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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 juin 2017, n° 15-24846

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Clé Anglaise (SARL) , Clé Anglaise EDU (SARL)

Défendeur :

Educational Programs Master France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Pachalis, Gast, Sabatier

T. com. Paris, du 21 oct. 2015

21 octobre 2015

Faits et procédure

La société Educational Programs Master France (ci-après " EPMF ") a pour activité l'enseignement et l'apprentissage de la langue anglaise.

Titulaire des droits de Master Franchise du réseau " Wall Street Institute International " (WSI), elle peut, à ce titre, promouvoir en France des centres spécialisés dans l'enseignement de la langue anglaise selon la méthode Wall Street Institute et conclure à cet effet des contrats de franchise.

Le 15 novembre 1999, la société EPMF a signé un contrat de franchise avec la société Clé Anglaise pour la ville de Montpellier et le territoire de l'Hérault, pour une durée déterminée expirant le 14 novembre 2012.

L'objet du contrat consistait dans l'exploitation, sur ce territoire, d'une activité d'enseignement de la langue anglaise auprès d'une clientèle d'administration, d'entreprises et de particuliers, selon le concept Wall Street Institute.

Par la suite, deux avenants ont été signés, ayant tous deux comme terme cette même date du 14 novembre 2012.

Tout d'abord, les sociétés EPMF et Clé Anglaise ont signé, le 30 mars 2005, un premier avenant par lequel EPMF a transféré à Clé Anglaise la propriété de la clientèle locale.

Ensuite, un autre avenant a été signé le 10 mars 2010 entre les sociétés EPMF, Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU, filiale détenue à 100 % par la société Clé Anglaise, et créée le 10 mars 2010.

Par cet avenant, la société EPMF a consenti à ce que la société Clé Anglaise cède à la société Clé Anglaise EDU les droits et obligations d'exploiter la clientèle " particuliers ", la société Clé Anglaise exploitant la clientèle " entreprises " et se portant, par ailleurs, garante du respect par la société Clé Anglaise EDU de toutes les dispositions contractuelles relatives au contrat de franchise.

Le contrat de franchise n'a pas été renouvelé et a pris fin le 14 novembre 2012.

Depuis le 15 novembre 2012, les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU exercent la même activité, mais sous une nouvelle enseigne, " Victoria's English Center ".

En 2011, litige a opposé la société EPMF et un ensemble de ses franchisés, dont la société Clé Anglaise, devant le Tribunal de commerce de Paris, ceux-ci demandant, notamment, le renouvellement des contrats de franchise pour 10 ans et que soit prononcée la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle.

Par jugement du 31 mai 2013, le Tribunal de commerce de Paris a débouté les franchisés de leurs demandes, a jugé valable la clause de non-concurrence post-contractuelle et a condamné les franchisés au paiement d'une somme de 31 879 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de cette clause.

Une partie des franchisés, dont la société Clé Anglaise, ont interjeté appel de ce jugement devant la Cour d'appel de Paris, devant laquelle la procédure est toujours en cours.

La présente affaire oppose la société EPMF et la société Clé Anglaise EDU, la société Clé Anglaise intervenant en qualité de garante du respect, par Clé Anglaise EDU, des dispositions du contrat de franchise.

Par acte du 8 novembre 2013, la société EPMF a assigné les sociétés Clé Anglaise EDU et Clé Anglaise aux fins de les voir condamner pour :

- violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle,

- utilisation des signes distinctifs du réseau Wall Street Institute postérieurement à l'expiration du contrat de franchise,

- refus de transférer les contrats de formation en cours au jour de la cessation du contrat,

- non-paiement de redevances.

Les sociétés Clé Anglaise EDU et Clé Anglaise ont soulevé des exceptions d'incompétence territoriale et de litispendance et, à titre subsidiaire, une demande de sursis à statuer.

Par jugement du 8 octobre 2014 sur les exceptions de procédure soulevées, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de leur exception de litispendance et d'incompétence territoriale,

- sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts de la société EPMF de 32 486 euros, pour violation alléguée de la clause de non-concurrence post-contractuelle dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la Cour d'appel de Paris,

- débouté les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de leur demande de sursis à statuer sur toutes les autres demandes d'EPMF autres que celles visées par le sursis à statuer,

- fait injonction de conclure au fond sur les demandes de la société EPMF.

Par jugement au fond du 21 octobre 2015, le Tribunal de commerce a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- débouté les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de leur demande d'annulation du contrat de franchise,

- débouté les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de leur demande d'indemnisation à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- débouté la société EPMF de sa demande de remboursement d'arriérés de redevances pour 7 750 euros,

- fait droit à la demande reconventionnelle de la société Clé Anglaise EDU et condamné la société EPMF à lui payer la somme de 840,64 euros,

- débouté la société EPMF de sa demande de paiement par les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de la somme de 28 000 euros pour non-transfert du fichier de clientèle,

- condamné les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à ne plus utiliser des marques et signes distinctifs du réseau Wall Street Institute ni Wall Street English et débouté EPMF de sa demande d'astreintes,

- condamné solidairement les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à payer à la société EPMF, à titre de dommages et intérêts pour l'utilisation indue des signes distinctifs du réseau d'EPMF, la somme de 37 088 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, et à parfaire pour la période postérieure au 15 janvier 2015, déboutant pour le surplus,

- condamné solidairement les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à payer à la société EPMF la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- condamné solidairement les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 % de TVA.

LA COUR,

Vu l'appel des sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU et leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 26 avril 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ses points 3 et 4,

- l'infirmer en ses points 1 et 2 et 6 à 10,

- et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- rejeter les demandes adverses,

en conséquence,

- débouter la société EPMF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le rejet des demandes de la société EPMF au regard du versement de redevances supplémentaires,

- confirmer le rejet des demandes de la société EPMF au regard de la restitution des contrats,

- rejeter les demandes de la société EPMF au regard de la prétendue utilisation de la marque et des signes distinctifs du réseau et, subsidiairement, diminuer le montant de la condamnation (la cour renvoie au dispositif des conclusions pour le détail des demandes subsidiaires),

à titre reconventionnel,

- constater la violation par la société EPMF des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- condamner la société EPMF à verser à la société Clé Anglaise la somme de 53 345,49 euros à titre de dommages et intérêts et à la société Clé Anglaise EDU la somme de 7 308,63 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- confirmer la condamnation de la société EPMF à restituer à la société Clé Anglaise EDU la somme de 840,64 euros (8 % de 10 508 euros), sur le fondement de la répétition de l'indu,

- condamner EPMF au paiement de la somme de 19 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et signifiées le 3 mai 2017 par la société EPMF, intimée,

par lesquelles il est demandé à la cour de :

- débouter les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté les sociétés Clé Anglaise EDU et Clé Anglaise de leur demande de nullité du contrat de franchise les liant à la société EPMF et de leurs demandes de dommages et intérêts y afférentes,

- débouté les sociétés Clé Anglaise EDU et Clé Anglaise de leurs demandes d'indemnisation à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- interdit aux sociétés Clé Anglaise EDU et Clé Anglaise toute utilisation des marques et signes distinctifs du réseau Wall Street Institute et Wall Street English, outre leur condamnation au paiement de dommages- intérêtss pour utilisation indue des signes distinctifs du réseau postérieurement au contrat de franchise,

- condamné solidairement les sociétés Clé Anglaise EDU et Clé Anglaise à verser une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'aux dépens de première instance,

- l'infirmer sur le montant des condamnations prononcées contre les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU et statuant à nouveau :

- condamner solidairement les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à verser à la société EPMF une somme de 74 888 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l'utilisation indue des signes distinctifs du réseau pour la période du 15 novembre 2002 au 6 novembre 2015,

- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

- condamner solidairement les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à verser à la société EPMF une somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect par la société Clé Anglaise EDU de son obligation de transférer les contrats de formation Wall Street Institute en cours au jour de la cessation du contrat de franchise,

- au titre de redevances dues à la société EPMF sur les encaissements afférents à des contrats de formation Wall Street Institute reçus par la société Clé Anglaise EDU postérieurement au 14 novembre 2012, condamner solidairement la société Clé Anglaise EDU et la société Clé Anglaise à verser à la société EPMF la somme de 7 750 euros,

- débouter la société Clé Anglaise EDU de sa demande en paiement de la somme de 840, 64 euros au titre d'un prétendu trop perçu de redevances,

- condamner solidairement la société Clé Anglaise EDU et la société Clé Anglaise à verser à EPMF une somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement la société Clé Anglaise EDU et la société Clé Anglaise au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner solidairement la société Clé Anglaise EDU et la société Clé Anglaise aux entiers dépens d'appel ;

SUR CE,

Sur la demande de la société EPMF en paiement de redevances supplémentaires

La société EPMF soutient qu'il lui est dû, en vertu de l'article 5 du contrat de franchise, des redevances de 8 % sur les encaissements reçus par les franchisés. La société Clé Anglaise EDU ayant reçu, postérieurement à la cessation des contrats, des encaissements afférents à des prestations de formation Wall Street Institute exécutées antérieurement, celle- ci serait ainsi tenue de lui verser les redevances liées à ces encaissements.

La société Clé Anglaise EDU s'appuie sur l'article 5. 1 du contrat de franchise qui prévoit le paiement de redevances en contrepartie des services rendus par la société EPMF.

Par suite, elle soutient que tous les contrats de formation conclus avec ses clients postérieurement à la cessation du contrat de franchise ont été signés sous la marque Victoria's English selon une nouvelle méthode et sans utilisation des signes distinctifs, ou des méthodes Wall Street Institute. En outre, le contrat de franchise prévoit que les redevances dues sont calculées sur la base du montant total des revenus bruts du centre franchisé pendant la seule durée du contrat. En conséquence, l'article 5.1 du contrat de franchise ne permettrait pas de fonder le paiement d'une quelconque redevance après l'expiration du contrat.

Il résulte de l'article 5.1 du contrat de franchise que " le franchisé s'engage à payer au Master, pendant toute la durée du présent contrat, (...) b) une redevance non remboursable égale à 5,6 % du montant total des revenus bruts du centre franchisé, en rémunération de la communication du savoir- faire technique, des supports concept Wall Street, des outils de marketing et des informations technologiques ; et c) une redevance non remboursable égale à 1,4 % du montant total des revenus bruts du franchisé au titre de l'utilisation des marques de KFT ; d) une contribution au compte programme marketing égal à 5 % du montant total des revenus bruts du franchisé ".

L'assiette des redevances est donc constituée des revenus bruts du centre franchisé pendant la durée du contrat, ce qui est cohérent avec leur définition contractuelle, selon laquelle " les redevances annuelles (sont) dues au titre de la mise à disposition du savoir- faire technique, des supports du concept Wall Street, des matériels de marketing, des informations technologiques ou au titre de l'utilisation des droits de propriété de KFT (...) ". Ces redevances sont payables dans les 30 jours suivant le dernier jour de chaque mois, le franchisé ayant obligation de déclarer ses revenus afférents, étant précisé à l'article 5.2 qu'un montant minimal total des revenus bruts est fixé chaque année.

Si la société EPMF prétend que la société Clé Anglaise aurait encaissé, après l'expiration des contrats, des sommes afférentes à des cours dispensés avant l'expiration de ceux- ci, elle n'en rapporte pas la preuve, ne pouvant se retrancher derrière l'absence de déclarations du franchisé, dont elle ne s'est pas plainte (cf pièce 8 de Wall Street).

Le jugement entrepris sera donc confirmé ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de la société Clé Anglaise au titre de redevances trop versées

La société Clé Anglaise EDU soutient que certains de ses clients ont payé, au jour de la conclusion de leur contrat, à l'avance, à la fois la partie de leur formation dispensée selon la méthode Wall Street avant le 14 novembre 2012 et la partie de leur formation dispensée selon la méthode Victoria's English après le 14 novembre 2012.

En conséquence, la société Clé Anglaise EDU aurait versé un excès de redevances : toutes les sommes versées d'avance par les clients avant le 14 novembre 2012 pour des formations effectuées après cette date devraient être soustraites de l'assiette des redevances d'ores et déjà facturées par EPMF et réglées par Clé Anglaise EDU.

Mais aucune preuve de ce trop perçu ne permettant à la cour de se prononcer, cette demande sera rejetée.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de la société EPMF de transfert des contrats en cours au jour de la cessation du contrat de franchise

La société EPMF rappelle qu'elle demande le transfert des contrats de formation en cours au jour de la cessation du contrat de franchise et non le transfert des fichiers de clientèle comme l'a indiqué le Tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 21 octobre 2015.

La société EPMF se fonde sur l'article 24- 5 du contrat de franchise qui prévoit le transfert des contrats en cours au jour de la cessation dudit contrat. De tels contrats ont été signés grâce à la marque et à la méthode Wall Street Institute et ne peuvent ainsi être poursuivis par la société Clé Anglaise EDU sous une méthode concurrente.

La société Clé Anglaise EDU soutient qu'elle est propriétaire de la clientèle locale en vertu du premier avenant conclu le 30 mars 2005. Il ressort également dudit acte que toute stipulation contraire du contrat de franchise serait nulle. La demande de la société EPMF de lui transférer les contrats de franchise en cours est ainsi contraire au transfert de clientèle expressément convenu d'un commun accord des parties.

L'article 24.5 du contrat de franchise prévoit que " le franchisé devra, dès l'expiration ou la résiliation du présent contrat : a) (...) Les clients du franchisé étant attachés à la marque et à l'enseigne Wall Street Institute, ce qui est expressément reconnu par le franchisé, seront transférés au master, avec son fichier ainsi que tous les contrats en cours avec les clients. Le master fera son affaire personnelle de la poursuite des contrats en cours avec les clients et de leur éventuelle répartition entre les autres centres ".

Mais l'article 3 de l'avenant signé le 30 mars 2005, intitulé " appartenance de la clientèle " dispose que : " Le franchisé est propriétaire de sa clientèle locale, avec laquelle il a traité ou avec laquelle il traitera à l'avenir ". L'article 11 de l'avenant fait prévaloir ses dispositions sur celles du contrat : " En cas de contradiction ou d'incompatibilité entre les stipulations du présent avenant et celles du contrat, les stipulations du présent avenant prévaudront ".

Cet article prévaut donc sans ambiguïté sur celui du contrat de franchise.

La société EPMF soutient en vain que les deux articles seraient compatibles, la propriété de la clientèle ne s'appliquant qu'au fichier clients de la société Clé Anglaise EDU et non aux contrats en cours.

Mais, le transfert des contrats en cours implique la communication des noms et adresse des clients et revient au même que la communication du fichier clients.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société EPMF, qui, au surplus, est dépourvue d'objet, à deux titres. En premier lieu, les contrats signés entre la société Clé Anglaise EDU en tant que franchisé WSI et ses clients avant le 15 novembre 2012 se terminaient à cette date, de sorte que la société EPMF ne démontre pas l'existence de contrats à transférer à cette date. En deuxième lieu, aucune personne morale n'aurait été apte à reprendre les contrats dans la zone de chalandise de la société Clé Anglaise EDU, en l'absence d'autres franchisés WSI dans celle- ci.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la prétendue utilisation des signes distinctifs du réseau

La société EPMF soutient que la société Clé Anglaise EDU a continué à utiliser les signes distinctifs du réseau sur son site Internet pendant trois ans après la cessation du contrat de franchise. Elle aurait ainsi profité indûment de la notoriété de son ancien franchiseur et capté les clients qui faisaient une recherche sur le réseau Wall Street, ce qui aurait non seulement entraîné une confusion dans l'esprit de la clientèle, mais aurait également contribué à l'amplification de son référencement naturel sur Internet.

La société Clé Anglaise EDU réplique qu'elle n'a pas commis de faute :

- en premier lieu, il est légal de mentionner le nom d'une marque, y compris celle d'un concurrent, sur un blog ou un site,

- en deuxième lieu, il ne peut lui être reproché la mention des termes " Wall Street English " et " Wall Street Institute " sur des sites Internet qu'elle ne contrôle pas,

- en troisième lieu, d'autres sites font mention de ces termes sans pour autant être attaqués par la société EPMF.

En outre, la société Clé Anglaise EDU expose que la société EPMF n'a subi aucun préjudice, car le nombre de clics suivant les recherches incriminées est résiduel, voire quasi inexistant. En conséquence, il n'y aurait pas eu captation de clientèle, ni de bénéfices pour la société Clé Anglaise EDU et, donc, pas de préjudice subi par la société EPMF. Enfin, la société Clé Anglaise EDU soutient que les pratiques ne lui sont pas imputables, n'exploitant aucun des sites incriminés, lesquels appartiennent à des tiers.

Les pratiques mises en cause par la société EPMF sont relatives aux mentions figurant sur les sites Internet www.anglaismontpellier.fr, www.victorias.fr et www.systemique.com.

Or, ces sites sont, soit gérés par la société Clé Anglaise (www.anglaismontpellier.fr) (cf pièce 52 de Clé Anglaise), soit cette société en est le responsable éditorial (www.victorias.fr). Ils ne sont donc pas directement gérés par la société Clé Anglaise EDU, seule directement mise en cause en l'espèce, la société Clé Anglaise ne l'étant qu'en qualité de garante de Clé Anglaise EDU. Par ailleurs, le site www.systemique.com n'est qu'un blog (pièce 46 d'EPMF).

La société EPMF estime que l'utilisation du seul nom " Wall Street Institute " sur ces sites, après l'expiration du contrat de franchise, constitue une utilisation indue des signes distinctifs du réseau, contraire à l'article 24- 6 du contrat.

Mais elle ne démontre pas que la société Clé Anglaise EDU se serait présentée sur ces sites comme franchisée de Wall Street Institute ou aurait induit les internautes en erreur, les conduisant à croire qu'elle avait encore cette qualité. Les sociétés appelantes versent au contraire aux débats la preuve de leurs démarches actives pour se faire déréférencer du réseau WSI sur plusieurs supports de communication (pièce 353).

La société EPMF fait également grief à la société Clé Anglaise EDU de ce que le site de la société est " truffé " de " références à la marque Wall Street Institute, Wall Street ou Wall Street English ", ces termes " étant cités plus de 20 fois sur le site de Clé Anglaise EDU aux adresses www.anglaismontpellier.fr ou www.montpellier.victorias.fr ". Elle reproche également la publication, sur le site, d'articles sur le film Wall Street qui n'a pourtant rien à voir avec la franchise éponyme et soutient que la société Clé Anglaise EDU aurait modifié des articles publicitaires la concernant, de 2006, pour remplacer la mention " Wall Street Institute " par " Wall Street English ", marque inexistante en 2006 (cf pièce 39 de EPMF et pièce 44). Ces pratiques d'utilisation du nom des marques auraient, selon elle, pour objet de faire apparaître le site de Clé Anglaise EDU en meilleure position sur les moteurs de recherche, et notamment sur le moteur de recherche naturel de Google, et lui permettraient de capter, vers son site Victoria's English Center, les internautes qui feraient une recherche sur " Wall Street Institute Montpellier " ou " Wall Street English Montpellier ". Elles généreraient ainsi un trafic supplémentaire sur son site alors que ce n'était pas le but de la recherche de l'internaute.

Mais si l'exploitant d'un nom commercial ou d'un nom de domaine dispose, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, d'un droit personnel à réparation des conséquences dommageables de comportements illicites de tiers, créant dans l'esprit du public un risque de confusion et constitutifs de pratiques de concurrence déloyale, l'utilisation d'un signe distinctif par un concurrent comme mot- clés dans le service Adwords de la société Google et qui a pour effet de provoquer l'affichage d'une annonce sur la même page Internet que le concurrent, n'est pas en soi illicite, si elle n'est accompagnée d'aucun acte déloyal. En revanche, si cette utilisation est de nature à générer un risque de confusion pour l'internaute normalement informé et d'attention moyenne effectuant une recherche sur les produits semblablement commercialisés par les sociétés protagonistes exerçant dans un contexte économique de libre concurrence, elle est susceptible de revêtir la qualification de concurrence déloyale.

Ici, ce n'est pas l'achat de mots- clés qui est en cause, mais l'utilisation répétée du nom commercial qui fausserait le fonctionnement du moteur naturel de recherche Google, et aboutirait finalement au même résultat, à savoir à ce que le site de la société Clé Anglaise EDU soit affiché sur la même page que celui de Wall Street Institute, en bonne place, quand l'internaute recherche le site de WSI ou WSE.

Mais la société EPMF ne verse aux débats aucun élément démontrant qu'il en résulterait une confusion dans l'esprit de l'internaute entre les deux sites, dont ni la dénomination, ni la présentation, ni le contenu ne sont identiques.

Il résulte de surcroît d'une note d'expert versée aux débats par la société Clé Anglaise EDU (pièce 61) qu'en toute hypothèse, le moteur de référencement fonctionne à partir d'un algorithme connu de Google seul et que ne maîtrisent pas les internautes et que le bon référencement sur le moteur Google des sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU, sur la combinaison de mots clés " Wall Street Institute " et " Wall Street English " (WSE), résulte des facteurs de fonctionnement du moteur de recherche lui- même (nombre de demandes sur chaque combinaison de mots-clés, degré de concurrence, ancienneté des sites et nombre de clics effectifs), à savoir, en l'espèce, de l'ancienneté des sites de la société Clé Anglaise EDU, qui ont été les seuls, pendant 18 mois, à utiliser les mots en question, lorsque les sociétés étaient encore franchisées de WSI dans la zone de Montpellier, sans être concurrencées. Ce bon référencement ne peut donc à lui seul démontrer une manipulation fautive de la part des sociétés appelantes.

Si la société EPMF se réfère à une jurisprudence afférente à la création de " backlinks " sur un mot-clé utilisé de façon intense qui fausseraient les recherches naturelles sur Google, et qui provoqueraient, de ce seul fait, un détournement déloyal de clientèle (CA Paris, 28 mars 2014, RG n° 13/07517), elle n'en rapporte pas la preuve en l'espèce, l'existence de ces " backlinks " ne pouvant être présumée.

Enfin, les propos cités comme dénigrants dans les conclusions de la société EPMF ne revêtent pas cette caractéristique.

Elle sera donc également déboutée de cette demande insuffisamment documentée.

Cette demande sera donc rejetée et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il a condamné les sociétés appelantes au paiement de la somme de 37 088 euros et en ce qu'il leur a enjoint de cesser d'utiliser les marques et signes distinctifs des réseaux WSI et WSE.

Sur la violation par la société EPMF de l'article L. 442- 6 du Code de commerce

La société Clé Anglaise EDU soutient que la société EPMF aurait imposé, sous la menace d'une résiliation ou d'un non-renouvellement des contrats, une prise de participation dans le capital des sociétés franchisées. Ces menaces auraient été mises à exécution par le refus de renouvellement des contrats, dont elle- même a été victime. En conséquence, la société EPMF aurait eu des comportements en violation totale des dispositions de l'article L. 442- 6, I, 2° et 4° du Code de commerce.

La société EPMF soutient que tout franchiseur est libre de l'organisation de son réseau et que le renouvellement du contrat ne constitue pas un droit dont pourrait automatiquement se prévaloir le franchisé.

Selon l'article L. 442- 6, I : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; (...) ; 4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente (...) ".

Il résulte des pièces du dossier que les sociétés franchisées se trouvaient dans une situation de soumission à l'égard de leur franchiseur. Souhaitant renouveler leurs contrats avec ce réseau réputé, dont l'équivalent était difficile à trouver dans le même segment de marché, et dédiées pendant dix ans de façon exclusive à ce réseau où elles avaient investi, elles étaient en position défavorable et dissymétrique dans les discussions relatives à la poursuite des relations commerciales.

Mais les sociétés appelantes se contentent d'alléguer que les conditions posées par la société EPMF au renouvellement de leur contrat étaient déséquilibrées, en visant de façon globale le nouveau contrat de franchise que la société EPMF leur proposait et la prise de participation de la société EPMF à leur capital à hauteur de 20 % que la société EPMF exigeait concomitamment.

Il leur appartenait d'argumenter cette demande et de dire à la cour quelles obligations créaient selon elles un déséquilibre significatif, la cour ne pouvant d'office se saisir de l'entier contrat et du pacte d'associé pour en déduire quelles étaient les clauses, qui, isolément ou prises ensemble, pouvaient créer un déséquilibre significatif.

Il n'est donc pas démontré que la société EPMF ait enfreint l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.

De même, s'il est établi que la société EPMF a usé de menaces pour contraindre ses franchisés, les sociétés appelantes ne prennent pas la peine d'exposer à la cour en quoi les conditions qui leur étaient imposées constituaient " des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente (...) ".

Il n'est donc pas davantage établi que la société EPMF ait enfreint l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce.

Les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU seront donc déboutées de ces demandes et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de la société EPMF pour procédure abusive

Il n'est pas démontré que les sociétés appelantes, dont la plupart des prétentions ont été reconnues par la cour, aient abusé des voies de droit. Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant au principal, la société EPMF supportera les dépens de l'appel et sera condamnée à payer aux sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU la somme de 15 000 euros pour frais irrépétibles.

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle de la société Clé Anglaise EDU et condamné la société EPMF à lui payer la somme de 840,64 euros au titre d'un trop perçu, condamné les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à ne plus utiliser des marques et signes distinctifs du réseau Wall Street Institute ni Wall Street English, et condamné solidairement les sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU à payer à la société EPMF, à titre de dommages et intérêts pour l'utilisation indue des signes distinctifs du réseau d'EPMF, un montant de 37 088 euros, outre intérêts, sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'infirme sur ces points, Et, statuant à nouveau, déboute la société Clé Anglaise EDU de sa demande en paiement de la somme de 840,64 euros, déboute la société EPMF de sa demande d'injonction à l'encontre des sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU de ne plus utiliser des marques et signes distinctifs du réseau Wall Street Institute ou Wall Street English, la déboute de sa demande tendant au paiement de la somme de 37 088 euros pour l'utilisation des signes distinctifs du réseau d'EPMF et de sa demande pour procédure abusive, condamne la société EPMF aux dépens de première instance et d'appel, la condamne à payer aux sociétés Clé Anglaise et Clé Anglaise EDU la somme de 15 000 euros pour frais irrépétibles.