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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 26 juin 2017, n° 15-09733

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Locam (SAS)

Défendeur :

Ferrand

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mmes Simon-Rossenthal, Castermans

Avocats :

Mes Boccalini, Migaud, Jaslet

TGI Fontainebleau, du 15 avr. 2015

15 avril 2015

Faits et procédure

Selon contrat n° 880930 du 23 juin 2011, la société Locam - location automobiles (ci-après dénommée Locam) matériels a donné en location à Madame Helyette Ferrand, par le biais d'un fournisseur le groupe Solvensys, un purificateur d'air pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel de 85 euros HT, soit 101,66 euros. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé par Mme Ferrand et le groupe Solvensys le 27 juin 2011.

Selon contrat n° 898469 en date du 20 septembre 2011, la société Locam a donné en location à Mme Ferrand un autre purificateur d'air, par le biais du même fournisseur, pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel de 93 euros HT, soit 111,22 euros. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé entre Solvensys et Madame Ferrand le 30 septembre 2011.

Selon contrat n° 898471 en date du 20 septembre 2011, la société Locam a donné en location à Mme Ferrand deux autres purificateurs d'air par le biais du même fournisseur pour une durée de 60 mois moyennant un loyer mensuel de 90 euros HT, soit 107,64 euros TTC. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 30 septembre 2011.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 octobre 2012, la société Locam a prononcé la déchéance du terme des trois contrats de location ainsi que leur résiliation et sollicité le paiement de la somme de 6 812,89 euros au titre du premier contrat, celle de 7 675,77 euros au titre du deuxième contrat et celle de 7 666,63 euros au titre du troisième contrat.

Par exploit d'huissier du 19 décembre 2012, la société Locam a assigné Madame Ferrand devant le Tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins de paiement de la somme de 19 089,61 euros avec intérêts au taux légal compter de la date de signification de l'assignation, avec anatocisme des intérêts et aux fins de restitution des matériels, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours. Elle a sollicité une indemnité de procédure de 4 000 euros.

Mme Ferrand a sollicité la nullité des trois contrats et, à titre subsidiaire, l'inexécution des obligations par la société Solvensys et, en conséquence, la résiliation des trois contrats de location et au rejet des demandes de la requérante. A titre subsidiaire, elle a sollicité le retrait du montant des loyers réclamés le poste " hébergement et maintenance du site au bénéfice du groupe Solvensys " et la réduction de la clause pénale à 1 euro et 24 mois de délais de paiement et de lui donner acte de ce que le matériel était à la disposition de la société. Elle a sollicité une indemnité de procédure de 2 000 euros.

Par jugement en date du 15 avril 2015, le Tribunal de grande instance de Fontainebleau a statué comme suit :

- dit que les dispositions du Code de la consommation antérieures à la loi du 17 mars 2014 sont applicables en l'espèce,

- prononce la nullité du contrat de location d'un purificateur d'air n° 880930 conclu entre la société Locam location automobiles matériels et Madame Helyette Ferrand le 23 juin 2011, avec toutes conséquences de droit,

- prononce la nullité du contrat de location d'un purificateur d'air n° 898469 conclu entre la société Locam location automobiles matériels et Madame Helyette Ferrand le 20 septembre 2011, avec toutes conséquences de droit,

- prononce la nullité du contrat de location d'un purificateur d'air n° 898471 conclu entre la société Locam location automobiles matériels et Madame matériels Ferrand le 20 septembre 2011, avec toutes conséquences de droit,

- déboute en conséquence la société Locam location automobiles matériels de l'intégralité de ses demandes en paiement à l'encontre de matériels Helyette Ferrand,

- dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution des trois purificateurs d'air sous astreinte,

- condamne la société Locam location automobiles matériels aux dépens de la présente instance,

- dit que la SCP Jaslet - Bonlieu pourra recouvrer directement contre la société Locam location automobiles matériels ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision,

- rejette la demande de société Locam location automobiles matériels au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la société Locam location automobiles matériels à payer à Madame Helyette Ferrand la somme 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejette le surplus des demandes. La société Locam a relevé appel de ce jugement le 15 mai 2015.

La clôture est intervenue le 24 avril 2017.

Par conclusions signifiées le 6 octobre 2015, la société Locam demande à la cour, au de l'article 1134 ancien du Code civil, de l'article préliminaire et les articles L. 121-22 et suivants du Code de la consommation et L. 641-11-1 du Code de commerce, de la juger recevable en ses demandes et de juger Madame Ferrand mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter et, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Elle prie la cour de :

condamner Madame Ferrand à lui payer la somme de 19 089,61 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'assignation, avec anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, ordonner la restitution par Madame Ferrand du matériel objet du contrat, sous astreinte par 50 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours ensuite de la signification du jugement à intervenir, condamner Madame Ferrand Hélyette à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la Selarl Droit et Conseil en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 18 avril 2017, Madame Helyette Ferrand demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité des trois contrats de location invoqués par la société Locam et l'a déboutée en conséquence de l'ensemble de ses demandes.

- Subsidiairement, vu les articles 1109 et suivants du Code civil, prononcer la nullité des trois contrats de location pour dol.

- Très subsidiairement, vu l'article 1184 du Code civil, prononcer la résolution des trois contrats de location invoqués par la société Locam et débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes.

- Encore plus subsidiairement, vu les articles 1156, 1161, 1162 et 1184 du Code civil :

- constater l'inexécution de ses obligations par la société Solvensys,

- constater en conséquence la résiliation des 3 contrats de location,

- débouter en conséquence la société Locam de l'ensemble de ses demandes.

- A titre infiniment subsidiairement, réduire à 1 euros le montant des clauses pénales (en ce compris les loyers à échoir), par application de l'article 1152 du Code civil,

- accorder à Madame Hélyette Ferrand 24 mois de délais pour s'acquitter des sommes qui pourraient être allouées à la société Locam, et ce par application de l'article 1244-1 du Code Civil.

- donner acte à Madame Ferrand de ce que le matériel est à la disposition de la société Locam.

- condamner la société Locam à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euros en sus de l'indemnité allouée à ce titre par les premiers juges.

- condamner la société Locam aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Jaslet, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la demande de nullité des contrats

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, les dispositions du Code de la consommation issues de la loi du 17 mars 2014 sont applicables aux contrats conclus après le 13 juin 2014. En l'espèce, les trois contrats de locations ayant été conclus les 23 juin et 20 septembre 2011, seuls les dispositions du Code de la consommation antérieures à la loi du 17 mars 2004 sont applicables.

L'article 121-21 du Code de la consommation dispose qu'est soumis aux dispositions de la section relative au démarchage de ce code, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.

L'article 121-22 du même code prévoit que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28, les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou toute autre profession.

La société Locam affirme que la législation consumériste ne s'applique qu'aux seuls actes extérieurs à l'activité professionnelle ; que la conception restrictive du consommateur rejoint parfaitement la directive européenne du 5 avril 1993 et les textes communautaires ; qu'en l'espèce, Mme Ferrand en souscrivant le contrat, a certes agi en dehors de son activité de base mais dans le cadre de son exploitation professionnelle, en accomplissant un acte d'exploitation ce qui est attesté par le fait que le contrat porte la mention manuscrite " lu et approuvé " et les signature et cachet professionnel de Mme Ferrand, par le fait que le matériel a pour objet d'assainir et de purifier l'air ambiant dans ses locaux professionnels et par le fait que les mensualités sont comptabilisées par cette dernière en charge d'exploitation, déductibles fiscalement et débitées sur le compte bancaire [sic]

En l'espèce, Mme Ferrand a loué les quatre purificateurs d'air (trois contrats) en sa qualité de pédicure-podologue, soit dans le cadre de son activité professionnelle. Cependant, pour écarter les dispositions protectrices du Code de la consommation, il ne suffit pas de démontrer que les contrats de location de matériel ont été conclus dans le cadre de l'activité professionnelle mais qu'ils ont un rapport direct avec les activités exercées par Mme Ferrand.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, un purificateur d'air n'a pas un lien direct avec l'activité de pédicure-podologue et il n'est pas établi qu'un tel matériel serait de nature à accroître la clientèle. Il convient d'ajouter que l'usage non pas d'ailleurs d'un mais de quatre purificateurs d'air dans une période de trois mois ne correspond pas à un besoin professionnel et n'a donc pas un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par Mme Ferrand.

C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que Mme Ferrand avait été démarchée comme un consommateur et non comme un professionnel informé et averti et fait application de l'article L. 121-23 du Code de la consommation qui dispose, qu'à peine de nullité, doit être remis au client au moment de la conclusion du contrat et comporter les mentions suivantes :

1° nom du fournisseur et du démarcheur,

2° adresse du fournisseur,

3° adresse du lieu de conclusion du contrat,

4° désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

5° conditions d'exécution du contrat notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services,

6° prix global à payer et modalités de paiement,

7° faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

Il n'est pas établi qu'un exemplaire du contrat ait été remis à Mme Ferrand ni que la faculté de renonciation ait été mentionnée ni même la nature et les caractéristiques du bien loué.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des trois contrats de location conclus entre la société Locam et Mme Ferrand par l'intermédiaire du fournisseur le groupe Solvensys, nullité d'ordre public qui peut être prononcée même si le contrat a été partiellement exécuté et débouté la société Locam de ses demandes en paiement.

Sur les autres demandes

Le tribunal a jugé que les trois purificateurs devaient être restitués sans que la restitution sous astreinte soir ordonnée en raison de l'engagement de Locam sur ce point et que les sommes versées par Mme Ferrand lui soient restituées.

Cependant, aux termes du dispositif de la décision, la restitution à Mme Ferrand des sommes qu'elle a versées n'est pas ordonnée et il est dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution des trois purificateurs d'air sous astreinte.

Il convient dès lors d'ordonner la restitution des matériels loués (quatre au lieu de trois : 1 solvenpur, 1 solvenmineral, 1 solvenpur et 1 solvencar), sans astreinte, à la charge et aux frais de la société Locam.

Mme Ferrand sollicite, à titre principal, la confirmation du jugement entrepris et précise dans le corps de ses écritures d'appel qu'elle a pu obtenir de sa banque le remboursement des prélèvements effectués, la banque n'ayant jamais eu l'autorisation de prélèvement au profit de Locam. Dès lors la cour considère que Mme Ferrand ne sollicite pas la restitution des sommes qu'elle n'a en fait pas versées.

La décision déférée sera également confirmée sur les dépens et sur l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Locam succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à Mme Ferrand la somme de 2 000 euros.

Par ces motifs, LA COUR, confirme Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Fontainebleau le 15 avril 2015 en toutes ses dispositions, y ajoutant, ordonne la restitution des matériels loués à la charge et aux frais de la société Locam Location Automobiles Matériels ; condamne la société Locam Location Automobiles Matériels aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Jaslet, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; deboute la société Locam Location Automobiles Matériels de sa demande d'indemnité de procédure ; condamne la société Locam Location Automobiles Matériels à payer à Madame Hélyette Ferrand la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.