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Décisions

Cass. com., 8 juin 2017, n° 15-15.417

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Netasq (SA)

Défendeur :

Econocom France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocats :

Me Le Prado, SCP Bénabent, Jéhannin

Paris, pôle 5 ch. 11, du 14 nov. 2014

14 novembre 2014

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Netasq que sur le pourvoi incident relevé par la société Econocom France ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, depuis 2005, la société Netasq, qui exerce une activité de sécurité informatique, a souscrit des contrats de location de matériel informatique de longue durée auprès de la société Europe Computer Systems, devenue Econocom France (la société Econocom), le dernier ayant été conclu les 3 mars et 9 avril 2009 pour une durée de trente-six mois renouvelable par période d'un an ; que mise en demeure par la société Econocom de payer les loyers, la société Netasq l'a assignée en annulation du contrat pour indétermination de son objet, et subsidiairement pour déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, demandant la restitution des sommes versées ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que la société Netasq fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes alors, selon le moyen 1°) qu'aux termes de l'article 1129 du Code civil il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; que si la détermination de l'objet du contrat dépend de la seule volonté de l'une des parties contractantes, le contrat encourt la nullité ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le contrat de location financière laissait au locataire "la possibilite de (...) choisir librement " les matériels informatiques financés qu'il devait commander auprès du fournisseur " au nom et pour le compte " du bailleur ; qu'il s'évinçait de ces stipulations que la détermination de l'objet du contrat était laissée à la seule volonté du locataire ; qu'en énonçant cependant qu'il ne pouvait se déduire de ces stipulations une indétermination de l'objet du contrat, celui-ci étant déterminable, s'agissant de produits informatiques définis à l'article 1er du contrat dont la valeur globale ne relève nullement de la seule volonté du preneur, puisqu'elle a été arrêtée d'un commun accord entre le bailleur et le locataire, la cour d'appel a violé l'article 1129 du Code civil ; 2°) que selon l'article L. 442-6, I, 2° engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que, dans ses écritures d'appel, la société Netasq a fait valoir que l'analyse de l'évolution du ratio entre loyers à payer/CNE montre combien progressivement la société ECS a considérablement augmenté la charge financière pesant sur la société Netasq ; qu'elle ajoutait que depuis 2005, pour la location de produits informatiques d'une valeur de 538 517 euros, elle devrait verser jusqu'en 2012 la somme de 872 156,70 euros ; qu'elle en concluait que le coût de la location apparaît manifestement disproportionné par rapport à celui de l'acquisition d'un parc informatique dont certains produits ont été achetés en 2005 ; qu'elle précisait, par comparaison avec un simple crédit (sur la base d'un spread de 300 points de base, taux compris entre 7 et 8 %), les loyers facturés par ECS présentent un écart de 229 860 euros soit 26,3 % ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions propres à établir un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ; 3°) que le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer ; que la société Netasq a invoqué l'article 13.4 des conditions générales, suivant lequel : " le Locataire doit informer le loueur avec un préavis de neuf mois avant la fin de la durée de la location, par lettre recommandée avec accusé de réception de son intention de ne pas poursuivre la location au-delà de la durée de location prévue aux conditions particulières, et donc restituer les Produits au terme du contrat. A défaut, la durée de la location est prolongée par tacite reconduction par périodes d'un an aux mêmes conditions et sur la base du dernier loyer, le préavis étant dans ce cas ramené à six mois avant l'expiration de chaque période annuelle de location " ; qu'elle en déduisait que cette clause " permet au locataire d'obtenir par l'effet de sa seule volonté le renouvellement du bail d'un an en un an sans aucune limitation de durée " et précisait que " le locataire ayant seul la faculté de mettre fin au contrat, l'intention commune des parties est de réaliser un bail indéfiniment renouvelable sans possibilité pour le bailleur d'y mettre fin dès lors que le locataire respecte ses obligations contractuelles " et qu'" en respectant ses obligations contractuelles, (elle) a la mainmise sur la durée de la relation contractuelle, celle-ci pouvant, selon la seule volonté du locataire, se poursuivre tacitement d'année en année " ; que, pour refuser de considérer que le contrat était entaché de perpétuité, la cour d'appel a estimé que le bailleur avait la faculté d'user de la possibilité de mettre un terme à tout moment à son engagement devenu d'une durée indéterminée, en respectant un délai raisonnable de prévenance en fonction de la durée écoulée du bail tacitement proroge ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si une telle faculté de résiliation unilatérale n'était pas contredite par la clause invoquée par la société Netasq, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1709 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'article 2 du contrat énumérait les matériels, objet de la location inclus dans la définition des produits informatiques de l'article 1er, de sorte que la désignation de l'objet du contrat était déterminée quant à l'espèce et à la quantité, peu important que l'identification des matériels dépende de la volonté du preneur, la cour d'appel a pu écarter le moyen tiré de l'indétermination de l'objet du contrat ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que la valeur globale de l'ensemble de matériels informatiques donné à bail a été définie par les parties en considération de la durée du contrat de bail, que la société Netasq a librement accepté les conditions financières proposées au regard du montant investi, des intérêts de la somme mobilisée pendant la durée initiale du bail et de la marge commerciale de l'opérateur financier et qu'elle a opté pour une location de longue durée afin de réduire les coûts liés à une acquisition ; qu'ayant, par ces constatations et appréciations, fait ressortir l'absence de soumission ou de tentative de soumission, la cour d'appel, qui en a déduit que la société Netasq ne démontrait pas le déséquilibre significatif qui lui aurait été imposé, et qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, enfin, qu'ayant retenu qu'à la suite de la première reconduction tacite, le contrat était devenu à durée indéterminée, ce dont elle a déduit que le bailleur pouvait mettre un terme au contrat dès lors qu'il respectait un délai raisonnable de prévenance, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt retient que le taux conventionnel des intérêts de retard est de 18 % par an par application de l'article 8.5 des conditions générales, supérieur au seuil d'usure, de sorte que, les parties ayant stipulé un taux inapplicable équivalant à un défaut de taux, il convient d'en revenir au taux légal d'intérêt à appliquer sur le montant hors taxe du loyer ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur le moyen tiré du caractère usuraire du taux conventionnel, qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi incident : rejette le pourvoi principal ; et sur le pourvoi incident : casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit que la somme de 366 266,27 euros TTC, qu'il condamne la société Netasq à payer à la société Econocom France, sera majorée des intérêts de retard au taux légal en vigueur au jour de chaque échéance impayée calculé sur le montant hors taxe de chaque loyer impayé sous déduction des éventuels règlements intervenus depuis le 1 er février 2010, outre TVA au taux en vigueur sur le montant des intérêts, l'arrêt rendu le 14 novembre 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.