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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 juin 2017, n° 14-22917

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Electrotech Sytems (SARL)

Défendeur :

France Eco Energie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Chartier, Pouderoux, Talamon

T. com. Lyon, du 10 sept. 2014

10 septembre 2014

Faits et procédure

La SARL Electrotech Systems a pour activité la fourniture et l'installation de coffrets, tableaux ou armoires électriques destinés à être intégrés à des centrales photovoltaïques.

La SARL France Eco Energie exerce son activité dans le secteur de la construction et la commercialisation d'installations vertes liées aux économies d'énergie, et notamment les centrales photovoltaïques pour les particuliers et les professionnels.

À compter de 2010, la société France Eco Energie a confié à la société Electrotech Systems divers travaux de fabrication de coffrets électriques suivant devis acceptés.

Par devis global du 22 septembre 2011 accepté pour un montant total de 424 794,67 euros TTC la société France Eco Energie a commandé à la société Electrotech Systems pour un ensemble de chantiers la fourniture de 46 coffrets électriques entre novembre 2011 et février 2013. Selon les dires de la société Electrotech Systems, la société France Eco Energie lui aurait passé des commandes supplémentaires suivant 30 autres devis entre les mois de janvier et novembre 2012.

Un différend est survenu entre les parties relatif au paiement de cinq factures qui n'ont pas été réglées par la société France Eco Energie à hauteur de 35 175,26 euros HT et à compter de novembre 2012, plus aucune commande n'a été passée.

Le 12 décembre 2012, la société Electrotech Systems a mis la société France Eco Energie en demeure de lui régler ces cinq factures, ce que celle-ci a refusé au motif que les devis postérieurs au devis global du 22 septembre 2011 ont été signés par une personne non habilitée au sein de l'entreprise, Mr Gatineau.

La société Electrotech Systems a effectué une déclaration de cessation d'activité à compter du 31 mars 2013.

Par exploit du 31 juillet 2013, la société Electrotech Systems a assigné la société France Eco Energie devant le Tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir le paiement des cinq factures pour un montant de 35 175,26 euros HT ainsi qu'une indemnité de 245 000 euros sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 10 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- dit que les cinq factures impayées par la société France Eco Energie correspondent à des devis acceptés par le dirigeant ou un cadre de cette société,

- condamné la société France Eco Energie à payer à la société Electrotech Systems la somme de 35 175,26 euros HT outre intérêts de droit depuis le 19 décembre 2012 et la capitalisation des dits intérêts dans les conditions visées à l'article 1154 du Code civil soit le montant des cinq factures FAO445, FAO446, FAO447, FAO448 et FAO449,

- débouté la société Electrotech Systems de sa demande en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies entre les sociétés France Eco Energie et Electrotech Systems,

- rejeté la demande de la société France Eco Energie de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 3 000 euros d'amende civile,

- condamné la société France Eco Energie à payer à la société Electrotech Systems la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution,

- rejeté tous moyens, fins et conclusions contraires,

- condamné la société France Eco Energie aux entiers dépens.

Par déclaration du 14 octobre 2014, la société France Eco Energie a interjeté appel du jugement du Tribunal de commerce de Lyon devant la Cour d'appel de Lyon et par déclaration du 17 novembre 2014, elle en a également interjeté appel devant la Cour d'appel de Paris. La caducité de l'instance a été prononcée le 17 février 2015 par le conseiller de la mise en état qui a considéré que la Cour d'appel de Paris devait statuer sur l'entier litige entre les parties.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2017 par la société Electrotech Systems par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a été fait droit à la demande de condamnation de la société France Eco Energie à payer à la société Electrotech Systems la somme de 35 175,26 euros en paiement des factures litigieuses, et en ce qu'il a condamné la société France Eco Energie à payer à la société Electrotech Systems la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la dire recevable et bien fondée en son appel limité interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 10 septembre 2014 en ce que cette juridiction l'a déboutée de sa demande en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies entre les sociétés France Eco Energie et Electrotech Systems,

- réformer ainsi le jugement entrepris sur cette question de la rupture brutale des relations commerciales établies,

statuant à nouveau, au visa des articles L. 442-6 I 5° et D. 442-3 du Code de commerce et 4-2-1 modifié selon le décret n° 2011-1878 du 14 décembre 2011,

- constater que les relations commerciales étaient établies entre d'une part la société Electrotech Systems et d'autre part, la société France Eco Energie depuis le 10 mai 2010,

- constater que la société France Eco Energie a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Electrotech Systems en novembre 2012 et n'a respecté aucun préavis,

- dire que la société France Eco Energie, compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales qui ont été établies cinq mois seulement après l'immatriculation de la société concluante, du fait que le volume de chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de leurs relations commerciales était très élevé et enfin de l'état de dépendance économique très important de la société concluante à l'égard de la cocontractante, aurait dû observer un délai de préavis de six mois au moment de la rupture de ses relations contractuelles avec la société Electrotech Systems,

- condamner la société France Eco Energie à payer la somme de 245 000 euros à la société Electrotech Systems à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi consécutivement à la rupture brutale des relations commerciales établies entre les deux sociétés, soit l'équivalent de six mois de la marge brute réalisée par la société concluante en 2012 en exécution des contrats passés avec la société intimée,

- condamner la société France Eco Energie à payer à la société Electrotech Systems la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles que la société concluante a été contrainte d'exposer devant la cour,

- condamner la société France Eco Energie aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me Claire Chartier, avocat au barreau de Paris, sur son affirmation de droit ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 février 2017 par la société France Eco Energie par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 1134 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Vu l'article D. 442-3 du Code de commerce,

Vu l'article 909 du Code de procédure civile,

Vu les articles 695 et 700 du Code de procédure civile,

Vu la norme comptable NP 3100 agréée par arrêté ministériel du 20 juin 2011

1. Sur le paiement de la somme de 35 175,26 euros HT réglée par la société France Eco Energie en exécution du jugement de première instance entrepris

- constater que la société France Eco Energie a réglé intégralement à la société Electrotech Systems le devis du 22 septembre 211 à hauteur de 358 99,49 euros HT,

- constater que la société France Eco Énergie a subi une surfacturation de la part de la société Electrotech Systems eu égard au prix indiqué dans le devis du 22 septembre 2011, à hauteur de 30 760,18 euros HT,

- constater que la société Electrotech Systems a émis des factures pour un montant total de 52 666,59 euros HT au titre de 30 devis supplémentaires validés par M. Gatineau, non habilité à représenter et à engager financièrement la société France Eco Energie,

- constater que la validation des devis par M. Gatineau procède d'une collusion certaine entre ce dernier et la société Electrotech Systems,

- constater que ce n'est que par ignorance des manœuvres délictueuses de M. Gatineau que la société France Eco Energie a procédé au règlement d'une partie des factures litigieuses correspondant aux devis supplémentaires litigieux au paiement,

par conséquent,

- dire que la société France Eco Energie n'est pas débitrice de la somme de 35 175,26 euros HT envers la société Electrotech Systems,

- condamner la société Electrotech Systems à rembourser à la société France Eco Energie la somme de 35 175,26 euros HT,

en tout état de cause,

- dire que c'est à tort que la société France Eco Energie a été condamnée à payer à la société Electrotech Systems la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que c'est à tort que la société France Eco Energie a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros,

- réformer le jugement de ces chefs,

2. Sur la rupture brutale des relations commerciales établies alléguée par la société Electrotech Systems

2. 1. A titre principal : sur l'absence de relations commerciales établies

- constater l'absence de caractère établi de la relation commerciale entre la société Electrotech Systems et la société France Eco Energie,

par conséquent,

- débouter la société Electrotech Systems de toutes ses demandes,

2. 2 A titre subsidiaire : sur l'absence de caractère brutal de la rupture des relations commerciales

- constater que la relation commerciale entre la société France Eco Energie et la société Electrotech Systems a pris fin par la seule survenance du terme stipulé au devis global du 22 septembre 2011,

en tout état de cause,

- constater que la société France Eco Energie a mis fin aux relations commerciales entretenues avec la société Electrotech Systems sans préavis, en raison de l'inexécution par Electrotech Systems de ses obligations contractuelles, Conclusions récapitulatives n° 2 de France Eco Energie/Electrotech Systems devant la Cour d'Appel de Paris

par conséquent,

- dire que la rupture de la relation commerciale sans préavis par la société France Eco Energie est justifiée et ne revêt aucun caractère brutal,

- débouter la société Electrotech Systems de toutes ses demandes au titre d'une quelconque rupture brutale des relations commerciales établies,

2. 3 A titre infiniment subsidiaire : sur le caractère excessif du préavis sollicité par la société Electrotech Systems et sur le caractère injustifié de la marge brute réalisée

- constater que la société Electrotech Systems n'est fondée qu'à solliciter un préavis de deux mois maximum,

- constater que la méthode de calcul de la marge brute retenue par la société Electrotech Systems est erronée,

- constater en tout état de cause que la marge brute servant de référence à l'indemnisation du préjudice doit être la moyenne des marges brutes réalisées au cours des trois derniers exercices de la relation commerciale entretenue entre la société France Eco Energie et la société Electrotech Systems,

par conséquent,

A titre principal,

- débouter la société Electrotech Systems de sa demande d'indemnisation au titre de la prétendue rupture des relations commerciales établies avec la société France Eco Energie,

A titre subsidiaire,

- condamner la société France Eco Energie à payer à la société Electrotech Systems la somme 51 503, 21 euros correspondant à deux mois de préavis calculés par référence aux marges brutes réalisées par Electrotech Systems pour les exercices 2010 à 2013,

3. Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

A titre subsidiaire,

- condamner la société Electrotech Systems au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dont 5 000 au titre de la procédure de première instance et 5 000 euros au titre de la procédure d'appel, Conclusions récapitulatives n° 2 de France Eco Energie/Electrotech Systems devant la Cour d'appel de Paris

- condamner la société Electrotech Systems au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le droit proportionnel de l'huissier visé à l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 ;

Vu les courriers adressés à la cour en cours de délibéré par les conseils des parties et les pièces annexées ;

SUR CE,

Sur la demande de réouverture des débats

En cours de délibéré, le conseil de la société Electrotech Systems a sollicité la réouverture des débats dans un souci d'une bonne administration de la justice exposant que la société France Eco Energie ayant été radiée le 23 janvier 2017 par suite d'une transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, la sarl France Eco Construction, devenue Cap Sud, elle considère que cette dernière doit être assignée afin que l'arrêt rendu lui soit opposable. Elle ajoute qu'elle ne peut présumer de l'intervention volontaire de la société Cap Sud.

Le conseil de la société France Eco Energie a répliqué confirmer les éléments portés à la connaissance de la cour mais considérer que cette situation est sans incidence sur la procédure en cours, dès lors qu'à la suite d'une transmission universelle de patrimoine, la société bénéficiaire acquiert de plein droit la qualité de partie aux instances précédemment engagées par la société apporteuse à laquelle elle se trouve ainsi substituée.

En effet, il est de principe qu'en sa qualité d'ayant cause universel de la société absorbée, la société absorbante acquiert de plein droit, à la date d'effet de la fusion, la qualité de partie aux instances antérieurement engagées par la société absorbée à laquelle elle se trouve substituée, pour l'arrêt rendu à l'égard de cette dernière qui a comparu, peu important que cet arrêt ait été prononcé après la réalisation de l'apport. Par suite, la demande de réouverture des débats est non justifiée et sera rejetée.

Sur la demande en paiement de cinq factures impayées

La société Electrotech Systems soutient que la société France Eco Energie est tenue au paiement des cinq factures FAO445, FAO 446, FAO447, FAO448 et FAO 449 dès lors qu'une grande partie des prestations visées figuraient dans le devis initial du 22 septembre 2011 signé par le gérant et les autres dans des devis supplémentaires signés par M. Gatineau, qui était son interlocuteur habituel. Elle relève que la société France Eco Energie ne conteste pas qu'elle lui a livré les produits et exécuté les prestations afférentes.

La société France Eco Energie réplique qu'elle n'est pas engagée contractuellement par ces cinq factures dès lors que M. Gatineau était dépourvu de pouvoir de signer les devis supplémentaires et de l'engager financièrement. Elle affirme qu'en réalité, l'émission de ces factures complémentaires résulte de la complaisance existante entre la société Electrotech Systems et M. Gatineau. Elle ajoute que si elle a réglé une partie de ces devis, c'est par ignorance des manœuvres délictueuses de son salarié.

Mais, c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont condamné la société France Eco Energie à régler à la société Electrotech Systems la somme de 35 175,26 euros HT au titre des cinq factures. En effet, ils ont relevé que chaque devis en cause portant sur des prestations et la fourniture de matériels supplémentaires pour un montant total de 62 989,25 euros TTC et émis antérieurement au 28 novembre 2012, date de la note par laquelle M. Gatineau, un des cadres ingénieur photovoltaïque de la société France Eco Energie, s'était vu interdire de passer des commandes pour le compte de son employeur " à dater de ce jour " , comportait le tampon de la société France Eco Energie accompagné de la mention " bon pour accord " et la signature non contestée de M. Gatineau, et que la société France Eco Energie ne contestait pas que la société Electrotech Systems lui avait livré les produits et exécuté les prestations afférentes.

Il sera ajouté que d'une part, contrairement aux allégations non étayées de la société France Eco Energie, ces devis et factures ne présentent aucun caractère incohérent et confus, d'autre part que la société France Eco Energie ne fait aucunement état d'une quelconque non-conformité des prestations et matériels livrés et enfin, qu'il est établi qu'antérieurement aux devis en cause, M. Gatineau, avait passé de très nombreuses commandes de matériels auprès de la société Electrotech Systems pour le compte de son employeur, la société France Eco Energie, sans que cette dernière ne conteste son habilitation à les signer.

En outre, la société France Eco Energie ne produit aucun élément duquel il ressortirait l'existence de la collusion frauduleuse qu'elle invoque. D'ailleurs, par arrêt du 16 mai 2016, la Cour d'appel de Grenoble saisie de l'appel du jugement du conseil des prud'hommes statuant sur le licenciement pour faute lourde de M. Gatineau par la société Electrotech Systems, a également relevé que durant la période antérieure à la note du 28 novembre 2012, il ressortait des pièces versées aux débats qu'il avait passé la majorité des devis ou commandes pour le compte de son employeur et considéré qu'aucune preuve d'une collusion entre lui et la société Electrotech Systems n'était établie de sorte que le grief tiré de la passation de commandes sans délégation de pouvoir s'inscrivant dans le cadre d'une collusion frauduleuse n'était en conséquence pas établi. Par ailleurs, le caractère complaisant vis-à-vis de la société Electrotech Systems du questionnaire-qualité rempli par M. Gatineau, qu'invoque la société France Eco Energie, ne ressort nullement de ce document et ce d'autant que la société France Eco Energie ne fait état d'aucune réclamation qu'elle aurait formulée sur la qualité des prestation et du matériel fournis par la société Electrotech Systems et qui viendrait contredire les compliments adressés par M. Gatineau.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies

Les premiers juges ont considéré que les parties avaient établi une relation commerciale à la suite du devis global du 22 septembre 2011 et relevant que celui-ci ainsi que les devis supplémentaires avaient été exécutés et que le devis global n'en prévoyait pas le renouvellement, ils ont conclu qu'aucune rupture brutale n'était caractérisée.

L'existence et la durée des relations commerciales

La société Electrotech Systems soutient que la relation commerciale entre les parties était établie de façon stable, pérenne et continue depuis le 10 mai 2010 jusqu'en novembre 2012. Elle fait valoir que depuis mai 2010, la société France Eco Energie confiait régulièrement à la société Electrotech Systems la livraison et l'installation d'importantes quantités de coffrets électriques, comme en attestent les nombreuses factures qu'elle verse aux débats.

La société France Eco Energie réplique que le caractère stable de la relation commerciale est exclu en ce que les contrats conclus sous la forme de devis acceptés entre le 10 mai 2010 et le 22 septembre 2011 sont indépendants les uns des autres dès lors qu'ils portent sur un chantier distinct, qu'il n'y a pas d'accord-cadre ou d'accord d'exclusivité, qu'elle était donc libre de choisir le fournisseur de son choix, que le chiffre d'affaires n'était pas garanti et qu'aucun renouvellement ni reconduction à durée déterminée n'ont été stipulés entre les parties.

Si, aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :.5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable d'un courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, les parties conviennent de l'existence d'un courant d'affaires régulier entre le 10 mai 2010 et début novembre 2012 par l'acceptation de très nombreux devis générant pour la société Electrotech Systems des chiffres d'affaires en constante augmentation. Il en ressort que la société Electrotech Systems pouvait légitimement espérer une poursuite continue de commandes. Par suite, elle justifie d'une relation commerciale établie au sens du texte précité d'une durée de 2 ans et 6 mois, peu important à cet égard l'absence de conclusion d'un contrat-cadre.

Le caractère brutal

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales antérieures.

La société Electrotech Systems soutient que la société France Eco Energie a rompu brutalement la relation commerciale sans préavis, alors qu'elle aurait dû respecter un préavis de six mois du fait de l'ancienneté des relations commerciales, du volume d'affaires et de la situation de dépendance économique dans laquelle elle se trouvait. L'appelante précise que malgré cette situation de dépendance économique, elle a effectué de nombreuses démarches en vue de diversifier son activité vers de nouveaux marchés.

La société France Eco Energie conclut à l'absence de caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies. Elle fait valoir que la société Electrotech Systems a manqué à son obligation de loyauté contractuelle en facturant des devis supplémentaires qui n'avaient fait l'objet d'aucun accord entre les parties et qui ont été signés par un salarié qui n'y était pas habilité, alors qu'elle-même a rempli ses obligations contractuelles à l'égard de la société Electrotech Systems en payant l'intégralité des factures en ce compris, du fait de l'exécution provisoire du jugement, celles qu'elle conteste. A titre subsidiaire, la société France Eco Energie soutient que le préavis ne pourrait être supérieur à deux mois, du fait de la brièveté des relations contractuelles qui n'ont duré que quinze mois, de son absence d'intention de nuire et de l'absence de dépendance économique entre les parties.

Il n'est pas contesté qu'à compter de la fin novembre 2012, pour des raisons qui lui sont personnelles, la société France Eco Energie, n'a plus passé de commandes auprès de la société Electrotech Systems et a ainsi rompu les relations commerciales établies avec ce partenaire, sans préavis de sorte que cette rupture est brutale, étant rappelé qu'il est indifférent à cet égard que la société France Eco Energie ait exécuté ses propres obligations contractuelles, et/ou qu'elle soit de bonne foi.

Le préavis suffisant

La durée du préavis doit être fixée à une durée suffisante pour permettre à l'entreprise de se réorienter, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires réalisé et la progression du chiffre d'affaires, le secteur concerné, les investissements effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique. Le délai du préavis suffisant s'apprécie au moment de la notification de la rupture.

En l'espèce, il n'est pas discuté qu'au moment de la rupture, il n'existait aucune relation d'exclusivité réciproque. La société Electrotech Systems justifie par la production de son état des facturation émises de 2010 à 2012 (pièce n° 17) ainsi que d'attestations de ses experts-comptables (pièces n° 26, 28, 45 et 55) corroborées par le grand livre de compte (pièce n° 13) et les bilans de la société Electrotech Systems au titre des exercices 2010, 2011 et 2012 (pièce n° 27), que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé avec la société France Eco Energie était de 50,18 % de son chiffre d'affaires total en 2010 (les relations commerciales ayant démarré en mai 2010), de 85,50 % en 2011 (année pleine) et de 82,30 % en 2012 (année de la rupture). Par ailleurs, elle justifie de ses actions de prospection de nouveaux clients et marchés afin d'assurer la diversification de son activité, par la production de quatre attestations (pièces n° 46, 47, 48 et 49).

Dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales, au volume d'affaires, à la progression du chiffre d'affaires, à la part prépondérante de la société France Eco Energie dans le chiffre d'affaires de la société Electrotech Systems mais en l'absence d'accord d'exclusivité entre les parties et à défaut de la justification d'une dépendance imposée par l'intimée, le délai de préavis qui aurait du être donné doit être estimé à 6 mois.

Le préjudice

La société Electrotech Systems soutient que le préjudice, calculé sur la base de la marge brute réalisée en 2012 compte tenu de l'évolution exponentielle du chiffre d'affaires, s'élève à 246 278,52 euros arrondis à 245 000 euros.

La société France Eco Energie soutient que le calcul du préjudice présenté par la société Electrotech Systems n'est pas valable du fait de la méthode de calcul de la marge brute, le quantum du préjudice devant être calculé sur la base de trois années de marge brute, et de la non-conformité des attestations comptables produites par la société Electrotech Systems.

Mais, il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé.

Il a été vu ci-dessus que les attestations des experts-comptables sont corroborées par les documents comptables produits par la société Electrotech Systems. Par suite, les évaluations des chiffres d'affaires établies et certifiées par l'expert-comptable seront retenues. Il y a lieu de calculer le chiffre d'affaires moyen mensuel réalisé par la société Electrotech Systems avec la société France Eco Energie en prenant les chiffres d'affaires 2011 et 2012 relatifs aux deux dernières années de relations commerciales normales, (l'année 2010 ne couvrant qu'une période de six mois), soit 564 655 + 634 098 /2/12)/2/12, soit la somme de 49 948 euros mensuels. Il y a donc lieu d'évaluer à 299 688 euros (49 948 euros x 6) le chiffre d'affaires perdu pendant les 6 mois du préavis qui aurait dû être octroyé.

La société Electrotech Systems prétend que son taux de marge brute était de 74,62 % en 2011 et de 77,68 % en 2012. Or, il apparaît que ces estimations résultent de la seule déduction, à partir du chiffre d'affaires, du poste achats (matières premières et autres approvisionnements et variation des stocks) et qu'elles ne tiennent pas compte des charges variables notamment celles liées à la production qu'il convient également de déduire.

Compte tenu des éléments comptables produits aux débats, il y a lieu d'évaluer le taux de marge à 60 %. Dès lors, le manque à gagner de la société Electrotech Systems s'établit à la somme de 179 812 euros (299 688 x 60 %) au paiement de laquelle la société France Eco Energie sera condamnée. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef et la société Electrotech Systems déboutée du surplus de ses demandes.

Sur les autres demandes

La société France Eco Energie succombant essentiellement, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance et à verser à la société Electrotech Systems la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et elle supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à la société Electrotech Systems la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, rejette la demande de réouverture des débats, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Electrotech Systems de sa demande en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales, l'infirme sur ce point, Statuant à nouveau, condamne la société France Eco Energie à verser à la société Electrotech Systems la somme de 179 812 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du gain manqué du fait de la rupture brutale, Et y ajoutant, condamne la société France Eco Energie aux dépens de l'appel, autorise Maître Claire Chartier, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, condamne la société France Eco Energie à verser à la société Electrotech Systems la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.