CA Grenoble, 2e ch. civ., 6 juin 2017, n° 13-01023
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Caterpillar France (SAS)
Défendeur :
Sogedec (SARL), Masselon (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Clozel-Truche
Conseillers :
Mmes Lamoine, Blatry
Avocats :
Mes Grimaud, Dumoulin, Dauphin, SCP Janot, Legeay
Rappel des faits et de la procédure
La SARL Sogedec et la SAS Caterpillar France étaient en relations d'affaires, la première effectuant régulièrement pour la seconde des prestations de tri et d'enlèvements de déchets sur ses sites de Grenoble et d'Echirolles depuis l'année 1998, des contrats écrits annuels de juin à juin étant établis entre les parties à partir de juin 2003.
Le 10 juin 2008, la SAS Caterpillar France a adressé à la SARL Sogedec un bon de commande n° FDJJ24855 portant sur l'évacuation des déchets du bâtiment d'Échirolles pour une durée de 12 mois à partir du lundi 16 juin 2008 pour un prix mensuel de 6 900 euro HT.
Le 26 juin 2008, la SAS Caterpillar France a établi 3 autres bons de commande pour une durée de 12 mois du 1er juin 2008 au 1er juin 2009 pour les prestations suivantes :
- bon n° FDJ30084 : tri des déchets et nettoyage des bidons et containers pour le bâtiment de Grenoble (service 4131) pour le prix de 5 280 euro HT par mois,
- bon n° FDI30085 : tri des déchets et nettoyage des bidons et containers pour G20 (service 4132) pour 6 830 euro HT par mois,
- bon n° FDI30086 /tri des déchets et nettoyage des bidons et containers pour G40/WHEX (service 4139) pour 10 500 euro HT par mois.
Le 8 décembre 2008, la SARL Sogedec recevait un courriel de la SAS Caterpillar France lui demandant qu'aucun personnel n'intervienne à Echirolles pour l'évacuation des poubelles les semaines 2, 3, 7, 8 et 12 en précisant " Concrètement il faudrait que votre personnel puisse être en congés ou alors en chômage et nous souhaiterions être facturé au prorata du nombre de jours travaillés " et indiquant encore " nous avons une réunion jeudi prochain pour discuter (...) des autres mesures que nous allons vous demander (...) l'activité extérieure de Grenoble et Echirolles risque d'être revue à la baisse " et encore " nous allons statuer sur les effectifs en présence en permanence et vous dire si nous pensons qu'il faut réduire le nombre d'intervenants pour l'année 2009. "
Le conseil de la SARL Sogedec lui répondait le 23 décembre 2008 qu'une telle attitude caractériserait une rupture unilatérale du contrat à la charge de Caterpillar, et demandant soit que cette dernière revienne sur sa décision, soit qu'elle propose des compensations tout en consolidant les liens commerciaux, et exposant que sa cliente était prête à toute discussion.
Par mail du 23 avril 2009, la SAS Caterpillar France demandait à la SARL Sogedec de " prendre note de son planning d'intervention sur les prochaines semaines ".
La SARL Sogedec obtenait le 22 avril 2009 une ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Grenoble enjoignant à la SAS Caterpillar France de lui payer la somme de 3 516,24 euro en principal. Par ailleurs, le juge des référés du même Tribunal de commerce a, par ordonnance du 24 février 2009, ordonné le paiement provisionnel par la société Caterpillar d'une somme de 14 567,28 euro correspondant au solde des factures émises pour le mois de décembre 2008, mais, par ordonnance du 7 juillet 2009, dit que la demande de la SARL Sogedec tendant à voir obtenir le paiement de la somme provisionnelle de 141 175,84 euro correspondant aux factures émises pour les mois de janvier à avril 2009 excédait ses pouvoirs, et renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond.
Par acte du 23 septembre 2009, la SARL Sogedec a, après y avoir été autorisée, assigné la SAS Caterpillar France à bref délai devant le Tribunal de commerce de Grenoble pour la voir condamner à lui payer la somme de 141 175,84 euro correspondant à ses prestations facturées jusqu'au mois de juin 2009, outre celle de 100 000 euro en réparation de son préjudice commercial consécutif à la rupture brutale des relations commerciales.
Par jugement contradictoire du 12 février 2010, le Tribunal de commerce de Grenoble :
- a condamné la SAS Caterpillar France à payer à la SARL Sogedec les sommes de :
141 175,84 euro au titre des sommes prévues au contrat,
100 000 euro à titre d'indemnité de préavis,
3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a rejeté toutes les autres demandes,
- a condamné la SAS Caterpillar France aux dépens.
Sur appel formé par la SAS Caterpillar France, la Cour d'appel de Grenoble a, par arrêt du 1er septembre 2011 :
confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société Caterpillar devait d'une part régler le forfait convenu jusqu'au terme du contrat, et d'autre part retenu sa responsabilité alors qu'elle a pris l'initiative de rompre les relations commerciales établies entre les deux sociétés sans respecter de préavis,
l'a infirmé sur le surplus et, statuant à nouveau, a :
- condamné la société Caterpillar à payer la somme de 101 730,70 euro pour solde des factures de la période du 1er juin 2008 au 1er juin 2009 sauf à déduire les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement,
- avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture brutale des relations établies, invité les parties à fournir diverses pièces justificatives de nature à établir l'importance de ce préjudice.
Sur un pourvoi formé par la société Caterpillar la Cour de cassation a, par arrêt du 4 décembre 2012, cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions, renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la Cour d'appel de Grenoble autrement composée, et rejeté la demande de la SAS Caterpillar France fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
Les motifs de la cassation sont ainsi partiellement reproduits :
" Attendu que, pour condamner la société Caterpillar à payer à la société Sogedec l'intégralité des prestations convenues jusqu'au terme du contrat sous déduction de celles déjà acquittées, l'arrêt retient que le prix des prestations de la société Sogedec, qui ne varie pas en fonction du volume traité, n'est pas sujet à révision (...) ; qu'en statuant ainsi alors que le prix n'est dû qu'en cas d'exécution de la prestation convenue et qu'il lui revenait d'évaluer le préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134 et 1184 du Code civil ; "
" Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble les articles 4 du Code civil et 12 du Code de procédure civile,
Attendu que pour dire la société Caterpillar responsable de la rupture des relations commerciales établies qui l'ont liée à la société Sogedec, l'arrêt retient qu'elle a pris l'initiative de les rompre sans respecter de préavis ; qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer au préalable sur la durée du préavis suffisant qui aurait dû être respecté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. "
Par déclaration au Greffe en date du 8 février 2013, la SARL Sogedec a saisi la présente cour de ce renvoi, à l'encontre de Maître Dominique Masselon en qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de continuation la concernant, et de la SAS Caterpillar France.
Par déclaration en date du 28 février 2013, la SAS Caterpillar France a aussi saisi la présente cour de ce renvoi.
Les deux instances ont été jointes.
Par acte du 3 juin 2013, la société Caterpillar France a assigné en intervention forcée Maître Dominique Masselon en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Sogedec dont la liquidation judiciaire avait été prononcée le 30 avril 2013. Cet appel en cause a été joint aux autres instances.
Par conclusions notifiées le 4 novembre 2013, la SARL Sogedec et Maître Masselon en qualité de liquidateur judiciaire, demandaient la confirmation du jugement déféré sauf à réduire à 101 730,70 euro le total des sommes restant dues au titre du contrat en raison des règlements intervenus depuis le jugement, soit directement, soit au titre d'avis à tiers détenteurs.
Ils demandaient encore la condamnation de la SAS Caterpillar France à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils soutenaient :
- que les sociétés Caterpillar et Sogedec étaient liées par un contrat à forfait quel que soit le volume des prestations traitées, la rémunération étant d'ores et déjà fixée pour un montant fixe mensuel, et pour une durée d'un an, que c'est donc à bon droit que le tribunal a condamné la SAS Caterpillar France à lui payer le solde des sommes prévues au contrat, celle-ci ne pouvant unilatéralement réduire les prestations et le prix prévu en l'absence de preuve d'un cas de force majeure ;
- que la SAS Caterpillar France a, en outre, rompu unilatéralement leurs relations contractuelles établies depuis plusieurs années sans respecter aucun préavis, ce qui justifie sa demande de dommages-intérêts, son préjudice étant constitué des gains manqués par la perte de la marge brute dont elle aurait bénéficié pendant la durée du préavis s'il avait été respecté, ses investissements non amortis et le coût des licenciements auxquels elle a dû procéder puisque les prestations pour la société Caterpillar représentaient 99 % de son chiffre d'affaires.
La SAS Caterpillar France, dans ses dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2016, demande la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions et le rejet de toutes demandes de la SARL Sogedec.
Elle demande reconventionnellement la fixation de sa créance au passif de la SARL Sogedec aux sommes de :
- 121 221,50 euro au titre de sommes payées en trop,
- 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- 26 335,03 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- qu'à ce jour, elle a payé une somme totale de 74 012,98 euro au titre des prestations de la période 2008-2009, soit directement, soit au titre d'avis à tiers détenteurs,
- qu'elle n'est pas tenue du paiement du solde des factures pour des prestations de janvier à juin 2009, la Cour de cassation ayant rappelé que le prix n'est dû qu'en cas d'exécution de la prestation convenue ;
- qu'en vertu des décisions intervenues assorties de l'exécution provisoire - soit l'ordonnance de référé et le jugement déféré assorti de l'exécution provisoire que le Premier Président a limitée à 70 000 euro -, elle a trop payé 110 625 euro ;
- que ce n'est pas pour faire appel à un autre prestataire qu'elle a souhaité limiter les prestations de la SARL Sogedec, mais parce qu'elle a dû réduire sa propre production industrielle à cause de la conjoncture économique, devant mettre en œuvre un PSE associé à des licenciements économiques de ses salariés ;
- qu'il ne peut lui être reproché d'avoir rompu des relations commerciales établies en l'état de contrats successifs à durée déterminée, et alors qu'elle n'entendait pas rompre toute relation mais seulement suspendre l'exécution du contrat et réduire les prestations demandées à son cocontractant,
- qu'en toute hypothèse l'état de dépendance économique dont se plaint la SARL Sogedec résultait des propres choix de gestion de cette dernière à qui il appartenait de se diversifier ;
- que la demande de dommages-intérêts n'est pas sérieuse, est hors de proportion et n'est pas justifiée par les pièces comptables produites.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2016.
A l'audience du 27 février 2017, la cour a révoqué la clôture et renvoyé l'affaire au 28 mars 2017 pour justification par la SAS Caterpillar France de sa déclaration de créance au passif de la SARL Sogedec et production aux débats d'un extrait Kbis concernant cette dernière.
Le 7 mars 2017, la SAS Caterpillar France a notifié par voie électronique les trois pièces nouvelles suivantes :
sa déclaration de créance à titre chirographaire adressée le 22 mai 2013 à Maître Dominique Masselon ès qualités, pour les sommes de :
- 110 625 euro en principal (remboursement des sommes perçues en trop par la société Sogedec),
- 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
un extrait Kbis de la société Sogedec à jour au 28 février 2017 duquel il résulte le prononcé de sa liquidation judiciaire le 30 avril 2013 sur résolution d'un plan de redressement adopté le 26 octobre 2010 dans le cadre d'un redressement judiciaire ouvert le 27 octobre 2009,
une ordonnance du juge-commissaire du 15 juillet 2014 constatant l'existence d'une instance en cours rendant impossible la fixation de la créance de la société Caterpillar au passif de la société Sogedec.
Le 16 mars 2017, la SARL Sogedec et Maître Dominique Masselon en qualité de liquidateur judiciaire ont notifié des conclusions récapitulatives reprenant les demandes et moyens contenus dans leurs conclusions du 4 novembre 2013, et concluant aussi au rejet de la demande reconventionnelle de la SAS Caterpillar France, au moyen qu'elle n'a déclaré à son passif qu'une somme en principal de 110 625 euro alors qu'elle réclame 121 221,50 euro au titre d'un trop-payé, et qu'il ne peut être fait droit à sa demande de dommages-intérêts pour laquelle elle n'a déclaré aucune créance.
Motifs de la décision
Sur la demande de la SARL Sogedec au titre de la rupture des contrats en cours
Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 8 décembre 2008, la SAS Caterpillar France et la SARL Sogedec étaient liées par quatre contrats à durée déterminée constitués des bons de commande signés de la première en dates respectivement :
du 10 juin 2008 (bon n° FDJJ24855) pour une durée de 12 mois à compter du 16 juin 2008 pour l'évacuation des déchets du bâtiment d'Échirolles, pour le prix de 5 280 euro HT par mois,
du 26 juin 2008 pour une durée de 12 mois à compter du 1er juin 2008 pour les prestations suivantes :
- bon n° FDJ30084 : tri des déchets et nettoyage des bidons et containers pour le bâtiment de Grenoble (service 4131) pour le prix de 5 280 euro HT par mois,
- bon n° FDI30085 : tri des déchets et nettoyage des bidons et containers pour G20 (service 4132) pour 6 830 euro HT par mois,
- bon n° FDI30086 : tri des déchets et nettoyage des bidons et containers pour G40/WHEX (service 4139) pour 10 500 euro HT par mois.
Par courriel du 8 décembre 2008, la SAS Caterpillar France a notifié à sa cocontractante d'une part sa décision de suspendre les prestations sur son site d'Echirolles durant quatre des huit premières semaines de l'année 2009, d'autre part son intention de diminuer le volume des prestations pour l'année en cours en raison d'une baisse de sa propre activité, en diminuant le prix en proportion. Malgré une protestation du conseil de la SARL Sogedec, la société Caterpillar a maintenu sa position en notifiant le 23 avril 2009 à sa cocontractante un nouveau planning d'intervention pour les semaines suivantes.
Cette modification unilatérale des conditions substantielles des contrats, que la SARL Sogedec n'était pas tenue d'accepter, s'analyse en une rupture unilatérale anticipée de contrats à durée déterminée ouvrant droit à la réparation du préjudice qui en est résulté pour la SARL Sogedec, la SAS Caterpillar France ne rapportant la preuve d'aucun cas de force majeure qui l'aurait conduite à procéder de la sorte, dès lors que :
alléguant une chute brutale et importante de ses commandes en 2008, elle n'en justifie par aucun document comptable, les courriers adressés par elle à ses propres fournisseurs ne pouvant en constituer la preuve, et celle-ci n'étant pas davantage rapportée par la production de communiqués de presse faisant état d'une conjoncture générale défavorable ou d'une baisse de production dans le secteur de la construction constaté au surplus fin 2009 seulement ;
les perturbations sociales avec occupations d'usines, établies à partir du 26 février 2009 soit plus de trois mois après le mail du 8 décembre 2008, sont la conséquence d'un plan social élaboré par la direction de l'entreprise sans que, pour autant, les causes structurelles ou conjoncturelles invoquées en soit objectivement établies puisque la société Caterpillar ne produit que des extraits de ce plan qui ne sont accompagnés d'aucune pièce comptable.
Au vu des pièces du dossier, la SAS Caterpillar France était redevable d'un solde de factures au titre du mois de décembre 2008, le prix mensuel stipulé lors de la conclusion du contrat n'étant pas modulable en fonction des jours de congés et elle a, à bon droit, été condamnée par le juge des référés à payer à ce titre la somme de 14 567,28 euro TTC à titre provisionnel, les factures de ce mois n'ayant été réglées qu'à hauteur de 20 810,40 euro.
Pour le surplus, SARL Sogedec n'est pas fondée à réclamer le paiement des prestations contractuelles prévues jusqu'au terme, les contrats résiliés ne pouvant plus recevoir exécution et le prix n'étant dû qu'en cas d'exécution de la prestation convenue ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation.
Il y a donc lieu, restituant à l'action sa véritable qualification en application des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile, de réparer le préjudice résultant pour la SARL Sogedec de la rupture anticipée du contrat qui peut être estimé à une somme proche de celle qu'elle aurait retirée du contrat s'il n'avait pas été résilié avant son terme, dans la mesure où, s'agissant d'une entreprise de services, ses coûts de production étaient essentiellement constitués de charges salariales et sociales qu'elle ne pouvait aisément réduire ni a fortiori supprimer sur la période restant à courir nonobstant l'absence de production, la brutalité de la résiliation ne lui permettant pas, par ailleurs, de trouver en temps utile une activité de remplacement compensant ces charges.
Dès lors, les dommages-intérêts résultant pour la SARL Sogedec de la résiliation des contrats doivent être fixés à 177 060 euro HT, celle-ci récupérant la TVA.
De cette somme doit être déduite celle de 82 907,78 euro dont la SARL Sogedec reconnaît que la société Caterpillar s'est acquittée, soit directement, soit par le biais d'avis à tiers détenteur.
Il reste donc un solde de 94 152,22 euro HT à la charge de la société Caterpillar.
Sur la demande au titre de la rupture de relations commerciales établies
Aux termes de l'article L. 442-6, I, du Code de commerce : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel (...) :
5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé en références aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".
En l'espèce, les parties étant en relations commerciales suivies depuis 1998 soit depuis 10 ans à la date de la rupture, la SAS Caterpillar France commandant régulièrement, année après année, la réalisation par la SARL Sogedec des prestations de tri et d'enlèvements de déchets sur ses sites du bassin grenoblois, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la SAS Caterpillar France avait, en ne renouvelant pas ces contrats, rompu des relations commerciales établies, peu important qu'il s'agisse, à chaque fois, de contrats à durée déterminée, compte-tenu de l'ancienneté de leur mise en œuvre et de leur réitération ininterrompue depuis l'origine.
À défaut d'usage reconnu ou d'accord interprofessionnel dans le domaine d'activité concernant les parties, il y a lieu d'apprécier la durée du préavis qu'aurait dû respecter la SAS Caterpillar France au regard de l'ancienneté de la relation, du type d'activité, et de l'importance de celle-ci pour l'entreprise concernée. En l'espèce, la SARL Sogedec réalisait, au vu des pièces comptables produites, la quasi-totalité de son chiffre d'affaires auprès de la SAS Caterpillar France. Même [si] une certaine diversification aurait été souhaitable, celle-ci était rendue difficile par la taille de l'entreprise au regard du volume de prestations déjà traitées auprès de Caterpillar, son personnel étant dédié aux tâches confiées par cette dernière, le recours à la sous-traitance ne représentant qu'un cinquième de ses charges totales en personnel au vu du dernier exercice clos le 31 mars 2009.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il peut être considéré que la SAS Caterpillar France aurait dû respecter un préavis de douze mois pour rompre ses relations établies avec la SARL Sogedec.
Même si la SARL Sogedec a, de fait, disposé d'un délai de six mois entre la rupture brutale des contrats en cours et le terme de ceux-ci, période indemnisée par ailleurs, ce délai n'était pas suffisant pour lui permettre de se réorganiser avant le mois de juin où les contrats étaient habituellement reconduits et où la rupture des relations établies a été définitive, compte-tenu de sa structure et de l'importance de son poste de personnel entièrement dédié à la SAS Caterpillar France.
Dès lors, au regard de la marge brute de l'entreprise telle qu'elle résulte du dernier exercice comptable avant la rupture, la somme de 100 000 euro allouée par le tribunal pour réparer le préjudice causé à la SARL Sogedec par la rupture brutale des relations commerciales établies n'est pas excessive et sera confirmée, étant souligné que cette entreprise a fait l'objet d'un redressement judiciaire ouvert le 27 octobre 2009 avec fixation de la date de cessation des paiements au 1er janvier 2009, et qu'elle n'a pas pu mener à bien ce redressement puisque le plan de continuation de son activité adopté le 26 octobre 2010 a fait l'objet d'une résolution le 30 avril 2013 avec liquidation judiciaire.
Sur la demande reconventionnelle de la SAS Caterpillar France au titre d'un trop-payé
Au vu des éléments rappelés ci-dessus et compte-tenu des sommes allouées à titre de dommages-intérêts, la société Caterpillar, qui a réglé 82 907,78 euro outre l'exécution provisoire partielle du jugement déféré, n'a pas trop payé.
Sa demande ainsi fondée doit donc être rejetée.
Sur les demandes accessoires
La SAS Caterpillar France, qui succombe principalement en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en sa faveur. A fortiori, sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée et sera rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Sogedec la totalité de ses frais irrépétibles ; il y a donc lieu de lui allouer la somme complémentaire de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe après en avoir délibéré conformément à la loi, confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SAS Caterpillar France à payer à la SARL Sogedec la somme de 141 175,84 euro au titre des sommes prévues au contrat. L'infirme sur ce point et, statuant à nouveau, y ajoutant et restituant à l'action sa véritable qualification en application des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile : condamne la SAS Caterpillar France à payer à Maître Dominique Masselon en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Sogedec les sommes de : la somme de 94 152,22 euro HT à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée des contrats à durée déterminée, après déduction des règlements intervenus à hauteur de 82 907,78 euro, une indemnité complémentaire de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que les autres sommes allouées à la SARL Sogedec seront payées entre les mains de Maître Dominique M. ès qualités. Déboute la SAS Caterpillar France de sa demande en restitution d'un trop payé. Rejette toutes les autres demandes. Condamne la SAS Caterpillar France aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Dauphin-Mihajlovic, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.