CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 juillet 2017, n° 15-12365
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NGK Spark Plugs France (SASU)
Défendeur :
Société de Commercialisation de Produits Industriels (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Schaffner, Ingold, Zazzo
Faits et procédure
La société NGK Spark Plugs France (ci-après " NGK ") est la filiale française de la société de droit japonais NGK Spark Plug Co Ltd, fabricant mondial de bougies d'allumage, qui est chargée de la distribution en France des bougies de la marque NGK.
Cette société NGK Spark Plug Co.Ltd (NGK Japan) a d'autres filiales européennes, chargées d'assurer la distribution des bougies dans d'autres Etats membres, notamment les sociétés NGK Italie et NGK Allemagne.
La société SCPI, Société de Commercialisation de Produits Industriels, dont le nom commercial est Sifam, (ci-après " société Sifam "), est spécialisée dans la vente de consommables et pièces détachées pour motos. Elle détient cinq filiales, Sifam France, Sifam Italie, Sifam Suisse, Sifam Espagne et Sifam Portugal et livre toute les boutiques du groupe Sifam en Europe.
A partir de l'année 2001, la société Sifam a contacté la filiale malaise du groupe NGK, afin de devenir distributeur de bougies NGK. Cette demande a été transmise à la société NGK France qui a refusé d'y donner suite, en indiquant qu'elle ne souhaitait pas renforcer son réseau en l'état. Par courrier du 21 mai 2002, NGK expliquait à Sifam que " dans l'état actuel des choses, NGK n'envisage pas de renforcer son réseau de distribution et qu'à ce titre, nous sommes au regret de vous annoncer que nous ne sommes pas en mesure de donner une suite favorable à votre demande de coopération ".
La société Sifam n'a pas contesté ce refus et n'a plus contacté la société NGK jusqu'à l'année 2006, aux fins d'obtenir la livraison de bougies NGK. La société NGK a alors accepté de rencontrer la société Sifam et de l'entendre.
Le 24 mai 2006, la société Sifam a demandé la meilleure offre de NGK pour une commande annuelle de 450 000 bougies. Des correspondances ont été échangées entre les parties ; les locaux de la société Sifam ont été visités en décembre 2006 par NGK. Ainsi sollicitée à nouveau, la société NGK France a répondu favorablement à la demande de Sifam et, par lettre signée de son directeur commercial en date du 15 juin 2006, a adressé un exemplaire de son contrat cadre de distribution et ses tarifs en précisant : " dans l'hypothèse d'un intérêt de votre part, nous vous remercions de bien vouloir joindre avec votre première commande le contrat de distribution signé et un relevé d'identité bancaire ". Profitant de cette offre, la société Sifam lui a adressé une commande ferme de bougies, outre un exemplaire du contrat de distribution daté et signé et un relevé d'identité bancaire.
Le 22 janvier 2007, la société NGK France a accusé réception de cette commande et lancé la procédure d'ouverture de compte pour le client Sifam. Pourtant, le 29 juin 2007, la société NGK France a refusé de livrer la marchandise commandée et de surcroît payée, en justifiant son refus par le fait qu'un contentieux opposait les filiales italiennes de Sifam et de NGK et que Sifam Italia aurait importé sur le marché italien, depuis la mi-2005, en contrefaçon, des bougies NGK authentiques, en s'approvisionnant auprès d'une société américaine Sudco International Corp.
La société NGK lui a ensuite opposé plusieurs refus de vente, au motif de son souhait de ne pas étendre son réseau, de la nécessité de vérifier les aptitudes techniques et commerciales de son futur distributeur, et de soupçons de contrefaçon de la marque NGK par la marque de droit italien Sifam Italia.
Il était en effet soutenu par la société NGK que la société Sifam en Italie proposait à la vente depuis mi-2005 des bougies NGK importées illicitement des États-Unis sur l'Espace économique européen, contrefaisant ainsi les marques NGK. En raison de ces actes de contrefaçon, la société NGK exposait ne pouvoir accepter de faire entrer la société Sifam dans son réseau et aucun contrat n'a jamais été conclu entre les deux sociétés. Elle soutenait de plus que la prise de contact en 2006 n'était qu'un prétexte pour masquer les importations parallèles auxquelles la société Sifam se livrait.
Par arrêt définitif (le pourvoi a été rejeté par la Cour de cassation le 10 février 2015) du 22 octobre 2010 rectifié par arrêt du 2 septembre 2011, la Cour d'appel de Paris a jugé contrefaisantes les bougies importées illicitement par Sifam France des Etats-Unis sur l'Espace européen. La cour retenait dans les motifs de la décision, au visa de l'article 13.1 du règlement CE n° 207/2009, que " Le droit conféré par la marque communautaire ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement", que conformément à ce texte, l'épuisement du droit du titulaire de la marque n'était réalisé qu'à l'occasion d'une première mise dans le commerce des produits dans l'Espace économique européen effectuée avec l'accord du titulaire du droit de marque, que les produits argués de contrefaçon avaient été importés du Japon par la société Sudco International Corp. pour le marché américain puis introduits dans l'Espace économique européen par la société SCPI exerçant sous l'enseigne Sifam Trading se fournissant auprès de la société Sudco alors que NGK n'avait pas autorisé la commercialisation de ces produits marqués dans l'Espace économique européen et que la société japonaise NGK restait investie du droit d'interdire la première commercialisation dans l'Espace économique européen des bougies sans son consentement.
S'estimant victime de pratiques anticoncurrentielles, la société Sifam a saisi l'unité départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de son département le 1er juillet 2009. La DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a déposé son rapport administratif d'enquête le 25 août 2011, remis à l'Autorité de la concurrence, d'où il ressortait que les refus d'agrément de la société Sifam par la société NGK France s'étaient manifestés avant l'approvisionnement de Sifam en bougies d'origine auprès d'un distributeur NGK implanté aux Etats-Unis et avant les actions en contrefaçon et concurrence déloyale engagées par NGK France. Le rapport concluait que de tels refus étaient injustifiables et avaient pour objet et pour effet de faire perdurer le cloisonnement du marché européen des bougies NGK, non plus à travers des clauses contractuelles d'approvisionnement exclusif sanctionnées par le Conseil de la concurrence le 21 juillet 2006, mais par des pratiques visant à exclure une société française de dimension européenne, privant ainsi le marché français et communautaire d'un entrant dynamique susceptible de renforcer la concurrence intra-marques NGK et de fluidifier un marché toujours cloisonné. Il a qualifié ces pratiques au titre du droit national et communautaire de la concurrence : " la société NGK a mis en œuvre des pratiques consistant à refuser la vente de bougies NGK à la société Sifam sans justification objective, ni légitime et cela depuis 1994. De ce fait, NGK, en position favorable sur le marché des bougies de seconde monte, produit incontournable pour un distributeur en pièces détachées, élimine un opérateur susceptible de faire échec au cloisonnement des marchés opéré en Europe. Cette pratique est susceptible d'être sanctionnée au titre des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 TFUE et/ou L. 420- 2 du Code de commerce et 102 du Traité TFUE ".
L'Autorité de la concurrence, informée de l'enquête, a déclaré expressément qu'elle n'entendait pas s'en saisir.
Par acte du 28 novembre 2008, la société Sifam a assigné la société NGK devant le Tribunal de commerce de Nice aux fins de voir reconnaître judiciairement qu'un contrat avait bien été formé entre les parties et de condamner NGK à livrer les commandes passées par Sifam en 2006.
Le Tribunal de Nice s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement avant-dire droit du 7 février 2012, le tribunal de commerce a enjoint à l'Autorité de la concurrence de lui communiquer le rapport de la DIRECCTE du 25 août 2011.
Par jugement du 28 mai 2013, le Tribunal de commerce de Paris a dit que la société NGK avait commis un abus de position dominante en refusant de livrer, sans justification objective, ses produits à la société Sifam, après avoir engagé une relation contractuelle avec celle-ci, et l'a condamnée à payer à la société Sifam la somme de 450 000 euros de dommages et intérêts ainsi que celle de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal a relevé que les refus de vente des 20 décembre 2001 et 21 mai 2002, opposés par NGK à Sifam, n'étaient pas motivés par la lutte contre la contrefaçon, ni par aucun grief commercial ou une non-conformité aux critères d'agrément. Il a souligné qu'il y avait bien eu accord sur la chose et sur le prix afférent à la commande du 24 mai 2006 et que les refus de livrer constituaient un abus de position dominante. Il a écarté les justifications présentées par la société NGK dans son courrier du 29 juin 2007, à savoir le litige avec Sifam Italie, sans lien avec le présent litige, la non vérification des critères sélectifs, alors que deux visites des locaux de Sifam étaient intervenues en 2002 sans remarque particulière de NGK, et, enfin, l'action en contrefaçon en France, bien postérieure, et a approuvé les conclusions du rapport de la DIRECCTE.
Par ordonnance du 6 novembre 2013, le premier président de la Cour d'appel de Paris a rejeté la demande de suspension d'exécution provisoire du jugement du 28 mai 2013 demandée par la société NGK.
La société NGK a interjeté appel, et la Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 16 décembre 2015, a infirmé ce jugement, en estimant que les marchés pertinents étaient en l'espèce le marché de gros des bougies d'allumage de rechange pour deux roues sur lequel les fabricants offrent des bougies à des entreprises intermédiaires (grossistes, distributeurs) et celui où les distributeurs les commercialisent aux détaillants, en France et que la part de marché de NGK, d'au moins 50 %, caractérisait l'existence d'une position dominante de NGK France. Mais la cour a estimé que les refus de vente opposés par la société NGK étaient légitimes du fait des actes de contrefaçon de la société Sifam et qu'ils n'avaient pas pour effet de cloisonner le marché ni d'en évincer la société Sifam, qui pouvait s'approvisionner auprès de concurrents potentiels.
Un pourvoi a été enregistré le 16 février 2016.
Parallèlement, les sociétés du groupe NGK ont intenté diverses actions en contrefaçon à l'encontre de la société Sifam.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2013, réitérée le 24 juin 2013, la société Sifam a passé une nouvelle commande de 52 000 bougies, exprimé une option pour 100 000 bougies de plus et accompagné sa commande d'une garantie de paiement établie le 18 juin 2013 par le Crédit agricole interentreprises. La société NGK a, à nouveau, refusé de donner une suite à ces commandes.
Par acte du 4 juillet 2013, la société Sifam a délivré à la société NGK une sommation interpellative de livrer les marchandises.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 2013, la société NGK a maintenu son refus de livraison en invoquant les différentes procédures de contrefaçon des bougies de la marque NGK en France et en Italie. Elle indiquait : " les procédures en contrefaçon de nos marques NGK qui sont encore pendantes tant en France qu'en Italie ne nous permettent pas d'y donner suite ". Par ailleurs, elle soulignait que l'approvisionnement auprès des distributeurs NGK était possible : " Sifam est libre de s'approvisionner auprès de l'un quelconque des distributeurs et revendeurs de bougies NGK établis au sein de l'EEE ", pour autant que ces distributeurs et revendeurs respectaient le droit de la propriété intellectuelle applicable dans l'Union européenne.
Par assignation en référé du 10 juillet 2013, la société Sifam a saisi le Tribunal de commerce de Paris, aux visas des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, aux fins d'obtenir de la société NGK la livraison de deux nouvelles commandes de bougies, en demandant au juge la cessation d'un trouble économique faisant obstacle aux règles normales du marché de la libre concurrence, et le paiement d'une provision à valoir sur ses préjudices.
Par conclusions du 27 août 2013, la société NGK a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au profit du Tribunal de commerce de Nanterre, et a demandé, à titre subsidiaire, un sursis à statuer.
Par ordonnance du 10 septembre 2013, le président du Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent et a dit n'y avoir lieu à référé, compte tenu de l'existence d'un " litige complexe ", et d'une " contestation sérieuse ".
Par lettre du 25 septembre 2013, la société NGK a inscrit un contredit de compétence à l'encontre de l'ordonnance de référé du 10 septembre 2013, qui a été dit irrégulier par la Cour d'appel de Paris le 6 février 2014. La société NGK a interjeté appel de l'ordonnance de référé du 10 septembre 2013.
Par arrêt rendu le 5 juin 2014, la cour d'appel statuant sur l'appel de l'ordonnance du 10 septembre 2013 a confirmé la compétence du Tribunal de commerce de Paris et a constaté l'autonomie des deux instances engagées en 2008 et en 2013 : la cour a estimé que les demandes de livraison sous astreinte et de provision présentées par la société Sifam devant le juge des référés ne se heurtaient pas à l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce le 28 mai 2013, le juge des référés étant saisi d'une nouvelle commande et d'une demande de provision relative à une période postérieure à celle pour laquelle le préjudice avait été indemnisé le 28 mai 2013.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2014, la société Sifam a passé une nouvelle commande de 54 200 bougies, qui a fait l'objet d'un nouveau refus de vente de la société NGK, le 31 juillet 2014, pour les mêmes motifs.
La société NGK a, dès la première audience au fond du tribunal de commerce, soulevé plusieurs exceptions de litispendance, connexité, sursis à statuer ainsi qu'une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée. Le 12 septembre 2014, la société NGK a demandé au président Dejouhanet, désigné juge rapporteur du tribunal de commerce, la redistribution de l'affaire devant une chambre autrement composée que par les magistrats ayant collégialement rendu le jugement du 28 mai 2013, dont la présente procédure était, selon elle, la continuité, et, ce, afin de respecter les principes directeurs du droit processuel.
Le jugement avant-dire-droit du Tribunal de commerce de Paris du 7 octobre 2014 a validé la compétence du juge, fixé une date d'audience et réservé les dépens. La 8e chambre du Tribunal de commerce de Paris a décidé de conserver la connaissance de l'affaire en raison notamment de la " tardiveté " de la demande de la société NGK, indiquant que " le fait de nommer un juge ayant déjà connu des parties et des évènements ayant précédé la présente affaire a été considéré de nature à réduire le temps nécessaire à y apporter une solution ".
Par la suite, le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 17 mars 2015, a rejeté comme mal fondée la requête de la société NGK en rectification d'erreur matérielle du jugement rendu le 7 octobre 2014, qui avait omis de statuer sur les exceptions de procédure.
Enfin, le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 31 mars 2015 a rectifié l'erreur matérielle contenue dans le jugement prononcé le 17 mars 2015.
Enfin, par jugement du 9 juin 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer à nouveau sur la demande de sursis à statuer et les exceptions de procédure soulevées par la société NGK et l'a déboutée de ses demandes à ce titre,
- dit la société Sifam recevable à agir dans la présente instance,
- fait injonction à la société NGK de livrer les commandes en date des 8 avril 2013 et 30 juin 2014 de la société Sifam, et ceci sous astreinte fixée au montant de 5 000 euros par jour de retard calendaire passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et pour une période de 30 jours à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,
- enjoint à la société NGK d'appliquer pour ces commandes antérieures et les suivantes éventuelles, les mêmes conditions de tarifs et de remises que celles concédées à ses propres distributeurs pour un potentiel de vente de même dimension et débouté la société Sifam de sa demande de se voir appliquer les tarifs pratiqués lors des commandes antérieures,
- dit n'y avoir lieu de statuer en l'état sur le respect des règles relatives au droit de la propriété intellectuelle et de la concurrence et débouté la société NGK de sa demande d'astreinte à ce titre,
- condamné la société NGK à payer à la société Sifam la somme de 130 000 euros en réparation du préjudice subi sur la période couverte par la présente instance,
- condamné la société NGK à payer à la société Sifam la somme de 100 000 euros pour résistance abusive et dilatoire,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société NGK à payer à la société Sifam la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société NGK aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 121,44 euros dont 20,02 euros de TVA.
La société NGK a désormais livré toutes les commandes de la société Sifam et lui a adressé un contrat de distribution sélective, ainsi que sa documentation commerciale et des informations nécessaires à la livraison des bougies, le 23 juin 2015, afin de se conformer à l'injonction du tribunal. La livraison des bougies à la société Sifam a eu lieu le 3 juillet 2015.
Par acte du 17 juin 2015, la société NGK a interjeté appel de ce jugement. Par déclaration de la même date, la société NGK a également fait appel pour voir prononcer la nullité des jugements du Tribunal de commerce de Paris :
du 7 octobre 2014 (jugement avant " dire droit " fixant une date d'audience et réservant les dépens),
du 17 mars 2015 (jugement rejetant comme mal fondée la requête de la société NGK en rectification d'erreur matérielle du jugement rendu le 7 octobre 2014),
du 31 mars 2015 (jugement rectifiant l'erreur matérielle contenue dans le jugement prononcé le 17 mars 2015).
Les affaires ont été jointes par ordonnance du 12 novembre 2015.
LA COUR, Vu les appels interjetés par la société NGK Spark Plugs France et ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 mars 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer la société NGK recevable et bien fondée en son appel, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer la société Sifam irrecevable ou, à tout le moins, mal fondée en son appel incident, demandes, fins et conclusions.
in limine litis,
- prononcer la nullité des jugements du 7 octobre 2014 et du 17 mars 2015 tel que rectifié par jugements des 31 mars et 9 juin 2015,
à titre principal,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes plus amples ou contraires de la société Sifam,
- à titre subsidiaire, si la cour confirmait le jugement du 9 juin 2015 du chef de l'injonction de livrer,
- réévaluer le préjudice subi par la société Sifam au regard des éléments invoqués par la société NGK dans les présentes conclusions, en tout état de cause et en conséquence,
- condamner la société Sifam à verser à la société NGK la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- dire que la société NGK a subi un préjudice du chef de la poursuite de l'exécution du jugement du 9 juin 2015 par la société Sifam dont elle est fondée à demander réparation,
- condamner la société Sifam à verser à la société NGK la somme provisionnelle de 200 000 euros à parfaire à dire d'expert,
- nommer tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission d'évaluer ledit préjudice,
- ordonner à la société Sifam de remettre à l'expert, dans un délai de dix jours à compter de la nomination de ce dernier et ce, sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard, les informations ci-dessous ainsi que tout élément ou document (pièces comptables, factures, bons de commandes, bons de livraison) y afférent :
- un état du stock des produits NGK,
- un état des quantités vendues de produits NGK,
- un état des prix de revente pratiqués sur le marché tant à ses clients directs qu'aux sociétés appartenant au groupe Sifam et la marge réalisée par la société Sifam,
- les marchés/juridictions sur lesquels les clients de la société Sifam ou du groupe Sifam sont établis,
- ordonner la résolution judiciaire du contrat cadre de distribution conclu entre les sociétés NGK et Sifam le 23 juin 2015 ainsi que des conventions de commercialisation annuelles conclues en application dudit contrat cadre,
- ordonner à la société Sifam de faire dresser par huissier un inventaire des stocks de l'ensemble des produits et matériels de vente promotionnels NGK en sa possession au jour du prononcé de l'arrêt, en présence de la société NGK et/ou de ses conseils, dans un délai de cinq (5) jours ouvrés à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard,
- ordonner à la société Sifam de restituer les stocks de produits et matériels de vente promotionnels NGK dont inventaire aura été dressé par huissier dans un délai de quinze (15) jours ouvrés à compter de la remise de l'inventaire par l'huissier, sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard,
- interdire à la société Sifam de se prévaloir de la qualité de distributeur agréé de la société NGK, à compter du prononcé de l'arrêt,
- ordonner à la société Sifam de supprimer toute mention de sa qualité de distributeur agréé NGK de l'ensemble de ses documents et supports commerciaux et promotionnels de toute nature ainsi que de tous sites internet de la société Sifam et ses affiliées, dans un délai de cinq (5) jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard,
- ordonner la publication d'un communiqué judiciaire dans un délai de dix jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard, dans les conditions telles que décrites ci-dessous :
- dans dix journaux ou minternetagazines au choix de la société NGK, et aux frais de la société Sifam, sans toutefois que le coût global de ces publications ne soit inférieur à cinquante mille euros hors taxe (50 000 euros HT),
- sur la page d'accueil du site Internet www.Sifam.fr en caractères lisibles, sur une surface égale à au moins 50 % de la surface totale de la page d'accueil, pendant une durée de 4 mois à compter de la mise en ligne,
- autoriser la société NGK à diffuser ledit communiqué sur son site Internet à l'adresse www.ngkntk.fr pendant une durée de quatre mois à compter de la signification de la décision à intervenir, en toute hypothèse,
- condamner la société Sifam à verser à la société NGK la somme de 500 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Sifam aux entiers dépens de l'instance lesquels seront recouvrés par SCP Grappotte-Bénétreau, avocat du barreau de Paris dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 14 avril 2017 par la société Sifam, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le quantum des réparations accordées à la société intimée,
y ajoutant,
- condamner la société NGK Spark Plugs (France) à payer à la Société de Commercialisation de Produits Industriels, exploitant sous la dénomination Sifam Trading, la somme de 193 246,80 euros H.T outre intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2013, quitte à parfaire à dire d'expert, à titre de dommages et intérêts,
- dire que l'Autorité de la concurrence ou tel expert qu'il plaira à la cour, aura pour mission de :
- se faire communiquer tous documents auprès des parties et de tous sachant, nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- vérifier la part de marché des bougies NGK sur le marché français,
- calculer le préjudice de perte de marge commerciale pour mévente des bougies NGK sur la période allant du 1er juillet 2013 au 30 juin 2015, à partir de la moyenne des taux de marge réalisés avec les bougies NGK en 2004-2005-2006 et en considération de la perte de marge sur les produits accessoires,
- vérifier les conditions d'achat appliquées par NGK France pour les ventes de bougies aux grossistes et détaillants au cours de l'année 2015,
- fixer la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert, laquelle sera mise à la charge de la société NGK Spark Plugs (France),
- dire que l'expert devra, après convocation des parties, notifier un pré-rapport et recueillir leurs dires, et leur indiquer au-delà de la provision sur ses frais et honoraires, le montant de la provision complémentaire qu'il sera amené à solliciter,
- dire qu'en cas de difficultés ou d'empêchement il en sera référé au magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction,
- débouter la société NGK Spark Plugs France de toutes ses demandes, exceptions de procédure et de nullité, fins et conclusions,
- rejeter comme irrecevable car nouvelle ou à tout le moins mal fondée la demande de la société NGK Spark Plugs France tendant à voir résilier le contrat de distribution sélective accordé à la Sifam Trading le 23 juin 2015,
- condamner la société NGK Spark Plugs France à verser à la Sifam Trading la somme de 100 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et pour les seconds, admettre Me Frédéric Ingold (SELARL Ingold & Thomas), avocats, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2017, transmis à la cour au cours du délibéré par la société NGK le 22 juin 2017, ainsi qu'il en avait été décidé par accord avec les parties, aux termes duquel la Cour confirme l'arrêt de la cour de céans, en date du 16 décembre 2015 et écarte l'abus de position dominante de la société NGK, en ce que les refus de vente attaqués n'entraînaient aucun effet actuel ou potentiel de cloisonnement du marché, que la société Sifam disposait de solutions alternatives avec des bougies d'autres marques, pouvait s'approvisionner en bougies NGK auprès de distributeurs agréés, et n'était, au final, pas évincée du marché ;
SUR CE,
Sur l'exception de nullité des jugements
La société NGK soutient que les jugements entrepris sont entachés d'irrégularités matérielles, sont contraires aux droits de la défense, et doivent donc être annulés.
D'une part, les jugements seraient entachés d'irrégularités de forme résultant de l'absence d'un greffier jusqu'à l'audience du 9 mars 2015 et de différentes erreurs matérielles (erreurs de date et mentions erronées). D'autre part, les jugements auraient été adoptés en violation des droits de la défense et des principes directeurs du procès civil, le juge chargé d'instruire l'affaire ayant manqué à son devoir d'impartialité en invoquant sa connaissance du premier litige pour conserver la connaissance de la seconde affaire, puis ayant refusé de statuer sur des exceptions de procédure.
La société Sifam réplique que les jugements entrepris sont réguliers, contrairement à ce que prétend la société NGK.
D'une part, le droit à un tribunal impartial n'a pas été violé par le refus du président de la chambre du tribunal de commerce de redistribuer l'affaire à une autre chambre qui n'avait pas connaissance de l'affaire lorsqu'elle avait été présentée la première fois devant le tribunal de commerce. Le juge pouvait en effet statuer à deux reprises, dès lors que cette affaire portait sur des faits nouveaux et des prétentions différentes.
D'autre part, le tribunal de commerce n'a pas refusé de statuer sur des exceptions de procédure, le jugement du 7 octobre 2014 constituant une décision arrêtant une mesure d'administration judiciaire au sens de l'article 499 du Code de procédure civile.
Enfin, l'intimée soutient que les vices de forme allégués par la société NGK ne sont pas constitués et ne font pas grief.
Sur le principe d'impartialité
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, cette exigence devant s'apprécier objectivement et subjectivement.
Le principe d'impartialité objective interdit au juge de participer deux fois à la prise d'une décision juridictionnelle dans le même litige, sur les mêmes faits ; le préjugé qui en résulte peut alors susciter des craintes légitimes dans l'esprit du justiciable. Il en résulte, par exemple, que lorsqu'un juge a statué en référé sur une demande tendant à l'attribution d'une provision en raison du caractère non sérieusement contestable d'une obligation, il ne peut ensuite statuer sur le fond du litige afférent à cette obligation.
Or, le tribunal de commerce était en l'espèce saisi d'un litige différent de celui soumis la première fois au tribunal de commerce, même s'il intervenait entre les mêmes parties et sur le fondement du droit de la concurrence, puisque la saisine portait sur des pratiques de refus de livraison différentes et distinctes dans le temps de celles soumises à la première formation du tribunal. Aucune obligation ne pesait donc sur le tribunal de renvoyer le litige devant une chambre différente.
De plus, s'il est exact que le même président a statué dans la formation collégiale de la 8e chambre du tribunal qui a rendu le 2e jugement du 28 mai 2013 et celle du 9 juin 2015, chaque formation a statué dans une composition différente, puisqu'un des trois juges consulaires était différent dans chacune d'entre elles.
Il ressort par ailleurs de la chronologie procédurale que la société NGK savait, dès le 10 septembre 2013, que l'affaire était renvoyée devant la 8e chambre du tribunal, puis avait été appelée à 5 reprises devant cette chambre, sans que la société NGK n'ait réagi, ne demandant le renvoi devant une autre chambre que le 12 septembre 2014. Enfin, la société NGK n'a pas davantage engagé une action en récusation ou en suspicion légitime, lorsqu'elle a appris que sa demande était rejetée.
Aucun manquement à l'impartialité objective ne saurait dès lors être imputé aux juges ayant rendu le jugement entrepris. Aucun indice de défaut d'impartialité subjective ne ressort par ailleurs des documents versés aux débats, ni de la lecture même du jugement, qui procède sans parti pris apparent, et de façon motivée, à l'analyse de tous les moyens en défense.
Sur les exceptions de procédure
La société NGK prétend que le tribunal de commerce aurait refusé de statuer sur ses exceptions de procédure.
Mais le tribunal de commerce a estimé, dans son jugement du 7 octobre 2014, que les exceptions de litispendance, de connexité, de sursis à statuer et d'irrecevabilité soulevées par la société NGK avaient déjà été jugées par la Cour d'appel de Paris et rejetées par elle et en a conclu, de même, à leur rejet, sans juger avoir lieu de statuer lui-même au fond, mais sans le mentionner au dispositif du jugement. Saisi d'une requête en rectification d'erreur matérielle pour réparer cette omission, le tribunal de commerce l'a rejetée dans un jugement du 17 mars 2015, au motif erroné qu'il s'agissait d'une mesure d'administration judiciaire, le jugement ayant été rectifié dans un jugement du 31 mars 2015.
Si le jugement du 9 juin 2015 se réfère improprement au jugement du 17 mars pour dire que le tribunal a examiné la recevabilité des exceptions, alors que c'est le jugement du 7 octobre 2014 qui s'y est livré, il résulte de la succession de ces jugements que le tribunal a véritablement examiné ces points et les a, à juste titre, considérés comme déjà tranchés par la cour d'appel.
Ces imprécisions et inexactitudes ne sauraient, dès lors, entraîner la nullité desdits jugements entrepris, la société NGK ne faisant par ailleurs valoir aucun grief.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement du 9 juin 2015 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer à nouveau sur ces demandes et les a rejetées.
Sur les vices de forme ayant affecté les jugements entrepris
Si la société intimée reconnaît que jusqu'à l'audience du 9 mars 2015 sur le fond, les débats ont eu lieu en l'absence d'un greffier, il y a lieu de constater que l'huissier assistait aux audiences des 9 et 23 mars 2015, ainsi qu'à celle du 9 juin 2015.
Si elle prétend que certaines de ses déclarations n'ont pû être consignées, en l'absence de greffier, elle n'en rapporte pas la preuve ni que cette abstention ait porté atteinte à ses droits de la défense.
Par ailleurs, si elle excipe de l'article 454 du Code de procédure civile, qui énonce que la date du jugement et le nom des avocats sont mentionnés dans le jugement, pour relever la contradiction entre la date du jugement au fond, du 9 juin 2015 alors qu'en fin de jugement la date du 2 juin 2015 est mentionnée, ce qui équivaudrait à une absence de date, il convient de souligner que la date du 2 juin est la date du délibéré, le 9 juin étant bien la date à laquelle le jugement a été rendu, sans qu'aucune contradiction ne puisse en résulter.
Enfin, si le jugement du 9 juin mentionne à tort que Maître Schaffner aurait assisté la société NGK lors de l'audience, alors que cette dernière était assistée par son associé, la société appelante n'explique pas en quoi il aurait ainsi été porté atteinte à ses droits de la défense.
Ces moyens seront donc rejetés.
Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Sifam
La société NGK soutient que la demande de livraison de la société Sifam des 8 avril 2013 et 30 juin 2014, qui se heurtait au principe de l'autorité de chose jugée et de concentration des moyens, aurait dû être déclarée irrecevable par le tribunal de commerce.
En effet, cette demande ne serait pas nouvelle au sens de l'article 565 du Code de procédure civile, puisque la société Sifam l'aurait déjà formulée lors du précédent litige, ayant donné lieu au jugement du 28 mai 2013.
La société Sifam soutient que ses demandes de livraison des bougies sont recevables et ne se heurtent pas au principe de l'autorité de la chose jugée.
Si les demandes de la société Sifam relatives aux commandes des 16 octobre et 13 décembre 2006 ont fait l'objet de demandes en injonction de livrer et de provision à valoir sur le préjudice, sur lesquelles le jugement du 28 mai 2013 a statué et si celles relatives aux commandes des 8 avril 2013 et 30 juin 2014 tendaient aux mêmes fins de livraison et de provision, sur lesquelles le jugement du 9 juin 2015 a statué, elles portent sur des pratiques commerciales distinctes, de sorte qu'il ne peut être opposé à la société Sifam le principe de concentration des moyens qui aurait dû la conduire à formuler toutes ses demandes dans le premier litige. De même, aucune irrecevabilité fondée sur l'autorité de la chose jugée ne saurait lui être opposée s'agissant des demandes afférentes aux commandes des 8 avril 2013 et 30 juin 2014, demandes nouvelles dont le tribunal n'avait pas été saisi dans le précédent litige ayant donné lieu au jugement du 28 mai 2013.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette fin de non-recevoir, en soulignant que les demandes de la présente instance sont différentes de celles qui ont été tranchées dans le dispositif du jugement du 28 mai 2013 et en rappelant que cette exception avait, au demeurant, été déjà écartée par l'arrêt de la cour d'appel de céans du 5 juin 2014, statuant en ces termes : " la prétention portant sur la commande objet du litige soumis au juge des référés n'a pas été soumise au juge du fond, saisi par assignation du 28 novembre 2008 (...) d'un abus de position dominante constitué par des refus de vente portant sur des commandes antérieures et (...), d'autre part, la demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice est relative à une période postérieure à celle pour laquelle le préjudice a été indemnisé par le jugement du 28 mai 2013 ".
Sur les conséquences de l'arrêt de la cour d'appel de céans du 16 décembre 2015 sur la demande de la société Sifam de livraison sous astreinte ou de dommages-intérêts pour abus de position dominante de la société NGK.
La société NGK soutient en premier lieu que, dans son jugement du 9 juin 2015, le tribunal a fait injonction à la société NGK de livrer les commandes de la société Sifam des 8 avril 2013 et 30 juin 2014, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, en se prévalant essentiellement de son précédent jugement du 28 mai 2013 par lequel il avait condamné la société NGK pour abus de position dominante du fait de son refus de livrer ses produits à la société Sifam. Or, par son arrêt du 16 décembre 2015, confirmé par la Cour de cassation, la Cour de céans a infirmé le jugement du 28 mai 2013 dans son intégralité, considérant que le refus de vente opposé début 2007 n'était pas constitutif d'abus de position dominante et qu'après l'engagement de la procédure devant le juge italien, la société NGK pouvait légitimement refuser de livrer ses produits à Sifam. Elle conclut donc qu'elle n'a commis aucun abus de position dominante en refusant de livrer la société Sifam début 2007 et le refus de vente étant par la suite, en tout état de cause, justifié par une raison objective, elle ne saurait être, contrairement à ce qu'a jugé, à tort, le tribunal, dans son jugement du 9 juin 2015, en situation de " récidive judiciaire " du fait de son refus de livrer la société Sifam en 2013 puis en 2014. De plus, elle estime qu'elle devra être indemnisée du préjudice qu'elle a subi du fait de la contrainte d'entrer en relations contractuelles sous astreinte avec la société Sifam.
Mais le jugement entrepris du 9 juin 2015 a repris la motivation du jugement du 28 mai 2013 qui avait estimé que les refus de vente de la société NGK constituaient des abus de position dominante et qu'en réitérant ces refus de vente en 2013 et en 2014, cette société se trouvait dans une situation de " récidive judiciaire ".
Cette motivation est en partie invalidée par l'arrêt de la cour d'appel qui a infirmé ce jugement. Il convient donc d'écarter le terme de " récidive " et de procéder à une nouvelle analyse des pratiques de la société NGK sans se référer à la qualification donnée aux pratiques antérieures au jugement infirmé, et sans que la cour soit liée par l'appréciation des refus de livrer donnée dans l'arrêt du 16 décembre 2015, aucune autorité de chose jugée ne pouvant s'y attacher, s'agissant de refus de vente nouveaux, distincts dans le temps, dont la cour est aujourd'hui saisie.
Sur l'appréciation des refus de vente au regard des pratiques anticoncurrentielles
La société NGK reprend l'arrêt de la cour d'appel de céans, du 16 décembre 2015, confirmé par la Cour de cassation le 21 juin 2017, qui a jugé que le refus de vente était justifié par les actions en contrefaçon menées par la société NGK contre la société Sifam et que le refus opposé avant ces actions en contrefaçon n'était pas abusif, dès lors qu'il était dépourvu de tout effet sur le marché, en l'absence de cloisonnement du marché, d'éviction de la société Sifam, d'atteinte aux intérêts des consommateurs et d'affectation du fonctionnement du marché national et intérieur.
La société Sifam soutient, en page 25 de ses conclusions, que le fait, pour la société NGK, qui détient une position dominante en France et en Europe et dans le monde, de refuser de livrer, sans raison objective, une entreprise, afin de l'écarter du marché et le refus de collaborer de manière positive avec un nouveau distributeur professionnel solvable, constitue une faute et un abus de position dominante passibles des sanctions visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et L. 442-6 du même code.
Sur l'application du droit européen de la concurrence
L'article 101, alinéa 1 du TFUE prévoit que " Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à:
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,
b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,
c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement,
d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats ".
L'article 102 du TFUE dispose qu'" est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ".
Les articles 101 et 102 du TFUE s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d'entreprises qui sont " susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ", et ce " de façon sensible ".
L'accord de distribution sélective signé entre la société NGK Spark Plugs France et ses distributeurs est un accord vertical qui ne concerne que les distributeurs français et qui ne couvre que le territoire français. Mais les systèmes de distribution sélective sont susceptibles en eux-mêmes d'affecter le commerce intracommunautaire, compte tenu de leur nature restrictive de concurrence ainsi que l'a souligné la Commission européenne dans sa décision du 24 juillet 1992 (société Parfums Givenchy SA - 92/428/CEE).
En outre, en application des paragraphes 86 et suivants des lignes directrices de la Commission relatives à l'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (devenus 101 et 102 du TFUE), la limitation du nombre de distributeurs inhérente au système de distribution sélective et les refus d'agrément discriminatoires, surtout s'ils affectent des opérateurs réalisant des exportations et des importations en Europe, affectent nécessairement les courants d'échanges entre la France et les autres Etats membres. Par ailleurs, " Lorsqu'une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté. (...) " (§ 93).
Les refus de vente allégués sont le fait d'un opérateur dominant et sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats-membres puisqu'ils contribuent au verrouillage du marché national en empêchant un grossiste exportateur et importateur de bougies sur la totalité du marché européen, d'acheter des bougies de la marque NGK et de faire jouer la concurrence intramarque.
L'appréciation du caractère sensible de l'affectation du commerce dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause (§ 45 des lignes directrices). Toutefois, dans les lignes directrices citées plus haut, la Commission a posé le principe selon lequel un accord ne peut affecter sensiblement le commerce entre États membres si la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l'accord n'excède pas 5 % et si le chiffre d'affaires annuel total réalisé dans la Communauté par le fournisseur avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros. A contrario, les accords affectant plus de 5 % du marché communautaire en cause ou sur lequel le fournisseur réalise au moins 40 millions d'euros de chiffre d'affaires sont présumés affecter sensiblement, sauf preuve contraire à rapporter par les parties, le commerce intra-communautaire.
En l'espèce, les pratiques en cause couvrent la totalité du territoire français, partie substantielle du marché européen. Sur ce marché, la société NGK Spark Plugs France représente plus de 5 %. En outre, le chiffre d'affaires réalisé par la société NGK Spark Plugs France sur le marché communautaire s'établissait à plus de 40 millions d'euros. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d'avoir affecté sensiblement le commerce intra-communautaire et peuvent donc être qualifiées au regard des articles 101 et 102 du TFUE.
L'affectation sensible n'est d'ailleurs pas contestée par les parties.
Il convient donc de conclure à l'application du droit européen de la concurrence.
Sur la définition du marché pertinent
Ainsi que l'a relevé le Conseil de la concurrence dans sa décision 06-D-22, " Tous les moteurs à explosion comportent une ou plusieurs bougies d'allumage. Toutefois, la très grande diversité des moteurs à explosion explique l'existence de bougies spécifiques en fonction des types de moteurs considérés. En ce qui concerne les véhicules deux roues, les bougies d'allumage adéquates se distinguent de celles utilisées pour les autres véhicules et notamment les automobiles. Cette distinction se fonde sur des facteurs techniques tels que l'existence de moteurs compacts et de régimes de rotation plus élevés pour les deux roues (généralement moteurs sans soupape, à "2 temps") " (§ 2). " On distingue le marché des bougies de "première monte", qui correspond aux bougies qui sont initialement installées sur les véhicules par les constructeurs, du marché de "seconde monte", qui correspond aux bougies de rechange. Lorsque la bougie est usagée, l'utilisateur du véhicule peut changer celle-ci lui-même ou s'adresser à un garage pour effectuer l'opération " (§ 3).
Il n'est donc pas contesté que les pratiques se sont déroulées sur le marché national des bougies d'allumage pour deux roues de seconde monte, les bougies d'allumage pour les moteurs deux roues n'étant pas substituables aux bougies conçues pour d'autres moteurs, compte tenu de leur spécificité technique, et les bougies de rechange ou de " seconde monte " n'étant pas substituables aux bougies de " première monte ".
Plus particulièrement, les marchés pertinents affectés par les pratiques examinées sont le marché de gros des bougies d'allumage de rechange pour deux roues sur lequel les fabricants offrent les bougies à des entreprises intermédiaires (grossistes, distributeurs) (marché amont), et celui où les distributeurs les commercialisent aux détaillants (marché aval).
Sur l'entente
Selon l'article L. 420-1 du Code de commerce, " Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".
Un système de vente visant à réserver la distribution des produits commercialisés à certains revendeurs ne peut être admissible, au regard des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce que s'il est justifié par les nécessités d'une distribution adéquate des produits en cause, s'il est fondé sur des critères objectifs de nature qualitative, s'il n'a pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature une ou plusieurs formes de distribution, s'il n'est pas appliqué de façon discriminatoire et s'il n'entrave pas la liberté des revendeurs de déterminer leur politique commerciale.
La pratique de discrimination consiste à traiter de manière différente des situations identiques ou de manière identique des situations différentes. Un réseau de distribution sélective ne peut se fonder, dans le choix des distributeurs agréés, sur une discrimination négative ou positive. Alors que la discrimination négative consiste dans le refus du fournisseur d'agréer un distributeur qui répond aux exigences de sélection, la discrimination positive consiste à livrer des distributeurs qui ne satisfont pas aux critères de sélection.
En droit de l'Union, et le droit national suivant cette solution, les refus d'agrément discriminatoires ou injustifiés, ne constituant pas des " restrictions caractérisées ", sont couverts par les seuils de minimis et le règlement d'exemption. Selon le règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, si le fournisseur détient une part de marché inférieure à 30 %, la pratique est automatiquement exemptée au titre de l'alinéa 3 de l'article 101 du TFUE.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la part de marché de la société NGK est supérieure à 50 %. Aucune exemption automatique ne peut donc jouer.
Il convient donc d'examiner si les pratiques de refus de vente équivalentes à un refus d'agrément de la société NGK à l'égard de la société Sifam constituent une entente anticoncurrentielle.
Il ressort de l'instruction que les refus de vente opposés à la société Sifam, non fondés sur des critères objectifs, constituent une discrimination.
En effet, il résulte du rapport administratif d'enquête de la DIRECCTE que la société NGK a mis en œuvre des pratiques consistant à refuser la vente de bougies NGK à la société Sifam et à refuser de l'agréer, sans justification objective, ni légitime, et, cela, depuis 1994 et jusqu'en 2001. Les enquêteurs ont conclu que le réseau mis en place par NGK " (pouvait difficilement être qualifié de sélectif dès lors que la revente des produits à des revendeurs non agréés (était) pratique courante et interv(enait) avec l'assentiment au moins tacite du fournisseur ". En outre, ils ont relevé que les conditions d'agrément exigées pour entrer dans le réseau de distribution NGK étaient facilement remplies, ainsi que les distributeurs agréés entendus par les enquêteurs avaient tous déclaré, les conditions d'achat minimum paraissant être les seules conditions véritablement importantes.
Les conclusions de ce rapport, relatif à une période antérieure, ne sont pas sérieusement remises en cause par les parties, au titre des années 2013 et 2014.
Les refus opposés à la société Sifam ne sont fondés sur aucun des critères prétendus de sélection (qualité du point de vente ; seuils d'achat...). Il s'agit donc d'une discrimination négative.
Ces refus discriminatoires, réitérés au moins une fois dans la période en question, ont eu pour objet et pour effet d'évincer de la distribution des bougies de seconde monte NGK la société Sifam, classée à l'époque comme le cinquième distributeur français de pièces détachées et accessoires pour deux roues, en terme de chiffre d'affaires.
Même si aucun élément du dossier ne permet d'établir que la société NGK verrouille le marché national, chaque distributeur français agréé pouvant librement approvisionner des distributeurs détaillants ou grossistes en Europe, il ressort des déclarations de chacun de ces distributeurs agréés français que de facto, ils ne s'approvisionnent eux-mêmes qu'auprès de NGK France, et non auprès de NGK Italie ou d'autres filiales européennes de NGK, et qu'aucun détaillant ou grossiste situé hors de France ne vient leur acheter des bougies NGK.
Il en résulte un verrouillage de fait des marchés nationaux, que seuls des opérateurs, tels Sifam, sont de nature à remettre en cause, puisqu'en exportant ou important ces bougies, ils font jouer la concurrence inter et intramarques.
La société NGK est donc responsable d'une entente anticoncurrentielle, pour laquelle elle ne tente pas d'obtenir une exemption sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 101 du TFUE ou de l'article L. 420-4 du Code de commerce.
Elle a donc enfreint les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
Sur l'abus de position dominante
Selon l'article 420-2 du Code de commerce, " Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ".
La définition du marché pertinent et la position de la société NGK sur ce marché ne font pas l'objet de débats.
La société NGK est en position dominante sur le marché français amont des bougies d'allumage pour deux-roues de seconde monte. Ses bougies équipent 80 % du marché deux roues japonais en première monte. Or, les professionnels et particuliers ont tendance, lors des opérations de révision et d'entretien des véhicules, à remplacer des bougies d'origine (première monte) par des bougies de même marque (deuxième monte), souvent préconisées par les constructeurs. La société NGK détient donc plus de 50 % des parts du marché pertinent. En outre, elle est un leader technologique de ce marché, de sorte que ses produits et sa marque sont incontournables et non substituables pour les distributeurs interrogés, en 2010, par la DIRECCTE. La bougie de seconde monte NGK est un produit indispensable dans l'inventaire des distributeurs d'accessoires pour deux roues comme la société Sifam.
Si l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucune pratique anticoncurrentielle, cette situation impose à l'entreprise concernée une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée sur le marché intérieur de l'Union
Si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, on ne peut, cependant, admettre de tels comportements lorsqu'ils ont pour objet d'exploiter de manière abusive cette position dominante.
Afin d'établir le caractère abusif d'une pratique d'éviction, il suffit de démontrer l'existence d'un effet anticoncurrentiel potentiel sur le marché de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l'entreprise en position dominante.
Un fournisseur reste libre de déterminer les conditions de commercialisation de ses produits. Un refus de fournir des marchandises ou des services nécessaires à l'exercice des activités d'une entreprise, qu'elle soit directement concurrente ou tiers, est abusif, si ce refus est de nature à éliminer toute concurrence et s'il ne peut être objectivement justifié.
Une entreprise, même dominante, a le droit de prendre les mesures raisonnables qu'elle estime appropriées pour protéger ses intérêts commerciaux, à condition que son comportement soit proportionné à la menace et ne vise pas à renforcer sa position dominante ou à en abuser.
Les refus de vente de la société NGK sur le marché pertinent (le marché des bougies d'allumage pour deux roues de seconde monte) sont de nature à exclure du marché un opérateur tel que la société Sifam, qui, par sa politique commerciale d'exportation et d'importation, anime la concurrence en Europe, alors que le système de distribution mis en place par la société NGK verrouille chaque marché national en implantant une filiale dans chaque Etat membres qui approvisionne des grossistes agréés, ceux-ci ayant déclaré aux services de la DIRECCTE qu'ils ne s'approvisionnaient pas auprès des filiales européennes de NGK. Il n'existe en effet aucun produit de substitution des bougies NGK et l'achat auprès des distributeurs agréés en France ne peut être réalisé à des tarifs aussi intéressants qu'auprès de NGK France, ce que la société intimée démontre, en versant un tableau comparatif des prix unitaires hors-taxes pratiqués par NGK France et ceux de ses distributeurs agréés, d'où il ressort que les tarifs directement consentis par le fabricant sont beaucoup plus avantageux que ceux opérés par les distributeurs agréés. Les refus de vente sont donc susceptibles d'avoir pour effet de restreindre la concurrence effective sur le marché français des bougies d'allumage de seconde monte de la marque NGK, et de causer, finalement, un préjudice au consommateur.
Les refus de vente opposés par la société NGK en 2001, 2002 et 2007, en 2013 et 2014 ne sont pas objectivement justifiés, les motifs invoqués étant d'ailleurs contradictoires et fluctuants dans la chronologie des faits.
Il a d'abord été soutenu que la société Sifam ne répondait pas aux critères de sélection du réseau, alors qu'il ressort de l'enquête de la DIRECCTE que ces critères étaient très flous, comme il a été vu supra et que beaucoup de ventes hors réseau étaient tolérées. La société NGK ne peut donc se retrancher derrière les règles de son réseau de distribution sélective pour expliquer et exonérer ses refus d'agrément et de vente.
Le motif avancé ensuite, relatif à des pratiques de contrefaçon de marques imputées à la société Sifam en Italie, ne constitue pas un motif légitime de refus.
L'approvisionnement auprès du distributeur américain constitue une conséquence du refus d'approvisionnement opposé par NGK France à Sifam et n'est invoqué qu'a posteriori à titre artificiel. Or, la nécessité de se défendre contre des pratiques déloyales de concurrents ou de clients ne constitue jamais un facteur justificatif de pratiques anticoncurrentielles, l'opérateur devant se contenter de saisir les juridictions compétentes.
La société NGK ne fait au surplus pas état de commandes " déraisonnables " de la société Sifam, qui seraient de nature à justifier ses refus de vente.
Il convient donc de juger que les refus de vente de 2013 et 2014, seuls en cause dans le présent litige, opposés à la société Sifam par la société NGK, constituent également des pratiques d'abus de position dominante, contraires aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE.
Lorsqu'une entreprise en position dominante fait valoir que le comportement qui lui est reproché est objectivement justifié, il lui incombe de démontrer le bien-fondé d'une telle justification objective, au moyen d'arguments et d'éléments de preuve convaincants.
Les arguments avancés par la société NGK en défense ne résistent pas à examen.
En premier lieu, la circonstance que la société NGK n'interdisait pas formellement aux distributeurs de s'approvisionner auprès d'autres sociétés NGK, ce que d'ailleurs elle ne pourrait faire sans enfreindre le droit des ententes, n'exonère en rien le refus opposé à la société Sifam par la société NGK France, qui a un effet sur un opérateur qui pourrait stimuler la concurrence intracommunautaire. Il ressort d'ailleurs au contraire du rapport de la DIRECCTE et de certaines déclarations de distributeurs que des obstacles à l'approvisionnement du marché français auprès de filiales européennes existaient, tant en fait qu'en droit.
En deuxième lieu, les bougies NGK sont incontournables, ainsi qu'il ressort des conclusions du rapport de la DIRECCTE. La majorité des véhicules deux roues en sont équipés en première monte, et présentent des caractéristiques techniques qui les rendent difficilement substituables ; elles sont remplacées, en seconde monte, par des bougies de la même marque. Leur présence dans l'offre des distributeurs est donc indispensable, ainsi qu'ils en ont eux-mêmes témoigné auprès des enquêteurs. Ainsi l'intégralité des distributeurs interrogés atteste, non seulement que les clients réclament quasi exclusivement la marque NGK pour les bougies de seconde monte, mais encore que la demande est élevée pour ce produit, de sorte qu'il constitue un véritable produit d'appel dans l'inventaire des distributeurs.
En troisième lieu, le consommateur est nécessairement victime d'une raréfaction de l'offre, qui diminue la concurrence entre les produits qui lui sont proposés. La société Sifam verse aux débats un tableau attestant que parmi les 5 références des bougies d'allumage les plus vendues, le prix public des bougies NGK proposées par elle est inférieur au prix pratiqué par un concurrent grossiste agréé, démontrant par-là que le consommateur a un intérêt à la préservation de la concurrence sur le marché de gros.
En quatrième lieu, la circonstance qu'un seul opérateur soit directement affecté par une pratique n'exonère pas celle-ci de la qualification de pratique anticoncurrentielle, dès lors que celle-ci a un objet ou un effet potentiel ou effectif sur la concurrence.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que les refus de livrer les commandes de la société Sifam du 8 avril 2013 et du 30 juin 2014 constituaient des pratiques d'abus de position dominante de la société NGK, contraires aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE.
Sur l'indemnisation de la société Sifam
La société NGK soutient que le préjudice retenu par le tribunal de commerce n'est pas fondé, comme l'aurait confirmé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 16 décembre 2015, approuvé par la Cour de cassation, et que son évaluation est, en tout état de cause, contestable.
D'une part, le préjudice n'est pas prouvé par la société Sifam, dès lors que le tribunal de commerce s'est fondé sur le jugement du 28 mai 2013, qui a été infirmé dans son intégralité. Ainsi, en l'absence de préjudice sur la période 2008-2013, il n'y a pas de préjudice sur la période du 4 juillet 2013 au 15 mars 2014. Le quantum du préjudice a été surévalué par le tribunal, qui a commis plusieurs erreurs en retenant la marge de l'année 2006, nettement supérieure à celle des autres années, en réparant intégralement, et non partiellement, une perte de chance, en indemnisant deux fois un même préjudice et en pratiquant un taux d'abattement de 15% qui est insuffisant pour tenir compte du volume réel des ventes, par la société Sifam, de bougies de substitution.
La société Sifam soutient que les refus de livraison des années 2013 et 2014 ont affecté l'ensemble de son activité commerciale de distribution de pièces détachées et d'accessoires propres à son commerce. Elle conteste la critique de la société NGK sur la méthode adoptée par le tribunal de commerce pour évaluer le préjudice, et accepte de soumettre si nécessaire les rapports établis par le cabinet Sodatec à un expert nommé par la cour.
Le tribunal de commerce a évalué le préjudice de la société Sifam sur la base du calcul déjà effectué dans le précédant jugement du 28 mai 2013, pour la période commençant le 4 juillet 2013 et se terminant 15 mars 2015.
Toute victime d'une pratique anticoncurrentielle peut en obtenir réparation. Elle doit rapporter la preuve que cette pratique est constitutive d'une faute à l'origine du dommage, la preuve de l'existence d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage. Le lien de causalité constitue une articulation en soi de la responsabilité, distincte et de la faute et du préjudice. Il ne suffit donc pas que soient constatés la faute et le dommage, il faut encore que le lien de cause à effet qui les unit soit établi de façon expresse.
La faute découle ici de la violation, par la société NGK, des articles 101 et 102 du TFUE et des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.
La société Sifam demande à la cour de condamner la société NGK à lui payer la somme de 193 246 euros, correspondant à sa marge perdue sur 626 jours ouvrables (24 mois), calculée sur la base de la marge réalisée par elle en 2006 avec les bougies en provenance des Etats Unis, soit 343 euros par jour ouvrable (343 X 626), cette somme étant réduite de 10 % pour prendre en compte la marge réalisée avec les bougies de substitution.
Elle verse aux débats un rapport d'expertise établi par la société Sodatec, cabinet d'expertise comptable, daté du 23 septembre 2015. Ont été relevées toutes les factures d'achat de bougies NGK au cours de l'année 2006 et leur prix d'achat a été comparé à leur prix de vente, pour calculer la marge réalisée par Sifam, pondérée de 47,5 % afin de ne retenir que la marge commerciale, ce qui aboutit au calcul de 343 euros par jour ouvrable.
La cour approuve cette méthode de calcul, dont la robustesse s'allie à la simplicité.
Mais la société NGK expose à juste titre que le choix de l'année 2006 pour calculer la marge est trop favorable à la société Sifam, car elle est calculée sur des bougies importées dans l'illégalité et donc probablement vendues à des prix très bas. La cour approuve également l'argument de NGK, selon lequel un abattement supplémentaire devrait être pratiqué du fait que le préjudice calculé est affecté d'un certain aléa et constituerait une perte de chance.
Mais la cour prend en compte la circonstance que la demande de la société Sifam est minorée par rapport aux dommages réellement subis. En effet, l'expert évalue à 640 000 euros par an le chiffre d'affaires perdu par Sifam sur d'autres articles que les bougies, pour lequel la société intimée ne demande pas de dommages-intérêts. La prise en compte de ce poste aurait majoré le calcul du préjudice.
La cour estime donc que les deux points invoqués par NGK, de nature à minorer le préjudice calculé par Sifam, sont compensés par l'effet majorant non pris en compte, par cette société, attaché à la non-intégration, dans ce calcul, des ventes perdues par Sifam, en dehors des bougies.
La société NGK soutient aussi que la période retenue dans l'évaluation du préjudice ferait double emploi avec celle du précédent jugement. Mais cet argument sera écarté, ce jugement ayant été infirmé par la cour d'appel et aucun préjudice n'ayant, de ce fait, été indemnisé.
Enfin, les ventes de bougies concurrentes vendues pendant la période concernée auraient dû, selon NGK, générer un abattement de plus de 10 %, celui retenu par le tribunal et l'expert.
Mais la cour estime que cette sous-évaluation n'est pas suffisamment démontrée, la société NGK se fondant sur un stock de bougies contrefaisantes très important en janvier 2008 qui révèlerait que la société Sifam aurait pu vendre ces bougies et donc percevoir des marges sur elles pendant une période plus longue que celle calculée dans le cadre de l'expertise privée. Or, le sort de ce stock, et son éventuel écoulement n'est pas établi.
La cour disposant des éléments nécessaires pour statuer, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire.
La cour condamne la société NGK à payer à la société Sifam la somme de 193 246 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris.
Sur la procédure abusive
La société NGK soutient que le tribunal de commerce n'a pas motivé la condamnation de la société NGK pour procédure abusive et que cette condamnation n'est, en tout état de cause, pas justifiée.
En premier lieu, le tribunal a estimé que la prétendue remise tardive de conclusions justifiait la condamnation de la société NGK à verser à la société Sifam la somme de 100 000 euros au titre de la procédure abusive et dilatoire. Or le tribunal, qui ne donne pas d'autres précisions sur le nombre de renvois ou leurs dates et la circonstance de leur intervention, n'a pas motivé sa décision.
En second lieu, la société NGK n'a pas exercé de recours artificiels, dès lors qu'elle n'a fait que se défendre contre la société Sifam et que son action, qui n'était pas manifestement infondée, était dépourvue d'intention de nuire et n'excédait pas manifestement ses droits légitimes à se défendre.
La cour infirme donc le jugement entrepris sur ce point, aucune procédure abusive ne pouvant être imputée à la société NGK, qui a fait valoir ses propres moyens de droit, les seuls délais de procédure ne pouvant en soi constituer cet abus.
Sur la demande reconventionnelle de la société NGK en résolution du contrat de distribution
La société NGK soutient que la cour doit se prononcer sur la résolution judiciaire du contrat de distribution du 23 juin 2015 et des conventions commerciales conclues en son application. En effet, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 décembre 2015, confirmé par la Cour de cassation, a infirmé le jugement du tribunal de commerce qui contraignait la société NGK à entrer en relations contractuelles avec la société Sifam. De plus la société Sifam doit restituer les stocks de produits de la société NGK et se voir interdire de se prévaloir de la qualité de distributeur de la société NGK.
La société Sifam prétend que la demande de la société NGK d'obtenir la résolution judiciaire du contrat de distribution est irrecevable, car nouvelle en appel.
Cette demande, qui tend à prononcer la résolution du contrat de distribution conclu pour exécuter le jugement dont appel, est nouvelle en cause d'appel.
Elle résulte toutefois de l'évolution du litige et est donc recevable. Mais elle sera rejetée au fond, le jugement entrepris étant confirmé en grande partie et les injonctions de livrer prononcées n'étant pas annulées.
Sur la demande reconventionnelle en réparation du préjudice subi par la société NGK du fait de l'exécution du jugement infirmé
La société NGK soutient que la société Sifam doit l'indemniser de son préjudice résultant de l'exécution dommageable du jugement au fond du 9 juin 2015. La société NGK a subi un préjudice dans la mesure où elle a été contrainte d'entrer en relations contractuelles avec la société Sifam.
Mais le jugement entrepris étant confirmé dans sa majeure partie, cette demande sera rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de la société NGK de condamnation de la société Sifam pour procédure abusive
Si la société NGK soutient que la société Sifam a persisté en ses demandes, allant jusqu'à pratiquer des saisies attributions, malgré l'infirmation du jugement du tribunal de commerce du 28 mai 2013, la société Sifam réplique à juste titre qu'on ne peut lui reprocher d'avoir commis une faute en exécutant le jugement du 9 juin 2015 qui était assorti de l'exécution provisoire.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société NGK, succombant au principal, sera condamnée à supporter les dépens et à payer à la société Sifam la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la communication de l'arrêt
Il y a lieu, pour l'application du 2 de l'article 15 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne (devenus articles 101 et 102 du TFUE), et conformément à l'article R. 470-2 du Code de commerce, de faire notifier cet arrêt par le greffe de la cour à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Par ces motifs : LA COUR, rejette les exceptions de nullité des jugements ; confirme les jugements entrepris, sauf le jugement du 9 juin 2015 en ce qu'il a alloué à la société SCPI Société de commercialisation de produits industriels Sifam Trading la somme de 130 000 euros en réparation de son préjudice, et celle de 100 000 euros pour résistance abusive ; l'infirme sur ces deux points, et, statuant à nouveau, condamne la société NGK Spark Plugs France à payer à la société Sifam la somme de 193 246 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ; déboute la société Sifam de sa demande pour procédure abusive ; déboute les parties du surplus de leurs demandes ; rejette la demande d'expertise ; y ajoutant, dit que les refus de vente litigieux sont contraires aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TUE ; condamne la société NGK Spark Plugs France aux dépens de l'instance ; la condamne à payer à la société Sifam la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que cet arrêt, qui statue sur le fondement des articles 101 et 102 du TFUE, sera notifié par le greffe de la Cour à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie, par lettre recommandée avec accusé de réception.