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Décisions

Cass. 1re civ., 22 juin 2017, n° 16-16.799

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Expertima (SARL)

Défendeur :

Natech (SARL) , Brossette (SAS), Efinode France (SARL) , Choulet (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Girardet

Avocat général :

M. Drouet

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Piwnica, Molinié

CA Metz, du 9 févr. 2016

9 février 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Metz, 9 févr. 2016), qu'estimant que la société Aquabion France reproduisait la présentation de ses documents publicitaires sur lesquels elle se déclare investie de droits d'auteur, la société Expertima a assigné en réparation d'actes de contrefaçon et de parasitisme cette société, devenue Efinode France, et ses distributeurs, les sociétés Brossette, Choulet et Natech ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que la société Expertima fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que " la présomption de la titularité des droits d'exploitation dont peut se prévaloir à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon la personne qui commercialise sous son nom un objet protégé par le droit d'auteur, suppose, pour être utilement invoquée, que soit rapportée la preuve d'actes d'exploitation ", qui ne peuvent résulter de la simple apposition d'une marque ; qu'en retenant, en l'espèce, que l'apposition, sur les plaquettes publicitaires, sur lesquelles est apposé en bas de page le nom Expertima, du signe ISB sous lequel est représenté le graphisme litigieux, créé un rattachement du document à la société Ion Enterprises titulaire de la marque ISB " suggérant que la société Ion Enterprises titulaire de la marque "ISB" et fabriquant des produits représentés dans le graphisme, endosse la paternité du document publicitaire et que la mention "Expertima" qui apparait en bas du document en est le diffuseur " et qu'est, en conséquence, équivoque l'exploitation par la société Expertima de l'image litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu'en retenant que " la société Expertima ne pouvait être considérée comme exploitant l'image revendiquée de manière (...) paisible, en raison du contentieux qui l'oppose à la société Ion Enterprises sur l'utilisation du signe "ISB" " dont il lui a été fait défense de faire usage par jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 8 septembre 2011, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 octobre 2014 quand, ainsi que la cour d'appel l'a elle-même constaté, la société Expertima revendiquait des droits sur un graphisme " composé des éléments suivants : - en premier plan, les 5 matériels présentés de la gauche vers la droite dans un ordre croissant de taille, - en deuxième plan, une coupe stylisée d'un appareil "en fantôme", - en troisième plan, deux cascades d'eau se rejoignant, - le tout, présenté à l'intérieur d'un cercle, - les couleurs et les effets retenus " et ne revendiquait ainsi aucun droit sur le signe ISB, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt constate que les documents commerciaux reproduisant l'œuvre graphique revendiquée ont été diffusés en portant, d'une part, dans leur en-tête, la mention ISB, acronyme de "Ion Scale Buster", lequel désigne un produit de la société Ion Enterprises LTD, elle-même titulaire de la marque ISB déposée antérieurement aux actes incriminés, d'autre part, que la mention "Expertima" est reproduite en plus petits caractères, en bas de ces documents, renvoyant à l'indication du diffuseur ; que, par une appréciation souveraine de leur portée, la cour d'appel a estimé que ces mentions renvoyaient à la société Ion Enterprises la responsabilité de la diffusion des documents, et que, dès lors, la société Expertima ne justifiait pas d'une exploitation non équivoque de l'œuvre sous son nom ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui s'attaque à un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur la quatrième branche du même moyen : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour rejeter les demandes de la société Expertima relatives à la contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt retient qu'une personne morale n'est pas susceptible d'être l'auteur d'une œuvre protégée par le droit de la propriété littéraire et artistique ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à faire valoir leurs observations sur les droits de propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur la cinquième branche du même moyen : - Vu les articles L. 113-2 et L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que, selon le second de ces textes, l'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, et cette personne est investie des droits de l'auteur ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt énonce que la société Expertima ne peut avoir acquis de la société Approche les droits de propriété intellectuelle qu'elle revendique, une personne morale n'étant pas susceptible d'être l'auteur d'une œuvre protégée par le droit de la propriété littéraire et artistique ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Vu l'article 1382, devenu 1240 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter ses demandes en réparation d'actes de parasitisme, l'arrêt retient que la société Expertima ne bénéficie d'aucune protection au titre des droits de propriété intellectuelle sur le contenu des documents et du CD Rom dont elle incrimine la reprise, et qu'elle n'établit ni même ne soutient que celle-ci aurait été source de confusion ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité pour agissements parasitaires est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir de droits privatifs et que son succès ne suppose pas l'établissement d'un risque de confusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.