Cass. crim., 28 juin 2017, n° 16-81.413
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Chaubon
Avocat général :
M. Gaillardot
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, Me Ricard
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance n° 057/2015 du premier président près la Cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 2015, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que par ordonnance en date du 16 juillet 2014, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'Evry a autorisé le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France, à procéder ou à faire procéder dans les locaux de l'entreprise X, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve d'agissements qu'elle aurait commis envers ses fournisseurs, au titre de la "compensation de sa perte de rentabilité" due à la "guerre des prix", relatifs à des demandes d'avantages financiers et commerciaux hors convention et à des menaces d'arrêts de commandes et de déréférencements ; que les opérations de visite et de saisies se sont déroulées les 22 et 23 juillet 2014 ; que la société X a formé un recours contre cette ordonnance devant le premier président ;
En cet état : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-2 et L. 450-4 du Code de commerce, 171, 459, 485, 593, 706-58 et 802 du Code de procédure pénale, 455 et 954 du Code de procédure civile, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, défaut de motifs ;
"en ce que le premier président de la Cour d'appel de Paris a rejeté le recours dirigé contre le déroulement de la visite domiciliaire effectuée au sein de la société X ;
"aux motifs que le 25 juillet 2014, le Premier président de la Cour d'appel de Paris a été saisi d'un appel contre cette ordonnance par la société X et d'un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisie ; que par conclusions déposées le 1er avril 2015 lors de l'audience, la société X a déposé des conclusions tendant à l'annulation des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées le 22 et le 23 juillet 2014 ; que le ministre de l'Economie représenté par le Directeur Régional de la DGCCRF élisant domicile DIRECCTE Ile-de-France a répondu par conclusions récapitulatives et en réplique enregistrées le 7 septembre 2015 ; que l'affaire a été appelée à l'audience du 30 septembre 2015 à 9 heures et mise en délibéré pour être rendue le 18 novembre 2015 ;
"1°) alors que toute partie a droit à ce que sa cause soit équitablement entendue et que viole les textes susvisés la décision attaquée qui se réfère seulement aux premières conclusions de X déposées en vue d'une audience du 1er avril 2015 et ne comporte aucun visa des conclusions n° 2 déposées par la demanderesse le 31 juillet 2015 en réponse à celles de la DIRECCTE ;
"2°) alors que l'équilibre du procès a d'autant plus été méconnu que le premier président a tenu compte des conclusions " récapitulatives et en réplique " du 7 septembre 2015 déposées par l'adversaire de la société X, en violation des textes susvisés ;
"3°) alors, en tout état de cause, que l'absence de visa et de référence aux dernières conclusions de la société X est d'autant plus préjudiciable aux droits fondamentaux de celle-ci qu'elles avaient pour objet, aux paragraphes 42 et 46, de réfuter les explications proposées par le service d'enquête sur les conditions dans lesquelles aurait été joint le juge, aux paragraphes 68 et suivants, d'établir l'incapacité de l'officier de police judiciaire à joindre le juge des libertés et de la détention après les heures de fermeture, aux paragraphes 96 et suivants ainsi que 138, de remettre en cause les conditions matérielles de la saisie décrites par les enquêteurs, aux paragraphes 100 et suivants, de faire rejeter l'interprétation minimaliste de l'article 56 du Code de procédure pénale telle qu'elle était soutenue dans les écritures de la DIRECCTE ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a violé les textes susvisés" ;
Attendu que la société X ne saurait se faire grief de l'absence de visa dans l'ordonnance de ses conclusions n° 2 et 3 régulièrement déposées, dès lors qu'il résulte de la décision que les moyens contenus dans ces conclusions ont été pris en considération par le juge et qu'il y a répondu ; d'où il suit que le moyen sera écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 6, 8 et 53 de la Convention européenne des droits de l'Homme, des articles L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4 et R. 450-1 du Code de commerce, des articles 14, 16, 17, R. 2-16, 56 et 593 Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le premier président de la Cour d'appel de Paris a confirmé l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 22 et 23 juillet 2014 dans les locaux de la société X ;
"aux motifs d'une part que, par ailleurs, la loi ne prévoit nullement que les entreprises faisant l'objet de visite et saisie puissent directement saisir le juge, seul l'officier de police judiciaire disposant de cette faculté ; que les impératifs d'efficacité de l'enquête lourde, qui doit se dérouler dans une certaine urgence, seraient définitivement compromis si toute contestation portant sur le déroulement des opérations pouvait être sur le champ portée devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire, alors qu'existe par ailleurs un recours prévu par la loi devant le premier président de la cour d'appel, après les opérations ; que, d'ailleurs, la mention selon laquelle les parties pourraient en référer au juge pendant le déroulement des opérations ne figure pas parmi les mentions de l'ordonnance d'autorisation, prescrites à peine de nullité, seule l'étant la mention selon laquelle celles-ci peuvent user des voies de recours ; que les coordonnées du juge n'ont pas davantage à figurer sur l'ordonnance, seul important le fait que le juge soit joignable en son tribunal ; que l'officier de police judiciaire est juge de l'opportunité de la saisine du juge des libertés et de la détention ; que tenu de l'obligation de le tenir informé et de veiller au respect des droits de la défense, il doit en référer au juge en cas de problème, mais c'est lui seul qui en décide ; que seule la méconnaissance des droits de la défense pourraient ainsi être reprochée à l'officier de police judiciaire et pourrait être de nature à entraîner l'annulation des opérations ; que la CEDH dans l'arrêt Ravon, dont excipe la société X, ne s'est pas prononcée sur la conformité du contrôle du juge des libertés et de la détention sur le déroulement des opérations à l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ; qu'elle n'a statué que sur la conformité du contentieux de l'autorisation et a estimé le recours existant à l'époque insuffisant pour garantir son effectivité, après avoir souligné, parmi d'autres indices, que le contrôle du juge des libertés et de la détention sur le déroulement des opérations ne saurait y pallier ; et que " la circonstance que la société n'ait pu le faire (se défendre) contradictoirement ne saurait être contraire au droit à un recours effectif et aux droits de la défense ; qu'en effet, les coordonnées, et encore moins le numéro de téléphone portable du juge des libertés et de la détention n'ont pas à figurer dans l'ordonnance de visite et de saisie et n'ont pas à être communiqués ;
"1°) alors que n'étant pas contesté que le principe du contradictoire doit être respecté dès le début de l'enquête, c'est l'acte de notification qui ouvre les opérations qui doit informer la partie visitée de l'existence d'un contrôle exercé par le juge et que, pour rendre cette garantie effective, elle doit nécessairement figurer dans l'ordonnance d'autorisation au moment même où celle-ci est portée à la connaissance de l'occupant des lieux ; qu'en décidant le contraire, le premier président a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et L. 450-4 du Code de commerce ;
"2°) alors que l'arrêt Ravon, loin de se limiter au contentieux des autorisations préalables de visites domiciliaires en France, incrimine le fait que " les agents qui procèdent à la visite n'ont pas l'obligation légale de faire connaître aux intéressés leur droit de soumettre toute difficulté au juge... lequel n'est tenu de mentionner dans l'ordonnance ni la possibilité ni les modalités de sa saisine en vue de la suspension ou de l'arrêt de la visite ", ce qui concerne bien le déroulement des opérations, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, et en refusant, par des motifs de surcroît manifestement erronés, de se conformer à l'interprétation de la Convention par la Cour européenne des droits de l'Homme, le premier président a violé l'ensemble des textes susvisés ;
"aux motifs d'autre part qu'il résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 450-4 du Code de commerce que " la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées qu'il désigne le chef de service qui devra nommer les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et d'apporter leurs concours en procédant, le cas échéant, aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement ; que lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite ; que le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention ; qu'à tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite " ; que la loi ne prévoit pas l'assistance personnelle du juge aux opérations, mais la faculté, pour les officiers de police judiciaire chargé d'assister à celles-ci, de le saisir en cas de difficultés d'exécution ; qu'en cas de saisine du juge par l'officier de police judiciaire, aucune procédure contradictoire permettant aux parties d'exposer elles-mêmes leurs arguments n'est prévue par la loi ; que c'est méconnaître l'organisation type des services des juges des libertés et de la détention que de soutenir que le juge des libertés et de la détention signataire aurait dû être le juge qui aurait dû suivre les opérations, étant précisé que ces magistrats sont d'astreinte également le week-end, notamment sur des attributions pénales et qu'ils doivent prétendre comme personne exerçant notamment une activité aux responsabilités multiples à un repos réparateur légitime " ; que " la société requérante indique qu'elle a essayé de joindre le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance à 21 heures pour lui signaler qu'elle n'avait pas été en mesure d'exercer ses droits de la défense et de vérifier si les documents saisis entraient dans le champ d'application de l'ordonnance ; qu'un fax a été envoyé à 0 heures 03, le 23 juillet au Tribunal de grande instance d'Evry et un constat d'huissier aurait été établi aux fins de constater que le standard ne répondait pas après les horaires d'ouverture ; qu'il y a lieu de relever que l'exercice de droits de la défense ne consiste pas à vérifier lors des opérations de saisie si celles-ci entrent ou pas dans le champ d'application de l'ordonnance ; que les enquêteurs et les officiers de police judiciaires disposent de logiciels leur permettant de discriminer toute atteinte au secret professionnel de l'avocat et toute atteinte à la vie privée qu'ils n'ont pas à communiquer les mots-clés dont ils font usage pour faire le tri entre les documents entrant dans le champ d'application de l'ordonnance et les autres ; que les locaux visités pendant les opérations n'ont pas vocation à devenir un lieu où un débat contradictoire doit s'instaurer sur chaque pièce saisie pour savoir si elle entre ou non dans le champ d'application de l'ordonnance avant d'être cotée ; que, par ailleurs, un constat d'huissier établissant qu'en dehors des heures d'ouverture un standard ne répond pas était superfétatoire dans la mesure où dans toute société, cabinet ou étude le même constat pourrait être effectué, à savoir un message préenregistré indiquant les horaires d'ouverture ; qu'il est fort probable que Mme Antoanela Florescu, magistrat de permanence qui dès la matinée a eu connaissance des premières difficultés de cette visite domiciliaire en ait référé à M. Isaac Parrondo le juge des libertés et de la détention, signataire de l'ordonnance (même si celui-ci se trouvait en congés) et que par la suite et avant de terminer son service de permanence elle a pu donner des consignes à l'officier de police judiciaire présent sur les lieux ; que comme il a été indiqué précédemment le débat contradictoire relatif au champ d'application d'une pièce saisie s'exerce devant la cour et non pas comme il a été indiqué dans un courrier faxé dans la nuit au tribunal de grande instance avant que les pièces ne fassent l'objet d'une cotation et d'un inventaire ; qu'enfin, il est par ailleurs constant que seuls sont présents la nuit dans un tribunal les magistrats, auxiliaires de justice, greffiers et justiciables participant à des audiences tardives et un fax envoyé à 00 heures 03 n'aurait trouvé aucun destinataire ; que le juge des libertés et de la détention sous le contrôle duquel est effectuée la visite domiciliaire et la saisie n'est pas dans l'obligation de donner des instructions écrites à l'officier de police judiciaire exerçant sous son contrôle, ni de se déplacer personnellement ; qu'il lui suffit de donner des consignes à celui-ci ;
"3°) alors que l'article L. 450-4 réserve formellement une intervention du juge " à tout moment " ce qui implique une permanence du contrôle et que viole directement ce texte, le premier président qui soustrait à cette disposition impérative les périodes de congé ou de veille nocturne sans que, pour autant, les visites domiciliaires soient suspendues ;
"4°) alors que l'absence du juge des libertés et de la détention, à la supposer légitime, ne saurait de toutes les façons laisser les enquêteurs opérer ou poursuivre sans aucun contrôle une visite domiciliaire comme le faisait valoir la société X et qu'en affirmant cependant qu'il suffisait que cette autorité judiciaire ait laissé des " consignes " aux officiers de police judiciaire pendant les heures de fermeture du tribunal, le premier président tolère ainsi un manque d'effectivité des mesures tendant au respect du domicile et de la vie privée et viole de plus fort, par refus d'application l'article L. 450-4 du Code de commerce ainsi que les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 6, 8, 41 et 53 de la Convention européenne des droits de l'Homme , des articles L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4 et R. 450-1 du Code de commerce, des articles 3, 4 et 66-2 de la loi du 31 décembre 1971, des articles 14, 16, 17 et R. 2-16, 56 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le premier président de la Cour d'appel de Paris a confirmé l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 22 et 23 juillet 2014 dans les locaux de la société X ;
"aux motifs que la loi ne prévoit pas l'assistance personnelle du juge aux opérations, mais la faculté, pour les officiers de police judiciaire chargés d'assister à celles-ci, de le saisir en cas de difficultés d'exécution ; qu'en cas de saisine du juge par l'officier de police judiciaire, aucune procédure contradictoire permettant aux parties d'exposer elles-mêmes leurs arguments n'est prévue par la loi ; que, par ailleurs, la loi ne prévoit nullement que les entreprises faisant l'objet de visite et saisie puissent directement saisir le juge, seul l'officier de police judiciaire disposant de cette faculté ; que les impératifs d'efficacité de l'enquête lourde, qui doit se dérouler dans une certaine urgence, seraient définitivement compromis si toute contestation portant sur le déroulement des opérations pouvait être sur le champ portée devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire, alors qu'existe par ailleurs un recours prévu par la loi devant le premier président de la cour d'appel, après les opérations... que l'officier de police judiciaire est juge de l'opportunité de la saisine du juge des libertés et de la détention ; que tenu de l'obligation de le tenir informé et de veiller au respect des droits de la défense, il doit en référer au juge en cas de problème, mais c'est lui seul qui en décide ; que seule la méconnaissance des droits de la défense pourraient ainsi être reprochée à l'officier de police judiciaire et pourrait être de nature à entraîner l'annulation des opérations ; qu'en l'espèce, en premier lieu, les parties ont bien pu faire valoir leurs arguments devant le juge ; que celui-ci a été contacté par téléphone au moins dès le début des opérations en la personne de Mme Antoanella Florescu, vice-président, juge des libertés et de la détention de permanence au Tribunal de grande instance d'Evry ; et que " la circonstance que la société n'ait pu le faire contradictoirement ne saurait être contraire au droit à un recours effectif et aux droits de la défense ; qu'en effet, les coordonnées, et encore moins le numéro de téléphone portable du juge des libertés et de la détention n'ont pas à figurer dans l'ordonnance de visite et de saisie et n'ont pas à être communiqués ; que l'enquête lourde, qui requiert une certaine urgence, ne permet pas de déférer toute contestation (au risque de paralyser les opérations) portant sur l'exécution de l'ordonnance directement devant le juge des libertés et de la détention, dans le cadre d'un débat contradictoire entre la société et le juge, alors qu'il existe par ailleurs un recours prévu par la loi devant le premier président de la cour d'appel, après les opérations ; que le refus de communication des coordonnées téléphoniques personnelles du juge, n'a pas porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées ; que la circonstance que la discussion avec le juge ait été conduite par les enquêteurs de la DIRECCTE en présence de l'officier de police judiciaire et non directement par l'officier de police judiciaire ne leur a pas fait grief, les modalités d'appel du juge n'étant pas davantage réglementées par la loi ; qu'il est fort probable que Mme Florescu, magistrat de permanence qui dès la matinée a eu connaissance des premières difficultés de cette visite domiciliaire en ait référé à M. Parrondo le juge des libertés et de la détention, signataire de l'ordonnance (même si celui-ci se trouvait en congés) et que par la suite et avant de terminer son service de permanence elle a pu donner des consignes à l'officier de police judiciaire présent sur les lieux ; que comme il a été indiqué précédemment le débat contradictoire relatif au champ d'application d'une pièce saisie s'exerce devant la cour et non pas comme il a été indiqué dans un courrier faxé dans la nuit au tribunal de grande instance avant que les pièces ne fassent l'objet d'une cotation et d'un inventaire "... ; et que " la société requérante indique qu'elle a essayé de joindre le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance à 21 heures pour lui signaler qu'elle n'avait pas été en mesure d'exercer ses droits de la défense et de vérifier si les documents saisis entraient dans le champ d'application de l'ordonnance ; qu'un fax a été envoyé à 00 heures 03, le 23 juillet au Tribunal de grande instance d'Evry et un constat d'huissier aurait été établi aux fins de constater que le standard ne répondait pas après les honoraires d'ouverture ;
"1°) alors que le principe du contradictoire doit être respecté dès le début de l'enquête et qu'il importe peu que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'ait pas prévu expressément que les entreprises faisant l'objet de visite puissent saisir personnellement et directement le juge chargé du contrôle de telles visites dès lors que la société X demandait le respect de ses droits au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de sorte qu'en déduisant de la seule disposition nationale susvisée qu'un officier de police judiciaire serait l'unique juge de l'opportunité de la saisine du juge des libertés et de la détention et pourrait refuser de communiquer les coordonnées téléphoniques du magistrat, le premier président a totalement privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"2°) alors qu'en estimant que les parties avaient pu faire valoir leurs arguments, de façon non-contradictoire mais par l'intermédiaire d'une communication téléphonique entre le juge et les enquêteurs et/ou les officiers de police judiciaire, le premier président méconnaît, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, la liberté de toute partie de choisir elle-même son défenseur ainsi que les principes gouvernant la représentation des plaideurs devant la justice, exprimés notamment dans la loi du 31 décembre 1971, à laquelle ne déroge aucunement le rôle dévolu aux divers agents de la puissance publique par l'article L. 450-4 du Code de commerce ;
"3°) alors et, en tout état de cause, qu'en considérant comme probable le fait que le juge de permanence, Mme Florescu, ait donné " des consignes " à l'officier de police judiciaire avant de terminer son service, le premier président qui ne constate l'existence d'aucune décision juridiquement opposable à la partie visitée, vise des motifs parfaitement hypothétiques et inopérants en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"4°) alors que le recours devant le premier président institué par l'article L. 450-4 alinéa 6 pour permettre à la personne visitée d'obtenir éventuellement, a posteriori, l'annulation de l'autorisation et des saisies effectuées, lequel n'empêche pas la partie poursuivante d'avoir acquis la connaissances des pièces litigieuses, n'a ni le même objet, ni le même effet que le contrôle que peut, en vertu de l'alinéa 3 du même texte, exercer un juge des libertés et de la détention en cours de visite et qui est destiné à prévenir les irrégularités en train de se commettre et d'empêcher le service d'enquête d'emporter les pièces auxquelles il ne doit pas avoir accès, de sorte qu'en justifiant le refus de permettre à la partie visitée d'accéder pendant la visite du juge des libertés et de la détention par la considération inopérante qu'il existerait ultérieurement une possibilité de le saisir, le premier président a violé par refus d'application, l'alinéa 3 du texte susvisé ainsi que la notion d'effectivité des voies de recours qu'impliquent les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
"5°) alors et subsidiairement, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations de visite et saisie doit a minima tenir informé des difficultés rencontrées le juge qui a autorisé la visite, de sorte qu'en jugeant que la saisine du juge des libertés et de la détention ne serait qu'une faculté offerte à l'officier de police judiciaire, et que ce dernier était en droit de ne pas le saisir, nonobstant la difficulté qu'il reconnaît, le premier président a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
"6°) alors, et encore plus subsidiairement, que l'article L. 450-4 du Code de commerce prévoyant que l'officier de police judiciaire doit saisir le juge des libertés et de la détention en cas de difficulté implique nécessairement que cet officier de police judiciaire soit en mesure de contacter ledit magistrat à tout moment des opérations ; qu'en s'abstenant de rechercher comme il y était invité si cet officier de police judiciaire était, lui-même, seulement capable de joindre le juge, le premier président a violé par refus d'application les dispositions susvisées telles qu'interprétées par lui" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que, pour rejeter le grief tiré de la violation des droits de la défense en ce que l'ordonnance n'organiserait pas un accès effectif au juge, la décision attaquée prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, le premier président a, sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées, justifié sa décision ;
Que d'une part, l'article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoit pas que l'occupant des lieux dans lesquels ont été autorisées, par le juge des libertés et de la détention, des opérations de visite et saisie aux fins de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles doive avoir connaissance des coordonnées du juge ni qu'il doive être informé de la possibilité de recourir à celui-ci afin qu'il exerce son contrôle sur la régularité des mesures en cours ;
Que d'autre part, l'occupant des lieux ne dispose pas du droit de saisir lui-même le juge qui a délivré l'autorisation, les officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations devant, au cours de la visite, tenir ce magistrat informé des difficultés rencontrées ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, des articles L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4 et R. 450-1 du Code de commerce, des articles 56 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le premier président de la Cour d'appel de Paris a confirmé l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 22 et 23 juillet 2014 dans les locaux de la société X et a seulement ordonné la cancellation de certaines mentions du procès-verbal ;
"aux motifs que sur le caractère illicite des saisies effectuées à raison du refus opposé à la requérante de prendre préalablement connaissance des documents papier et données informatiques ; qu'il est constant que la société requérante a reçu une copie des fichiers copiés ainsi que l'inventaire qu'elle a pu lire ; que l'occupant des lieux a ainsi reçu toutes les informations lui permettant d'identifier et de prendre connaissance des fichiers copiés par les enquêteurs, qui sont en toute hypothèse demeurés en possession de l'entreprise sur ses propres supports informatiques ; que la comparaison entre l'inventaire de la copie des documents informatiques saisis et les documents informatiques restés en possession de la société permettait de vérifier ce qui avait été appréhendé par l'Administration... que sur l'irrégularité du procès-verbal à raison de son caractère incomplet, il y a lieu de constater que les opérations de visite et de saisie ont débuté le 22 juillet à 9h45 et ce sont terminées le lendemain 23 juillet à 7 heures et ont donc duré 21 heures et 15 minutes ; que force est de constater qu'établir un procès-verbal relatant dans le menu détail toutes les opérations effectuées sur une telle durée est difficilement conciliable avec la nécessité d'effectuer une visite efficace tout en respectant les droits de la défense, de procéder à des saisies puis à leur cotation et d'établir les copies des documents saisis ; que les enquêteurs et les officiers de police judiciaire ne peuvent pas être tenus pour responsable du départ de Mme Z, représentante de l'occupant de lieux et du fait qu'elle n'ait pas signé le procès-verbal ; que s'agissant des déclarations de M. A qui ne serait pas concerné par les opérations, il convient de les canceller étant précisé qu'il s'agit de quatre paragraphes descriptifs et figurant en page 2 du procès-verbal ; que concernant les téléphones portables, force est de constater que ceux-ci n'ont pas été saisis ; que rejetons ces moyens à l'exception des déclarations de M. A (page 2 du procès-verbal qu'il conviendra de canceller) ; que sur le caractère illicite des saisies informatiques effectuées par les enquêteurs, la pratique décrite par la société X qui invoque les alinéas 6 et 7 de l'article 56 du Code de procédure pénale, à savoir celle des scellés provisoires n'est qu'une faculté pour l'Administration ; qu'il convient encore une fois de rappeler que la société conserve l'original des documents saisis dont il est tiré que deux copies, l'une remise à la société et l'autre conservée par l'Administration ; que les conditions de déroulement de saisies informatiques sont illicites dans la mesure où ces saisies ont été effectuées par une personne non habilitée et hors de la présence de l'occupant des lieux d'un officier de police judiciaire et d'un enquêteur ; que sur ce sous-moyen, il convient de rappeler que la saisie des fichiers informatiques est faite exclusivement par les enquêteurs et les officiers de police judiciaire ; que si un certain M. B, salarié de la société C qui serait intégrée au sein du groupe Y serait intervenu pour mettre à la disposition des enquêteurs les zones utilisateurs des fichiers de messageries lesquelles se trouvaient sur les serveurs ; qu'il est indiqué sur le procès-verbal que "ces fichiers ont été mis à notre disposition sur un disque dur externe vierge de l'entreprise et nous avons examiné le contenu de ces fichiers et avons procédé à leur authentification numérique et copié une sélection de fichiers informatiques issus de ce disque dur [...] nous avons élaboré un inventaire informatiques des fichiers sélectionnés lesquels ont été copiés sur des DVD vierge avant d'être placé sous scellés." ; qu'il ressort de ces éléments que le rôle de M. B a été un rôle subalterne de mise à disposition et non pas un rôle de sélection des copies et de mise sous scellés qui n'appartient qu'aux enquêteurs et aux officiers de police judiciaire ; que concernant les scellés n° 22 à n° 37, qui sont les scellés susvisés, la société ne rapporte pas la preuve qu'ils sont extérieurs au champ d'application de l'ordonnance et comme nous l'avons rappelé précédemment, ceux-ci ont été analysés, saisis et placés sous scellés une fois des copies effectuées étant précisé une nouvelle fois que le rôle de M. B était insignifiant dans ces opérations ; qu'il y a lieu de rappeler que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention concernait tout document en rapport avec les agissements répréhensibles et permettant ainsi de procéder à la saisie de pièces concernant des sociétés en lien avec les sociétés visées par l'ordonnance ; que ces documents peuvent provenir de sociétés en relations d'affaires avec la société visée, en l'espèce X, et peuvent être utiles à la recherche de la preuve des agissements répréhensibles ou susceptibles de se rattacher aux pratiques prohibées ; que sur la saisie de documents inutiles antérieurs aux faits visés par l'ordonnance ; que si des éléments antérieurs à la période des agissements prohibés présumés ont été saisis, il peut s'agir d'actes préparatoires et dans cette hypothèse rien ne s'oppose à ce qu'ils soient saisis et dans le cas contraire, dans la mesure où la société X indique elle-même qu'ils sont inutiles l'Administration les restituera d'elle-même à la société ; que sur l'existence de saisies massives et indifférenciées ; qu'il y a lieu de remarquer qu'il a été saisi les comptes de messageries de huit personnes physiques ou morales ainsi que tout ou partie de leur fichier alors que la société X comporte 830 salariés ; que ces comptes de messageries sont par nature insécables ;
"1°) alors que l'article L. 450-4 alinéa 8 du Code de commerce, qui constitue une garantie au profit de la personne visitée, lui permet de prendre connaissance des pièces et documents " avant leur saisie ", tandis que l'article 56 alinéa 4 du Code de procédure pénale, par exception et dans l'hypothèse où " l'inventaire sur place présente des difficultés ", aménage la possibilité d'un recours aux " provisoires " permettant de différer les travaux de prise de connaissance, de saisie et de mise sous scellés définitifs ; qu'en admettant que la partie visitée se soit vue refuser le droit de prendre connaissance des documents préalablement à leur saisie, sans pour autant reconnaître que l'usage de scellés fermés provisoires s'imposait, le premier président a doublement privé la société X des garanties auxquelles elle pouvait prétendre, en violation des textes susvisés ;
"2°) alors qu'ayant relevé en des termes généraux que " force est de constater qu'établir un procès-verbal relatant dans le menu détail toutes les opérations effectuées sur une telle durée est difficilement conciliable avec la nécessité d'effectuer une visite efficace tout en respectant les droits de la défense, de procéder à des saisies puis à leur cotation et d'établir les copies des documents saisis ", le premier président a caractérisé une " difficulté " pour procéder à un inventaire sur place, au sens de l'article 56 alinéa 4 du Code de procédure pénale, ce dont il résultait que, comme l'avait rappelé la société X, les documents litigieux devaient faire l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'à leur ouverture en présence des personnes concernées ; qu'en affirmant que cette précaution procédurale préalable ne serait qu'une " faculté " pour l'Administration, le premier président méconnaît le caractère impératif de la disposition sus-visée et, se substituant au législateur par une réécriture du texte, il le viole au terme d'un excès de pouvoir ;
"3°) alors que les dispositions de l'article 56 alinéa 4 du Code de procédure pénale, qui prévoient la possibilité d'un recours à des scellés fermés provisoires en cas de difficulté, ne sauraient se voir substituer au gré de l'Administration, sans qu'il en résulte une rupture manifeste dans l'égalité des armes, la délivrance de simples copies permettant seulement d'identifier a posteriori, les documents emportés par le service d'enquête et dont celui-ci a tout loisir de prendre connaissance en l'absence de l'occupant des lieux ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a violé, outre le texte susvisé, les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
"4°) alors qu'en vertu des articles L. 450-1 et L. 450-4 du Code de commerce et de l'article 2 de l'arrêté du 22 janvier 1993, seuls les agents régulièrement " habilités " peuvent procéder à des visites domiciliaires, et que, selon le procès-verbal de visite, les enquêteurs ont eu recours à M. B, qui n'a pas cette qualité et qui est seulement le salarié d'une société filiale de X, afin de mettre à leur disposition les " zones utilisateurs " et les fichiers de Mmes D et E et de MM. F, G, H et I ainsi que les fichiers des messageries des mêmes, outre M. J, opérations qui ont duré plusieurs heures et qui ont été effectuées hors la présence de l'occupant des lieux et des officiers de police judiciaire ; qu'en refusant de prononcer la nullité de la mainmise sur ces pièces au prétexte que M. B n'aurait pas participé à la sélection des copies et à la mise sous scellés et que, ainsi, l'intéressé aurait joué " un rôle subalterne " tandis que la réalisation de copies informatiques correspondait, à tout le moins, à une " opération de visite " au sens des textes susvisés, lesquels ne comportent aucune distinction entre les opérations de visite et de saisies " subalternes " et les autres, le premier président les a, par-là même, violés" ;
Attendu que pour valider les opérations de visite et saisie, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, et dès lors que la confection de scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, agissant sous le contrôle du juge, le premier président a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, dont la première branche manque en fait, sera écarté ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi.