Cass. 1re civ., 22 juin 2017, n° 16-22.250
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
Bel Air Référence (SARL), Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Teiller
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, SCP Foussard, Froger
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme B. ont acquis un terrain appartenant à la société Bel Air référence, sur lequel ils ont fait construire, par la société Bel Air constructions, un immeuble d'habitation ; que le permis de construire à eux délivré ayant été annulé par les juridictions administratives, M. et Mme B. ont chargé M. Guilloux, avocat, d'agir en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, contre la société Bel Air référence ; qu'un jugement du 12 juin 2007 a prononcé la résolution de la vente et ordonné les restitutions réciproques et, à défaut de demande en ce sens, n'a accordé aucune indemnité en raison de la perte de l'immeuble ; que M. et Mme B. ont assigné en réparation de leur préjudice les sociétés Bel Air référence et Bel Air constructions, la société Garantie financière de l'immobilier, aux droits de laquelle vient la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment, et M. Guilloux sur le fondement des articles 1147 et 1371 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1984 du même Code ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, ci-après annexé : - Attendu que M. Guilloux fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme B. diverses sommes à titre de dommages intérêts ;
Attendu qu'ayant relevé que M. Guilloux ne contestait pas avoir commis la faute qui lui était reprochée par M. et Mme B. sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en ne complétant pas leur demande de résolution de la vente du terrain par une demande de dommages intérêts, alors que ceux-ci lui avaient adressé les pièces justificatives sollicitées à cette fin, la cour d'appel, qui n'a pas modifié le fondement juridique de la demande, a pu, sans violer le principe de la contradiction, retenir qu'il avait ainsi manqué à son obligation de conseil et d'information ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis : - Vu les articles 1351, devenu 1355, et 1645 du Code civil et l'article 480 du Code de procédure civile ; - Attendu, d'une part, que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits, d'autre part, que l'action en réparation d'un préjudice subi du fait d'un vice caché est distincte de l'action rédhibitoire et peut être engagée de manière autonome ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes formées par M. et Mme B. contre la société Bel Air référence, l'arrêt retient, d'abord, qu'au cours de la première instance, ils ont sollicité la résolution de la vente, ensuite, que la seconde instance est fondée sur le même élément générateur, c'est-à-dire les conséquences de la résolution pour vices cachés, enfin, qu'il incombait à M. et Mme B. de présenter, dans la même instance, toutes les demandes fondées sur la même cause et qu'ils ne peuvent, sans se heurter à l'autorité de la chose jugée, élever dans une action postérieure des prétentions qu'ils auraient pu présenter lors de la première instance mais qu'ils se sont abstenus de soulever en temps utile ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour évaluer le montant des dommages intérêts dus par M. Guilloux à M. et Mme B., l'arrêt retient que le préjudice indemnisable se traduit par une perte de chance, dès lors qu'il n'est pas certain que, mieux informés, ils se seraient trouvés dans une situation différente et plus avantageuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas soutenu que le préjudice allégué consistait en une perte de chance, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu d'accueillir la demande de mise hors de cause formée par la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment, dont la présence n'est plus nécessaire à la solution du litige, devant la cour d'appel de renvoi ;
Par ces motifs : Met hors de cause la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment ; casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. et Mme B. à l'encontre de la société Bel Air référence et rejette, en conséquence, toutes leurs demandes dirigées contre elle et en ce qu'il condamne M. Guilloux à payer à M. et Mme B. la somme de 85 000 euros au titre de la perte de chance par eux subie et celle de 4 000 euros au titre de leur préjudice moral, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.