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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 9 juin 2017, n° 13-21852

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Salem, Direct Distribution International Ltd (Sté), Trednet (SARL), Transac (SARL)

Défendeur :

Google France (SARL), Google Ireland (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Patrick Birolleau,

Conseillers :

Mme Lis Schaal, M. Thomas

Avocats :

Mes Masson, Régnier, Proust

T. com. Paris, du 15 juill. 2013

15 juillet 2013

Faits et procédure

Entre mai 2004 et mai 2006, les sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet et Transac, commercialisant des compléments alimentaires, dirigées par Monsieur Jérôme Salem, ont souscrit au programme publicitaire AdWords proposé par la société Google.

Après suspension de plusieurs campagnes publicitaires et avertissement adressés le 20 avril 2009 à la société Trednet, puis le 10 septembre 2009 à Monsieur Salem, Google, invoquant des manquements au respect des règles Google acceptées par ses cocontractants, a suspendu, en octobre 2009, les comptes AdWords des sociétés Direct Distribution International, Trednet et Transac et a tagé le site www.fiteurope.com appartenant à ces sociétés, le tagage ayant pour effet d'empêcher tout annonceur de mettre en œuvre une campagne AdWords qui dirigerait des utilisateurs potentiels vers ce site.

Les sociétés Direct Distribution International, Trednet et Transac et leur dirigeant, Monsieur Salem, ont, par acte du 3 août 2012, assigné Google France et Google Ireland devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 15 juillet 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la SARL Transac et Monsieur Salem ont un intérêt à agir et débouté les sociétés Google de leur exception d'irrecevabilité ;

- mis la SARL Google France hors de cause ;

- débouté Monsieur Salem et les sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet et Transac de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Google Ireland Ltd ;

- débouté la société Trednet de sa demande qu'il soit fait injonction à la société Google Ireland de supprimer les mesures de " tagage " à l'encontre d'elle-même et du site Internet www.fiteurope.com, sous astreinte ;

- débouté la société de droit anglais Direct Distribution International Ltd (DDI), les sociétés Trednet et Transac, et déboute Monsieur Salem de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;

- débouté les demandeurs de leur prétention à ce que le présent jugement soit publié sur la page d'accueil du site www.Google.fr et dans trois journaux à leur choix ;

- condamné in solidum la société de droit anglais Direct Distribution International Ltd, les sociétés Trednet et Transac, Monsieur Salem à verser à la société Google Ireland la somme de 10 000 euros et à la société Google France la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum aux dépens de l'instance la société de droit anglais Direct Distribution Ltd, les sociétés Trednet et Transac et Monsieur Salem.

Le tribunal a retenu que les choix éditoriaux de Google, dès lors qu'ils ne sont pas illicites, relèvent de la simple liberté du commerce et s'imposent à son cocontractant, quel qu'il soit, qui, en signant le contrat AdWords, a accepté de se conformer aux Règlements AdWords ; il a constaté que la rupture des relations commerciales avec les demanderesses est motivée et conforme aux règles contractuelles et qu'elle n'était pas brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, les sociétés Direct Distribution International, Trednet et Transac ayant été averties au préalable ; il n'a enfin pas retenu les faits d'abus de position dominante et de pratiques discriminatoires invoqués par les sociétés demanderesses, ces dernières n'établissant pas que Google accepterait des publicités de concurrents pour des produits identiques à ceux qu'elles vendent.

Selon déclaration du 15 novembre 2013, les sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet, Transac et Monsieur Salem ont régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt rendu le 2 décembre 2016, la cour de ce siège a :

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit Monsieur Jérôme Salem et la SARL Transac recevables en leur action et en ce qu'il a mis hors de cause la société Google France ;

- sursis à statuer sur le surplus ;

- constatant que les sociétés Trednet, DDI et Transac et Monsieur Salem demandaient conjointement, au visa à la fois des article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, abusive et brutale la suspension, par les sociétés Google France et Google Ireland des comptes AdWords des sociétés Trednet, DDI et Transac, ordonné la réouverture des débats et le retour du dossier à la mise en état et invité les parties à conclure sur l'irrecevabilité encourue en application du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Prétentions des parties

Les sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet,Transac et Monsieur Salem, par dernières conclusions signifiées le 14 mars 2017, demandent à la cour de :

A titre principal,

- déclarer recevables les présentes conclusions n°5 des sociétés Trednet, DDI, Transac et Monsieur Jérôme Salem, lesquelles reprennent les demandes telles que réorganisées dans les conclusions n°4 du 22 février 2017 des appelants ;

- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré la société Transac et Monsieur Salem recevables à agir ;

Statuant à nouveau,

- déclarer recevables et bien fondées en leur appel et en toutes leurs demandes les sociétés Trednet, DDI, Transac et Monsieur Salem ;

- constater que la suspension par la société Google Ireland du compte " AdWords " n° 806-555-3539 de la société Trednet est constitutive d'un abus du droit de résilier ;

- constater que la société Google Ireland a rompu brutalement la relation commerciale établie avec les sociétés DDI et Transac ;

A titre subsidiaire,

- constater que la société Google Ireland a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Trednet ;

- constater que la suspension par la société Google Ireland des comptes " AdWords " n° 274-654-6169 et n° 589-095-3049 des sociétés DDI et Transac est constitutive d'un abus du droit de résilier ;

En tout état de cause,

- constater que la société Google Ireland a commis une faute en mettant en place une mesure de " tagage ", empêchant à tout tiers de promouvoir l'activité du site Internet " www.fiteurope.com " de la société Trednet au travers du programme " AdWords " ;

- constater que la société Google Ireland a entrepris des pratiques discriminatoires à l'encontre des sociétés Trednet, DDI et Transac constitutives d'un abus de position dominante ;

- constater que la société Google Ireland acommis une faute en privant Monsieur Salem sur son seul nom de la possibilité d'ouvrir des comptes " AdWords " dans le cadre de son métier de gérant ;

En conséquence,

- faire injonction à la société Google Ireland de rétablir les comptes " AdWords " n° 806-555-3539, n° 274-654-6169 et n° 589-095-3049 des sociétés Trednet, DDI et Transac, dans les cinq jours à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

- faire injonction à la société Google Ireland de supprimer les mesures de "tagage" à l'encontre de la société Trednet et du site Internet " www.fiteurope.com ", dans les cinq jours à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

- condamner la société Google Ireland à payer à la société Trednet la somme de 1 650 000 euros TTC en réparation de son préjudice ;

- condamner la société Google Ireland à payer à la société DDI la somme de 2 230 000 euros TTC en réparation de son préjudice ;

- condamner la société Google Ireland à payer à la société Transac la somme de 256 000 euros TTC en réparation de son préjudice ;

- condamner la société Google Ireland à verser la somme de 50 000 euros à la société Trednet, en réparation du préjudice subi du fait de la mesure de " tagage " prise à l'encontre de son site Internet " www.fiteurope.com " ;

- condamner la société Google Ireland à verser la somme de 20 000 euros à Monsieur Salem, en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité qui lui est faite sur son seul nom d'ouvrir un compte "AdWords" ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, par extrait ou par résumé établi par les sociétés Trednet, DDI et Transac, sur la page d'accueil du site Internet " www.google.fr ", en haut de cette page et de manière visible à son ouverture, en langue française, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée de quelque nature qu'elle soit, dans un encadré de 468 x 120 pixels, le texte reproduit devant être d'une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface développée à cet effet, pendant une durée ininterrompue de deux mois, et dans trois journaux, revues ou périodiques, au choix des sociétés Trednet, DDI et Transac, dans la limite de 10 000 euros HT par publication ;

- condamner la société Google Ireland à payer aux sociétés Trednet, DDI et Transac ainsi qu'à Monsieur Salem, chacun la somme de 35 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouter la société Google Ireland de toutes ses demandes ;

- condamner la société Google Ireland aux entiers dépens.

Sur la recevabilité de leurs conclusions telles que réorganisées à la suite de la réouverture des débats par la Cour, les appelants soutiennent que leurs conclusions en date du 22 février 2016 ne doivent pas être écartées au motif que cette cour aurait rouvert les débats dans le seul but de permettre aux parties de conclure sur le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ; ils expliquent que la cour d'appel a rouvert les débats sans limitation et a sursis à statuer sur toutes les demandes autres que celles portant que la recevabilité de l'action ; ils en déduisent qu'ils pouvaient réorganiser leurs demandes, y compris les demandes indemnitaires, pour prendre en considération le moyen d'irrecevabilité soulevé par la cour d'appel.

Sur le non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, les appelants précisent qu'ils demandent désormais l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Google pour des manquements commis au préjudice de la société Trednet et l'engagement de la responsabilité délictuelle de la société Google pour des manquements commis au préjudice des sociétés DDI et Transac ; ils précisent qu'il n'y a dès lors aucun cumul d'une action contractuelle et d'une action délictuelle pour un même fait, puisqu'ils ne reprochent pas les mêmes griefs à la société Google, selon qu'ils ont été causés à la société Trednet ou aux sociétés DDI et Transac. Ils font ainsi valoir que la société Google a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Trednet pour avoir résilié de manière unilatérale et fautive le contrat portant sur les campagnes "Adwords", que cette résiliation est fautive dès lors qu'elle n'était pas fondée sur une inexécution contractuelle de la société Trednet, cette dernière ayant respecté les conditions posées par la société Google sur les stéroïdes anabolisants puisqu'elle ne vend que des produits autorisés en France. Ils soutiennent par ailleurs que la société Google a engagé sa responsabilité délictuelle envers les sociétés DDI et Transac pour avoir rompu brutalement les relations commerciales établies avec ces dernières, Google ayant mis fin aux contrats " Adwords " de DDI et de Transac sans respect d'aucun préavis.

Ils insistent sur les différences de circonstances ayant conduit la société Google à engager sa responsabilité envers la société Trednet et envers les sociétés DDI et Transac. Ils affirment également avoir distingué les conséquences et préjudices découlant des fautes contractuelles et délictuelles, bien que leur quantum soit identique.

La société Google Ireland, par conclusions signifiées le 15 mars 2017, demande à la Cour de :

- écarter les conclusions des appelants signifiées le 22 février 2017 et le 14 mars 2017 en ce qu'elles contiennent une réorganisation des demandes comportant l'ajout de nouvelles prétentions formulées à titre subsidiaire ;

- déclarer irrecevables les demandes de DDI, de Trednet et de Transac au titre du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ;

En tout état de cause,

- débouter l'ensemble des appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés Google France et Google Ireland ;

- condamner les appelants aux dépens dont distraction au profit de la SCP Regnier Bequet Moisan, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- les condamner à verser à la société Google Ireland la somme de 35 000 euros et à la société Google France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demande, à titre liminaire, d'écarter des débats, les conclusions des appelants signifiées les 22 février et 14 mars 2017 en ce que, alors qu'ils n'ont pas conclu sur l'irrecevabilité de leurs demandes en application du principe de non-cumul, ils ont, en revanche, complètement réorganisé leurs demandes comportant l'ajout de nouvelles prétentions formulées à titre subsidiaire.

Elle conclut à l'irrecevabilité des demandes des sociétés Trednet, DDI et Transac et de Monsieur Salem, en soulignant que les appelants qualifient tour à tour le même fait de faute contractuelle et délictuelle, que la résiliation abusive des contrats AdWords, contestée sur le terrain contractuel, et la rupture brutale des relations commerciales établies, contestée sur le terrain délictuel, ne sont pas appréhendées par eux comme des faits distincts, mais comme un seul et unique fait. Elle soutient également que les appelants ne dissocient pas dans leurs écritures le prétendu caractère brutal du supposé caractère abusif de la résiliation de leurs comptes "Adwords", ainsi que cela ressort de certaines phrases telles que, par exemple, " la suspension brutale et sans motivation " que Google leur aurait imposée. Elle ajoute que, de même, à aucun moment, les appelants ne distinguent le préjudice résultant de la faute contractuelle de celui occasionné par la faute délictuelle, qu'ils répètent, à plusieurs reprises, dans leurs écritures que le préjudice subi résulte de la suspension des comptes Adwords, sans opérer de distinction entre la résiliation abusive et la rupture brutale. Elle en déduit que les appelants ont fondé leurs demandes au titre de l'article 1134 ancien du Code civil et au titre de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce sur un même fait - la suspension fautive des comptes "Adwords" - et qu'ils en tirent les mêmes conséquences.

Sur le fond, Google indique que la rupture est consécutive à la violation par les appelants de leurs obligations contractuelles, qu'elle a fait part de ces manquements aux sociétés Trednet, DDI et Transac et à Monsieur Salem avant la suspension des comptes Adwords, suspension devenue définitive six mois plus tard, face à la réitération des manquements constatés, qu'il n'y a donc eu aucune brutalité dans les modalités de résiliation des comptes AdWords. Elle ajoute qu'en raison des violations manifestes et répétées, par ses clients, des règles AdWords, elle n'était, en tout état de cause, pas tenue de respecter un quelconque préavis avant de suspendre les comptes en cause.

Google conteste, par ailleurs, le grief qui lui est fait d'être position dominante sur le marché de la publicité sur Internet ; elle fait à cet égard valoir que la publicité liée à la recherche est loin de constituer la seule forme de publicité en ligne, laquelle comprend une grande variété de formats publicitaires, que Google n'a pas la possibilité de se comporter de façon indépendante vis-à-vis de ses concurrents et se contente, avec des solutions comme AdWords, d'apporter une attention constante à l'amélioration de ses produits afin de garantir au consommateur un soin et une attention constante à l'amélioration de ses produits.

Elle conteste également le reproche des appelants selon lequel Google adopterait des pratiques discriminatoires ; elle précise, sur ce point, que les appelants ne rapportent aucune preuve de ces affirmations et que les conditions générales et règles AdWords sont applicables et appliquées sans distinction à tous les utilisateurs du service ; elle ajoute qu'elle a mis en place des systèmes permettant de détecter les annonces illicites, qu'un contrôle exhaustif de la licéité des annonces serait matériellement impossible et qu'aucun agissement discriminatoire ne peut être démontré du seul fait de l'affichage d'annonces Adwords de tiers prétendument concurrents.

Elle indique enfin qu'elle a procédé au réexamen des produits commercialisés par les appelants, qui a confirmé que les sites en question ne répondaient toujours pas aux règles AdWords, dès lors que ces sites continuent à :

- vendre des produits en les présentant faussement comme ayant les mêmes effets que les stéroïdes anabolisants ;

- utiliser des allégations nutritionnelles et de santé trompeuses ;

- vendre des produits provenant d'espèces menacées ou en voie d'extinction ;

- vendre également des produits potentiellement dangereux.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

Motifs

Considérant que les sociétés Trednet, DDI et Transac, ayant pour gérant Monsieur Jérôme Salem, assurent la vente, exclusivement en ligne, notamment de compléments alimentaires, sur leurs sites Internet :

- www.fiteurope.com et www.musculation-boutique.com pour Trednet ;

- www.lesproteines.com pour DDI ;

- www.santemarket.fr pour Transac ;

Que les sociétés Trednet, DDI et Transac ont ouvert, auprès de Google, des comptes AdWords permettant d'être référencés dès la première page de résultats, dans un encadré " Annonces " ; ces comptes ont été ouverts :

- le 17 octobre 2004, sous le n° 806-555-3539, pour la société Trednet ;

- le 10 mai 2004, sous le n° 274-654-6169, pour la société DDI ;

- le 2 mai 2006, sous le n° 589-095-3049, pour la société Transac ;

Que, les 25 avril, 15 septembre et 22 octobre 2008, Google, se prévalant de ce que des annonces Adwords soit portaient sur des produits contraires aux règles Adwords relatives aux stéroïdes et contenus connexes, soit contenaient des informations violant les dispositions du code de la santé publique sur les allégations nutritionnelles et de santé, a procédé, auprès de Monsieur Salem, à des notifications d'annonces violant les règles Adwords ; que, les 20 avril et 10 septembre 2009, Google a mis en demeure Monsieur Salem de se mettre en conformité avec les règles AdWords sous peine d'une fermeture de son compte ; que Google a procédé à la suspension des comptes AdWords les 9 et 15 octobre 2009 ; que Google a tagé le site Internet " www.fiteurope.com " ;

Sur la recevabilité des conclusions des appelants signifiées le 22 février et 14 mars 2017

Considérant que, par arrêt rendu le 2 décembre 2016, la cour de ce siège n'a rouvert les débats que pour permettre aux parties de conclure sur l'irrecevabilité des demandes des appelants encourue en application du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ;

Considérant qu'il est constant que, par leurs conclusions n° 3 signifiées le 22 février 2016, les appelants demandaient conjointement de constater :

- d'une part, au visa de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, que la suspension par les sociétés Google France et Google Ireland des comptes "AdWords" n° 806-555-3539, n° 274-654-6169 et n° 589-095-3049 des sociétés Trednet, DDI et Transac, est constitutive d'un abus du droit de résilier, en soulignant que cette suspension était intervenue " pour des motifs fallacieux " (page 21 des conclusions des appelants) ;

- d'autre part, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, que les sociétés Google France et Google Ireland ont rompu brutalement, le 13 octobre 2009, la relation commerciale établie avec les sociétés Trednet, DDI et Transac France (page 38 des conclusions des appelants) ;

Que, par leurs conclusions n° 4, signifiées le 22 février 2017, et n° 5, signifiées le 14 mars 2017, après réouverture des débats, ils demandent de constater :

- d'une part, que la suspension par la société Google Ireland du compte "AdWords" n° 806-555-3539 de la société Trednet est constitutive d'un abus du droit de résilier ;

- d'autre part, que la société Google Ireland a rompu brutalement la relation commerciale établie avec les sociétés DDI et Transac ;

Que, de plus, dans leurs conclusions n° 4 signifiées le 22 février 2017, les appelants ne répondent à l'invitation de la cour de prendre position sur la question du cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ;

Considérant qu'il s'en déduit que les sociétés Trednet, DDI et Transac et Monsieur Salem ont, à la faveur de la réouverture des débats, fondamentalement modifié leurs demandes, alors que la réouverture des débats avait pour objet, non de permettre aux appelants de tenter de mettre en conformité leurs écritures au regard du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, mais seulement de recueillir les observations des parties sur le point de savoir si les dernières conclusions des appelants respectaient la règle du non-cumul ; qu'en modifiant fondamentalement leurs demandes et en se contredisant par rapport à leurs demandes initiales, postérieurement à l'arrêt du 2 décembre 2016, les appelants ont manqué à l'obligation de loyauté ; que la Cour dira en conséquence irrecevables les conclusions des appelantes signifiées les 22 février et 14 mars 2017 ;

Sur la recevabilité des demandes relatives à la rupture des contrats Adwords

Considérant qu'en l'état de leurs dernières écritures dont la cour est saisie- les conclusions n° 3 signifiées le 22 février 2016 - les sociétés Trednet, DDI et Transac et Monsieur Salem recherchent, au titre de la suspension des contrats Adwords souscrits par les trois sociétés Trednet, DDI et Transac, la responsabilité de Google sur un fondement à la fois contractuel, au visa de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et délictuel pour rupture brutale de la relation commerciale établie sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; que les appelants visent le même fait, en l'espèce la suspension des comptes ouverts par les sociétés Trednet, DDI et Transac ; que le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit, à peine d'irrecevabilité des demandes, le cumul des actions contractuelles et délictuelles à raison d'un même fait ; qu'en conséquence, la Cour dira irrecevables les demandes relatives à la rupture des contrats Adwords et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;

Sur les pratiques discriminatoires de Google

Considérant que les appelants font valoir que Google a opéré une discrimination à l'égard de Trednet, DDI et Transac par rapport aux autres annonceurs du programme "AdWords", constitutive d'un abus de position dominante, en suspendant leurs comptes tandis que leurs concurrents pouvaient continuer à diffuser des annonces pour des produits similaires ou identiques à ceux commercialisés par Trednet, DDI et Transac ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 420-2 du Code de commerce qu'est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; que l'abus de position dominante n'est toutefois caractérisé qu'à la condition que la pratique dénoncée ait pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ;

Considérant qu'ainsi que l'a retenu avec pertinence le jugement entrepris dont la Cour adopte la motivation, les sociétés Trednet, DDI et Transac et Monsieur Salem ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que Google accepterait des publicités émanant de concurrents pour des produits identiques à ceux qu'ils vendent et comportant des termes comparables à ceux qu'ils ont utilisés, les appelants ne démontrant pas à cet égard que le texte des annonces utilisées par leurs concurrents contiendraient des allégations de même nature que les leurs ou revendiquant des effets identiques aux stéroïdes ;

Considérant que les appelants font par ailleurs valoir que Google a commis un abus en imposant une mesure de taggage sur le site Internet " www.fiteurope.com ", mesure " agissant comme un filtre lors de l'enregistrement de campagnes publicitaires sur l'outil "AdWords", même initiée par un tiers, et rendant impossible la mise en place des campagnes "AdWords" afin de diriger un utilisateur vers le site Internet de Trednet " ;

Mais considérant que les sociétés Trednet, DDI et Transac et Monsieur Salem ne rapportent pas la preuve que le taggage invoqué, non discuté par Google, ait pour effet d'éliminer toute concurrence sur le marché, les appelants ne prétendant pas à cet égard avoir été éliminés du marché de la vente de produits alimentaires diététiques et ne contestant pas disposer, comme l'affirme, sans être contredite, l'intimée, de moyens alternatifs pour assurer la promotion de leurs services, en ayant recours à d'autres sites - notamment le site lesproteines.com mentionné par Google - ou d'autres services de référencement, ou par le biais de la publicité hors ligne (télévision, radio, journaux, affichage) ;

Que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Trednet, DDI et Transac et Monsieur Salem de leurs demandes de ces chefs ;

Considérant que l'équité commande de condamner in solidum les sociétés DDI, Trednet et Transac et Monsieur Salem à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, à la société Google Ireland la somme de 10 000 euros et à la société Google France celle de 3 000 euros ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, dit irrecevables les conclusions signifiées par les sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet et Transac et Monsieur Jérôme Salem les 22 février et 14 mars 2017, infirme le jugement entrepris sur les demandes relatives à la rupture des contrats Adwords, statuant à nouveau de ce chef, dit irrecevables les demandes des sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet et Transac et de Monsieur Jérôme Salem relatives à la rupture des contrats Adwords, confirme le jugement entrepris pour le surplus, condamne in solidum les sociétés Direct Distribution International Ltd, Trednet et Transac et Monsieur Jérôme Salem à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, à la société Google Ireland la somme de 10 000 euros et à la société Google France celle de 3 000 euros, condamne in solidum les sociétés Direct Distribution International Ltd Trednet et Transac et Monsieur Jérôme Salem aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.