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Décisions

Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-20.101

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Souchon (ès qual.), Acara (SA), Catheline

Défendeur :

Rent A Car (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

Me Bertrand, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer

T. com. Paris, du 25 févr. 2010

25 février 2010

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Acara et par Mme Du Buit, en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan et de mandataire ad hoc de la société Acara, ultérieurement remplacée par M. Souchon, que sur le pourvoi incident relevé par M. Catheline ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un premier contrat de franchise a été conclu entre la société Acara et la société Rent A Car le 15 décembre 1999 pour une durée de deux ans ; que la société Acara a développé son activité et a exploité onze fonds de commerce sous contrats de franchise ; que, le 2 février 2004, les contrats de franchise ont été prorogés jusqu'au 31 décembre 2011, la prorogation ayant un effet rétroactif à la date de cessation des effets des contrats de franchise échus, telle que fixée dans chacun des contrats ; que, le 6 avril 2005, la société Acara et son dirigeant, M. Catheline, ont assigné la société Rent A Car en annulation du contrat de franchise et en réparation de leurs préjudices ; que, le 11 avril 2005, la société Acara a été mise en redressement judiciaire ; que le 13 juin 2005, un plan de cession totale de son activité, excluant le contrat de franchise, a été arrêté, Mme du Buit étant désignée commissaire à l'exécution du plan pour une année ; qu'un jugement du 29 mai 2006 a prorogé la mission du commissaire à l'exécution du plan sans limitation de durée ; que Mme du Buit, ès qualités, est intervenue à l'instance en cours en mai 2006 et a demandé la condamnation de la société Rent A Car à lui payer des dommages-intérêts correspondant au passif de la procédure collective ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident : - Attendu que M. Catheline fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ; que pour exonérer le franchiseur de son obligation d'information, une cour d'appel ne peut se borner à retenir que le franchisé a exécuté le contrat de franchise sans en poursuivre l'annulation, une telle circonstance étant inopérante ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la société Rent A Car n'avait pas manqué à son obligation précontractuelle d'information, au motif que M. Catheline ne pouvait en toute hypothèse se prévaloir d'un tel manquement dès lors qu'en sa qualité de dirigeant de la société Acara, il ne s'était pas "plaint" du contrat de franchise et de son exécution au cours des premières années quand le fait que le contrat de franchise ait été poursuivi par le franchisé ne dispensait le juge de rechercher si le franchiseur avait satisfait à son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) que dans ses conclusions d'appel, M. Catheline faisait valoir que la société Rent A Car avait manqué à ses obligations pour avoir fixé un taux de redevance inadapté, qui avait compromis la viabilité de la société Acara ; qu'aux termes du Règlement européen 4087/88 du 30 décembre 1988, le franchiseur est tenu envers son franchisé à une obligation d'assistance commerciale et technique, pendant toute la durée du contrat ; qu'en constatant que la société Rent A Car fixait le taux de redevance au regard de la situation de chaque franchisé, puis en appréciant le caractère normal du taux de redevance litigieux au regard des usages de la franchise et des conditions réservées aux autres franchisés sans procéder à aucune analyse concrète de la situation de la société Acara et sans répondre aux écritures de M. Catheline faisant valoir qu'en percevant des redevances inadaptées, la société Rent A Car avait mis en péril l'activité de la société Acara, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que M. Catheline faisait valoir que, du 1er janvier 2003 au 2 février 2004, et alors que la convention courait depuis l'année 1993, la société Acara s'était trouvée privée du bénéfice du contrat de franchise en raison de la rupture brutale des relations contractuelles survenue à la fin de l'année 2002, à l'initiative de la société Rent A Car ; que pour exonérer la société Rent A Car de toute responsabilité, la cour d'appel s'est bornée à retenir que M. Catheline ne pouvait se plaindre d'une rupture brutale des relations commerciales établies entre la société Rent A Car et la société Acara, puisque les parties avaient fini par conclure, le 2 février 2004, un avenant au contrat de franchise initial ; qu'en se déterminant ainsi par une considération inopérante, puisque le fait que les parties aient finalement conclu un avenant en 2004 n'effaçait pas le préjudice né de la rupture brutale des relations contractuelles survenue en 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que dans ses conclusions d'appel, M. Catheline, rappelant qu'un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice personnel, soutenait que la société Rent A Car ne lui avait pas fourni les éléments d'information lui permettant d'apprécier la viabilité économique du contrat de franchise et réclamait en conséquence diverses indemnités en réparation des préjudices qu'il prétendait avoir subis ; que l'arrêt retient, d'un côté, que les chiffres d'affaires réalisés en 2000, 2001 et 2002 confirment la viabilité économique de l'entreprise et, de l'autre, que les pièces de la procédure collective de la société Acara, son bilan économique et social établi le 27 mai 2005 et la procédure de sanction engagée à l'encontre de M. Catheline révèlent un retournement du marché induisant une chute d'activité à l'origine des difficultés ; qu'en l'état de ces motifs faisant ressortir l'absence de préjudice résultant des manquements invoqués, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que la fixation et la perception des charges et redevances dues par le franchisé pendant la durée du contrat ne relèvent pas de l'obligation d'assistance commerciale et technique incombant au franchiseur ;

Et attendu, enfin, que l'arrêt constate que le contrat venait à expiration à la fin de l'année 2002 ; qu'il relève qu'au cours de l'année 2003, la société Acara ne respectait plus ses obligations mais que les parties sont restées en discussion et qu'un nouveau contrat a finalement été signé le 4 février 2003 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la société Acara, dont le contrat venait à échéance, ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, délibéré par la chambre commerciale après débats, à l'audience publique du 31 janvier 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre : - Vu l'article L. 123-9 du Code de commerce ; - Attendu que pour déclarer Mme du Buit, ès qualités, irrecevable en son intervention volontaire et en ses demandes, l'arrêt, après avoir constaté qu'elle produisait le jugement du 29 mai 2006 ayant prorogé sa mission, retient que ce jugement, qui n'apparaît pas sur l'extrait Kbis de la société Acara, n'est pas opposable à la société Rent A Car, et que le commissaire à l'exécution du plan n'a pas le pouvoir de continuer l'instance au-delà du 13 juin 2006 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du 29 mai 2006 avait prorogé la durée pendant laquelle Mme du Buit était investie de tous les pouvoirs conférés par la loi au commissaire à l'exécution du plan, dont celui de poursuivre l'action en responsabilité contre un cocontractant tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers qu'elle avait engagée pendant la durée de sa mission initialement fixée par le tribunal, et que le défaut d'accomplissement de la formalité de la mention au registre du commerce et des sociétés du jugement ayant ainsi modifié le plan, prévue par les articles 21 et 96 du décret du 27 décembre 1985, était sans influence sur l'existence et l'étendue de ses pouvoirs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi incident ; Et sur le pourvoi principal : casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare Mme du Buit, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Acara, irrecevable en son intervention du 8 mai 2006 à l'instance et rejette ses demandes, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 mars 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.