Cass. com., 8 juin 2017, n° 15-24.372
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
SFS Intec holding AG (Sté), SFS Intec (SAS)
Défendeur :
Arena (SAS), Boudevin (es qual), Mustad SpA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Capron
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2015) et les productions, que la société SFS Intec holding, titulaire d'un brevet européen EP 1 582 684 B1 désignant notamment la France et déposé sous revendication de priorité d'un modèle d'utilité allemand, couvrant une " vis pour la fixation de profilés en creux en matière plastique renforcés par des profilés métalliques sur une structure de support ", et la société SFS Intec, licenciée exclusive pour l'exploitation de ce brevet en France, ont assigné les sociétés Arena et Mustad en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 14 de ce brevet, concurrence déloyale et parasitisme ; que la société Arena ayant été placée en redressement puis liquidation judiciaires, le liquidateur, la société Sarthe mandataire, prise en la personne de M. Boudevin, est intervenu à l'instance ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société SFS Intec holding fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes en contrefaçon alors, selon le moyen : 1°) qu'il y a contrefaçon, par substitution d'un moyen équivalent à un moyen couvert par le brevet, lorsque, malgré leur différence de forme, les moyens litigieux exercent la même fonction en vue d'un même résultat et que cette fonction est elle-même nouvelle ; que seules des antériorités ayant une date et un contenu certains sont de nature à détruire la nouveauté de la fonction exercée par le moyen breveté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que les pièces produites par les intimées sous les n° 69 à 71 démontreraient que la fonction d'ajustage pressé ou d'ajustement serré réalisée par des vis qui élargissent des perçages préformés n'est pas nouvelle ; qu'en se déterminant au vu de ces publications, sans préciser leur date ni s'expliquer sur leur contenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu'en se bornant à affirmer que les pièces produites par les intimées sous les n° 69 à 71 démontreraient que la fonction d'ajustage pressé ou d'ajustement serré réalisée par des vis qui élargissent des perçages préformés n'est pas nouvelle, sans procéder à la moindre analyse de ces pièces et sans préciser en quoi elles seraient de nature à établir que la fonction litigieuse aurait été connue à la date de priorité du brevet européen EP 1 582 684, soit le 29 mars 2004, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que, dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir que la fonction nouvelle exercée par son brevet était celle d'" ajustement pressé de deux profilés avec une seule vis, pour une tenue parfaite de la vis et un réglage optimal " ; qu'en se bornant à affirmer que les pièces produites par les intimées sous les n° 69 à 71 démontreraient " que la fonction d'ajustage pressé ou d'ajustement serré réalisée par des vis qui élargissent des perçages préformés n'est pas nouvelle ", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la fonction exercée par le brevet, consistant, plus précisément, à réaliser un ajustage serré de deux profilés différents avec une seule vis, n'était pas nouvelle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) qu'en affirmant que la vis incriminée, de forme hélicoïdale, n'aurait pas pour effet technique premier de coopérer avec un préperçage mais de produire un mouvement de rotation pour pénétrer puis fixer de la matière, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que cette vis était présentée, sur les prospectus, comme étant destinée à la " pose de menuiserie avec (...) renfort ", et sans rechercher si, en s'appuyant, de manière continue, sur les parois des profilés, à l'endroit de chaque pré-perçage, le filetage de la vis n'exerçait pas la fonction d'ajustage pressé attendue d'une vis pour une pose de menuiserie avec renfort, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que les pièces n° 69 à 71 consistant en des documents définissant divers types d'ajustage, dont celui d'ajustage serré, la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer plus amplement sur ce contenu purement descriptif et dont le sens n'était pas discuté ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant exactement rappelé que la contrefaçon par équivalence suppose que le moyen incriminé produise le même effet technique que celui produit par le moyen revendiqué, l'arrêt relève que la vis incriminée ne présente aucune zone pratiquement cylindrique d'une longueur et d'un diamètre suffisants pour réaliser un ajustement pressé avec les perçages des parois et qu'il n'est pas démontré que lorsqu'un tel espace existe, son diamètre, variable, serait de nature à exercer la fonction d'ajustage pressé avec les préperçages des parois du profil à traverser, de sorte que l'effet technique premier de la vis arguée de contrefaçon est différent de l'effet technique premier d'ajustement serré, invoqué comme étant celui des vis prétendument contrefaites ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence d'équivalence des moyens respectivement décrits et mis en œuvre, a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société SFS Intec fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur la concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) qu'elle reprochait aux sociétés Arena et Mustad d'avoir créé un risque de confusion dans l'esprit du public et d'avoir commis des actes de parasitisme, en commercialisant la vis " Framex ", qui reprend les caractéristiques distinctives des têtes de vis de la gamme " SPTR " et qui, pouvant être utilisée pour pose de fenêtres en rénovation en cadre bois avec ou sans renfort, " peut se substituer aussi bien aux vis SPTR-A que SPTR-B " ; que, dans ses écritures d'appel, elle précisait que la gamme " SPTR " était constituée, d'une part, de la vis " SPTR-B " ou " SPTR-Bi ", qui met en œuvre les enseignements du brevet européen EP 1 582 684 et est destinée à la pose de menuiseries avec renfort, et d'autre part, de la vis " SPTR-A ", qui met en œuvre les enseignements d'un brevet différent et est destinée à la pose de menuiseries sans renfort ; qu'en l'espèce, pour écarter la concurrence déloyale et le parasitisme, la cour d'appel a relevé qu'à la différence de " la vis opposée dans le cadre du présent litige ", la vis " Framex " pouvait être utilisée pour la pose de menuiseries avec ou sans renfort et qu'" il a été dit par ailleurs que cette vis ne constitue ni une copie ni une copie quasi-servile de la vis SFS " ; qu'en partant ainsi du principe qu'elle n'aurait invoqué qu'un seul modèle de vis, quand elle invoquait deux modèles distincts, munis de la même tête de vis, le premier pouvant être utilisé pour la pose sans renfort (" SPTR-A ") et le second pour la pose avec renfort (" SPTR-B "), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) qu'elle invoquait, au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, la reprise de la configuration particulière et reconnaissable des têtes de vis de sa gamme " SPTR ", caractérisées par la présence d'une " tête laquée blanche de forme particulière, combinée à une empreinte " TORX " et surmontant une partie lisse, un collet pour clipser la paroi du profilé " ; qu'en se bornant à examiner une partie seulement des caractéristiques des têtes de vis litigieuses (forme bombée, empreinte TORX et couleur blanche), sans s'expliquer sur les autres éléments caractéristiques qu'elle invoquait, à savoir, en particulier, le fait que les têtes de vis " SPTR " étaient laquées et qu'elles comportaient un collet, surmontant une partie lisse, pour clipser la paroi du profilé, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'elle invoquait, au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, la reprise de la configuration particulière et reconnaissable des têtes de vis de sa gamme " SPTR ", caractérisées par la présence d'une " tête laquée blanche de forme particulière, combinée à une empreinte " TORX " et surmontant une partie lisse, un collet pour clipser la paroi du profilé " ; qu'elle faisait, en outre, valoir que l'aspect des têtes de ses vis " SPTR " était d'autant plus distinctif et reconnaissable que ses produits occupent une place prépondérante sur le marché des vis pour pose de fenêtres en rénovation et que la société SFS Intec a été récompensée pour son produit " SPTR-A " en 2004 par les professionnels de la menuiserie PVC ; qu'en se bornant à examiner certaines des caractéristiques des têtes de vis litigieuses, prises séparément, sans se livrer à une appréciation globale de l'ensemble de ces caractéristiques, prises dans leur combinaison spécifique, ni prendre en considération, non plus, la part de marché occupée par la société SFS Intec grâce aux investissements qu'elle a réalisés pour les vis " SPTR " et le fait que ses produits ont été récompensés par les professionnels de la menuiserie PVC, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas recherché, au vu des différents éléments invoqués devant elle, si, en reprenant la configuration particulière des têtes des vis de la gamme " SPTR ", pour commercialiser des vis substituables à ces dernières, les sociétés Arena et Mustad n'avaient pas créé un risque de confusion dans l'esprit du public et n'avaient pas commis des actes de parasitisme à son préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) qu'elle faisait également valoir que les sociétés Mustad et Arena avaient commis une faute de concurrence déloyale à son préjudice, en commercialisant les vis " Framex Clip ", alors que celles-ci présentaient un grave danger de corrosion ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel a retenu que la dangerosité des vis " Framex " serait insuffisamment démontrée, dès lors que les analyses effectuées à son initiative seraient contredites par celles qui auraient été réalisées " dans les mêmes conditions " par la société Mustad ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait qu'à la différence des essais invoqués par la société Mustad SpA, qui ont été réalisés en interne par cette société, sans la moindre garantie de fiabilité, les analyses produites par ses soins ont été effectuées par un laboratoire indépendant, à partir de vis saisies lors des opérations de saisie-contrefaçon, qui ont été directement adressées à ce laboratoire par l'huissier, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que les conclusions d'appel de la société SFS Intec précisant que la tête de la vis SPTR-A était la même que celle de la vis SPTR-B, puis demandant, dans leur dispositif, de dire que les sociétés Arena et Mustad s'étaient rendues coupables de concurrence déloyale, par copie servile de la tête des vis SPTR, c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel s'est référée aux caractéristiques communes de "la vis" dont cette société dénonçait la copie fautive ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant rappelé qu'elle avait constaté, lors de son examen de l'action en contrefaçon par reproduction du produit couvert par le brevet, notamment en raison de la présence d'un collet, que la vis incriminée ne constituait pas une copie, ni une copie quasi servile de celle distribuée par la société SFS Intec, la cour d'appel, qui a ensuite examiné les autres caractéristiques particulières citées dans le cadre de cette action en concurrence déloyale et retenu que les vis incriminées étaient disponibles en une présentation laquée, et qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a justifié sa décision ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel ayant ainsi écarté l'existence d'un risque de confusion entre les produits en cause, le moyen critique, en sa dernière branche, un motif surabondant ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.