, dès lors qu'elle a, par un traité d'apport partiel d'actif du 27 avril 1999, transféré à la société Bouygues Travaux Publics l'ensemble des biens, droits et obligations constitutifs de sa branche d'activité "travaux publics", activité concernée par le présent litige ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir en nullité des marchés litigieux, dès lors qu'en vertu de la loi du 13 février 1997, les biens faisant l'objet des lots n° 34 B et 37 B, ou au moins une partie d'entre eux, ont été transférés à RFF, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'apurement des comptes a été effectué par la SNCF en vertu d'un mandat de maîtrise d'ouvrage donné par RFF, et que la constatation du dommage qu'elle invoque, révélée par sa constitution de partie civile du 4 juillet 1997, est postérieure au 1er janvier 1997 ;
- l'action de la SNCF en nullité est irrecevable dès lors qu'elle procède d'un changement de cause juridique par rapport à la requête introductive d'instance de 2011 et que la nullité des marchés litigieux n'est pas d'ordre public ;
- cette même action en nullité, sur le fondement du dol aussi bien que sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce, est prescrite dès lors qu'elle a été introduite le 1er juillet 2014 et que le délai de prescription a été ramené de trente à cinq ans par le nouvel article 2224 du Code civil ; le délai de prescription ayant commencé à courir lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 a expiré au plus tard le 19 juin 2008 ; le délai de prescription est également limité à cinq ans en vertu de l'article 1304 du même Code ; il a commencé à courir le 4 juillet 1997 pour expirer le 4 juillet 2002 ; ce délai n'a pas commencé à courir à la date de la décision du Conseil de la concurrence le 21 mars 2006 ou à la date de l'arrêt de la cour de cassation du 13 octobre 2009 ; l'autosaisine du conseil de la concurrence n'a pas interrompu le délai de prescription ;
- Bouygues SA n'étant pas signataire des marchés, la SNCF ne peut se prévaloir d'une nullité à son égard ;
- l'action en nullité n'est plus ouverte du fait de la fin des relations contractuelles ;
- la SNCF n'est pas fondée à invoquer l'article L. 420-3 du Code de commerce comme fondement de son action en nullité, dès lors que les marchés ne sont pas constitutifs d'une activité économique et que la disposition précitée ne s'applique qu'aux contrats constituant le support même d'une entente anticoncurrentielle ou d'un abus de position dominante ; la victime d'une pratique anticoncurrentielle ne peut se prévaloir de ces dispositions ;
- les exigences de stabilité des relations contractuelles et d'intérêt général, ainsi que le principe de loyauté des relations contractuelles s'opposeraient à cette annulation, dès lors que les travaux ont été totalement réalisés, que leurs exécutants et les sous-traitants de ces derniers ont été payés, que la SNCF dispose de ces ouvrages depuis près de vingt ans, que de nouveaux aménagements sur ces derniers ont été pratiqués, et qu'enfin la SNCF a répercuté le coût de ces infrastructures par une hausse des tarifs sur les usagers du service ;
- la SNCF ne peut prétendre, au titre de la répétition de l'indu consécutive à l'annulation des contrats, à une somme dix fois supérieure à ce qu'elle reconnaît être son préjudice ; elle ne peut se prévaloir de l'arrêt "Société Decaux" du 10 avril 2008 concernant l'enrichissement sans cause ; cet arrêt n'exclut pas toute rémunération et n'est pas applicable en cas d'annulation sur le fondement de l'article L. 420-3 du Code de commerce ; il doit être tempéré par les principes de loyauté et de stabilité des relations contractuelles ; l'interprétation qu'en fait la SNCF est contraire à l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; la privation de toute indemnité constituerait une sanction manifestement disproportionnée et violerait en définitive le droit de propriété ; dans l'hypothèse où les marchés viendraient à être annulés, une expertise devrait être ordonnée sur le fondement de l'article R. 621-1 du Code de justice administrative, pour déterminer la valeur d'usage de la gare objet du lot n° 37 B à hauteur de laquelle Bouygues SA devrait être rémunérée, compte-tenu de la quote-part des travaux qu'elle a réalisés ; la SNCF n'est pas fondée à majorer les sommes réclamées en leur appliquant l'indice sur la consommation établi par l'INSEE ; une telle actualisation est contraire au principe selon lequel les intérêts légaux ne peuvent être demandés qu'à compter de la date d'enregistrement de la requête, et ce d'autant que ce n'est que le 1er juillet 2014 que l'action en nullité des marchés litigieux a été introduite ; pour cette même raison, la capitalisation des intérêts ne saurait intervenir avant le 1er juillet 2015 ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître de l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle ; la société Bouygues SA n'est pas liée par contrat à la SNCF ; l'action est dirigée à l'encontre d'une société privée et est initiée par un établissement public industriel et commercial ; elle résulte d'un dommage causé à l'économie et mettant en cause les règles de la concurrence qui relèvent par nature de la compétence du juge judiciaire ; l'arrêt "Campenon Bernard" n'est pas applicable ; elle ne vise que les cocontractants ; Bouygues SA n'est attributaire d'aucun des lots du projet Eole ; la SNCF ne peut agir contre Bouygues SA ou contre les autres sociétés non parties aux marchés sur le fondement d'agissements dolosifs, dès lors que le dol ne peut être commis que par une partie au contrat, et que la SNCF ne se prévaut pas d'un préjudice né des stipulations du contrat lui-même ;
- la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir en responsabilité quasi-délictuelle, les biens sur lesquels porte sa demande ayant été transférés à RFF ;
- l'action de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est prescrite ; les règles de droit commun de la prescription s'appliquent ; le délai de prescription a commencé à courir le 4 juillet 1997, date de la plainte avec constitution de partie civile ; cette plainte n'a eu d'effet interruptif que devant le juge pénal ; l'action publique et l'action civile sont prescrites depuis le 2 juillet 2000 ; la SNCF n'a formulé aucune demande d'actes visant à prévenir cette prescription ; l'autosaisine du Conseil de la concurrence n'a pu avoir un effet interruptif de prescription ;
- la procédure de la SNCF en responsabilité quasi-délictuelle est abusive ; il n'est pas établi que la SNCF a été amenée à conclure à des conditions plus onéreuses ; aucun agissement dolosif n'a été retenu contre Bouygues SA ; l'action est présentée devant un juge incompétent, elle est prescrite et la SNCF est dépourvue d'intérêt à agir ;
- cette action est irrecevable, dès lors que le décompte général et définitif des marchés litigieux signé par la SNCF sans observation ni réserve a un caractère intangible ; en signant les avenants transactionnels n° 55 et 57 respectivement les 19 décembre 1997 et 16 juin 1996, la SNCF a renoncé à toute contestation ultérieure ;
- la SNCF n'établit pas l'existence d'un préjudice direct, réel et certain ; il n'y a aucune certitude quant au chiffrage du dommage que la SNCF a majoré sans déduire les sommes directement versées aux sous-traitants ; les seules constatations du Conseil de la concurrence sont insuffisantes pour établir l'existence du préjudice ; le lien de causalité n'est pas établi ; les surcoûts invoqués ont été répercutés sur les usagers, d'autant que la SNCF est en situation de monopole sur les marchés des transports ferroviaires communs en Ile-de-France ; le projet Eole n'a été financé qu'à hauteur de 4 % par la SNCF et RFF ; le préjudice ne saurait en tout état de cause dépasser ce quantum ; en outre, ce préjudice serait encore amoindri du fait du transfert de sa dette au service annexe d'amortissement de la dette, puis à l'Etat après la disparition de ce dernier ;
- le quantum du préjudice dont se prévaut la SNCF est faussé, dès lors que d'une part, la SNCF compare à tort le prix de vente égal au montant de l'offre de l'attributaire, avec le coût prévisionnel du chantier, hors coefficient de vente ; elle confond ainsi le prix de vente et le prix de revient ; le prix déterminé par le Conseil de la concurrence n'est pas un prix de vente mais un simple prix de revient ;
- s'agissant du lot n° 34 B, seul le montant de l'offre de l'attributaire, soit 670 000 000 francs HT peut être prix en compte ; le chiffre de 569 000 000 francs retenu par la SNCF n'est pas un prix de vente mais un prix de revient ; il doit être majoré d'un coefficient de vente incluant les frais généraux, les frais de caution et d'assurance, les aléas et un bénéfice ; l'écart de 17,75 % invoqué par la SNCF est bien inférieur au coefficient de frais généraux habituellement retenu dans le secteur du BTP ;
- s'agissant du lot n° 37 B, il faut retenir le montant de l'offre retenue soit 971 000 000 francs ; si le prix de 949 373 747 francs constitue le prix normal, la différence de 2,27 % correspond à la marge d'incertitude inhérente à tous travaux ; la méthode des prix objectifs utilisée par l'expert de la SNCF est faussée dès lors qu'elle repose sur le postulat d'une marge indue sur le lot n° 34 B, en réalité inexistante ;
- il n'est pas possible d'appliquer un indice d'érosion monétaire de l'INSEE aux sommes réclamées ;
- le juge administratif est incompétent pour connaître des appels en garantie formés contre Bouygues SA par les sociétés Vinci Construction et Eiffage SA, ou par toute autre société défenderesse, dès lors que Bouygues SA n'a participé ni à la passation ni à l'exécution du lot n° 34 B et que Bouygues SA a participé aux travaux du lot n° 37 B en rejoignant après la signature du marché une société en participation constituée par les sociétés attributaires ; au surplus Bougues Travaux Publics s'est substitué à Bouygues SA s'agissant de l'exécution de ce marché.
Bouygues Construction :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mars 2013, 31 octobre 2013, 23 décembre 2013, et un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2014, 19 février 2016, la société Bouygues Construction, représentée par Me Lapp, demande au tribunal :
1°) de la mettre hors de cause ;
2°) de rejeter les appels en garanties formés à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Vinci Construction, Vinci Construction France, Vinci SA, Spie Opérations, Spie Batignolles, Chantiers Modernes, Montcocol SAS, Soletanche Bachy, Sogea TP IDF, Sogea TPI, Eiffage SA, Eiffage TP, Eiffage Construction, Fougerolle, et Razel-Bec à la garantir de toute condamnation par parts viriles.
La société Bouygues Construction soutient que :
- la SNCF a renoncé à toute prétention à son encontre, dès lors qu'elle ne l'a pas visée dans son mémoire du 1er juillet 2014 ;
- les appels en garantie formés par les sociétés défenderesses à son encontre sont irrecevables ; Bouygues Construction n'est liée d'aucune manière avec les opérations litigieuses, la branche d'activités "travaux publics" de Bouygues SA ayant été apportée à la société Bouygues Travaux Publics, et non à elle ; en tout état de cause, de telles demandes ne sont pas de la compétence du juge administratif, dans la mesure où Bouygues Construction n'est ni signataire ni attributaire de l'un des marchés litigieux et qu'elle n'a d'aucune façon participé à l'exécution de l'un de ces marchés.
Vu la procédure suivante à compter du désistement partiel de SNCF Mobilités :
SNCF Mobilités :
Par un mémoire, enregistré le 23 février 2016, SNCF Mobilités, représentée par Me Dal Farra, demande au tribunal :
1°) de lui donner acte de son désistement d'instance et d'action à l'égard des sociétés Vinci SA, Vinci Construction France, Vinci Construction, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Soletanche Bachy France, Spie SA, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Eiffage, Eiffage Construction, Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Eiffage TP, Eiffage Infrastructures venant aux droits de la société Eiffage Travaux Publics venant elle-même aux droits de Fougerolle Ballot, Fougerolle, Montcocol, Razel-Bec, Müller Travaux Publics et Me Pierre Bayle es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Müller Travaux publics, Schneider Electric SA, Merizan et en tant que de besoin tout autre société que Bouygues et Bouygues Travaux Publics ;
2°) s'agissant du lot n° 34 B du projet Eole, de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Bouygues et Bouygues Travaux Publics à lui verser au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle la somme de 33 952 271 euros, somme assortie des intérêts au taux légal et capitalisés ;
3°) s'agissant du lot n° 37 B du projet Eole, à titre principal, d'annuler ou déclarer nul le marché public afférent et condamner solidairement ou in solidum les sociétés Bouygues et Bouygues Travaux Publics, au titre de la répétition de l'indu, à lui verser la somme de 281 422 996,35 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Bouygues et Bouygues Travaux Publics au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle à lui verser la somme de 37 236 391 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés ;
5°) en tout état de cause, de mettre solidairement à la charge de la société Bouygues et Bouygues Travaux Publics le versement de la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient qu'en vertu d'une transaction conclue avec certaines sociétés défenderesses, elle a reçu une somme de 23 020 000 euros ; qu'elle entend se désister de son instance et de toute action à l'encontre de toute société autre que Bouygues et Bouygues Travaux publics.
Razel-Bec, Spie Opérations, Spie Batignolles TPCI, Schneider Electric SA, Eiffage Infrastructures, Eiffage Construction, Fougerolle, Eiffage Génie Civil, Eiffage SA, Montcocol SAS, Vinci SA, Sogea Travaux Publics Ile-de-France "TPI", Vinci Construction, Vinci Construction France, Soletanche Bachy France :
Par des mémoires enregistrés les 2, 3 et 4 mars 2016, les sociétés Razel-Bec, Spie Opérations, Spie Batignolles TPCI, Schneider Electric SA, Eiffage Infrastructures, Eiffage Construction, Fougerolle, Eiffage Génie Civil, Eiffage SA, Montcocol SAS, Vinci SA, Sogea Travaux Publics Ile-de-France "TPI", Vinci Construction, Vinci Construction France, Soletanche Bachy France, ont accepté le désistement partiel de SNCF Mobilités.
Bouygues :
Par des mémoires, enregistrés les 25 février 2016 et 4 mars 2016, la société Bouygues SA, représentée par Me Lapp, demande au tribunal :
1°) de rejeter le désistement partiel de la SNCF ;
2°) d'enjoindre à la SNCF de produire la transaction intervenue entre elle et les autres codéfenderesses ;
3°) d'annuler ou de déclarer nulle cette transaction ;
4°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 37 B du projet Eole et à titre subsidiaire de condamner la SNCF à payer une somme équivalente à la valeur d'usage de la gare déterminée par voie d'expertise, de réduire en tout état de cause la demande de la SNCF du montant de la transaction, soit 23 020 000 euros, ainsi que de toute autre concession ou renonciation de la SNCF et de juger que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la date d'enregistrement du mémoire de la SNCF le 2 juillet 2014 ;
5°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à sa condamnation sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle et à titre subsidiaire d'enjoindre à la SNCF de communiquer les pièces relatives aux paiements directs des sous-traitants de Bouygues SA, d'ordonner avant dire droit une expertise pour l'évaluation de l'indemnité et la réduire en tout état de cause du montant de la transaction et de toute autre concession ou renonciation de la SNCF ;
6°) de rejeter les appels en garanties formés à son encontre ;
7°) de condamner les sociétés Soletanche Bachy, Eiffage Infrastructure, Eiffage SA, Eiffage Construction, Eiffage Génie Civil, Fougerolle, Spie Opérations, Spie Batignolles TPCI, Razel-Bec, Müller Travaux Publics, Vinci SA, Vinci Construction, Vinci Construction France, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, TPI, Montcocol SAS, Schneider Electric SA, Spie Citra de la garantir de toute condamnation par parts viriles ;
8°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient en outre que les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables ; que le tribunal ne peut pas donner acte du désistement partiel ; que la transaction conclue avec une partie des défenderesses doit être annulée.
Bouygues Travaux Publics :
Par des mémoires, enregistrés les 25 février 2016 et 4 mars 2016, la société Bouygues Travaux Publics, représentée par Me Lapp, demande au tribunal :
1°) de rejeter le désistement partiel de la SNCF ;
2°) d'enjoindre à la SNCF de produire la transaction intervenue entre elle et les autres codéfenderesses ;
3°) d'annuler ou de déclarer nulle cette transaction ;
4°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 37 B du projet Eole et à titre subsidiaire de condamner la SNCF à payer une somme équivalente à la valeur d'usage de la gare déterminée par voie d'expertise, de réduire en tout état de cause la demande de la SNCF du montant de la transaction, soit 23 020 000 euros, ainsi que de toute autre concession ou renonciation de la SNCF et de juger que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la date d'enregistrement du mémoire de la SNCF le 2 juillet 2014 ;
5°) de rejeter les conclusions de la SNCF tendant à sa condamnation sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle et à titre subsidiaire d'enjoindre à la SNCF de communiquer les pièces relatives aux paiements directs des sous-traitants de Bouygues SA, d'ordonner avant dire droit une expertise pour l'évaluation de l'indemnité et la réduire en tout état de cause du montant de la transaction et de toute autre concession ou renonciation de la SNCF ;
6°) de rejeter les appels en garanties formés à son encontre ;
7°) de condamner les sociétés Soletanche Bachy, Eiffage Infrastructure, Eiffage SA, Eiffage Construction, Eiffage Génie Civil, Fougerolle, Spie Opérations, Spie Batignolles TPCI, Razel-Bec, Müller Travaux Publics, Vinci SA, Vinci Construction, Vinci Construction France, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, TPI, Montcocol SAS, Schneider Electric SA, Spie Citra de la garantir de toute condamnation par parts viriles ;
8°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient en outre que les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables ; que le tribunal ne peut pas donner acte du désistement partiel ; que la transaction conclue avec une partie des défenderesses doit être annulée.
Bouygues Construction :
Par des mémoires, enregistrés les 25 février 2016 et 4 mars 2016, la société Bouygues Construction, représentée par Me Lapp, demande au tribunal :
1°) de la mettre hors de cause ;
2°) de rejeter le désistement partiel de la SNCF ;
3°) d'enjoindre à la SNCF de produire la transaction intervenue entre elle et les autres codéfenderesses ;
4°) d'annuler ou de déclarer nulle cette transaction ;
5°) de rejeter les appels en garanties formés à son encontre ;
6°) de condamner les sociétés Soletanche Bachy, Eiffage Infrastructure, Eiffage SA, Eiffage Construction, Eiffage Génie Civil, Fougerolle, Spie Opérations, Spie Batignolles TPCI, Razel-Bec, Müller Travaux Publics, Vinci SA, Vinci Construction, Vinci Construction France, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, TPI, Montcocol SAS, Schneider Electric SA, Spie Citra de la garantir de toute condamnation par parts viriles.
Elle soutient en outre qu'elle n'est plus mise en cause ; que le tribunal ne peut pas donner acte du désistement partiel ; que la transaction conclue avec une partie des défenderesses doit être annulée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le Code civil ;
- le Code de commerce ;
- la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;
- le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;
- le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 ;
- la décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-07 du 21 mars 2006 ;
- l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 juin 2008 n° 2006/06913 ;
- l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 octobre 2009, n° 08-17269 08-17476 08-17484 08-17616 08-17622 08-17640 08-17641 08-17642 08-17669 08-17772 08-17773 08-21132 ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dorion, rapporteur public,
- les observations de Me Dal Farra, pour SNCF Mobilités,
- les observations de Me Héber-Suffrin, pour les sociétés Vinci SA, Vinci Construction, Vinci Construction France, Sogea Travaux Publics Ile-de-France "TPI" et SFIG,
- les observations de Me Otto, pour la société Soletanche Bachy France,
- les observations de Me Selnet, pour la société Eiffage SA,
- les observations de Me Coppinger, pour les sociétés Eiffage Infrastructures, anciennement dénommée Eiffage Travaux Publics, Eiffage Construction, Fougerolle, Eiffage Génie Civil, anciennement dénommée Eiffage TP,
- les observations de Me Normand-Bodard, pour les sociétés Spie Opérations, anciennement dénommée Spie SA, et Spie Batignolles TPCI,
- les observations de Me Molas, pour la société Razel-Bec,
- les observations de Me Lapp, pour les sociétés Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction.
Une note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2016, a été présentée pour SNCF Mobilités.
Une note en délibéré, enregistrée le 21 avril 2016, a été présentée pour les sociétés Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction.
1. Considérant qu'au cours des années 1992 et 1993, la SNCF a procédé à plusieurs consultations pour la construction des infrastructures de la ligne Eole et leur interconnection ; qu'un premier appel d'offres portant sur le lot n° 34 B a été lancé le 10 novembre 1992 pour la réalisation des travaux de génie civil de la gare souterraine Nord-Est dite gare Magenta ; que la réalisation de ces travaux a été confiée à un groupement constitué des sociétés Chantiers Modernes et Dumez par une lettre de commande du 9 juillet 1993 pour une tranche ferme de 670 000 000 francs ; que ce marché a été exécuté entre juillet 1993 et décembre 1997 ; que la notification du décompte général et définitif pour ce marché est intervenue le 21 avril 1999 et a été acceptée sans réserve le 30 avril 1999 pour un montant de 1 024 458 688,91 francs ; qu'un second appel d'offre portant sur le lot n° 37 B a été lancé le 5 avril 1993 pour la réalisation des travaux de génie civil de la gare Saint-Lazare Condorcet en souterrain et à ciel ouvert ; que la réalisation de ces travaux a été confiée à un groupement constitué par les société Sogea, TPI, Spie Batignolles, Fougerolle-Ballot et Müller par une lettre de commande du 17 décembre 1993 pour une tranche ferme de 971 000 000 francs ; que les sociétés membres du groupement attributaire ont constitué entre elles une société en participation dans laquelle ont été intégrées, le 5 mai 1994, après accord de la SNCF, les sociétés Bouygues et Pico ; que ce marché a été exécuté entre avril 1994 et mai 1999 ; que la notification du décompte général et définitif de ce marché est intervenue le 12 octobre 2000 et a été acceptée sans réserve le 17 octobre 2000 pour un montant de 1 483 080 063,45 francs ;
2. Considérant qu'au cours de l'année 1994 a été révélé l'usage d'un logiciel de détermination aléatoire du prix de l'offre destiné à favoriser les ententes pour l'attribution des marchés de travaux publics en Ile-de-France ; que ces faits ont donné lieu à une enquête préliminaire ouverte le 6 décembre 1994 ; qu'à la suite d'un rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 5 avril 1995, une information judiciaire pour pratiques anticoncurrentielles a été ouverte le 30 juin 1995 ; que ce rapport a mis en évidence des indices de pratiques anticoncurrentielles ayant consisté, pour les chefs de file de groupes du BTP, grâce à un système de tours de tables, à se répartir préalablement les marchés de travaux publics d'Ile-de-France avec un système de compensation et d'offres de couverture, cette entente générale se doublant d'ententes particulières propres à chaque marché ; que le directeur de l'agence de travaux d'Ile-de-France a été entendu par le juge d'instruction le 2 juillet 1997 ; qu'il s'est constitué partie civile au nom de la SNCF par un courrier du 4 juillet 1997 ; qu'à la suite de l'annulation de trois procès-verbaux de placements sous scellés par un arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Versailles du 11 septembre 2002, le juge d'instruction a constaté la prescription de l'action publique concernant les faits faisant l'objet de l'information dont il était saisi par une ordonnance du 26 novembre 2002 ;
3. Considérant que par une décision de la commission permanente du 13 mars 1997, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur des travaux publics constatée à l'occasion de la passation de divers marchés publics de travaux en Ile-de-France, dont les marchés Eole ; que par une décision n° 06-D-07 bis du 21 mars 2006, trente-quatre entreprises de travaux publics se sont vues infliger des sanctions pécuniaires pour infraction aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibant les ententes, de manière générale, dans le secteur des travaux publics en Ile-de-France et, de manière particulière, à l'occasion de la conclusion des marchés des lots n° 34 B et 37 B du projet Eole ; que le Conseil de la concurrence a notamment relevé dans sa décision que les sociétés Bouygues, Vinci et Eiffage s'étaient entendues pour se répartir entre elles ou entre leurs filiales les marchés de travaux publics en Ile-de-France entre le 6 décembre 1991 et le 13 mars 1997 ; qu'il a également relevé que les sociétés Bouygues, Chantiers Modernes, Montcocol, Nord France TP et Schneider Electric SA venant aux droits de Spie Batignolles s'étaient livrées avant le dépôt effectif des offres du lot n° 34 B à des pratiques de concertations et d'échanges d'informations contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; qu'il a relevé la même infraction en ce qui concerne les sociétés Bouygues, Dumez GTM, Nord France TP, Spie Batignolles, Sogea et Soletanche Bachy France en ce qui concerne le lot n° 37 B ;
4. Considérant qu'en ce qui concerne les sociétés visées par cette entente générale et les ententes particulières aux lots n° 34 B et 37 B, la décision du Conseil de la concurrence a été confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris susvisé du 24 juin 2008, lui-même confirmé par l'arrêt susvisé de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 octobre 2009 ;
5. Considérant que dans le dernier état de ses écritures résultant du mémoire enregistré le 23 février 2016, SNCF Mobilités demande au tribunal, à titre principal, d'annuler ou de déclarer nul le marché du lot n° 37 B et de condamner solidairement ou à défaut in solidum les sociétés Bouygues et Bouygues Travaux Publics, au titre de la répétition de l'indu, à lui verser la somme de 281 422 996,35 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement ou à défaut in solidum les sociétés Bouygues et Bouygues Travaux Publics, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser la somme de 37 236 391 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; qu'en ce qui concerne le lot n° 34 B, SNCF Mobilités demande la condamnation solidaire ou à défaut in solidum des sociétés Bouygues et Bouygues Travaux Publics, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser la somme de 33 952 271 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
Sur l'étendue du litige
6. Considérant, d'une part, que dans son mémoire enregistré le 23 février 2016, SNCF Mobilités demande au tribunal de lui donner acte de son désistement d'instance et d'action à l'égard des sociétés Vinci SA, Vinci Construction France, Vinci Construction, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Soletanche Bachy France, Spie SA, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Eiffage, Eiffage Construction, Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Eiffage TP, Eiffage Infrastructures venant aux droits de la société Eiffage Travaux Publics venant elle-même aux droits de Fougerolle Ballot, Fougerolle, Montcocol, Razel-Bec, Müller Travaux Publics et Me Pierre Bayle es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Müller Travaux publics, Schneider Electric SA, Merizan et en tant que de besoin toute autre société que Bouygues et Bouygues Travaux Publics ; que ce désistement est pur et simple ; qu'il est inconditionnel ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte, alors même que les sociétés Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction s'y opposent ; que ce désistement partiel de SNCF Mobilités implique l'abandon de ses conclusions tendant à l'annulation du marché du lot n° 34 B du projet Eole ; qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions ; qu'à l'exception des sociétés Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction qui le refusent, le désistement partiel est accepté par les sociétés défenderesses ; qu'il y a donc lieu de donner acte à ces sociétés du désistement de leurs conclusions reconventionnelles ;
7. Considérant, d'autre part, que la société Bouygues Construction et M. Bayle, Commissaire à l'exécution du plan de la société SA Müller TP, ne sont pas visés par les demandes de SNCF Mobilités ; qu'ils doivent dès lors être mis hors de cause ;
Sur la compétence de la juridiction administrative
8. Considérant que les litiges relatifs à la responsabilité de personnes auxquelles sont imputés des comportements susceptibles d'avoir altéré les stipulations d'un contrat administratif, notamment ses clauses financières, dont la connaissance relève de la juridiction administrative, et d'avoir ainsi causé un préjudice à la personne publique qui a conclu ce contrat, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;
9. Considérant que le présent litige a pour objet, d'une part, l'annulation d'un marché de travaux publics et, d'autre part, l'engagement de la responsabilité de diverses sociétés en raison d'agissements dolosifs susceptibles d'avoir conduit une personne publique à contracter avec elles à des conditions de prix désavantageuses et tend à la réparation d'un préjudice né des stipulations du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché de travaux publics effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'un tel litige relève de la compétence des juridictions administratives, alors même qu'il met en cause une méconnaissance par les sociétés de leur obligation de respecter les règles de la concurrence et non une faute contractuelle ; que les sociétés défenderesses ont d'ailleurs renoncé à invoquer l'exception d'incompétence de la juridiction administrative dans leurs dernières écritures ;
Sur l'intérêt à agir de la SNCF
10. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 février 1997 portant création de l'établissement public "Réseau ferré de France" en vue du renouveau du transport ferroviaire : "Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport appartenant à l'Etat et gérés par la Société nationale des chemins de fer français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies, y compris les appareillages fixes associés, les ouvrages d'art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l'entretien des infrastructures./ Sont exclus de l'apport, d'une part, les biens dévolus à l'exploitation des services de transport, qui comprennent les gares (...)" ; qu'aux termes de l'article 6 de cette même loi : "Réseau ferré de France est substitué à la Société nationale des chemins de fer français pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date (....)" ; qu'en vertu de l'annexe au décret n° 97-445 du 5 mai 1997, figurent parmi les actifs transférés de la SNCF à RFF : "Dans les gares : - les quais y compris leurs ouvrages de couverture et les plates-formes (à l'exception des plates-formes d'extrémité des gares terminus), les escaliers, rampes et ascenseurs des quais (à l'exception de ceux donnant accès aux bâtiments voyageurs), les passages souterrains, passerelles, sous réserve du A 4 (troisième tiret) ci-dessus" ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997 alors en vigueur : "RFF exerce lui-même sa maîtrise d'ouvrage ou confie à la SNCF, en application de l'article 1er de la loi du 13 février 1997 susvisée, des mandats de maîtrise d'ouvrage pouvant porter sur des ensembles d'opérations. Ces mandats portent soit sur un ensemble de travaux concernant une catégorie particulière d'ouvrage, soit sur une opération globale d'aménagement ou de développement du réseau. Ils précisent le programme des travaux et les enveloppes financières prévisionnelles, ainsi que les conditions de rémunération prévues" ; qu'en vertu de l'article B-14 de l'annexe 3 à la convention 98-037 de mandat de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre entre RFF et la SNCF concernant la première étape du projet Eole du 21 décembre 1998, le mandataire représente le mandant en justice tant en demande qu'en défense, et ce jusqu'à l'obtention du quitus pour toute action relative à l'exécution d'un marché qu'il a signé et tout recours et action des tiers ;
11. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que les conclusions à fin d'annulation et les conclusions indemnitaires présentées par la SNCF concernent des ouvrages d'infrastructures ferroviaires appartenant entièrement, en vertu de la loi du 13 février 1997, à Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau, auquel les ouvrages ont été apportés à leur valeur nette comptable, la SNCF ne pouvant plus dès lors subir aucun préjudice à raison du prix qui a été payé ; qu'elles ajoutent que, si l'article 6 de la loi du 13 février 1997 fait une exception à la substitution de Réseau ferré de France à la SNCF pour les droits afférents à des dommages liés aux biens transférés constatés avant le 1er janvier 1997, ces dommages ont été constatés après cette date ;
12. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que seule une partie des ouvrages litigieux a été transférée à RFF en vertu de la loi du 13 février 1997 ; que, d'autre part et tout état de cause, la convention de mandat du 21 décembre 1998 précitée a confié à la SNCF le soin de représenter RFF pour toute action en justice relative aux marchés signés, engagée contre ses cocontractants ou contre des tiers ; que, par suite, SNCF justifie, à la date d'introduction de ses demandes, d'un intérêt lui donnant qualité non seulement pour demander l'annulation des marchés litigieux mais aussi l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché du lot n° 37 B
13. Considérant que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;
14. Considérant qu'aucune règle et aucun principe, en particulier ceux tirés de la moralité processuelle ou de l'estoppel, ne fait obstacle à ce qu'une partie, qui s'est initialement bornée à solliciter devant le juge administratif la réparation, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, d'un surcoût lié à des ententes dans l'attribution de marchés publics, puisse ensuite saisir, à titre principal, le juge du contrat d'une action tendant à l'annulation de ces contrats et demander la restitution des sommes versées en exécution de ces contrats ; que s'agissant en tout état de cause comme en l'espèce de marchés de travaux publics, une telle demande ne se heurte ni à l'absence de liaison du contentieux, ni à la règle selon laquelle les causes nouvelles ne peuvent être invoquées à l'expiration du délai de recours contentieux ; que la circonstance que le marché a été entièrement exécuté et que les relations contractuelles entre les parties ont cessé est sans incidence sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation du contrat ; qu'enfin, alors même qu'elle intervient trois ans environ après l'enregistrement de la requête tendant à la condamnation, sur le fondement quasi-délictuel, des entreprises ayant participé à des ententes en vue de l'attribution d'un marché public, une telle action ne se heurte ni à une quelconque obligation de concentration des moyens en début de procédure ni au principe d'égalité des armes entre les parties découlant des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
15. Considérant que si SNCF Mobilités indique avoir conclu une transaction avec une partie des défenderesses en contrepartie du versement de la somme de 23 020 000 euros, elle ne peut cependant être regardée comme ayant renoncé à demander l'annulation du marché faisant l'objet du lot n° 37 B du projet Eole ; que cette transaction est sans incidence sur la recevabilité de cette demande ;
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux du lot n° 37 B du projet Eole ont été attribués à un groupement d'entreprises solidaire constitué initialement des sociétés Sogea, TPI Ile-de-France, Fougerolle, Léon Ballot BTP, Spie Batignolles et Müller Frères, lesquelles ont créé entre elles une société en participation par un acte du 9 janvier 1994 ; que ce groupement d'entreprises solidaires a été étendu à la société Bouygues et à la société Pico avec l'accord du maître d'ouvrage le 5 avril 1994 ; que ces deux sociétés ont intégré cette société en participation par un avenant n° 1 du 5 mai 1994 ; qu'il résulte d'ailleurs d'un protocole d'accord conclu entre les parties le 6 novembre 1997, que la société Bouygues faisait partie du groupement titulaire du lot n° 37 B du projet Eole ; qu'ainsi, la société Bouygues Travaux Publics, qui vient aux droits de la société Bouygues, n'est pas fondée à soutenir que SNCF Mobilités ne pourrait se prévaloir à son égard de la nullité du marché du lot n° 37 B du projet Eole au motif qu'elle n'aurait pas été titulaire de ce lot ; qu'en revanche, s'agissant de cette même action en nullité concernant le lot n° 37 B, la société Bouygues doit être mise hors de cause ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce : "Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement" ; qu'aux termes de l'article L. 420-3 du même Code : "Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-1" ;
18. Considérant qu'alors même que le marché de construction de la gare souterraine Condorcet du projet Eole aurait été conclu par la SNCF à des conditions de prix désavantageuses à la suite d'une entente générale et d'ententes particulières entre les entreprises candidates à l'attribution de marchés de travaux publics dans la région d'Ile-de-France, ce marché n'a pas, par lui-même, pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; qu'ainsi, la SNCF ne peut en demander l'annulation sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 420-3 du même Code ;
19. Considérant qu'en tout état de cause, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 susvisée, toutes les actions tant réelles que personnelles étaient prescrites par trente ans en vertu des dispositions de l'article 2262 du Code civil ; que désormais les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer en vertu de l'article 2224 de ce même Code, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi précitée ; que ces dispositions sont générales et s'appliquent à l'action visée au point 13 ci-dessus par laquelle les parties à un contrat administratif ont saisi le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'en vertu de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, les dispositions de cette loi, qui réduisent la durée de la prescription, s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;
20. Considérant que les manœuvres anti-concurrentielles dont la SNCF a été victime lors de la conclusion du marché du lot n° 37 B ont été découvertes au plus tard à la date de publication le 26 janvier 2007 au bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la décision du Conseil de la concurrence du 21 mars 2006 ; que c'est à compter de cette date de publication que le délai de prescription de l'action en nullité a commencé à courir ; qu'ainsi, à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de cinq ans résultant des dispositions de l'article 2224 du Code civil a été substitué au délai de prescription trentenaire jusqu'alors prévu par les dispositions de l'article 2262 du même Code ; que, contrairement à ce que soutient la SNCF, le délai de prescription de l'action en nullité n'a pas été interrompu par l'auto-saisine du Conseil de la concurrence et n'a pu commencer ou recommencer à courir à compter de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2009 qui a cassé et annulé, en ses seules dispositions relatives à la SA Razel et aux sanctions prononcées contre la société Sefi Intrafor, l'arrêt rendu le 24 juin 2008 par la Cour d'appel de Paris statuant sur les recours en annulation dirigés contre la décision du Conseil de la concurrence du 21 mars 2006 ; que la SNCF n'invoque aucune autre cause d'interruption ou de suspension du délai de prescription ; que, dès lors, à la date à laquelle ont été présentées les conclusions à fin d'annulation du marché litigieux, le 1er juillet 2014, le délai de prescription de cinq ans qui a commencé à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, était expiré ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation du marché du lot n° 37 B du projet Eole doivent être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires
En ce qui concerne la prescription
21. Considérant que jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 17 juin 2008 susvisée, l'action en responsabilité quasi-délictuelle de la personne publique à l'encontre du ou des auteurs d'une fraude ou d'un dol commis lors la passation d'un marché public était soumise à un délai de prescription trentenaire en vertu des principes dont s'inspiraient les dispositions de l'article 2262 du Code civil alors en vigueur ; que, toutefois, à compter de la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 susvisée, le délai de prescription de droit commun a été réduit à cinq ans conformément aux dispositions de l'article 2224 du Code civil ;
22. Considérant que si les parties défenderesses soutiennent que le dommage de la SNCF doit être regardé comme s'étant manifesté le 4 juillet 1997, date à laquelle elle s'est constituée partie civile, le délai de prescription trentenaire n'était pas expiré le 19 juin 2008, date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 susvisée ; que, par suite, à la date à laquelle la requête de la SNCF a été enregistrée au greffe du tribunal administratif, le 14 mars 2011, le délai de prescription de l'action indemnitaire de la SNCF résultant des dispositions de l'article 2224 du Code civil n'était pas expiré ;
En ce qui concerne la faute
23. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier de la décision du Conseil de la concurrence du 21 mars 2006, que les sociétés Bouygues, Vinci et Eiffage se sont entendues pour se répartir les marchés de travaux publics d'Ile-de-France entre elles ou entre leurs filiales entre le 6 décembre 1991 et le 13 mars 1997 ; que cette entente générale s'est doublée d'ententes particulières, notamment en ce qui concerne l'attribution des marchés litigieux des lots n° 34 B et 37 B de la SNCF ; qu'ainsi, dans sa décision précitée du 21 mars 2006, le Conseil de la concurrence a mis en évidence un faisceau d'indices graves, précis et concordants de pratiques de concertation et d'échanges d'informations antérieures au dépôt effectif des offres relatives au marchés n° 34 B de la ligne Eole, imputables aux sociétés Bouygues, Chantiers Modernes, Montcocol, Nord France TP et Schneider Electric SA venant aux droits de Spie Batignolles ; qu'en outre, cette même décision a également mis en évidence l'existence de pratiques anticoncurrentielles d'ententes en ce qui concerne le lot n° 37 B de la ligne Eole auxquelles ont participé les sociétés Bouygues, Dumez GTM, Nord France TP, Spie Batignolles, Sogea et Soletanche Bachy ; que ces pratiques constituent une faute de nature à engager la responsabilité solidaire de leurs auteurs vis-à-vis de SNCF Mobilités ;
En ce qui concerne le préjudice
24. Considérant que la SNCF soutient que les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par le Conseil de la concurrence dans sa décision précitée du 21 mars 2006 sont constitutives de manœuvres dolosives qui l'ont conduite à accepter, pour les lots n° 34 B et 37 B, des conditions financières plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait normalement dû souscrire ; qu'elle sollicite l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ces pratiques ;
25. Considérant que pour établir l'existence de son préjudice, la SNCF se fonde sur les termes de la décision précitée du Conseil de la concurrence du 21 mars 2006 qui a notamment mis en évidence l'existence d'une pratique d'entente générale entre les majors de la profession du BTP et des ententes propres à chaque appel d'offres qui ont eu pour objet une répartition de l'ensemble des marchés de travaux publics, passés en Ile-de-France, entre les membres des ententes ; que pour établir l'existence de son préjudice et en évaluer le quantum, la SNCF s'appuie également sur un rapport établi à sa demande le 26 mai 2014 par une société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes qui utilise deux méthodes, celle dite du "différentiel de marge" et celle dite "des prix objectifs" ; que selon ce rapport, le différentiel de marge peut être fixé à 23,88 % pour le lot n° 34 B, ce chiffre étant obtenu en comparant le montant de l'offre du groupement attributaire avec son "prix de revient", tel qu'il figure dans un tableau saisi dans les locaux d'une société de l'un des groupements ayant participé à la consultation ; que selon ce même rapport, le "prix de revient" figurant dans ce tableau pour le groupement attributaire, de 569 millions de francs, ne saurait correspondre au montant des seuls "déboursés secs" pour ce marché mais s'entendrait au contraire d'un prix de revient incluant les frais de chantier et les frais généraux, et pourrait ainsi être comparé au montant de l'offre du groupement attributaire pour la détermination du surcoût lié à l'entente ; qu'appliqué au montant du décompte général et définitif du marché, le différentiel de marge ferait apparaître pour le lot n° 34 B un surcoût de 27 584 505 euros en tenant compte d'une marge normale de 2 % ; que s'agissant du lot n° 37 B, le préjudice est évalué dans ce même rapport à partir d'un document d'étude de prix également saisi dans les locaux d'une société de l'un des groupements ayant participé à la consultation faisant apparaître notamment un "prix de vente" et un "prix normal" permettant de déterminer, par comparaison entre eux, un surcoût de 14,95 %; qu'appliqué au montant du décompte général et définitif du marché, le différentiel de marge ferait apparaître pour le lot n° 37 B un surcoût de 29 405 018 euros ; que la SNCF a croisé cette méthode de calcul du différentiel de marge avec la méthode des prix objectifs tirée pour l'essentiel, s'agissant du lot n° 37 B, des prix du marché n° 34 B, dépollués de la "marge indue" de ce lot ; que s'agissant du lot n° 34 B, le rapport produit par la SNCF retient que la méthode des "prix objectifs" n'est pas pertinente ;
26. Considérant toutefois que si la décision du Conseil de la concurrence du 21 mars 2006 met en évidence, s'agissant notamment des marchés en litige, l'existence de pratiques de concertation et d'échanges d'informations antérieures à l'attribution des lots n° 34 B et 37 B, elle ne suffit cependant pas à établir par elle-même, en particulier par les pièces auxquelles elle fait référence, que la SNCF a conclu ces marchés à des conditions financières plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait normalement dû souscrire ;
27. Considérant qu'en ce qui concerne l'attribution du lot n° 34 B, une note établie par la direction de l'aménagement de l'agence Ile-de-France pour le conseil d'administration de la SNCF du 21 juin 1993 indique que les prix des offres ont été jugés acceptables, l'offre du groupement retenu en solution variante étant inférieure de 10,1 % au prix objectif du marché ; que ce prix, établi avant le dépouillement des offres, sur la base de la totalité des prix unitaires du détail estimatif du marché, à l'aide d'une banque de données regroupant les résultats de précédentes consultations, constitue une donnée objective à laquelle il est possible de se référer, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi qu'il aurait lui-même été obtenu en prenant en compte des marchés dont l'attribution aurait été décidée sur la base d'un quelconque mécanisme ayant faussé le libre jeu de la concurrence et, d'autre part, que la SNCF disposait d'une expertise en matière de travaux publics lui permettant de déceler d'éventuels surcoûts ; qu'en outre, il n'est pas davantage établi que les "prix de revient" figurant dans le tableau saisi dans les locaux d'une société de l'un des groupements ayant participé à la consultation correspondraient à un prix de revient total hors bénéfice pouvant être comparé à l'offre de l'attributaire ; qu'ainsi, le rapport d'évaluation produit par la SNCF ne permet pas d'établir l'existence d'une quelconque majoration du prix du lot n° 34 B liée aux ententes sanctionnées par le Conseil de la concurrence ;
28. Considérant qu'en ce qui concerne le lot n° 37 B, le différentiel de marge retenu par la SNCF a été obtenu en comparant le taux de marge "normale" avec le taux de marge "faussé par l'entente" tels qu'ils se dégageraient de deux documents intitulés "résumés d'études de prix" datés du 28 mars 1994, huit mois après la remise des offres, saisis par la DGCCRF dans les locaux de la société Nord France TP ; que la SNCF déduit de la comparaison de ces deux documents que la majoration appliquée par les membres de l'entente était de 14,95 % ; que, toutefois, ces documents ne concernent pas l'offre du groupement attributaire du marché en cause, mais l'offre du groupement Nord France TP ; qu'en outre, le prix "ventes" mentionné dans l'un des documents correspond à celui de l'offre initiale et non celui de la lettre de commande de la tranche ferme, inférieure à celui de l'offre ; qu'ainsi, outre le fait que ces résumés ne paraissent pas comparables entre eux, ils ne sauraient en tout état de cause être comparés au montant de l'offre de l'attributaire ; que, dans ces conditions, la SNCF n'établit pas l'existence d'une majoration du prix du lot n° 37 B liée aux ententes sanctionnées par le Conseil de la concurrence ; qu'enfin, la SNCF a croisé la méthode de calcul du différentiel de marge avec la méthode des prix objectifs tirée pour l'essentiel, s'agissant du lot n° 37 B, des prix du marché n° 34 B, dépollués de la "marge indue" de ce lot, dont le prix objectif est lui-même déterminé majoritairement sur prix du lot n° 33 B ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 27, l'existence d'une marge indue pour le lot n° 34 B n'étant pas établie, la SNCF ne justifie pas davantage, par la méthode dite des prix objectifs, l'existence des surcoûts dont elle serait fondée à obtenir l'indemnisation ; que, d'ailleurs, une note du directeur de l'agence pour l'étude et la réalisation des travaux neufs en Ile-de-France du 1er juillet 1997 fait apparaître que le marché a été attribué au groupement moins-disant pour un coût légèrement inférieur au prix objectif que s'était fixé la SNCF ;
29. Considérant, en outre, que s'agissant des deux lots en litige, cette même note indique que la SNCF, préalablement informée d'un risque de répartition des lots entre les grandes entreprises du BTP et des dérives des coûts pour la réalisation du chantier Eole, avait pris des précautions pour contrecarrer d'éventuelles ententes, notamment en faisant appel à des entreprises étrangères, en prévoyant dans les appels d'offres de génie civil des variantes allant jusqu'à la modification de la méthode générale de construction et en déclarant infructueux certains appels d'offres ; qu'ainsi, le tableau récapitulatif des offres reçues pour le lot n° 34 B figurant au point 69 de la décision susvisée du Conseil de la concurrence mentionne une offre du groupement Impreza qui n'a jamais été suspecté de participer aux ententes et dont le montant est supérieur à celui des offres des groupements Bouygues, Chantiers Modernes, Spie, Nord France et Borie, seule l'offre du groupement GTM étant supérieure ; que pour le lot n° 37 B, la SNCF a reçu 38 offres, dont 13 émanant d'entreprises étrangères ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que ces offres ont été présentées par des entreprises ayant participé aux ententes et qu'elles étaient moins-disantes ; qu'au final, aucun des éléments avancés par la requérante, en particulier ses calculs hypothétiques fondés sur des données non vérifiables, ne permet d'établir la réalité du surcoût qui serait imputable aux ententes des sociétés défenderesses ;
30. Considérant ainsi que l'existence même d'un préjudice résultant de ce que la SNCF aurait souscrit les marchés des lots n° 34 B et 37 B à des conditions financières supérieures à celles qui auraient résulté du libre jeu de la concurrence n'est pas établie ; que, d'ailleurs, un rapport établi le 15 octobre 1997 en ce qui concerne le lot n° 37 B a estimé le coût final de l'opération, alors évalué à 1 350 millions de francs, très raisonnable pour un tel ouvrage ; qu'en outre, les sociétés défenderesses font valoir, sans être sérieusement contestées, que le bilan comptable de l'opération sur le chantier du lot n° 34 B fait ressortir une marge nette négative de 41 287 439 francs et que les comptes de la société en participation constituée pour exécuter le chantier du lot n° 37 B font ressortir une marge nette négative de 300 170 808 francs ;
31. Considérant que l'existence même d'un préjudice résultant de ce que la SNCF aurait souscrit les marchés des lots n° 34 B et 37 B à des conditions financières supérieures à celles qui auraient résulté du libre jeu de la concurrence n'étant pas établie, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires de SNCF Mobilités, sans qu'il y ait lieu de prescrire une quelconque mesure d'instruction ou d'expertise ;
32. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de SNCF Mobilités doit être rejetée ; que par voie de conséquence, les conclusions reconventionnelles des sociétés Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction peuvent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative
33. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Il est donné acte à SNCF Mobilités de son désistement d'instance et d'action à l'égard des sociétés Vinci SA, Vinci Construction France, Vinci Construction, Sogea Travaux Publics Ile-de-France, Soletanche Bachy France, Spie SA, Spie Batignolles TPCI, SBTP, Eiffage, Eiffage Construction, Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Eiffage TP, Eiffage Infrastructures venant aux droits de la société Eiffage Travaux Publics venant elle-même aux droits de Fougerolle Ballot, Fougerolle, Montcocol, Razel-Bec, Müller Travaux Publics et Me Pierre Bayle es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Müller Travaux publics, Schneider Electric SA, Merizan et en tant que de besoin toute autre société que Bouygues et Bouygues Travaux Publics.
Article 2 : Il est donné acte aux sociétés défenderesses, à l'exception de la société Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction, du désistement de leurs conclusions reconventionnelles.
Article 3 : La société Bouygues Construction et M. Pierre Bayle, Commissaire à l'exécution du plan de la société Müller TP sont mis hors de cause.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de SNCF Mobilités est rejeté.
Article 5 : Les conclusions reconventionnelles des sociétés Bouygues, Bouygues Travaux Publics et Bouygues Construction sont rejetées.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à SNCF Mobilités, à la société Vinci Construction, à la société Bouygues, à la société Vinci Construction France, à la société Montcocol, à la société Schneider Electric SA, à la société Soletanche Bachy France, à la société Spie Citra, à la société Travaux Publics et Industriels en Ile-de-France, à la société Sogea Travaux Publics Ile-de-France, à la société Eiffage SA, à la société Eiffage Infrastructures, à la société Eiffage Construction, à la société Fougerolle, à la société Spie Opérations, à la société Spie Batignolles TPCI, à la société Razel-Bec, à Me Pierre Bayle en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Müller Travaux Publics, à la société Vinci SA, à la société Bouygues Travaux Publics, à la société Bouygues Construction et à la société Eiffage Génie Civil.