Livv
Décisions

Cass. com., 8 juin 2017, n° 15-27.146

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ploneour Loisirs (SARL)

Défendeur :

Bricorama France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin

T. com. Paris, 15e ch., du 28 sept. 2012

28 septembre 2012

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Ploneour loisirs que sur le pourvoi incident relevé par la société Bricorama France ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2015), que la société Ploneour loisirs (la société Ploneour) n'ayant pas renouvelé le contrat de franchise qui la liait à la société Bricorama France (la société Bricorama) et qui était venu à expiration le 21 mars 2010, pour adhérer à un autre réseau, celle-ci l'a assignée en paiement de redevances, de factures et d'une clause pénale pour violation de la clause de non-réaffiliation stipulée au contrat ; que la société Ploneour a reconventionnellement demandé la compensation avec diverses sommes qu'elle estimait lui être dues ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Ploneour fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre des ristournes de fin d'année alors, selon le moyen : 1°) que le franchiseur qui agit aussi en tant que centrale d'achat est tenu, en vertu de son devoir de loyauté contractuelle, de révéler au franchisé tous les éléments de nature à permettre au distributeur de vérifier qu'il a été effectivement rempli de ses droits à ristournes de fin d'année (RFA) ; qu'en refusant de condamner la société Bricorama à justifier, pour la période d'avril 2007 à septembre 2010, des éléments ayant servi de base au calcul des RFA contractuellement dues à la société Ploneour, la cour d'appel a violé les articles 11 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; 2°) que le secret des affaires ne peut être opposé au franchisé qui réclame au franchiseur la révélation des éléments - seulement connus de lui - ayant servi de base au calcul des RFA qui lui sont contractuellement dues ; qu'en ayant débouté la société Ploenour de sa demande tendant à ce que la société Bricorama justifie des éléments ayant servi de base au calcul des RFA qui lui étaient contractuellement dues, la cour d'appel a violé les articles 11 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; 3°) que la centrale de référencement mandataire des distributeurs adhérents est tenue, dans le cadre de son devoir de rendre compte, de révéler au franchisé les éléments qui ont servi de base au reversement des RFA qui lui sont contractuellement dues ; qu'en ayant constaté que la société Bricorama était tenue, en tant que mandataire du distributeur, de rendre compte et de faire connaître l'issue de ses négociations avec les fournisseurs, ce qu'elle n'avait pas fait, sans en déduire qu'il y avait lieu de faire droit, soit à la demande de communication de pièces formée par la société Ploenour, soit à sa demande en paiement des RFA évaluée par elle à hauteur de 139 157,97 euros, la cour d'appel a violé les articles 11 du Code de procédure civile, 1134 et 1993 du Code civil ; 4°) que le franchiseur a le devoir de révéler au franchisé les éléments ayant servi de base au calcul des RFA qui lui sont contractuellement dues ; qu'en ayant refusé d'ordonner à la société Bricorama de communiquer les éléments réclamés par la société Ploenour, au motif inopérant que le calcul des ristournes n'avait pas été déterminé contractuellement, la cour d'appel a violé les articles 11 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; 5°) qu'il incombe à la centrale de référencement, débitrice des RFA dues aux distributeurs adhérents, de prouver qu'elle a rempli son obligation ; qu'en se bornant à rejeter la demande de communication de pièces présentée parla société Ploenour, sans rechercher s'il n'y avait pas lieu de faire droit à sa demande en paiement des RFA à hauteur de 139 157,97 euros, dès lors que la société Bricorama ne voulait pas justifier des éléments ayant servi de base au reversement des RFA qui étaient contractuellement dues à la société Ploneour, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ; 6°) que les juges du fond doivent répondre à toutes les conclusions opérantes des parties ; qu'en ayant omis de répondre aux conclusions de la société Ploenour, ayant fait valoir qu'au titre des RFA 2009, la société Bricorama avait retenu un chiffre d'affaires de 1 191 031 euros, quand la société Ploenour avait, quant à elle, déclaré un chiffre d'affaires de 1 232 375,64 euros, la cour d'appel a violé les prescriptions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que le mode de calcul des ristournes n'avait pas été déterminé par le contrat, l'arrêt relève que, même si la société Bricorama a été le mandataire de la société Ploneour dans la négociation avec les fournisseurs, il ne peut lui être imposé de révéler la teneur de ses négociations qui relève du secret des affaires, mais seulement d'en faire connaître l'issue au distributeur; que la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la demande de production des éléments de preuve litigieux détenus par la société Bricorama qui ne relevait pas de la nature du contrat ni de la loyauté contractuelle et n'était pas justifiée par un intérêt légitime, a pu retenir qu'il n'y avait pas lieu d'y faire droit ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a répondu aux conclusions prétendument délaissées en rejetant la demande de production de pièces de la société Ploneour après avoir relevé que les deux montants de chiffres d'affaires dont elle faisait état étaient distincts, l'un étant global tandis que l'autre concernait les seuls achats susceptibles de donner lieu à des remises ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen de ce pourvoi : - Attendu que la société Ploneour fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remboursement d'une retenue de 5 % appliquée à compter de 2007 sur les ristournes qui devaient lui être reversées alors, selon le moyen : 1°) que le silence gardé par une partie ne vaut pas acceptation d'une modification contractuelle imposée par l'autre ; qu'en ayant énoncé que la retenue de 5 % opérée depuis 2007 par la société Bricorama sur les ristournes qu'elle devait reverser à la société Ploneour, n'avait jamais été contestée par celle-ci, et qu'il pouvait être retenu que cette pratique concrétisait la volonté des parties sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ; 2°) que l'acceptation d'une modification contractuelle décidée unilatéralement par l'une des parties ne peut se déduire de l'absence de contestation de la part de l'autre ; qu'en ayant déduit l'acceptation, par la société Ploneour, de la retenue de 5 % pratiquée depuis 2007 par la société Bricorama sur le montant des ristournes qu'elle devait reverser à la franchisée, du fait que, dans son courrier de résiliation du 15 septembre 2009 et dans les divers courriers et courriels échangés entre les parties en cours d'exécution de la franchise, la société Ploneour n'avait pas formulé ce grief, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'application par la société Bricorama depuis 2007 de cette retenue destinée à compenser les défaillances des fournisseurs, qui avait fait l'objet d'un vote unanime des franchisés en 2007, n'avait jamais été contestée par la société Ploneour, la cour d'appel a pu en déduire que cette pratique traduisait la volonté commune des parties à cet égard ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen de ce pourvoi : - Attendu que la société Ploneour fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Bricorama la somme de 18 961, 95 euros, outre les intérêts de retard à compter du 9 mars 2010, capitalisés, alors, selon le moyen : 1°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant omis de répondre aux conclusions de la société Ploneour, ayant fait valoir, sur les comptes à faire entre les parties, que la société Bricorama avait, à partir du mois de janvier 2010, unilatéralement augmenté la redevance de franchise en la portant de 1,72 % à 2,36 %, ce qui aboutissait à un indu de 2 621,55 euros, qui devait être déduit du montant dû à la société Bricorama, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que les juges du fond doivent répondre à toutes les conclusions opérantes des parties ; qu'en ayant délaissé les conclusions de la société Ploneour, ayant fait valoir qu'au cours du mois de février 2010, la société Bricorama avait facturé à la société Ploneour plusieurs prestations qui n'avaient pas été réalisées pour un total de 153,66 euros HT, lequel devait venir en déduction des sommes dues à la franchiseuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait mention de l'argumentation de la société Ploneour sur l'augmentation du taux de la redevance et pris en considération les deux demandes de celle-ci en reprenant le montant de 39 812,01 euros qu'elle invoquait après compensation avec les sommes dues au franchiseur, lorsqu'elle a fait les comptes entre les parties, a satisfait aux prescriptions du texte invoqué ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Bricorama fait grief à l'arrêt, en infirmant le jugement sur le montant des sommes dues par la société Ploneour, de condamner celle-ci à lui payer la somme de 18 961,95 euros, la condamnant ainsi elle-même à payer à la société Ploneour celle de 59 526 euros correspondant au montant des "bricobonus" pour les années 2008, 2009 et 2010 alors, selon le moyen : 1°) que le contrat fait la loi des parties et que nul ne peut être engagé contractuellement sans y avoir consenti ; qu'en condamnant la société Bricorama au paiement de la somme de 59 526 euros correspondant au montant des Bricobonus pour les années 2008, 2009 et 2010, après avoir constaté que la convention de mise en place des Bricobonus ne mettait à la charge du franchiseur aucune obligation financière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations au regard des articles 1134 et 1101du Code civil ; 2°) que tout paiement suppose une dette, et ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ; qu'en constatant qu'une part au moins des Bricobonus avait été reversée dans les RFA, tout en condamnant la société Bricorama à verser l'intégralité du montant des Bricobonus pour les années 2008, 2009 et 2010, la cour d'appel a condamné le débiteur à payer deux fois une même dette, au moins partiellement, et a en conséquence violé l'article 1235 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est par une appréciation souveraine de la volonté commune des parties que la cour d'appel a retenu que, même en l'absence d'une obligation financière stipulée à la charge de la société Bricorama au titre des "bricobonus" dans le contrat initial, la mise en œuvre ultérieure de la pratique consistant à rembourser les bons d'achat, qui a été reconduite pendant plusieurs années, avait fait naître une obligation dont elle était redevable ;

Et attendu, d'autre part, qu'il appartient au débiteur d'une obligation de justifier du paiement ; qu'ayant relevé que la société Bricorama, qui avait intégré "les bricobonus" dans les remises de fin d'année, ne justifiait pas de la part de ceux qui avaient été reversés dans les ristournes de fin d'année, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen de ce pourvoi : - Attendu que la société Bricorama fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 457 357 euros au titre de la violation, par la société Ploneour, de la clause de non-réaffiliation alors, selon le moyen : 1°) que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que le point 13.2 du contrat de franchise prévoyait que " cette interdiction s'appliquera, à compter de la date de résiliation du contrat pour une durée d'un an et sera limitée au territoire concédé, tel que défini à l'article 1-1 des présentes " et que l'article 1-1 du contrat de franchise définissait le territoire concédé comme " le magasin sis à Ploneour Lanvern"; qu'en retenant cependant que " rien dans le contrat, notamment dans l'article 13 et l'article 1, ne permet de savoir quelle est son étendue géographique, le "territoire concédé " visé par l'article 13.2, s'il s'agit de la zone de chalandise, n'étant pas défini ", la cour d'appel a dénaturé le contrat de franchise et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la légitimité de l'intérêt poursuivi par la clause de non-réaffiliation ressort, en franchise, de la protection du savoir-faire du franchiseur ; qu'en retenant que " la protection du franchiseur contre les risques concurrentiels liés à l'activité nouvelle de son ancien franchisé ne peut légitimer une telle clause ", après avoir pourtant constaté " qu'en l'espèce, la clause protège le savoir-faire du franchiseur, qui justifie de son caractère secret, substantiel et identifié ", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, sans dénaturation, que l'étendue géographique à laquelle faisait référence la clause de non-réaffiliation n'était pas déterminée faute de définition de la zone de chalandise, la cour d'appel, qui a retenu que cette clause, non limitée dans l'espace, n'était pas valide, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette les pourvois principal et incident.