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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 28 juin 2017, n° 15-21316

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Goubault

Défendeur :

Rapporteure de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Taze Bernard, Chneiweiss, Tardif, Buy

CA Paris n° 15-21316

28 juin 2017

Faits et procédure

Le 11 septembre 2015, le juge des libertés et de la détention de Paris (ci-après JLD), a rendu en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

Materne (groupe Mom), adresse [...], 69570 Dardilly, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses,

Andros, zone industrielle, 46130 Biars-sur-Cere et les sociétés du même sises à la même adresse,

Charles Z

Monteux,

Valade, ZI du Verdier et/ou adresse [...], 19210 Lubersac,

Novandie (groupe Andros), lieu-dit Telifau, 28700 Auneau, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

Delis et Vergers de Chateaubourg " Unifruit " (groupe Lactalis), adresse [...] 65 220 Chateaubourg, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " Delis "

Groupe Lactalis 10 à adresse [...], 53000 Laval et Les Placis, 35230 Bourgbarré, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, ci-après " Lactalis "

Conserves France, 556 chemin du Mas de Cheylon, 30000 Nîmes, ci-après " Conserves France " et " Saint Mamet "

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence (ci-après " ADLC ") aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2°et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Cette requête concernait le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes et était consécutive à la demande de clémence d'une entreprise présentée par son conseil, le 28 janvier 2014, au rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence.

A l'appui de cette requête étaient joints une liste de 33 pièces ou documents en annexe.

Qu'il était allégué d'informations selon lesquelles les entreprises susvisées auraient convenu, d'une part, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse par l'imposition de hausse tarifaires à l'occasion d'appels d'offres lancés par leurs clients constitués des grandes et moyennes surfaces de la distribution (ci-après " GMS ") et de la restauration hors foyer (ci-après " RHF "), d'autre part, de se répartir les marchés, et ce, en violation des articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du TFUE.

Sur la base de ces éléments, le JLD de Paris a délivré une ordonnance de visite et de saisie à l'encontre des sociétés Materne, Andros, Z, Valade, Novandie, Delis et Vergers de Chateaubourg, Groupe Lactalis et Conserves France, autorisant les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence à rechercher dans les locaux des sociétés précitées, les documents utiles à l'apport de la preuve recherchée et a donné commission rogatoire aux JLD de Carpentras, Nimes, Rennes, Lyon, Brive la Gaillarde, Cahors, Chartres et Laval territorialement compétents dans les ressorts desquels lesdites opérations devaient s'effectuer.

Les opérations se sont déroulées simultanément dans plusieurs locaux de la société Z et une réunion a été fixée les 14 et 15 octobre 2015 afin de procéder à l'extraction des documents confidentiels figurant dans un scellé provisoire. Un scellé définitif a été réalisé.

L'audience s'est déroulée le 15 mars 2017 et l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 24 mai 2017 et prorogée au 28 juin 2017.

Par déclaration en date du 28 septembre, la société Charles Z a formé un recours contre les opérations de visite et saisies autorisées dans les locaux de ladite société sis adresse [...] ZI la Tapy, 84170 Monteux,

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 14 mars 2017, la société Z fait valoir :

I) la nullité des opérations de visite et saisies réalisées dans les locaux de la société Charles Z

A) Les enquêteurs ont porté gravement atteinte aux droits de la défense en utilisant des méthodes incompatibles avec l'article 6 de la CESDH et le principe de loyauté dans la recherche des preuves

La société requérante réclame de l'application des droits de la défense et notamment de l'article 6 de la CESDH.

Il est soutenu que l'applicabilité de l'article 6 de la CESDH s'étend aux procédures pouvant incontestablement avoir des répercussions directes et importantes sur la vie privée de l'individu. Une jurisprudence de la CEDH est citée à l'appui de cette argumentation.

Tel est le cas d'une enquête de concurrence.

Par ailleurs, le droit de la concurrence étant considéré comme relevant de la matière pénale au sens de la CESDH, les principes consacrés à l'article 6 de la CESDH s'appliquent aux procédures menées par l'Autorité.

Par conséquent, les droits de la défense, tels que définis par l'article 6§3 de la CESDH, sont applicables en l'espèce et ce, dès l'origine de la procédure. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence aurait dû respecter les droits de la défense de la société Z pendant l'ensemble des opérations de visite et saisies.

1) L'insuffisance des informations fournies par les enquêteurs à leur arrivée sur les lieux

En droit :

La requérante fait valoir que les agents sont tenus de faire connaître clairement aux personnes présentes lors des opérations de visite et saisies leur identité et l'objet de leur enquête.

En effet, il s'agit d'une garantie du droit à un procès équitable et du droit de toute personne de ne pas participer à sa propre incrimination, lesquels imposent le respect du principe de loyauté dans la recherche de la preuve.

En fait :

En l'espèce, les enquêteurs n'ont pas décliné leur identité à leur arrivée, la société allant jusqu'à se méprendre sur l'objet de leur enquête, qui a été présentée comme " consommation, distribution, concurrence ".

Par ailleurs, le procès-verbal de déroulement des opérations de visite et saisies ne comporte que la mention pré-rédigée " Avons justifié de notre qualité et indiqué l'objet de notre enquête " sans que celui-ci ne soit décrit plus en détails. Il est argué que l'absence de mention spécifique de l'objet de l'enquête empêche la Cour d'appel d'exercer le contrôle, dont la charge lui incombe.

Contrairement à ce que prétend l'administration, cette mention a été remise en cause à de nombreuses reprises par les entreprises visitées. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Il est soutenu qu'un procès-verbal pré-rédigé ne peut en aucun cas suffire à satisfaire l'exigence de notification qui pèse sur les enquêteurs " au moment de la visite ".

De surcroît, cette première étape du déroulement des opérations de visite et saisies est fondamentale puisqu'elle donne le ton à toute la procédure. En effet, l'entreprise, n'ayant pas été informée de l'identité précise des enquêteurs ni de l'objet de l'enquête, est susceptible de se méprendre sur l'enjeu des opérations de visite et saisies, et ne peut ainsi assurer valablement sa défense.

Il est argué que si les enquêteurs avaient effectivement informé la société requérante de l'objet de l'enquête, les personnes présentes auraient pu informer les agents de l'administration, lorsque ceux-ci saisissaient des documents ou données ne portant pas sur la période visée (2010-2014), sur le secteur concerné (marché français des fruits découpés en coupelles et en gourdes), ou n'appartenant pas à la société Z ou ne concernant pas celle-ci.

Aussi, M. Mouraille, qui a été réquisitionné pour prendre le rôle de signataire pour l'Autorité de la concurrence, en tant que " seul cadre présent sur les lieux ", a pu être pris de court et ne pas pouvoir même lire ces mentions pré-rédigées.

S'ils avaient réellement souhaité notifier ses droits à M. Mouraille, les enquêteurs auraient dû procéder à une notification verbale de leur qualité et de l'objet de l'enquête.

En outre, les rapporteurs ont fait signer à M. Mouraille le procès-verbal de notification des ordonnances rendues par les JLD de Paris et Carpentras à 9h40, soit dès leur arrivée. Ils n'ont donc pas lui laissé le temps de les lire ou de tenter de les comprendre, alors que ces ordonnances, d'une longueur respective de 10 pages et 2 pages et rédigées dans un langage juridique, sont difficilement compréhensibles pour des personnes qui ne sont pas spécialistes de la matière juridique.

Il est soutenu que l'argumentation fondée sur la longue durée des opérations, qui aurait laissé à la société le temps de prendre connaissance de l'objet de l'enquête, ne saurait prospérer car il serait aberrant de considérer comme valable la notification de l'objet de l'enquête à l'issue de 15h d'opérations de visite et saisies.

Il en découle que les droits de la défense n'ont pas été respectés.

Par conséquent, il est demandé d'annuler les opérations de visite et saisies et d'écarter des débats toutes les déclarations et pièces recueillies dans le cadre de cette visite domiciliaire, lesquelles ne pourront aucunement être utilisées contre la société requérante.

2) Les enquêteurs ont procédé à des auditions sans informer les personnes entendues sur leurs droits

a) L'absence de notification du droit à l'assistance effective d'un avocat

En droit :

Il est soutenu que les personnes entendues dans le cadre des enquêtes de concurrence bénéficient de la protection des droits de la défense.

Par ailleurs, il est fait valoir que depuis le 3 juin 2016, l'article 61-1 du Code de procédure pénale est désormais expressément visé à l'article 450-4 du Code de commerce et applicables aux enquêtes de la concurrence.

Par conséquent, l'administration n'est pas fondée à prétendre que ces droits ne s'appliqueraient pas à MM. Goubault et Sanchez, dans la mesure où elle-même indique qu'il s'agirait de " personne[s] soupçonnée[s] d'avoir contrevenu aux règles du droit de la concurrence "

Dans ces conditions, les enquêteurs auraient dû notifier à MM. Goubault et Sanchez leurs droits avant de les entendre.

S'agissant plus particulièrement du droit à l'avocat, il est argué qu'afin que ce droit puisse être effectif, il est indispensable qu'il soit notifié à la personne qui doit pouvoir s'en prévaloir.

L'ADLC considère que la notification des ordonnances autorisant les opérations de visite et saisies est suffisante pour notifier le droit à l'assistance d'un avocat dans la mesure où celui-ci y figure.

Or, s'il est évident que la présence d'un conseil n'est pas obligatoire mais facultative, encore faut-il que ces personnes aient pu réellement faire ce choix. L'absence de notification orale du droit à l'assistance d'un avocat soulève des questions d'effectivité du recours à ce dernier dans le cadre d'opérations qui sont coercitives et perturbantes pour l'entreprise visitée.

En tout état de cause, si la notification orale du droit à l'assistance d'un conseil préalable au commencement des visites domiciliaires n'est jusqu'à présent pas garantie par les textes et la jurisprudence, il n'en est pas de même de la notification du droit à l'assistance d'un avocat avant toute audition.

En effet, l'article 61-1 du Code de procédure pénale prévoit que le droit à l'assistance à un avocat soit notifié avant que la personne ne soit entendue sur les faits qu'elle est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre. Ledit droit aurait donc dû être spécifiquement notifié avant toute audition.

Or, aucun élément ne permet d'affirmer que tel a été le cas.

En fait :

Il est argué que le 22 septembre 2015, la société Z n'a pas pu bénéficier de l'assistance d'un avocat ni au cours des opérations de visite et saisies, ni au cours de la visite par les enquêteurs de ses bureaux, ni au moment où ces derniers ont saisi des documents et données dans ses locaux, ni au cours des deux auditions que les enquêteurs ont menées, entendant MM. Goubault et Sanchez.

Ni le procès-verbal relatant les opérations de visite et saisies, ni les procès-verbaux d'audition ne font la mention d'une notification du droit de recourir à un avocat à l'occupant des lieux, à ses représentants ou aux personnes entendues dans le cadre des auditions.

Au contraire, le procès-verbal est particulièrement silencieux sur une notification de ce droit et il ressort clairement de sa lecture que l'avocat de la requérante était absent pendant la visite domiciliaire, ce qui est contraire aux principes énoncés précédemment.

En l'espèce, seul M. Mouraille s'est vu notifier une ordonnance d'un JLD, avec l'absence de valeur que cette notification présente, et il n'est pas indiqué aux procès-verbaux d'audition de MM. Goubault et Sanchez que ces derniers se sont vus notifier leurs droits avant d'avoir été entendus.

L'Autorité de la concurrence a donc manifestement violé leurs droits et leurs auditions devraient être annulées.

En outre, il ne transparaît, à aucun moment, que Z ait spécifiquement renoncé à son droit à un avocat.

Il en résulte qu'en ne notifiant pas spécifiquement aux personnes présentes leur droit d'accès à un avocat pour toute la durée de la visite, les enquêteurs n'ont pas permis la présence de ce dernier et ont ainsi, eu égard, en outre, au déroulement des opérations, violé leur droit à l'assistance effective d'un avocat.

Par conséquent, il est demandé que les opérations de visite et saisies soient annulées.

b) L'absence de notification du droit de se taire

En droit :

La requérante rappelle que le droit de garder le silence est une autre application des droits de la défense, protégés par l'article 6 de la CESDH et également consacré par les juridictions européennes, dès le stade de l'enquête.

Il est précisé que le refus d'une personne d'être assistée par un avocat ne peut pas être interprété comme entraînant un refus de bénéficier du droit au silence. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Il est ainsi indispensable que les enquêteurs informent les personnes interrogées qu'elles n'ont, en aucun cas, le devoir de s'exprimer sur les faits qui leurs sont reprochés.

Ce droit, s'il n'était pas formellement consacré à l'article L. 450-4 du Code de commerce avant juin 2016, découlait tout de même d'une part de l'article 61-1 du code pénal depuis 2014, de la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales et de la jurisprudence de la CEDH.

Ainsi, l'absence de notification des droits de la défense constitue une violation grave des droits de la défense.

En fait :

En l'espèce, ni le procès-verbal de déroulement des opérations de visite et saisies ni aucun des procès-verbaux d'audition ne fait état de la notification aux personnes interrogées de leur droit de se taire.

Quant à l'argumentation de l'administration suivant laquelle MM. Goubault et Sanchez n'auraient pas " fait preuve d'une détermination à garder le silence ", puisqu'ils ont répondu aux questions, il est argué que ceux-ci n'ayant pas été informé de cette possibilité, ce choix ne peut être considéré comme étant éclairé.

Cette atteinte aux droits de la défense de la société Z affecte directement la procédure, en ce que les enquêteurs ont procédé à deux auditions au cours des opérations de visite et saisies litigieuses, pour lesquelles les personnes entendues n'avaient pas été informées de leur droit de se taire.

La requérante s'est donc vue oppose une série d'anomalies en termes de procédure, dès le début de l'enquête : la qualité des enquêteurs et l'objet de l'enquête ne lui ont pas été correctement notifiés ; la société ne s'est pas vue notifier son droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat, et n'a d'ailleurs pas bénéficié de l'assistance effective d'un conseil, alors qu'elle n'y a renoncé à aucun moment ; la société ne s'est pas vue notifier son droit de se taire et n'a pas pu bénéficier de ce droit.

Pour ces raisons, il est demandé d'annuler les auditions litigieuses et de faire interdiction à l'Autorité de la concurrence de les utiliser contre la requérante.

3) Les enquêteurs ont violé leur devoir de loyauté dans la recherche de la preuve

Contrairement à ce que prétend l'ADLC, il est argué à nouveau que la société n'a pas eu accès l'intégralité du dossier sur lequel s'appuie l'ordonnance d'autorisation.

En l'espèce, la requérante cherche à démontrer que les enquêteurs ont mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir des éléments d'information lors des investigations litigieuses.

a) La violation du droit de ne pas s'auto-incriminer

En droit :

Il est constant, et quel que soit le cadre légal de l'enquête de concurrence en cours, que les personnes interrogées ne peuvent être conduites à faire des déclarations sur la portée desquelles elles se méprendraient et qui pourraient être utilisées contre elles.

Par ailleurs, le droit de ne pas s'auto-incriminer ressort également de la nécessaire application du principe de loyauté.

La CJUE garantit notamment que les autorités administratives ne peuvent contraindre la personne mise en cause à contribuer à sa propre incrimination.

Selon la jurisprudence européenne, les questions invitant : " la requérante à décrire, en particulier, l' "objet " des réunions auxquelles cette dernière aurait participé ['] alors qu'il est clair que l'institution soupçonne que l'objet de ces réunions à été d'obtenir des accords sur les prix de vente, de nature à empêcher ou à restreindre le jeu de la concurrence ['] sont de nature à obliger la requérante à avouer sa participation à un accord illégal contraire aux règles communautaires de la concurrence " et sont donc auto-incriminantes et prohibées.

Il suffit donc que l'une des réponses à la question posée puisse amener l'entreprise à reconnaître des faits sanctionnés pour que la question soit auto-incriminante.

Au regard de l'importance probatoire que l'administration peut accorder à ces questions, celles-ci doivent a minima être recueillies de façon loyale. A défaut, les réponses ne devront en aucun cas pouvoir être utilisées par l'Autorité.

En fait :

En l'espèce, les enquêteurs ont procédé, au cours des opérations de visite et saisies litigieuses, à deux auditions, celle d'une part de M. Goubault, ayant fait l'objet du procès-verbal d'audition en date du 22 septembre 2015 à 14h15, et celle d'autre part de Mr Sanchez, ayant fait l'objet du procès-verbal d'audition en date du 22 septembre 2015 à 11h30.

Les agents de l'administration ont retranscrits les questions posées à MM. Goubault et Sanchez. Il est argué que si certaines questions visent à obtenir des précisions factuelles, il en va différemment de celles qui portent sur la finalité de l'action entreprise et l'objet poursuivi par elle.

Or, un grand nombre de ces questions ne satisfait pas aux critères posés par les textes et la jurisprudence en matière de protection contre l'auto-incrimination : s'agissant du procès-verbal d'audition de Mr Sanchez, ce sont les questions n° 14, 16, 17, 18, 20, 34, 35 et 36 ; s'agissant du procès-verbal d'audition de Mr Goubault, ce sont les questions n° 13, 15, 16, 20, 21, 23, 28, 29, 32, 37, 39 et 53.

Il est argué que ces questions citées supra sont de nature à obliger la société à avouer sa participation à un prétendu accord anticoncurrentiel ou à déclarer avoir eu l'intention de réaliser cet objectif.

Dans ces conditions, les enquêteurs ont manifestement porté atteinte aux droits de la société de ne pas s'auto-incriminer, et de ce fait ont porté gravement atteinte aux droits de la défense de la société.

Il est donc demandé d'annuler les opérations de visite et saisies litigieuses ou, à tout le moins, d'annuler les procès-verbaux d'audition irréguliers, d'exiger de l'Autorité de la concurrence leur restitution et de lui interdire de les utiliser contre la société.

b) Les tentatives d'intimidation

En droit :

Il est fait valoir que la CEDH a consacré que les enquêteurs doivent pouvoir rechercher des éléments de preuve sans avoir recours à la contrainte ou à la pression. Une jurisprudence est citée à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, le respect du devoir de loyauté par les agents de l'administration est également garanti par la présence d'un officier de police judiciaire au cours des visites domiciliaires et des auditions.

En effet, ainsi que l'établit l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'officier de police judiciaire a pour mission de veiller à la régularité des opérations. Plusieurs jurisprudences de la Cour de cassation sont citées à l'appui de cette argumentation.

En fait :

En l'espèce, les enquêteurs ont procédé à deux auditions de MM. Sanchez et Goubault, qui ont été retranscrites par procès-verbal. Cependant, les enquêteurs n'ont retranscrit l'intégralité de leurs communications avec les personnes auditionnées, comme peuvent d'ailleurs en attester la brièveté des procès-verbaux, qui font, respectivement, 7 et 9 pages pour des auditions ayant duré respectivement plus d'une heure et demie et près de trois heures.

Notamment, lors d'une audition de M. Sanchez, l'un des rapporteurs a manifestement tenté d'intimider M. Sanchez, en affirmant que si ce dernier ne parlait pas, il risquait de perdre son emploi (pièce n° 14).

Il est argué qu'en utilisant le terme " reconnaître " et évoquant la procédure de clémence, le rapporteur a incité Mr Sanchez à apporter des éléments de nature à avouer l'existence de pratiques anticoncurrentielles.

Il est manifeste qu'en raison de leur caractère déloyal, ces déclarations du rapporteur ont irrémédiablement entaché la validité du procès-verbal d'audition.

Quant à l'argumentation de l'administration selon laquelle la sincérité de cette retranscription serait douteuse dans la mesure où celle-ci aurait été rédigée " visiblement pour les besoins de la présente instance " et " plus de six mois après la réalisation des opérations et la rédaction du PV ", il est fait valoir qu'il n'en est rien, puisque la requérante a immédiatement effectué des démarches afin que les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence et l'officier de police judiciaire présents lors de l'audition de M. Sanchez soient entendus par la justice.

Ainsi, la société Z a introduit des recours contre les intimidations auxquelles ont procédé les enquêteurs, par le biais : d'une requête auprès du JLD de Paris en date du 5 octobre 2015 ; d'une requête auprès du JLD de Carpentras en date du 5 octobre 2015 ; d'une requête auprès de la Cour d'appel de Paris en date du 12 octobre 2015.

Le JLD de Carpentras a été d'ailleurs le seul à répondre à la sollicitation de la société, répondant le 15 octobre 2015 que le contrôle exercé par le JLD " prend fin à la clôture des opérations, c'est-à-dire lorsque la visite a cessé " e a rejeté sa compétence en l'espèce.

Par ailleurs, l'affirmation de l'administration que ces témoignages ont été fabriquées récemment est fausse. Il est évident que la retranscription a eu lieu dans le but de protester contre les manœuvres déloyales auxquelles la société a été confrontée. Cette retranscription a eu lieu immédiatement à la suite des opérations de visite et saisies et a ainsi été transmise au Premier président de la Cour d'appel de Paris le 12 octobre 2015.

En outre, s'agissant du rôle de l'officier de police judiciaire, il est soutenu que ce dernier n'a pas tenu informé aucun des JLD ayant autorisé les visites domiciliaires des difficultés rencontrées, ni au cours des auditions, lorsque les agents n'ont placé sous scellés fermés provisoires que les boîtes de messageries de trois personnes, ni lors des saisies de correspondances protégées par la confidentialité des échanges entre le client et son avocat, ni même lors des difficultés rencontrées lors de l'ouverture des messageries placées sous scellés fermés provisoires les 14 et 15 octobre 2015.

Dans ces conditions, le recours effectif est réduit quasiment à néant.

Par conséquent, il est demandé d'annuler les opérations de visite et saisies litigieuses ou, à tout le moins, d'annuler les procès-verbaux d'audition irréguliers, d'exiger de l'Autorité de la concurrence leur restitution et de lui interdire de les utiliser contre la société.

B) Les enquêteurs ont violé les droits de la défense de la société Charles Z en utilisant des méthodes disproportionnées au regard de l'article 8 de la CESDH

En droit :

Il est fait valoir que le droit au respect de la vie privée est reconnu par l'article 8 de la CESDH ainsi que par les articles 7 et 11 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne (ci-après CDFUE). Il est établi que les personnes morales ont autant le droit au respect de la vie privée et du domicile que les personnes physiques.

De surcroît, les tribunaux européens ont décidé sue les inspections de concurrence ne peuvent être admissibles que dans la mesure où elles sont prévues par un texte, sont proportionnées et sont soumises à des conditions de nature à garantir le respect du droit à la vie privée. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Dans cet esprit, les entreprises visitées doivent nécessairement se voir accorder des garanties concrètes et effectives, et notamment une protection renforcée de leurs droits, a priori.

Il est fait valoir que l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 protège les correspondances entre un avocat et son client, en garantissant que celles-ci sont couvertes par le secret professionnel.

Ce principe est violé lorsque les enquêteurs prennent connaissance des documents couverts par le secret professionnel.

S'agissant de la critique soulevée par l'administration par rapport à la comparaison de ses pratiques avec d'une part, ses saisies papiers, pour lesquelles elle a adopté une méthode moins invasive, en ne saisissant pas tous les documents papiers présents dans les locaux visités et d'autre part, les pratiques d'autres autorités de concurrence, il est argué que les bonnes pratiques mises en place par exemple, mais pas uniquement, par la Commission européenne, ne peuvent qu'informer et améliorer la pratique de l'Autorité de la concurrence, sans dériver des mêmes dispositions juridiques.

Par ailleurs, la requérante soutient que la connaissance d'éléments irrégulièrement saisis par les enquêteurs est susceptible d'entraîner un préjudice irréversible pour la société visitée puisque les services de l'Autorité, même s'ils ne pourraient pas faire état de ces pièces dans la procédure en cours, auraient l'occasion de se forger une opinion sur ces documents.

Il est argué que la problématique est d'autant plus grave que les services d'enquête et d'instruction forment une unité au sein de l'Autorité de la concurrence.

A défaut de respecter ces garanties fondamentales, les opérations de visite et saisies sont disproportionnées, et, à défaut de respecter les critères de protection des droits de la défense des entreprises visitées, devront être annulées dans leur intégralité.

En fait :

En l'espèce, les agents de l'administration ont notifié les ordonnances et confié par ailleurs des documents relatifs à la procédure de clémence à Mr Christian Mouraille, désignant par la suite ce dernier comme l'occupant des lieux. Or, rien ne permettait de désigner M. Mouraille comme occupant des lieux de la société Z.

En effet, celui-ci, responsable national des ventes RHF, n'est pas le représentant légal de la société Z, et ne disposait pas d'un mandat lui permettant d'agir comme tel.

Rien n'indique que les enquêteurs aient demandé à M. Mouraille s'il pouvait effectivement représenter la société Charles Z.

De plus, à leur arrivée sur les lieux, les enquêteurs lui ont demandé à ce que leur soient communiqué les organigrammes du groupe Charles Z, où il y est clairement indiqué que M. Mouraille n'est en aucun cas le représentant légal de la société.

Par ailleurs, le procès-verbal de visite et saisies démontre bien que Mr Thierry Goubault, représentant légal de la société Z, était présent sur les lieux.

Il est argué que cette solution n'est satisfaisante en termes de garantie des droits de protection du domicile et de la vie privée.

Il s'ensuit que M. Mouraille a été irrégulièrement désigné et inexactement qualifié d'occupant des lieux. Ainsi, les enquêteurs n'ont pas efficacement notifié les ordonnances de visite et saisies à la société.

Par conséquent, il est demandé que l'intégralité des opérations de visite et saisies soit annulée.

Par ailleurs, il appartient à l'Autorité d'établir que chaque fichier ou document saisi remplit la condition de rentrer dans le champ d'application de l'ordonnance, ou au moins d'être partiellement utile à la preuve des agissements concurrentiels allégués, et ce, fichier par fichier.

A tout les moins, l'administration doit démontrer que tous les moyens ont été mis en œuvre pour identifier les seuls documents et données entrant dans le champ de son enquête. Pour ce faire, elle peut effectuer des recherches par mots-clés, mots ou noms lui permettant d'introduire un élément de discrimination et de tri.

En effet, à défaut que la recherche et l'extraction des fichiers informatiques par les enquêteurs soit faite sous certaines conditions, et notamment à partir de mots-clés dont l'intitulé est en lien avec le champ d'application de l'autorisation du juge, la saisie opérée par l'Autorité présente un caractère massif et indifférencié. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Au cas particulier, les enquêteurs ont saisi des milliers de documents et données informatiques, dont un grand nombre présente un caractère personnel, en tout cas étranger aux faits reprochés, et dont certaines relèvent de la confidentialité entre un avocat et son client.

L'Autorité a remis un disque dur comprenant l'ensemble des documents et données informatiques saisis, pesant environ 125 Giga-octets, à savoir plus de 30 millions de pages de documents informatiques.

Il est fait noter que ces milliers de documents et données informatiques incluent l'intégralité des messageries électroniques professionnelles de certains employés, y compris de sociétés non visées par la procédure.

En effet, dans leur précipitation, les enquêteurs ont saisi les boîtes messageries de Mr Matthieu Fouache, Mr Stéphane Guillot-Vignot et Mme Karine Flasseur, lesquels ne sont pas employés par la société Charles Z mais de la société Charles & Alice.

Or, la société Charles & Alice n'est pas visée par le demandeur de clémence, ni par la requête de l'Autorité de la concurrence, ni par aucune des deux ordonnances des JLD de Paris ou Carpentras autorisant des visites domiciliaires. Dès lors, la société Charles & Alice ne peut en aucune façon faire l'objet de saisies.

Ainsi, la saisie de boîtes de messageries d'employés de cette entreprise dépasse le périmètre de l'autorisation accordée par le JLD.

Il est soutenu que les enquêteurs ont également saisi des milliers de documents et données relatifs à des correspondances entre le client et son avocat.

Il apparaît dans le procès-verbal que les enquêteurs se sont contentés d'interroger MM. Mouraille et Goubault, qui n'étaient pas assistés d'un avocat, dans des termes incompréhensibles pour des personnes étrangères à la matière : " Si des documents protégés au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus ".

C'est pourquoi ces derniers n'ont désigné que les messageries appartenant à MM. Dominique Sagne, Thierry Goubault et Laurent Sanchez. Dans la confusion, ils n'ont pas indiqué que de tels documents pourraient également être présents dans les messageries de Mme Karine Flasseur, Mr Jean-Claude Bouvier, Mr Stéphane Guillot-Vignot, Mr Matthieu Fouache et Mr Christian Mouraille.

En conséquence, les fichiers de messageries électroniques de MM. Sagne, Goubault et Sanchez ont fait l'objet de scellés fermés, ce qui a permis aux représentants de la société de demander la protection d'un certain nombre de documents. A l'inverse, les fichiers informatiques de messageries électroniques des autres n'ont pas fait l'objet de cette procédure.

Dans l'ensemble, l'absence de consultation de la société au cours du déroulement de l'opération de visite et saisies a entraîné la saisie de dizaines de milliers de documents hors du champ de l'autorisation de l'ordonnance du JLD sus-visée.

S'agissant dans un premier temps des documents et messages qui auraient dû bénéficier de la protection des correspondances échangées entre le client et son avocat, il est soutenu que la saisie seule de ces documents suffit à constituer une violation des droits de la défense de la société.

Les droits de la défense de la société et ses droits à la protection du secret des correspondances entre le client et son avocat ont donc été violés dès la saisie de ces documents.

S'agissant des saisies papiers, les enquêteurs n'ont même pas jugé bon de justifier de la nature pertinente des documents saisis, se contentant de décrire que " des documents ont été saisis après avoir été inventoriés " : la société n'est ainsi aucunement en mesure d'identifier pour quelles raisons ces documents ont été saisis.

S'agissant des saisies de documents et données informatiques, la preuve du caractère justifié des saisies repose sur une pure affirmation des enquêteurs, qui affirment avoir " constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et saisie donnée par le juge des libertés et de la détention ".

Il est fait noter que l'administration n'explicite pas quels éléments pourraient lui faire constater la présence de documents pertinents pour ses investigations. Par exemple, elle n'a pas communiqué à la société les mots-clés utilisés dans la sélection de ces documents.

Dans ces conditions, il est demandé que la saisie des documents et données soit annulée.

Par ailleurs, il est fait valoir que l'Autorité n'a pas mis en œuvre la procédure de scellés fermés provisoires de manière systématique, même si la jurisprudence remarque que l'administration peut utiliser cette faculté à sa discrétion.

En tout état de cause, l'ADLC se doit de procéder de façon cohérente. Or, tel n'est pas le cas.

En effet, alors qu'elle a saisi les boîtes de messageries de huit personnes, l'Autorité a procédé à la mise sous scellés définitifs des boîtes de messageries de cinq de ces personnes et à la mise sous scellés provisoires des messages de trois autres. Dans un souci de cohérence, l'Autorité de la concurrence aurait dû procéder à la mise sous scellés provisoires de toutes les boîtes de messageries. Au lieu de cela, elle s'est contentée de demander, sur place et sans délai de réflexion, à MM. Goubault et Mouraille si certaines boîtes de messageries étaient susceptibles de contenir des documents couverts par la protection de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

Il est soutenu que la saisie de ces messageries démontre l'absence de proportionnalité des saisies de la part des enquêteurs, qui ont procédé à une saisie globale et indifférenciée en violation complète des droits fondamentaux de cette société.

Des milliers de documents et messageries ont été saisis irrégulièrement dans les locaux de la société Z.

Par conséquent, il est demandé que les opérations de visite et saisies s'étant déroulées le 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Z soient annulées.

C) Les enquêteurs n'ont pas respecté l'obligation de délivrer un inventaire exhaustif en violation des articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale

En droit :

La requérante rappelle que les dispositions du Code de commerce applicables aux opérations de visite et saisies prévoient que les procès-verbaux qui relatent le déroulement contiennent l'inventaire des pièces et documents saisis dont l'original est transmis au juge et une copie remise à l'occupant des mieux ou son représentant.

L'article L. 450-4 du Code de commerce prévoit aussi que ces inventaires sont réalisés conformément à l'article 56 du Code de procédure pénale.

Cet inventaire doit donc comporter l'identification de l'intégralité des documents saisis et être établi immédiatement afin d'assurer leur conservation et de pouvoir normaliser, ultérieurement, les difficultés liées à la saisie de certains documents placés sous scellés provisoires.

Il en résulte que les agents effectuant les visites domiciliaires sont tenus de délivrer un inventaire et d'en préciser les contenus. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En fait :

Il est argué que le procès-verbal des opérations de visite et saisies ne relate pas de manière exhaustive les opérations de visite et saisies. Il apparaît qu'une grande partie des faits relatés ne sont que des affirmations générales sans lien avec le déroulement effectif des opérations de visite et saisies.

Par ailleurs, aucune des 19 boîtes de messageries saisies n'a fait l'objet d'un inventaire et ce, malgré le fait qu'elles représentent près de 100 Go de données, à savoir 600 000 messages et pièces jointes.

De surcroît, lorsque l'Autorité a fait usage de la procédure de scellés fermés provisoires s'agissant des boîtes de messageries pouvant contenir des messages couverts par le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat, elle n'a laissé qu'un délai extrêmement court de 15 jours à la société pour ce travail titanesque, en refusant par ailleurs de lui accorder un délai supplémentaire.

Enfin, un très grand nombre des documents saisis, sur support papier ou fichiers informatiques, n'a pas fait l'objet que d'un inventaire rapide et imprécis qui ne permet pas d'identifier les documents exactement saisis ou, à tout le moins, si ceux-ci ont un quelconque lien avec l'enquête. A titre illustratif, il est cité l'intitulé des certains libellés de dossiers saisis par les enquêteurs : "Music" ; "Apple" ; "v2.0.6" ; "Documents personnels".

Dans ces conditions, il est flagrant que ces inventaires ne permettent pas une identification précise des documents et données saisies, et donc de procéder à un procéder à un contrôle effectif sur cette base quant à la régularité et à la validité des saisies.

Par conséquent, il est demandé de procéder à l'annulation des saisies litigieuses ou, à tout le moins, des documents insuffisamment identifiés, figurant en pièce n° 41.

D) Les enquêteurs ont porté une atteinte grave au secret des correspondances entre le client et son avocat lors de l'ouverture des scellés fermés

En droit :

Il est soutenu que la procédure applicable aux opérations de visite et saisies est strictement encadrée afin de garantir les droits des personnes concernées, notamment les droits de la défense.

Ainsi, le droit à l'assistance effective de l'avocat est consacré d'une part, sur le fondement des droits de la défense : l'avocat doit pouvoir assister aux opérations de visite et saisies; d'autre part, l'avocat doit pouvoir jouer son rôle, en accédant aux bureaux visités, en pouvant prendre la parole, et en pouvant prendre connaissance des documents susceptibles d'être appréhendés lorsqu'il assiste une entreprise. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, si le recours aux scellés provisoires est une "faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs", ainsi que la Cour de cassation l'indique, il en demeure pas moins que l'ouverture de ces scellés doit être caractérisée par une protection aussi forte, sinon plus encore, des droits de la défense.

En présence de violation des droits de la défense, la Cour de cassation a systématiquement annulé les opérations de visite et saisies litigieuses.

En fait :

En l'espèce, au lieu de placer sous scellés fermés provisoires les correspondances de toutes les messageries, les enquêteurs n'ont placé que les messageries pour lesquelles le personnel de la société interrogé a exprimé qu'il était probable qu'elles comprennent des correspondances protégées par le secret.

Comme il a été déjà vu supra, une fois ces documents saisis, l'Autorité n'a laissé que 15 jours pour analyser et déposer une demande de protection et d'exclusion de 3400 fichiers électroniques, en refusant d'accorder à la société un délai supplémentaire.

En définitive, la mise en place de la procédure de scellés provisoires n'a pu faire obstacle à la saisie de milliers de documents couverts par le secret des correspondances entre le client et son avocat.

De plus, cette procédure n'a pas non plus permis de protéger le secret des correspondances s'agissant des documents qui lui ont été exclus. En effet, l'Autorité avait, avant qu'il ne soit procédé à l'ouverture des scellés fermés provisoires, l'intention " d'ouvrir les fichiers des messageries concernés ['] et les supprimer si ces derniers relèvent effectivement de la protection invoquée " (pièce n° 43).

Malgré l'opposition exprimée par les avocats de la société quant au respect du secret des correspondances par cette méthode et leur recommandation qu'il soit procédé à l'effacement sans lecture des messages identifiés, l'Autorité a effectivement expliqué qu'elle allait procéder de cette manière au moment de l'ouverture des scellés, tel que l'a constaté l'huissier présent (pièce n° 8).

Il est également intéressant de noter que les vives contestations exprimées par les avocats et représentants de la société quant au procédé employé n'ont pas été prises en comptes, ni même consignées au procès-verbal d'ouverture des messageries.

Par ailleurs, il est encore plus intéressant de constater que la présence même de l'huissier a été, à ce moment-là, rejetée par l'Autorité qui " a demandé à Maître Tremoulet de quitter les lieux ", alors que l'Autorité remarquait que sa présence n'avait pour seul objectif que de " procéder aux constatations quant au déroulement de la procédure d'ouverture du scellé fermé provisoire " (pièce n° 7).

Il est argué qu'en refusant de permettre à la société de faire constater par Maître Tremoulet le déroulement de l'ouverture des scellés provisoires apposés par les enquêteurs de l'ADLC, les enquêteurs ont porté atteinte au principe général d'égalité des armes, lequel suppose que chaque partie doit avoir les mêmes conditions pour rapporter les preuves de faits au juge.

Or, le refus opposé à la présence d'un huissier a eu pour conséquence que la société n'a pas pu établir un simple constat du déroulement de l'ouverture des scellés provisoires, dont la seule version soumise à un juge sera celle de l'Autorité.

Ainsi, la requérante se retrouve aujourd'hui dans une situation de désavantage significatif par rapport à l'administration.

Par ailleurs, il est aucunement question d'une "manœuvre procédurale sournoise", ainsi que l'affirme l'administration, en ce que l'Autorité de la concurrence a entravé la société Z dans l'exercice de ses droits.

Il est enfin argué que l'adage nemo auditur propriam suam turpidunimen allegans, invoqué par l'administration, n'est ni applicable ni pertinent dans la présente affaire.

En effet, il ne s'applique qu'aux contrats et son champ d'application est réservé à prévenir le bénéfice des actes illicites. D'après la requérante, il n'est aucunement sous-entendu que la présente instance se matérialise en matière contractuelle.

Par conséquent, il est demandé que les opérations de visite et saisies litigieuses soient annulées dans leur intégralité ou que, au moins, les documents saisis irrégulièrement par les enquêteurs soient restitués par l'Autorité, leur saisie annulée et qu'il soit interdit à l'administration d'en faire un quelconque usage.

II) La nullité des saisies de certains documents appréhendés irrégulièrement dans les locaux de la société Charles Z

A) La communication des documents appréhendés irrégulièrement

Dans un souci de clarté et simplification, la société Z a communiqué la liste des documents qui, selon elle, ont été appréhendés irrégulièrement et auraient dû faire l'objet d'une restitution.

Il est argué que la communication par liste de documents à exclure a été maintes fois utilisées dans le cadre de telles procédures. Des nombreux exemples sont cités à titre illustratif.

Toutefois, par souci d'exhaustivité, l'intégralité des pièces pour lesquelles une exclusion du champ des saisies est demandée, est fournie dans les pièces n° 18 et suivantes annexées.

B) La nullité des saisies hors du champ de l'autorisation de visite et saisies

En droit :

La requérante fait valoir que l'ingérence portée au droit à l'inviolabilité du domicile par les enquêteurs de l'ADLC dans le cadre des visites domiciliaires doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport au but poursuivi.

L'article 56 du Code de procédure pénale, auquel renvoie l'article L. 450-4 du Code de commerce, limite les saisies aux éléments en relation avec l'incrimination.

Il est argué que des opérations de visite et saisies ne pourraient être autorisées en présence de simples présomptions, d'autant moins lorsque ces présomptions sont présentées par des concurrents malheureux ou préoccupés par le fait de sembler plus coopératifs possible aux autorités de concurrence dans l'espoir d'obtenir une immunité de sanction de pratiques anticoncurrentielles.

Il est soutenu que le juge ne peut pas se contenter de présomptions, mais doit se fonder sur un faisceau d'indices graves et concordants pour accorder l'autorisation de mener des opérations de visite et saisies. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En définitive, les documents et données en lien avec l'objet de l'incrimination retenue par le JLD sont considérés comme entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par celui-ci ; à défaut, ils sont considérés colle étant hors du champ de l'autorisation et doivent faire donc l'objet d'une restitution ou, à défaut, d'une destruction.

En tout état de cause, l'assurance de l'administration qu'elle ne fera, en aucun cas, usage des documents situés hors du champ des saisies autorisées par le JLD ne pourra pas satisfaire les principes énoncés supra.

En fait :

L'ADLC a reçu en janvier 2014 une demande de clémence, qu'elle a annexée à sa requête auprès du JLD de manière partielle et anonyme.

Il apparaît dans ces annexes que le demandeur de clémence visait spécifiquement la société Charles Z, désignée dans les documents apportés à l'appui de sa demande comme "Charles Z, Z ou "F".

La lecture de l'ordonnance du 8 septembre 2015 du JLD de Paris montre que ce sont des agissements présumés, tels que limitativement indiqués, qui font l'objet de l'autorisation de visite et saisies donnée par le juge en vue de la recherche de la preuve, à l'exclusion de tout autre. Seule la société Charles Z est mentionnée, à l'exclusion manifeste des sociétés Charles & Alice (anciennement Héro) et Charles & Alice Inc.

S'agissant de la responsabilité des sociétés pour un éventuel comportement anticoncurrentiel, il est argué que si l'ADLC a pu, sur le fondement de l'imputabilité, infliger des amendes à des sociétés mères quand leurs filiales ont agi sur leurs instructions, ou avec leur consentement, l'inverse n'est toutefois pas vrai. Une décision de la CJUE du 24 octobre 1996 (aff. C-73/95) est citée à l'appui de cette argumentation.

Il en découle que les agents de l'administration n'auraient pas dû étendre le champ de leur investigation aux filiales de la société Charles Z. Tout élément saisi à ce titre ou dans ce contexte devra ainsi être considéré comme extérieur au champ de l'autorisation délivrée par le JLD.

Par ailleurs, l'autorisation du JLD ne concernant que " les fruits vendus en coupelle et en gourde ", il ne pourra être toléré que les enquêteurs aient saisi des documents relatifs à d'autres produits commercialisés par la société, notamment les confitures ; les légumes cuisinés, salades et autres produits d'épicerie salée ; la boulangerie, viennoiserie et pâtisserie et les produits contenant des laitages.

Les termes de l'ordonnance excluent également la commercialisation de produits, y compris les fruits découpés en coupelles et en gourdes, sous marques nationales ou marques de fournisseurs.

Ainsi, rien ne justifiait la saisie de documents, données ou messages concernant la marque nationale Charles & Alice.

Par ailleurs, il n'est aucunement allégué que le demandeur de clémence apporte le moindre commencement de preuve que les pratiques alléguées aient pu avoir pour objet ou pour lieu de réalisation un autre pays que la France.

L'ordonnance du JLD reprend les termes utilisés dans la note de présentation et d'orientation de l'enquête en date du 12 août 2015 (annexe 1 à la requête de l'ADLC), laquelle décrivait le champ des pratiques dénoncées comme étant "en France".

Ainsi, le champ de l'autorisation de procéder à des saisies est strictement limité à la recherche d'éléments de preuves portant sur des pratiques limitées au territoire français. Les enquêteurs ne pouvaient donc légitimement saisir des documents portant sur un quelconque autre marché.

A fortiori, le marché américain et les activités de la société Charles & Alice Inc., qui ne se rapportent ni au marché français ni à un quelconque marché européen sont clairement exclus du champ des saisies autorisées.

Les saisies auraient donc dû se limiter strictement au champ matériel et temporel défini par l'ordonnance du JLD, qui portait sur :

- le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes ;

- les appels d'offre initiés par les clients de la GMS et de la RHF ;

- les secteurs des MDD ou MPP ; et

- la période courante d'octobre 2010 à janvier 2014.

Or, la saisie des documents manifestement hors du champ de l'autorisation devra nécessairement être annulée et l'intégralité de ces documents et informations devra être restituée et ne pourra, en aucun cas, être utilisée à aucun moment d'une quelconque procédure subséquente.

1) Les saisies des boîtes de messageries des salariés de la société Charles & Alice

Il est argué que les saisies des boîtes de messageries de Mr Matthieu Fouache, Mr Stéphane Guillot-Vignot et Mme Karine Flasseur, employés par la société Charles & Alice SAS et non par la société Charles Z, sont hors du champ de l'ordonnance.

S'agissant de l'argumentation suivant laquelle les saisies auraient été justifiées dans la mesure où les boîtes de messageries en question étaient accessibles à partir du serveur de Groupe, " l'essentiel étant finalement que les enquêteurs se trouvaient bien à la bonne adresse indiquée par le juge dans son autorisation concernant l'entreprise Z ", la requérante fait valoir que tel n'est pas le critère retenu par la jurisprudence.

En effet, une adresse professionnelle peut accueillir des nombreuses entreprises. Il ne saurait suffire que les enquêteurs se soient rendus à la bonne adresse pour leur confier le droit de procéder à des opérations de visite et saisies visant n'importe quelle société.

Dans ces conditions, il est demandé que les saisies des boîtes de messageries des salariés Charles & Alice soient annulées.

2) Les saisies hors du champ temporel de l'autorisation de visite et saisies

Il est fait valoir que le JLD dans son ordonnance a limité explicitement le champ des pratiques alléguées à la période courant du 6 octobre 2010 (date de la première prétendue réunion) au 10 janvier 2014 (date du dernier contact allégué).

Par conséquent, les enquêteurs n'auraient donc, en aucun cas, dû procéder à l'appréhension de documents allant au-delà des périodes visées dans l'ordonnance au cours desquels les agissements présumés se seraient produits, soit entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014.

i) Les saisies d'informations antérieures au 6 octobre 2010

Les enquêteurs ont procédé indifféremment à la saisie de plus de 21 500 documents et données antérieures au 6 octobre 2010, date des premiers agissements présumés.

Pourtant, s'agissant des documents papier, ceux-ci comprenaient pour la plupart une indication de la date de leur création ou publication, ou à tout le moins concernaient une période que les enquêteurs auraient dû aisément identifier.

S'agissant des documents et données informatiques, l'identification de la date du document était encore plus aisée, puisque leur empreinte numérique comporte un horodatage mentionnant une date et une heure de création et de dernière modification.

Il est demandé que la saisie des documents concernant des périodes antérieures à octobre 2010 soit annulée et qu'il soit procédé à leur restitution.

ii) Les saisies d'information postérieures à janvier 2014

A leur arrivée dans les locaux de la société Charles Z, les enquêteurs ont saisi des documents sous format papier se trouvant dans plusieurs bureaux de la société, lesquels comprenaient pour la plupart une indication de la date d'établissement ou de la période sur laquelle portaient les données contenues dans ces documents.

Or, une partie importante de ces documents porte sur la période la plus récente, soit après, d'une part, la limite temporelle de l'autorisation du JLD (janvier 2014) et, d'autre part, après l'autorisation du JLD elle-même (11 septembre 2015).

Il est demandé l'annulation de la saisie des documents ne concernant que des périodes postérieures à janvier 2014 et leur restitution.

3) Les saisies hors du champ matériel de l'autorisation de visite et saisies

Au cours des opérations de visite et saisies, les enquêteurs ont procédé à la saisie de dizaines de milliers de documents et données informatiques, qui ne rentrent pas dans le champ matériel de l'autorisation accordée par les ordonnances des JLD.

3.1) Les saisies manifestement hors du champ des investigations

Il est soutenu que les enquêteurs ont appréhendé des dizaines de milliers de documents et données sans aucun rapport avec le champ des investigations, dont une partie importante aurait dû être écartée sur le fondement même de leur désignation, la plupart portant un nom invalidant immédiatement tout lien avec l'objet de l'enquête de l'administration.

A titre illustratif, la requérante cite des documents concernant exclusivement les ressources humaines (curriculum vitae, lettres de licenciement.), des brochures touristiques, des documents purement logistiques, etc, etc.

Une liste des mots-clés utilisés pour leur identification est fournie.

Par conséquent, il est demandé que la saisie des documents hors du champ des investigations (pièces n° 21-22) soit annulée et que ceux-ci soient restitués à la société Z.

3.2) Les saisies n'étant pas relatives au secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes

Il est argué que les enquêteurs ont également procédé à la saisie de dizaines de milliers de documents et données qui concernent exclusivement d'autres secteurs que celui des fruits vendus en coupelles et en gourdes, tels que par exemple le secteur de la boulangerie, viennoiserie et pâtisserie, le secteur des légumes, salades et épicerie salée et le secteur de la confiture.

Une liste des mots-clés utilisés pour leur identification est fournie.

Par conséquent, il est demandé que la saisie de ces documents (pièces n° 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 30) soit annulée et que ceux-ci soient restitués à la société Z.

3.3) Les saisies n'étant pas relatives à la MDD et au circuit RHF

Il est soutenu que les enquêteurs ont procédé à la saisie sur les disques durs des dossiers " GMS Charles et Alice " ainsi que des documents tels que " statistiques marque Charles et Alice.pdf ", qui se rapportent pourtant uniquement à la vente de la marque nationale Charles & Alice, sans rapport avec les marques de distributeurs ou le circuit RHF.

Par conséquent, il est demandé que la saisie de ces documents (pièces n° 31-32) soit annulée.

3.4) Les saisies relatives aux marchés hors France

Il est argué que les enquêteurs ont saisi un nombre important de documents concernant des marchés situés hors France.

Par conséquent, il est demandé que la saisie de ces documents (pièces n° 33-34) soit annulée.

3.5) Les saisies relatives aux sociétés indépendantes Charles & Alice et Charles & Alice Inc.

Il est soutenu que les enquêteurs ont procédé à la saisie de documents qui en fait appartenaient à la société indépendante Charles & Alice SAS, ou qui relevaient de l'activité spécifique de la société Charles & Alice SAS. La présence de ces documents dans les ordinateurs et boîtes de messageries saisis par les enquêteurs, si elle s'explique par l'appartenance de la société Charles & Alice SAS au même groupe que la société Charles Z, n'en autorisait pas la saisie par les enquêteurs, s'agissant d'une société indépendante non visée par l'ordonnance, et exerçant des activités propres.

Il en va de même pour la société Héro France à laquelle la société Charles & Alice a succédé.

Les agents de l'administration ont également saisi des documents concernant exclusivement la société indépendante Charles & Alice Inc. alors que cette société, américaine, établie à Lancaster in Pennsylvanie, n'exerce aucune activité en France et, a fortiori, aucune activité dans le champ de l'ordonnance du JLD, ni même du ressort de la juridiction de l'ADLC.

Or, les enquêteurs étaient tenus de limiter leurs recherches aux activités de l'entreprise visée par l'ordonnance du JLD.

Par conséquent, il est demandé que la saisie de ces documents (pièces n° 35-36) soit annulée.

C) La nullité des saisies en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances échangées entre le client et son avocat

En droit :

La requérante fait valoir que les communications entre un avocat et son client sont protégées par le secret professionnel. Cette protection est un droit fondamental reconnu et garanti par la CEDH ainsi que par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Il est soutenu que si le juge constate que la saisie porte sur une pièce dont le contenu est protégé par le secret, et ne procède pas à l'annulation de l'ensemble des opérations, il doit prononcer la nullité de la saisie. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En fait :

Il est argué que les enquêteurs ayant procédé à une saisie totale et indifférenciée de fichiers de messageries électroniques, ils ont incidemment saisis des centaines d'e-mails qui auraient dû bénéficier de la protection des correspondances échangées entre le client et son avocat.

D'après la requérante, les justifications apportées à ce titre par l'Autorité ne sont pas convaincantes.

En effet et dans un premier temps, s'agissant de la question si des documents protégés au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus, posée à MM. Goubault et Mouraille, il est soutenu que n'étant pas accompagnée par un avocat, la société n'a pas pu appréhender en connaissance de cause les répercussions d'une telle demande.

Dans un second temps, s'agissant de l'argumentation selon laquelle la requérante disposait de tout le temps nécessaire pour identifier les éléments ressortant de la protection dont devraient disposer les correspondances avocat/client, il est argué que la société Z ne dispose pas de mêmes moyens que des grandes entreprises telles que Materne ou Andros, et n'est ainsi pas en mesure d'identifier les documents à protéger dans les mêmes délais.

Enfin, la requérante considère que le caractère protégé des correspondances pouvait être identifié à l'aide de trois critères simples : le destinataire, l'expéditeur et l'objet ou mention " Confidentiel " dans le corps du courriel analysé.

La société Z n'a jamais considéré qu'il revienne aux rapporteurs de réaliser ce tri en 24 heures. D'une part, la société est tout à fait favorable à la mise en place de scellés fermés provisoires.

D'autre part, les opérations de visite et saisies de l'Autorité ne sont pas limitées à 24 heures. Les enquêteurs ont d'ailleurs réparti l'ouverture des scellés provisoires sur deux journées les 14 et 15 octobre 2015.

En tout état de cause, et quelle que soit la raison pour leur inclusion dans les saisies jusqu'à présent, il est argué que les documents fournis dans les pièces annexées n° 37 et 38, auraient dû être protégés par la protection du secret des correspondances.

Une liste des mots-clés utilisés pour leur identification est fournie.

Par conséquent, il est demandé que la saisie de ces documents soit annulée et que ceux-ci soient restitués à la société Z, sans que l'administration puisse tenir compte en aucun cas de leur contenu.

D) La nullité des saisies en violation du droit fondamental au respect de la vie privée

En droit :

La requérante fait valoir que le droit au respect de la vie privée est érigé en droit fondamental tant par le droit européen (article 8 de la CESDH) que par le droit français (article 9 du code civil).

Il en découle que la saisie par les enquêteurs de documents relevant du domaine de la vie personnelle doit être limitée. Plusieurs jurisprudences européennes et nationales sont citées à l'appui de cette argumentation.

Il est soutenu que les documents et messages électroniques relatifs à la vie personnelle des employés de la société visitée sont bien manifestement sans rapport avec le champ de l'autorisation des opérations de visite et saisies dans lequel les enquêteurs auraient dû se cantonner.

En fait :

En l'espèce, les enquêteurs ont saisi un nombre très important de documents et d'e-mails relevant du respect de la vie privée. Ces e-mails émanaient de membres de la famille de personnes dont les boîtes de messageries électroniques ont été saisies et ce, malgré le fait qu'il ait été indiqué aux enquêteurs, au moment des opérations de visite et saisies, notamment en ce qui concerne un dossier relatif au décès d'un membre de la famille d'une des personnes dont la boîte de messageries a été saisie.

Nonobstant, les agents de l'administration ont procédé à la saisie globale et indifférenciée des messageries, sans donner à la société la possibilité d'écarter ces documents individuellement.

Par conséquent, il est demandé que la saisie de ces documents (pièces n° 39-40) soit annulée et que ceux-ci soient restitués à la société Z.

III) Sommes requises par l'Autorité de la concurrence

Il est fait noter que la somme de cent-vingt mille euros (120 000 euros), demandée par l'ADLC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, est la somme la plus importante jamais demandée et jamais obtenue par une autorité administrative pour une telle affaire.

Par ailleurs, l'administration ne justifie aucunement ce chiffre.

Dans ces conditions, il est demandé que l'Autorité de la concurrence soit déboutée de sa demande sur ce chef.

IV) Sommes exposées par la Société

La requérante demande que l'administration soit condamnée à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en raison des importants moyens techniques et humains qu'elle a dû mettre en œuvre pour identifier les documents et e-mails ne ressortant pas du champ de l'autorisation du JLD de Paris, assurer leur revue, leur analyse et la préparation de sa défense.

En conclusion, la société Charles Z demande de :

à titre principal,

- dire que les opérations de visite et saisies sont illicites au regard des dispositions susvisées ;

- en conséquence, annuler les opérations de visite et saisies s'étant déroulées dans les locaux de la société Charles Z le 22 septembre 2015 ;

- annuler les procès-verbaux établis le 22 septembre 2015 ;

- en conséquence, annuler les opérations subséquentes des 14 et 15 octobre 2015 ;

- annuler les auditions de MM. Laurent Sanchez et Thierry Goubault en date du 22 septembre 2015 et les procès-verbaux établis de ce fait, aucune information dont les enquêteurs ont une connaissance à cette occasion ne pouvant être utilisée par l'Autorité de la concurrence ;

- ordonner la restitution de toutes les pièces, documents, données et scellées saisis le 22 septembre 2015, aucune copie ou original ne pouvant être utilisé par l'Autorité de la concurrence.

à titre subsidiaire,

- annuler la saisie et ordonner la restitution des documents et données insuffisamment identifiables au sein des inventaires établis par les enquêteurs, dont la liste figure en pièce n° 41 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des boîtes de messageries de MM. Matthieu Fouache et Stéphane Guillot-Vignot et de Mme Karine Flasseur, dont la liste figure en pièce n° 18 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des documents antérieurs au 6 octobre 2010 ou postérieurs au 10 janvier 2014, saisis sous format papier, messageries dont la liste figure en pièce n° 19.1 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données appréhendées le 22 septembre 2015 par les enquêteurs, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010, qui figurent en pièce n° 19 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données appréhendées le 22 septembre 2015 par les enquêteurs, estampillées d'une date postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 20 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données manifestement hors du champ de l'autorisation du JLD, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 21 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux produits d'épicerie salée, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 23 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux produits à base de confiture, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 25 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux produits non composés de fruits, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 27 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux fruits vendus en pots bocaux, et autres contenants hors coupelles et gourdes fruits, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 29 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives exclusivement à la marque nationale, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 31 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives exclusivement à des marchés situés hors de France, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 33 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives exclusivement aux sociétés Charles & Alice et Charles & Alice Inc., estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 35 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données qui auraient dû être protégées par le secret des correspondances entre un client et son avocat, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 37 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données qui auraient dû être protégés par le droit au respect de la vie privée, estampillées d'une date comprise entre le 6 octobre 2010 et le 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 39.

à titre très subsidiaire,

- annuler la saisie et ordonner la restitution des documents et données qui figurent en pièces n° 41, 18, 21, 23, 25, 27, 29, 31, 33, 35, 37 et 39 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données manifestement hors du champ de l'autorisation du JLD, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 22 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux produits d'épicerie salée, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 24 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux produits à base de confiture, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 26 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux produits non composés de fruits, estampillées d'une date comprise antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 28 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives aux fruits non vendus en pots, bocaux et autres contenants hors coupelles et gourdes fruits, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 30 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives exclusivement à la marque nationale, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 32 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives exclusivement à des marchés hors de France, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 34 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données relatives exclusivement aux sociétés Charles & Alice et Charles & Alice Inc., estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 36 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données qui auraient dû être protégées par le secret des correspondances entre un client et son avocat, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 38 ;

- annuler la saisie et ordonner la restitution des données qui auraient dû être protégés par le droit au respect de la vie privée, estampillées d'une date antérieure au 6 octobre 2010 ou postérieure au 10 janvier 2014, qui figurent en pièce n° 40.

En tout état de cause,

- condamner l'Autorité de la concurrence au paiement de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'Autorité de la concurrence au paiement des entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence Taze-Bernard conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions en date du 16 août 2016, l'administration fait valoir :

I) Sur la demande d'annulation des opérations de visite et saisie diligentées dans les locaux de l'entreprise Z les 22-23 septembre 2015

I.1) Sur la violation de l'article 6 de la CESDH et la déloyauté dans la recherche de la preuve

En premier lieu, en ce qui concerne la violation de l'article 6 de la CESDH, l'administration tient à préciser que la requérante a eu accès à l'intégralité du dossier sur lequel s'appuie l'ordonnance d'autorisation et a pu contester la légalité de l'ordonnance du JLD de Paris ainsi que le déroulement des opérations de visite et saisies.

Il est également rappelé que les droits de la défense, tels que définis par l'article 6 de la CESDH, ne sont pas pleinement applicables au stade de la procédure de constatation des infractions qui inclut la mise en œuvre de la recherche de la preuve. Plusieurs jurisprudences de la CEDH sont citées à l'appui de cette argumentation.

En droit des pratiques anticoncurrentielles, les droits de la défense, notamment la mise à disposition du dossier, ne commencent qu'à la communication des griefs par l'Autorité de la concurrence, alors que la recherche de la preuve est terminée.

En tout état de cause, au stade de la mise en œuvre de la recherche de la preuve, c'est le principe de loyauté qui s'applique et non pas celui du contradictoire.

Il est fait valoir qu'en l'espèce, ledit principe est garanti par la notification des ordonnances d'autorisation et sur commission rogatoire qui mentionnent l'objet de l'enquête, la connaissance et le respect des règles éthiques, déontologiques et de probité par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, la présence possible d'un conseil, la présence d'officiers de police judiciaire qui contrôlent le respect de la procédure et qui constituent une garantie pour le justiciable, la saisine en cas de difficulté et le déplacement possible sur les lieux du JLD et, enfin, le recours en contestation tant de la légalité de l'ordonnance d'autorisation que du déroulement des opérations de visite et saisies ouvert à l'appelante et exercé par celle-ci, afin de tenter d'obtenir l'annulation totale ou partielle de la procédure. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Or, il n'est pas démontré par la requérante que les enquêteurs auraient mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir des éléments d'information lors des investigations.

Au contraire, cette exigence de loyauté a été parfaitement remplie.

En effet, l'ordonnance du JLD de Paris ainsi que l'ordonnance du JLD de Carpentras, rendue sur commission rogatoire, prévoyaient la saisine du juge pendant les opérations de visite et saisies.

Cependant, ni l'occupant des lieux ni ses représentants ou les trois avocats présents les 14 et 15 octobre 2015 n'ont jugé bon de saisir le JLD de Carpentras durant les investigations par le biais de l'OPJ présent, dont c'est justement le rôle d'entrer en contact téléphonique avec le juge du contrôle si une difficulté ou contestation leur est soumise, ce qui n'a pas été le cas, en l'espèce.

Au surplus, les réserves écrites sont toujours possibles. Elles sont remises directement à l'OPJ qui les communique au JLD, ce qui de nouveau n'a pas été le cas, en l'espèce.

Quant aux nombreux arrêts de la CEDH cités par la requérante, il est argué que celle-ci se contente de leur aspect descriptif au regard de l'article 6 sans en tirer de véritables conséquences.

En deuxième lieu, s'agissant de la prétendue insuffisance des informations fournies par les enquêteurs à leur arrivée sur les lieux, il est fait valoir que l'identité des agents de l'administration ainsi que l'objet de l'enquête figurent dans l'ordonnance dont Mr Christian Mouraille, occupant des lieux, a accusé réception par procès-verbal signé de sa main le jour des opérations de visite e saisies.

Il est mis en exergue que la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation précise clairement que la mention pré-imprimée sur le PV selon laquelle l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance de la personne, suffit à justifier, jusqu'à preuve contraire, de l'indication de cet objet.

Par ailleurs, il apparaît très douteux que M. Mouraille, occupant des lieux, Mme Ragazzi et MM. Goubault et Sanchez, représentants de l'occupant des lieux, n'ont pas eu le temps de prendre connaissance de l'ordonnance au cours de l'opération qui s'est terminée à 1h45 le 23 septembre 2015.

Il semble également très difficile que ces personnes n'aient pas pu comprendre l'ordonnance du JLD de Paris aux motifs qu'elle serait rédigée en termes juridiques. Une simple consultation de cette ordonnance permet en effet de constater que sa lecture est aisée et que les éléments de fait qu'elle décrit et analyse sont accessibles à toute personne lisant et comprenant suffisamment la langue française, ce qui devrait être normalement le cas du PDG et des cadres de l'entreprise Z.

En tout état de cause, il est argué que l'invocation d'un tel argument a déjà été rejetée par la jurisprudence.

En troisième lieu, s'agissant de la critique selon laquelle il n'y aurait pas eu accès à l'assistance effective d'un avocat aux motifs que ni les enquêteurs ni le PV de notification n'auraient mentionné cette faculté et ce, en violation de l'article 6 de la CESDH, l'administration fait valoir que l'article L. 450-4, alinéa 5 du Code de commerce offre à l'occupant des lieux la faculté de faire appel à un conseil de son choix, en précisant immédiatement que l'exercice de cette faculté ne peut pas entraîner la suspension des opérations.

Or, la faculté de se faire assister par un conseil de son choix figurait dans les deux ordonnances des JLD de Paris et Carpentras et n'avait pas besoin d'être répétée dans les PV pour rendre ce droit effectif.

Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de notifier verbalement la possibilité de recourir à un conseil de son choix pendant les opérations de visite et saisies. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En outre, la présence d'un conseil n'étant pas obligatoire mais facultative au libre choix de l'occupant des lieux ou de son représentant, il n'y a donc pas de raison logique de suspendre les opérations le temps de l'exercice de cette faculté.

Pour finir, cette faculté a bien été exercée par Mr Goubault le 22 septembre 2015, puisque le PV de visite et saisies, signé par Mr Goubault lui-même, mentionne en page 2 : " Mr Thierry Goubault nous a indiqué que l'entreprise avait fait appel à un avocat par téléphone. Aucun conseil ne s'est déplacé dans l'entreprise ".

Or, si l'avocat contacté librement par Mr Goubault n'a pas daigné se rendre dans les locaux de l'entreprise pour assister son client le 22 septembre 2015 (les 14 et 15 septembre 2015 trois avocats étaient présents alternativement), cette situation ne relève pas de la responsabilité des enquêteurs mais de l'absence de diligence du conseil de l'entreprise.

En quatrième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du droit de ne pas s'auto-incriminer, particulièrement par l'absence de notification du droit de se taire, il est d'abord rappelé le texte de l'article L. 450-4 alinéa 9 du Code de commerce.

Par conséquent, en auditionnant MM. Sanchez et Goubault, représentants de l'occupant des lieux, les rapporteurs n'ont fait qu'exercer la faculté offerte par la loi.

Ensuite, le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne le respect de la détermination d'un accusé à garder le silence. Une jurisprudence de la CEDH est citée à l'appui de cette argumentation.

Au cas présent, aucune accusation n'est portée et aucune infraction n'est relevée au stade de l'opération de visite et saisies. Par conséquent, ni Mr Sanchez ni Mr Goubault n'ont le statut d'accusé. En outre, lors de leur audition, ni l'un ni l'autre n'ont fait preuve d'une quelconque détermination à garder le silence puisqu'ils ont répondu aux questions, même si de façon laconique et vague.

Il est enfin rappelé que le droit des enquêtes de concurrence relève du droit civil, et non pas du droit pénal.

Par conséquent, l'argumentation suivant laquelle les règles générales du Code de procédure pénale doivent s'appliquer, et notamment celles des articles 56 et 61-1, ne saurait pas prospérer.

En dernier lieu, il est soutenu que les propos de Mr Sanchez, qui soutient d'avoir fait l'objet d'une tentative d'intimidation de la part d'un rapporteur lors de son audition, doivent être appréciés avec la plus grande prudence, compte tenu qu'ils émanent d'une personne soupçonnée d'avoir contrevenu aux règles du droit de la concurrence.

Il est également permis de douter de la sincérité de cette retranscription dans la mesure où, celle-ci a été rédigée, vraisemblablement pour les besoins de la présente instance, plus de six mois après la réalisation des opérations et la rédaction des PV qui en décrivent le déroulement et qui font foi jusqu'à preuve contraire.

Au surplus, si M. Sanchez, représentant de l'occupant des lieux, avait vraiment été victime d'une tentative d'intimidation comme il le prétend aujourd'hui, sans s'opposer aux pouvoirs de l'administration, il pouvait exprimer sa désapprobation en y faisant porter la mention de son refus de signer l'acte de procédure, ce qu'il n'a pas fait.

Pour finir, il est fait noter que la requérante n'a à aucun moment, le jour des investigations, sollicité l'un des OPJ pour lui soumettre une quelconque difficulté ou contestation à porter à la connaissance du juge, ni d'ailleurs remis de réserves.

Reprocher à l'OPJ, comme le fait la requérante, de ne pas être intervenu lors de l'audition de M. Sanchez n'a donc maintenant guère de sens.

Dans ces conditions, le moyen ne pourra qu'être rejeté.

I.2) Sur l'utilisation de méthodes de saisies disproportionnées et la violation de l'article 8 de la CESDH

En premier lieu, l'administration fait valoir que la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2. pour être admissible, l'ingérence de l'autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique. L'État français remplit ces trois conditions.

Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation et il est argué que les arrêts invoqués par la requérante ne sont pas pertinents.

Enfin, s'agissant de l'argument de la requérante s'appuyant sur les articles 7 et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il est rappelé que ses dispositions sont applicables aux États membres " uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union " (article 51 § 1). Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, le fait de viser l'article 101-1 TFUE n'impliquant pas la mise en œuvre des pouvoirs d'enquête du règlement n° 1/2003 mais ceux de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

En deuxième lieu, il est soutenu que les procès-verbaux et les inventaires dressés lors des différentes opérations démentent formellement ces allégations de saisies massives et indifférenciées.

Il est d'abord rappelé que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce permettent aux rapporteurs de saisir " tout support d'information ", c'est-à-dire les ordinateurs eux-mêmes, leurs disques durs ou une copie complète de ceux-ci.

Or, eu égard aux circonstances de l'espèce et dans un souci de proportionnalité, les enquêteurs ont procédé à une sélection et n'ont saisi que les fichiers qui comportaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation accordée par le JLD.

En effet, il ressort de la lecture du procès-verbal et de l'inventaire dressés le 22 septembre 2015 que les rapporteurs ont procédé à des investigations sur les ordinateurs, téléphones et tablettes de 5 salariés de l'entreprise occupant tous des fonctions de direction ou commerciales en lien avec le

champ des investigations autorisées (M. Mouraille, M. Sagne, M. Bouvier, M. Sanchez et M. Goubault), les seules messageries électroniques professionnelles de trois autres salariés occupant également des fonctions commerciales en lien avec le champ des investigations autorisées (Mme Flasseur, M. Guillot-Vignot et M. Fouache) et certaines zones du serveur informatique de l'entreprise accessibles depuis les locaux visités.

Trois supports d'information (1 ordinateur, 1 téléphone et 1 iPad) n'ont donné lieu à aucune saisie après analyse.

La sélection mise en œuvre par les rapporteurs ressort également de la lecture des inventaires informatiques des fichiers saisis établis le jour des investigations et annexés aux procès-verbaux.

Or, sur plus de 1,2 millions de fichiers analysés au cours des opérations, les rapporteurs n'en ont finalement retenu à peine plus de 1 800 euros, ce qui représente une proportion de 0,15%.

Il est argué que ces éléments témoignent à eux seuls de la sélectivité mise en œuvre pour appréhender les données se rapportant à l'objet de l'enquête.

En troisième lieu, il est soutenu que les comparaisons auxquelles la société Z se livre n'ont pas de sens.

D'abord, en comparant la méthode de saisie informatique de l'Autorité de la concurrence avec la saisie de documents papier, jugée moins invasive dans la mesure où elle permet de saisir que les seules pièces entrant dans le champ de l'autorisation, la requérante feint de ne pas voir la différence de nature qui existe entre des documents papier parfaitement individualisables pour la plupart et des fichiers de données numérique agrégés, comme le sont par exemple les messageries électroniques.

Il en va de même pour la comparaison opérée avec les méthodes de la Commission européenne ou des autres autorités publiques. Les pouvoirs des agents de l'Autorité de la concurrence en matière de visite et saisies et ceux des inspecteurs de la Commission européenne en matière d'inspection s'inscrivent en effet dans un cadre procédural totalement différent. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Quant au guide des bonnes pratiques publié par l'International Competition Network, auquel la requérante se réfère, bien qu'il n'édicte que des recommandations indicatives, force est de constater que l'Autorité de la concurrence permet la revue des documents protégés avec la procédure de mise sous scellés fermés provisoires, dont Charles Z a d'ailleurs bénéficié.

En quatrième lieu, s'agissant de la conservation des pièces jusqu'à la décision de la Cour d'appel, il est fait observer que cette situation résulte des dispositions de l'article L. 450-4, alinéa 12 du Code de commerce.

Quant à prétendre que le rapporteur de l'Autorité de la concurrence en charge de l'instruction pourrait utiliser le contenu de pièces saisies qui seraient ultérieurement annulées pour proposer de s'autosaisir d'une autre affaire, il est argué que cette allégation n'est que pour pur procès d'intention.

En cinquième lieu, il est soutenu qu'en estimant que M. Mouraille n'aurait pas dû être retenu comme occupant des lieux, la requérante se méprend sur le sens de la notion d'occupant des lieux telle que prévue par l'article L. 450-4 du Code de commerce.

La société Z feint d'ignorer que la notion et la fonction de représentant légal de l'entreprise et d'occupant des lieux sont distinctes, le législateur ayant introduit à l'article L. 450-4 du Code de commerce celles d'occupant des lieux ou son représentant plutôt que celles de représentant légal de l'entreprise.

Naturellement, en se présentant dans les locaux de la société Charles Z le 22 septembre 2015 à 9h40, les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont demandé à être reçus par un des dirigeants de l'entreprise. Mais, en l'absence de ces derniers, les enquêteurs ont été orientés vers M. Mouraille, seul cadre apparemment présent sur le site, qui a accepté la qualité d'occupant des lieux comme en attestent les procès-verbaux établis le jour des opérations.

Quant à M. Goubault, PDG de l'entreprise, il ne s'est présenté sur les lieux qu'après le début des opérations mais a pu, dès son arrivée, suivre le déroulement de celles-ci tout au long de la journée et ce, jusqu'à leur terme. Ce dernier n'a en outre émis aucune critique à ce sujet au cours de la visite et a été désigné comme représentant de l'occupant des lieux par M. Mouraille.

Ainsi, il ne résulte de cette situation aucun grief pour les intérêts de l'entreprise, la totalité des opérations ayant été menée en présence d'un représentant de l'entreprise et d'un officier de police judiciaire, conformément aux prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

En sixième lieu, il est fait valoir que les enquêteurs n'ont pas l'obligation de porter à la connaissance de l'entreprise saisie les mots-clés utilisés, compte tenu de la nature confidentielle des documents. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Surtout, ce n'est pas la connaissance des critères de recherche qui peut permettre à la requérante de juger ou discuter si les saisies entrent bien dans les prévisions de l'autorisation délivrée par le JLD, mais bien le contenu des données elles-mêmes. A cet égard, il est fait noter que l'entreprise dispose des supports originaux et des inventaires complets des documents saisis ainsi que de la copie de la totalité des documents et supports informatiques saisis, alors même qu'aucune disposition légale ne l'impose.

En septième lieu, il est relevé que les enquêteurs ont en mesure de prendre connaissance des messageries informatiques de MM. Fouache, Guillot-Vignot et de Mme Flasseur, dont la requérante conteste la saisie, car ces dernières étaient présentes sur le serveur informatique de l'entreprise Charles Z et accessibles depuis les locaux visités au même titre que les données informatiques appartenant à MM. Goubault, Sagne, Sanchez et Mouraille.

La jurisprudence a d'ailleurs rappelé que tous les documents accessibles depuis le lieu visité pouvaient, le cas échéant, être saisis et ce, y compris lorsqu'ils sont stockés sur un serveur.

Par ailleurs, il est fait noter que Mme Filliol, responsable informatique, a procédé aux manipulations depuis les locaux de la société Charles Z à Monteux et ni l'occupant des lieux ou ses représentants, ni le responsable informatique n'ont à aucun moment fait état que les salariés en question relevaient d'une autre structure juridique.

En outre, les organigrammes fournis par l'entreprise, siglés " Charles Z " et annexés au procès-verbal (annexe 3, cote 4) détaillent notamment la composition des services commerciaux de l'entreprise au sein desquels apparaissent MM. Fouache et Guillot-Vignot et de Mme Flasseur, tous trois placés sous l'autorité et la subordination juridique de Mr Sanchez, directeur commercial Europe. Il n'est nulle part fait état de l'appartenance de ces salariés à une structure juridique précise.

D'ailleurs, la requérante se contente de critiquer la saisie de ces messageries électroniques au seul motif que ces salariés ne seraient pas employés par l'entité juridique Charles Z mais ne démontre aucunement que ces fichiers ne contiennent aucun élément entrant dans le champ des investigations, conformément à la jurisprudence en vigueur.

Il est soutenu que l'essentiel est finalement que les enquêteurs se trouvaient bien à la bonne adresse indiquée par le juge dans son autorisation concernant l'entreprise Z.

En dernier lieu, il est rappelé que la saisie n'a porté que sur les messageries électroniques professionnelles mises à la disposition de ses salariés par Charles Z pour envoyer et recevoir, à titre principal, des correspondances d'ordre professionnel.

Or, ces messageries électroniques sont de type IBM Lotus Notes. Elles sont structurées de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts.

Dans ces conditions, l'administration ne pouvait que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans Lotus et ne pouvait en aucun cas le modifier.

En conséquence, la structure particulière d'un fichier de messagerie Lotus et l'obligation qu'ont les rapporteurs de ne pas altérer les attributs des fichiers impliquent nécessairement la saisie globale du fichier de messagerie. Par ailleurs, le mode opératoire suivi par l'ADLC est largement validé par la jurisprudence.

Il en va de même de la saisie de documents relatifs à des échanges entre l'entreprise et ses avocats, qui ne résulte aucunement d'une recherche délibérée des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence.

Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En effet, cette saisie est la conséquence de leur présence dans les fichiers de messageries électroniques professionnelles de certains salariés de Charles Z. Dès lors que les rapporteurs ont constaté que ces messageries renfermaient des messages entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD, ce qui n'est ici pas contesté, ils ont procédé à la copie globale du fichier pour les raisons développées supra.

Contrairement aux allégations de la requérante, la saisie accidentelle et non délibérée de documents couverts par la confidentialité des échanges entre un avocat et son client ne peut invalider la saisie des autres documents appréhendés simultanément et dans des conditions parfaitement régulières.

Ainsi, il est argué que la présence de documents protégés ne peut avoir pour conséquence d'entraîner ni l'annulation de l'ensemble des opérations, ni même l'annulation de la saisie des opérations, ni même l'annulation de la saisie des messageries électroniques qui contiendraient ces documents. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En l'espèce, il est essentiel de rappeler que la société Z a été mise en mesure de protéger ses correspondances échangées avec ses avocats, puisque les rapporteurs ont demandé à l'occupant des lieux et à son représentant si parmi les fichiers informatiques appréhendés risquaient de figurer des correspondances avocat-client, protégées au sens de la loi du 31 décembre 1971. Les personnes interrogées ont répondu négativement.

Aujourd'hui, la requérante fait cependant état de la présence de telles correspondances dans les saisies concernant Mme Flasseur et MM. Bouvier, Guillot-Vignot, Fouache et Mouraille et tente de justifier cette contradiction en prétendant que la demande formulée par les enquêteurs a été formulée dans des " termes incompréhensibles " auprès des salariés " qui n'étaient pas assistés d'un avocat ", ce qui aurait abouti à un usage " arbitraire " de la procédure de scellés fermés provisoires.

A cet égard, l'administration relève simplement que MM. Mouraille et Goubault, c'est-à-dire le PGV et un cadre supérieur de l'entreprise, ont pourtant demandé la protection des saisies informatiques concernant trois salariés, ce qu'il démontre qu'ils avaient parfaitement compris l'enjeu de la mesure proposée.

Il est donc manifeste qu'en déclinant l'invitation faite par les rapporteurs à protéger immédiatement ses documents confidentiels dans certains fichiers et en reconnaissant n'avoir pas listé la totalité des correspondances protégées dans les autres, la requérante est en grande partie responsable des troubles qu'elle prétend subir aujourd'hui.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

I.3) Sur l'absence d'inventaire exhaustif et la violation des articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale

Il est d'abord soutenu que la description au procès-verbal de la succession d'occupants des lieux ayant assisté aux investigations est sans aucun rapport avec la constitution et l'exhaustivité des inventaires des pièces et des fichiers saisis.

Ensuite, l'emploi des mots " et/ou " décrit simplement le fait que MM. Mouraille, Sanchez et Goubault ont assisté aux opérations soit de concert, soit alternativement, de telle manière qu'aucune des investigations ne s'est jamais déroulée hors la présence de l'occupant des lieux ou d'au moins un de ses représentants dûment désignés par lui.

L'administration argue que c'est donc uniquement dans le souci de laisser une certaine latitude dans leurs déplacements aux représentants de l'entreprise que les rapporteurs tolèrent les changements d'occupant des lieux et de ses représentants qui, en tout état de cause, apparaissent sans emport sur la validité des opérations dès lors que celles-ci ont été réalisées en présence constante de l'officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de l'un de ses représentants, comme cela a été ici le cas.

De surcroît, il est fait valoir que l'annexe n° 5 au procès-verbal du 22 septembre 2015 et l'annexe n° 2 au procès-verbal des 14-15 octobre 2015 contiennent les inventaires informatiques de la totalité des fichiers informatiques appréhendés.

Or, les inventaires réalisés au format informatique par les enquêteurs identifient clairement les fichiers saisis, en mentionnant pour chacun d'eux leur nom, taille en octets, chemin d'origine sur l'ordinateur investigué et son empreinte numérique. Une jurisprudence constante valide la réalisation d'un inventaire numérique des fichiers saisis ainsi que les modalités de cet inventaire.

En effet, si la justification de la tenue de l'inventaire des pièces saisies prévue par les articles 56 du Code de procédure pénale et R. 450-2 du Code de commerce est, d'une part, de mettre l'entreprise en mesure de connaître la nature des documents saisis en original et dont elle n'aura de fait plus la disposition pendant un certain temps, et, d'autre part, de pouvoir par suite en réclamer la restitution, il n'en reste pas moins que dans les locaux de Charles Z, il a été procédé par copie et non par emport de supports informatiques originaux. De plus, la copie intégrale de ce qui a été saisi a été remise le 22 septembre 2015 à Mr Sanchez, représentant de l'occupant des lieux, et les 14 et 15 octobre 2015 à M. Sagne, représentant de l'occupant des lieux pour précisément permettre à l'entreprise visitée d'effectuer une vérification des fichiers saisis et d'exercer un recours. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Ces copies ont été réalisées en présence et sous le contrôle de l'OPJ et leur remise a été précisée au procès-verbal de déroulement. Elles présentent la triple caractéristique : d'être identiques entre elles, d'être identiques aux disques durs placés sous scellés, de n'être en aucun cas modifiables car placés dans des fichiers conteneurs sécurisées sur des disques durs vierges, ce qui exclut toute fraude ou toute erreur par rajout ou par substitution.

En outre, aucune disposition n'impose de forme particulière à l'inventaire des pièces et documents saisis. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Quant à l'argumentation selon laquelle l'inventaire ne permet pas au juge de vérifier la régularité des opérations, il est argué que les rapporteurs ne peuvent cependant y reproduire que les informations dont ils disposent. Les noms de fichiers, aussi peu explicites soient-ils, ne sont nullement attribués par les agents de l'Autorité de la concurrence, mais sont ceux utilisés par l'entreprise elle-même ou ses salariés.

Il en découle que la requérante ne saurait pas en tirer la conséquence que ces fichiers sont ipso facto dépourvus de lien avec l'objet de l'enquête. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Dans ces conditions, il apparaît que les prescriptions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale ont bien été respectées.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

I.4) Sur l'atteinte au secret des correspondances avocat-client lors de l'ouverture du scellé fermé provisoire

L'administration tient d'abord à rappeler que la situation de mise sous scellé fermé provisoire des seuls fichiers de messageries appartenant à MM. Goubault, Sagne et Sanchez, dont la requérante se plaint, résulte uniquement des déclarations attestées par procès-verbal du PDG et d'un cadre de l'entreprise, respectivement représentant de l'occupant des lieux et occupant des lieux, concernant la présence éventuelle de correspondances avocat-client dans les documents informatiques.

Par ailleurs, il est argué que le délai pour établir la liste des documents qui sont estimés être couverts par la protection du secret professionnel a été fixé de manière uniforme pour toutes les entreprises visitées, dans un souci d'égalité de traitement.

En outre, la liste communiquée de 3.481 documents est particulièrement étoffée et ne permet pas de penser que Charles Z n'a pas pu se livrer à une analyse approfondie des fichiers.

Quant à la vérification des rapporteurs de chaque document listé par elle comme relevant du privilège légal, il est soutenu que rien n'interdit aux enquêteurs de prendre connaissance succinctement du contenu du message pour déterminer si celui-ci relève effectivement de la protection invoquée. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

D'ailleurs, la vérification sommaire a révélé la présence de 134 documents ne pouvant bénéficier de la protection invoquée.

Les enquêteurs ont par ailleurs spontanément supprimé 69 correspondances échangées entre l'entreprise et ses avocats que Charles Faarud n'avait pas listées, protégeant ainsi activement les droits de l'entreprise.

Enfin, il est argué que la présence d'un huissier de justice était parfaitement inutile dans la mesure où toutes les constatations nécessaires ont dûment été effectuées par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, spécialement habilités par la loi, agissant sous le contrôle du JLD, en présence d'un OPJ et de Mr Sagne, secrétaire général de l'entreprise et représentant de l'occupant des lieux.

Il est rappelé qu'aux termes des articles L. 450-4 et R. 450-2 du Code de commerce, les procès-verbaux rédigés par les rapporteurs et signés par l'officier de police judiciaire et l'occupant des lieux relatent le déroulement des opérations, consignent les constatations effectuées et font foi jusqu'à preuve contraire.

Quant à l'argument selon lequel l'Autorité devait accepter la présence de l'huissier mandaté en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, il est fait valoir que les enquêteurs ont très largement respecté cette disposition puisque, de fait, Mr Sagne, représentant de l'occupant des lieux, était assisté de 3 conseils, qui au surplus ont la qualité d'avocat, Mes Ruy, Abdelkader et Luzi.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit rejeté.

II) Sur la nullité des saisies de certains documents appréhendés irrégulièrement

II.1) Sur la nullité des saisies de documents hors du champ de l'autorisation

Il est soutenu que la requérante a mépris l'étendue des investigations autorisées par le JLD de Paris en date du 11 septembre 2015.

En effet, l'ordonnance du JLD a autorisé l'administration a diligenter des investigations dans les locaux de la société Charles Z sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce " dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ".

Les investigations autorisées ne sont en conséquence pas limitées aux seuls appels d'offres concernant la grande distribution, aux produits vendus sous MDD ou à la restauration hors foyer, mais concernent l'ensemble de l'activité de Charles Z relative aux fruits vendus en coupelles et en gourdes, y compris la commercialisation de tels produits sous marques nationales.

De la même manière, le JLD n'a pas entendu limiter l'enquête au seul secteur géographique national puisque l'ordonnance précise en pages 1 et 4 que l'autorisation est sollicitée aux fins d'établir si les entreprises visées se livrent à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) TFUE et en page 8 que " si les pratiques illicites présumées examinées peuvent toucher potentiellement l'ensemble du territoire national, elles sont également susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres, compte tenu du fait que certaines de ces entreprises produisent et/ou diffusent leurs produits dans des pays de l'Union européenne et de relever ainsi de l'application de l'article 101-1 a) et c) du TFUE (Annexe 3bis à la requête) ".

Par conséquent, les listes de documents prétendument hors champ, produites par la requérante en pièces 19, 24 et 27 et qui ont été établies sur la base d'une définition erronée du champ de l'enquête, n'apparaissent pas pertinentes et ne pourront qu'être rejetées.

En effet, les pièces 19 et 27 listent des documents : dont les intitulés des fichiers saisis reportés dans les inventaires informatiques établis par les rapporteurs seraient prétendument hors du champ matériel de l'autorisation ; relatifs aux marques nationales ; ne concernant pas la FRANCE.

Quant à la pièce 24, elle liste des documents saisis prétendument hors du champ matériel des investigations pour le seul motif qu'ils se trouvent inclus dans les boîtes de messageries électroniques de Mme Flasseur et MM. Fouache et Guillot-Vignot, dont Charles Z conteste la saisie.

Comme il a déjà été indiqué supra, la saisie de ces messageries était licite, compte tenu de leur accessibilité depuis les lieux visités et de leur contenu en rapport avec les agissements dont la preuve est recherchée.

Compte tenu de la structure globale de ces fichiers de messagerie Lotus Notes, il en résulte qu'incontestablement la saisie a été effectuée conformément aux prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce et de la jurisprudence en vigueur.

Ensuite, s'agissant de l'argument selon lequel les investigations ne pouvaient être menées que sur des faits se situant dans la période octobre 2010 - janvier 2014, il est fait valoir que l'ordonnance précise que " l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques prohibées, dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ", ce qui autorise les rapporteurs à appréhender d'autres pièces que celles se rapportant à la période 2010-2014.

Par conséquent, si l'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de 5 ans au regard de la prescription quinquennale de l'article L. 462-7 du Code de commerce, rien n'interdit en revanche de saisir des documents concernant des faits couverts par la prescription. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En effet, l'article L. 462-7 du Code de commerce organise la prescription des faits, et non des documents qui peuvent être saisis et utilisés pour éclairer les faits non prescrits susceptibles d'être sanctionnés, à la condition qu'il n'en soit pas tiré de conséquences quant à la gravité de ces derniers. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Dans ces conditions, les liste que la requérante a produites en pièces 20 et 23 annexées à ses écritures recensant les documents faisant ressortir des dates non comprises entre 2010 et 2014 ne pourront qu'être également rejetées.

En outre, nombre de ces documents se trouvent avoir été saisis pour la seule et unique raison qu'ils se situent dans des fichiers de messageries électroniques qui se présentent sous la forme de fichiers indivisibles et composites, comme un agenda ou un carnet de notes manuscrites, et dont c'est le propre de contenir à la fois des informations professionnelles dans le champ de l'ordonnance d'autorisation délivrée par le juge ainsi que des éléments étrangers à l'enquête.

Pour autant, la présence de ces documents étrangers à l'enquête dans les fichiers saisis ne saurait remettre en cause la saisie de la messagerie elle-même à partir du moment où il a été vérifié préalablement que celle-ci contenait des éléments en rapport avec l'enquête. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, il n'est pas non plus démontré par la requérante en quoi la présence de ces messages dans les fichiers saisis lui fait grief ou porte atteinte à un droit légalement protégé, dans la mesure où ces documents n'ont pas été intentionnellement saisis par les rapporteurs. L'Autorité ne pourra que constater que ces documents sont sans intérêt pour l'instruction en cours et assurer la requérante qu'elle n'en fera, en aucun cas, usage.

En toute hypothèse, la production de simples listes de documents ne peut suffire à permettre au Premier président d'apprécier la nature des pièces contestées. Seul un examen in concreto de ces documents peut permettre de déterminer si une pièce saisie relève ou non du champ des investigations autorisées par le juge.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit rejeté.

II.2) Sur la nullité de documents couverts par le secret des correspondances avocat-client

Il est argué que la saisie éventuelle de correspondances protégées ne résulte aucunement d'une recherche délibérée des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence mais sont la conséquence de leur présence dans les fichiers de messageries électroniques professionnelles de certains salariés de Charles Z.

Mais surtout, il est encore rappelé que c'est la requérante elle-même qui a décliné l'invitation à protéger les fichiers de messageries de Mme Flasseur, MM. Bouvier, Guillot-Vignot, Fouache et Mouraille durant les opérations, alors que dans le même temps, elle déclarait la présence de documents protégés dans les seules messageries de MM. Sagne, Goubault et Sanchez.

L'administration soutient que si la présence de correspondances protégées par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ne peut entraîner l'annulation de l'opération ou de la saisie des fichiers de messagerie dans lesquels elles sont incluses, l'annulation prononcée par le juge des seules pièces bénéficiant de cette protection suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

A cet effet, la requérante produit en pièces 21, 25 et 28 les listes de documents qu'elle estime couverts par le secret des échanges avocat-client. Cependant, elle ne produit pas les documents eux-mêmes et ne met ainsi pas le Premier président en mesure de se prononcer sur la nature réelle de ces documents.

Il est en effet rappelé que le secret professionnel qui s'attache à ce type d'échange n'est ni général, ni absolu. Il s'agit d'une garantie, certes essentielle, accordée par la loi pour faire respecter les droits de la défense, mais dont les contours doivent être précisés. L'arrêt de la CJCE du 18 mai 1982 AM&S Europe Limited c. Commission européenne (affaire n° 155/79) est cité à l'appui de cette argumentation.

C'est donc dans ce sens qu'il convient d'interpréter les dispositions de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. A titre d'exemple, ne devraient pas être regardées comme entrant dans le champ de la protection de la loi : des correspondances permettant d'établir que l'avocat peut être regardé comme auteur, co-auteur ou complice des pratiques répréhensibles ; des correspondances entre membres de l'entreprise se faisant l'écho, plus ou moins fidèle, de consultations juridiques ; des correspondances qui ne concernent pas les droits de la défense du client ; des correspondances qui ne sont pas liées à un dossier ; etc.

Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

II.3) Sur la nullité des saisies de documents relatifs à la vie privée

Tout d'abord, il est fait valoir que les documents identifiés par la requérante comme ayant trait à la vie privée de ses salariés proviennent des messageries électroniques appréhendées au cours des opérations parce qu'elles contenaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD de Paris. Dès lors, leur saisie ne résulte que de leur présence dans ces fichiers et de leur saisie globale pour les raisons exposées supra.

Ensuite, il est rappelé que les rapporteurs n'ont vérifié et saisi aucune messagerie personnelle de salariés, les investigations ayant exclusivement porté sur des boîtes de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Charles Z pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariés. D'ailleurs, aux termes de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, tous les courriels créés par le collaborateur à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.

Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Il est, par ailleurs, soutenu que le simple fait pour un message de porter une mention ou d'être placé dans un dossier " personnel " ne suffit pas à lui conférer un caractère privé, seul l'examen in concreto de son contenu permet de qualifier un document de personnel. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

En conclusion, l'Autorité de la concurrence demande de :

- rejeter les demandes d'annulation des opérations de visite et saisie et de restitution de l'ensemble des documents et fichiers saisis contenus dans les différents scellés ;

- rejeter les demandes d'annulation des 2 PV d'audition et des documents listés par la requérante en pièces 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 annexées à ses conclusions ;

- condamner la société Z au paiement de 120 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis en date du 8 mars 2017, le Ministère Public fait valoir que :

- aucune atteinte à l'exercice des droits de la défense ne peut concerner ici les conditions dans lesquelles Z a pu exercer le présent recours en contestation du déroulement des opérations, cette entreprise ayant eu accès à l'ensemble des éléments retraçant ces opérations et recueillis pendant leur déroulement

- les garanties de l'article 6.1 de la CESDH ne sont, par principe, pas applicables à la phase de l'enquête ici mise en cause sur ce fondement. S'imposent alors seulement l'obligation de loyauté dans la recherche des preuves et d'agir dans un délai raisonnable

En effet, au stade de l'autorisation donnée par le JLD et de l'exécution de son ordonnance, aucune accusation n'est portée et aucune infraction n'est relevée. Telle est la raison pour laquelle les dispositions de procédure pénale concernent les auditions des personnes soupçonnées et l'information sur le droit de ne pas s'auto-incriminer n'ont pas lieu à être mises en œuvre. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, aucun élément n'est produit par la société Z pour étayer la tentative d'intimidation par les enquêteurs dont elle fait état dans son recours, a fortiori lorsqu'il est constaté qu'à aucun moment l'attention de l'OPJ présents ou du JLD commettant n'a été attirée.

- s'agissant des dispositions de la CEDH, la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé que " les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce ne contreviennent pas à celles des articles 6, 8 et 13 de la CEDH dès lors qu'elles assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et que les droits à un procès équitable et à un recours effectif sont garantis, tant par l'intervention du JLD qui vérifie le bien-fondé de la requête de l'administration que par le contrôle exercé par la Cour de cassation " (Cass. Crim. 16 juin 2011, pourvoi n° 10-80016).

- aucun manquement au principe de loyauté dans la recherche de la preuve ne peut ici être relevé ici été commis par l'Autorité de la concurrence

Le Ministère Public fait valoir que la transposition des règles spécifiques de procédure pénale aux investigations réalisées sur autorisation du JLD et sous son contrôle permanent n'a pas de sens au regard des caractéristiques de la procédure de visite et de saisie posée par l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Les articles 56 et 61-1 du Code de procédure pénale n'ont donc pas à recevoir ici application.

En effet, l'information de la société visée est assurée par la notification par les enquêteurs, à leur arrivée, au représentant de la société présent dans les lieux, des ordonnances d'autorisation et sur commission rogatoire délivrées par les JLD. Ces ordonnances mentionnent l'objet de l'enquête et la possibilité pour l'entreprise de faire appel à un conseil de son choix pour l'assister pendant les opérations.

En l'espèce, le PV de visite et saisies indique sur ce point, pour les opérations réalisées le 22 septembre 2015, que " Mr Thierry Goubault nous a indiqué que l'entreprise avait fait appel à un avocat par téléphone. Aucun conseil ne s'est déplacé dans l'entreprise ". En revanche, maîtres Luzi, Abdelkader et Ruy étaient présents les 14 et 15 octobre 2015 à Monteux, pour la constitution du scellé définitif.

La société Z a également été informée de la présence d'officiers de police judiciaire qui contrôlent le respect de la procédure et peuvent être saisis par elle en cas de difficulté, ainsi que de la possibilité de saisir le JLD.

Il est argué que ce n'est pas sérieux de la part de la requérante d'alléguer que " les enquêteurs n'ont pas décliné leur identité à leur arrivée, la société allant jusqu'à se méprendre sur l'objet de l'enquête ", alors que toutes ces informations figurent dans l'ordonnance dont M. Mouraille, occupant des lieux a accusé réception.

En effet, le PDG et les cadres de l'entreprise Z étaient d'évidence, même s'ils ne sont pas juristes, en situation d'en comprendre le contenu et ont eu tout le temps pour ce faire.

Il est également soutenu que la loyauté dans les investigations est garantie du fait du double contrôle des opérations ainsi organisé et porté à la connaissance de la société visitée. Plusieurs jurisprudences de la Haute juridiction sont citées à l'appui de cette argumentation.

Il est argué qu'aucun élément concret de nature à mettre en cause les enquêteurs de l'Autorité pour avoir mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir des éléments d'information lors des investigations n'est ici démontré.

En l'espèce, la requérante n'a pas, pendant le déroulement des opérations, identifié des difficultés qui l'ait conduite à en référer à l'OPJ présent sur leurs lieux ou au JLD l'ayant commis. Aucune réserve écrite n'a davantage été émise.

De surcroît, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix figurait expressément dans l'autorisation du JLD de Paris et dans l'ordonnance du JLD de Carpentras, qui ont toutes deux été notifiées à l'occupant des lieux.

Il est argué que cela suffisait à assurer le respect des dispositions légales et cette mention n'avait pas à être de surcroît reprise dans les PV retraçant les opérations. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

- aucune saisie massive et indifférenciée des données informatiques n'est intervenue en l'espèce

En effet, sur plus de 1,2 millions de fichiers analysés au cours des opérations, les rapporteurs n'en ont finalement retenu à peine plus de 1800, ce qui représente une proportion de 0,15%.

- aucune comparaison de la méthode de saisie informatique suivie par l'Autorité de la concurrence avec la saisie de documents en format papier n'a lieu d'être

En effet, les documents papier sont en principe parfaitement individualisables alors que les fichiers de données numériques agrégés, comme le sont par exemple les messageries électroniques, ne le sont pas.

- aucune comparaison de la méthode de saisie informatique de l'Autorité de la concurrence ou avec les méthodes suivies par les autres autorités de concurrence en Europe n'a lieu d'être

Il est soutenu que les textes support et les choix effectués en termes de moyens d'action donnés aux agents de l'administration sont différents. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

- les recours contre le déroulement des opérations n'ont pas de caractère suspensif, ce qui n'autorise pas l'Autorité de la concurrence, qui conserve simplement les pièces, à utiliser en procédure les éléments décrits comme portant atteinte aux droits protégés

Il est argué que leur annulation pour atteinte démontrée in concreto à des droits protégés ne pourrait emporter leur restitution lorsque ces pièces feraient partie intégrante de messageries informatiques nécessairement saisies dans leur intégralité. En tout cas, l'Autorité ne pourrait pas faire usage de telles pièces.

- la contestation par la société de la qualité d'occupant des lieux de M. Mouraille, responsable national des ventes RHF, du fait qu'il n'est pas représentant légal de la société et ne dispose d'aucun mandat pour la représenter est inopérante

- le souci de préserver les investigations à venir dans d'autres dossiers interdit d'évidence à l'Autorité de la concurrence de communiquer à la société visitée ses mots-clés ou critères de recherche, qui sont couverts par le secret professionnel

- en aucun cas, les représentants de l'entreprise ni son avocat ne pouvaient s'opposer à la saisie de documents retenus, la contestation de la saisie étant du ressort du seul Premier président de la Cour d'appel

Il est soutenu que la saisie des messageries électroniques professionnelles de MM. Fouache, Guillot-Vignot et de Mme Flasseur est légitime, du fait de leur présence sur le serveur informatique de l'entreprise Z et qu'elles sont accessibles depuis les locaux visités au même titre que les données informatiques appartenant à MM. Goubault, Sagne, Sanchez et Mouraille.

- la saisie globale et insécable des fichiers de messageries électroniques professionnelles de certains salariés de l'entreprise est imposée, en tant que garantie d'authenticité, par la Cour de cassation

En l'espèce, la mise en œuvre de la procédure du scellé fermé provisoire a permis à la société Z de protéger les correspondances qu'elle a pu échanger avec ses avocats.

Interrogés sur ce point, l'occupant des lieux et son représentant ont déclaré que les supports de Mme Flasseur, MM. Bouvier, Guillot-Vignot, Fouache et Mouraille ne contenaient pas des documents relevant du secret professionnel.

En conséquence, seules les messageries de MM. Sagne, Goubault et Sanchez ont été placées sous scellé fermé provisoire, les autres données informatiques ont été placées directement sous scellé définitif.

La requérante fait aujourd'hui état de la présence de telles correspondances dans les saisies concernant Mme Flasseur et MM. Bouvier, Guillot-Vignot, Fouache et Mouraille et indique qu'elle n'a pas listé toutes les correspondances protégées concernant les données de M. Goubault, Sagne et Sanchez.

Comme le contenu des messages dont il est allégué que leur saisie porterait atteinte aux droits fondamentaux des personnes n'est pas produit, il est demandé d'écarter la demande.

- les inventaires des biens saisis ont été régulièrement effectués

Il est fait valoir que les changements d'occupant des lieux et de ses représentants sont admis et sans conséquence sur la validité des opérations réalisées en présence constante de l'officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de l'un de ses représentants.

- les procès-verbaux des 22 septembre et 14-15 octobre 2015 comportent pour le premier une annexe n° 5 et pour les seconds une annexe n° 2 contenant les inventaires informatiques de la totalité des fichiers informatiques appréhendés

Dans ces conditions, il doit être constaté que la société Z a été mise en mesure de connaître le contenu des données appréhendées.

- l'inventaire retrace le nom, le chemin, la taille et l'empreinte numérique du fichier saisi, ce qui permet au juge de vérifier la régularité des opérations, même si des intitulés non explicites ont été attribués par l'entreprise elle-même ou ses salariés

- la protection des données protégées par le recours à la protection de placement sous scellé fermé provisoire a été justement limitée aux fichiers informatiques désignés par l'entreprise comme susceptibles de contenir des éléments intéressant le secret des correspondances avocat-client

Il est fait observer que le délai fixé à la société ici visitée a été arrêté de manière uniforme pour toutes les entreprises visitées.

A cet égard, Z a communiqué une liste de 3.481 documents, ce qui témoigne de l'analyse approfondie des fichiers à laquelle elle a procédé.

Or, le contenu de chaque message doit être analysé pour éviter que n'aient été dissimulées sous des intitulés " correspondances avocat-client " figurent des pièces relatives à l'organisation de pratiques prohibées. Il est donc nécessaire de prendre connaissance du contenu du message pour en apprécier le caractère saisissable ou non. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

- l'Autorité a légitimement refusé la présence d'un huissier de justice lors des opérations de constitution du scellé définitif

Il est fait valoir qu'aux termes de l'article L. 450-4 et R. 450-2 du Code de commerce, les procès-verbaux rédigés par les rapporteurs et signés par l'officier de police judiciaire et l'occupant des lieux relatent le déroulement des opérations, consignent les constatations effectuées et font foi jusqu'à preuve contraire.

Dans ces conditions, l'huissier mandaté ne peut être considéré comme un conseil. Il n'a pas été porté atteinte aux droits de l'entreprise, Mr Sagne, représentant de l'occupant des lieux ayant ici été assisté de 3 avocats conseils.

- la présence dans les saisies, la supposer précisément établie par la société Z, de documents se trouvant hors du champ des investigations autorisées ou relevant du périmètre du secret des échanges avec ses avocats ou relatifs à la vie privée des salariés ne peut entraîner l'annulation de ces saisies

Les listes de documents produites par la requérante en pièces 19, 24 et 27 ne peuvent être considérées comme étant hors du champ de l'enquête.

- il ne peut être soutenu que les investigations ne pouvaient pas concerner que les faits se situant dans la période octobre 2010 - janvier 2014, faisant l'objet des déclarations du demandeur de clémence

Il est demandé de ne pas faire droit à la demande d'éviction des pièces 20 et 23 annexées par la requérante à ses écritures.

- la présence de messages protégés inclus dans la saisie de fichiers informatiques insécables, contenant es éléments sans rapport avec l'enquête, ne peut entraîner l'annulation de la saisie de ces messageries

De plus, en l'espèce, la requérante ne démontre pas in concreto l'atteinte réelle aux droits dont elle se prévaut, ce qui suffit à clore le débat.

- la saisie de documents couverts par le secret de correspondances avocat-client, figurant dans des messageries électroniques professionnelles insécables de salariés de l'entreprise contenant des messages entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD ne peut entraîner l'annulation de l'opération ou de la saisie des fichiers de messagerie dans lesquels elles sont inclues

- la protection du secret des correspondances avocat-client a une portée strictement limitée aux échanges de l'entreprise " en lien avec l'exercice des droits de sa défense "

- si l'existence dans les fichiers informatiques saisis de manière insécable d'éléments couverts par un secret protégé était établie ' ce qui n'est pas le cas ici, Z se contenant de lister en pièces 21, 25 et 28 les listes de documents qu'elle estime couverts par le secret des échanges avocat-client -, l'annulation de l'opération ou de la saisie ne pourrait porter que sur les pièces identifiées précisément comme bénéficiant de la protection

- la saisie de messageries professionnelles de salariés, comportant, outre des éléments entrant dans le champ de l'autorisation, des documents relatifs à la vie privée, est sans incidence sur la régularité de la saisie

En conclusion, le Ministère Public demande de :

- rejeter les demandes d'annulation des opérations de visite et saisie ainsi que de la restitution de l'ensemble des documents et fichiers saisis contenus dans les différents scellés ;

- rejeter les demandes d'annulation des 2 PV d'audition et des documents listés par la requérante en pièces 18, 19, 20, 21, 222, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 annexées à ses conclusions.

SUR CE

I) Sur la nullité des opérations de visite et saisies réalisées dans les locaux de la société Charles Z

A) Les enquêteurs ont porté gravement atteinte aux droits de la défense en utilisant des méthodes incompatibles avec l'article 6 de la CESDH et le principe de loyauté dans la recherche des preuves

Il est constant que les dispositions de l'article 6 de la CESDH ne sont pas applicables dans la phase de l'enquête préparatoire, phase pendant laquelle aucune accusation n'est portée à l'encontre de la société ou personne physique visée par l'ordonnance d'autorisation et de saisie.

1) L'insuffisance des informations fournies par les enquêteurs à leur arrivée sur les lieux

Il ressort du procès-verbal établi le 22 septembre 2015 que ce jour, à 9h 40, les rapporteurs des

services d'instruction de l'Autorité de la concurrence, à savoir MM. Renaud Halem, Nicolas Deleste et Mme Sonia Sbaa, se sont présentés dans les locaux de la société Charles Z, situés ZI La Tapy, adresse [...] procès-verbal mentionne " où nous avons été reçus par M. Christian Mouraille, responsable national des ventes RHF, avons justifié de notre qualité et indiqué l'objet de notre enquête, avons notifié par procès-verbal distinct du 22 septembre 2015 les ordonnances précitées (JLD de Paris en date du 11 septembre 2015 et JLD de Carpentras en date du 16 septembre 2015) à M. Mouraille en sa qualité d'occupant des lieux ".

En l'espèce, rien n'autorise la requérante à affirmer que les enquêteurs n'ont pas décliné leur identité à leur arrivée, ni fait connaître l'objet de leur enquête.

En outre, la notification de l'ordonnance et du droit d'être assisté d'un avocat ne peut pas être critiquée puisque sur la même page du procès-verbal, il est précisé " Mr Thierry Goubault nous a indiqué que l'entreprise avait fait appel à un avocat par téléphone. Aucun conseil ne s'est présenté ". De même, aucun texte ne prévoit la notification verbale de l'ordonnance en plus de la remise de ce document.

Dès lors, la société a été mise valablement en mesure d'exercer sa défense.

Ce moyen sera rejeté.

2) Les enquêteurs ont procédé à des auditions sans informer les personnes entendues sur leurs droits

a) L'absence de notification du droit à l'assistance effective d'un avocat

Comme nous l'avons indiqué précédemment, les dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 5 du Code de commerce, qui énoncent " l'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou de son représentant de faire appel à un conseil de son choix ", ont été respectées.

Il est également constant que cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations en cas d'indisponibilité de l'avocat contacté.

Par ailleurs, cette mention est présente dans le corps des deux ordonnances notifiées à l'occupant des lieux.

Nous rappelons également que l'entreprise a essayé de faire appel à un avocat lequel ne s'est pas déplacé. Ainsi, il est vain de faire porter cette carence aux rapporteurs de l'ADLC et de leur reprocher sur ce point un quelconque manquement au principe de loyauté.

Ce moyen sera écarté.

b) L'absence de notification du droit de se taire

En l'espèce, la notification du droit de garder le silence n'avait pas à être effectuée.

Au stade de l'enquête préparatoire, où aucune accusation n'est formulée, il est constant que les personnes librement auditionnées avaient tout à fait le choix de ne pas répondre ou de le faire de façon évasive ou bien d'indiquer, comme elles l'ont fait, qu'elles n'avaient aucune connaissance de faits décrits dans l'ordonnance.

Ce moyen sera rejeté.

3) Les enquêteurs ont violé leur devoir de loyauté dans la recherche de la preuve

Il ressort des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce que " les agents mentionnés à l'article L. 450-1 du Code de commerce peuvent procéder, au cours de la visite, à l'audition de l'occupant des lieux ou de son représentant en vue de recueillir les informations ou explications utiles aux besoins de l'enquête ", étant précisé que la suite de cet article, qui fait état des dispositions de l'article 61-1 du Code de procédure pénale, n'a pas matière à s'appliquer dès lors qu'il n'a pas été procédé à une audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Dans la mesure où à ce stade et comme nous l'avons rappelé précédemment, aucune accusation n'est formulée à l'encontre de la société visitée, il peut en être déduit que les auditions auxquelles procède l'enquêteur et qui n'imposent pas que l'intéressé soit assisté d'un conseil, ne doivent pas être assimilées à celles donnant lieu à rédaction d'un procès-verbal lors de la procédure d'instruction, laquelle suppose notamment la communication préalable des griefs.

Ces auditions, auxquelles les personnes peuvent refuser légitimement de répondre, peuvent être recueillies sous la forme de déclarations spontanées ou bien sur demande de renseignement nécessaire au contrôle mais ne doivent pas prendre la forme de questions/réponses ciblées sur les agissements frauduleux supposés, étant précisé qu'à ce stade, la notification des griefs n'a pas été effectuée.

Il sera fait droit à l'annulation des procès-verbaux d'audition de M. Laurent Sanchez en date du 22 décembre 2015 à 11h20 et de M. Thierry Goubault établi le même jour à 14h15, dès lors que ces auditions, par un examen in concreto de leur contenu, ont porté atteinte aux droits de la défense reconnus à l'entreprise. Ces auditions annulées avec interdiction pour l'ADLC d'en faire un quelconque usage, n'affectent pas pour autant la validité de l'ensemble des opérations.

S'agissant des tentatives d'intimidation, elles ne sont pas établies par les éléments du dossier, étant précisé que celles-ci à les supposer établies n'ont pas eu d'effet puisque les personnes auditionnées ont répondu de façon très vague aux questions posées, ce qui était leur droit le plus absolu.

B) Les enquêteurs ont violé les droits de la défense de la société Charles Z en utilisant des méthodes disproportionnées au regard de l'article 8 de la CESDH

Il est constant que l'article 8 de la CESDH est tempéré par son deuxième paragraphe qui dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que 'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Il a lieu de rappeler que lorsqu'il a été saisi de la requête de l'ADLC, le Juge des libertés et de la détention avait connaissance de ces éléments et des recherches effectuées a posteriori par celle-ci concernant des agissements prohibés supposés ; qu'il a effectué un contrôle de proportionnalité entre les présomptions qui lui ont été produites et l'atteinte aux libertés ; que le nombre de documents saisis importe peu au regard des éléments qui lui étaient soumis au moment de sa prise de décision.

Par ailleurs, il est inopérant de comparer les pouvoirs de visite et de saisie des rapporteurs de l'Autorité agissant sur autorisation judiciaire et sous le contrôle d'un juge et d'un officier de la police judiciaire et donnant lieu à un contrôle juridictionnel effectif avec la pratique des inspections des agents de la Commission Européenne, qui agissent sur le fondement d'une décision administrative sans le contrôle d'un juge ['], leur cadre juridique étant totalement différent.

Enfin, le procès-verbal de visite et de saisie établit que c'est à bon droit que Mr Christian Mouraille, responsable national des ventes RHF, présent dans les locaux de la société et ayant reçu les enquêteurs de l'ADLC, a été désigné en qualité d'occupant des lieux de la société, étant précisé que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce font expressément référence à l'occupant des lieux de la société et non à son représentant des lieux.

Enfin, le caractère massif et indifférencié des données informatiques ne peut être valablement soutenu, les enquêteurs n'ayant saisi que 1800 fichiers sur 1,2 millions de fichiers analysés, soit un pourcentage de 0,15%.

De même que préalablement à toute saisie informatique, il est indiqué la mention " avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention ", ce qui suppose l'utilisation de mots clefs discriminants en relation avec l'ordonnance et celle d'un logiciel de recherche de preuves dans les ordinateurs (y compris les données cryptées ou effacées), en l'espèce le logiciel Encase, utilisé par la plupart des Autorités administratives indépendantes ou administrations (fiscales, douanières.).

En outre, il est constant que l'ADLC n'a pas à divulguer ses mots clés.

De même, le champ des investigations devant être relativement large au stade préparatoire de l'enquête, rien n'interdit à ce que soit saisi tout document d'une société ayant un lien même ténu avec la ou les sociétés visées par l'ordonnance d'autorisation.

S'agissant de la protection des échanges avocat-client, il a été proposé la faculté (que la société pouvait refuser) de mettre en place la technique des scellés fermés provisoires, comme le mentionne le procès-verbal susmentionné en sa page 5 : " s'agissant des fichiers informatiques appréhendés, nous avons demandé à Mr Christian Mouraille, occupant des lieux et Thierry Goubault, représentant de l'occupant des lieux, si des documents protégés au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus. MM Mouraille et Goubault ont indiqué que : des documents présents dans les fichiers retenus dans les supports d'informations de MM. Goubault, Sagne et Sanchez relèvent de la protection susmentionnée, les supports de Mme Karine Flasseeur, MM. Jean-Claude Bouvier, Stéphane Guillot-Vignot, Matthieu Fouache et Christian Mouraille n'en contenant pas (') Avons par ailleurs placé les fichiers de MM. Goubault, Sagne et Sanchez sous scellé fermé provisoire n°11 sur 2 clés USB (') Avons indiqué à M. Mouraille, occupant des lieux, que l'ouverture du scellé provisoire et la suppression de documents couverts par la protection prévue par la loi précitée interviendra à partir du 14/10/2015 à 10 heures dans les locaux de l'entreprise, en présence d'un officier de police judiciaire, qu'à cet effet, nous avons indiqué à M. Mouraille, occupant des lieux, qu'il devait nous faire parvenir par courriel à l'adresse suivante : service.investigations@autoritédela concurrence.fr, au plus tard le 6/10/2015, le tableau dont le modèle est joint en annexe 5 listant les documents qu'il estime couverts par la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ".

Par ailleurs, le moyen relatif au fait que MM Mouraille et Goubault n'auraient pas compris le sens de la phrase " Si des documents protégés au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus " relève de la pure extrapolation, les enquêteurs et officiers de police judiciaire ayant bien pris le soin d'expliquer le privilège légal et les intéressés dont les capacités intellectuelles sont indéniables, ayant été à même de le comprendre.

Enfin, s'agissant des saisies papier, elles sont détaillées dans l'inventaire et il appartenait à la société de produire, un par un, les documents supposés être relatifs à la vie privée, étant précisé que les saisies ont été effectuées sur les messageries professionnelles des salariés de la société.

Les moyens et sous moyens développés ci-dessus seront écartés.

C) Les enquêteurs n'ont pas respecté l'obligation de délivrer un inventaire exhaustif en violation des articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale

Il convient de rappeler que la réalisation des inventaires est régie par les dispositions de l'article R. 450-2 du Code de commerce, qui mentionne que les procès-verbaux, prévus à l'article L. 450-4 dudit code, relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur le champ et comportent l'inventaire des pièces et documents saisis.

Il s'en déduit de cet article et de plusieurs décisions significatives de jurisprudences qu'aucune forme particulière de l'inventaire des pièces et des documents saisis n'est imposée, que celui-ci peut, à titre illustratif, prendre la forme d'une arborescence.

S'agissant du délai de 15 jours, laissé à la société Z, pour faire usage de la procédure des scellés fermés provisoires, ce délai est identique à celui accordé aux autres sociétés.

Enfin, l'intitulé d'un fichier ne saurait préjuger du contenu de celui-ci : les mentions " personnel " ou " perso ", libellées par le salarié ayant créé le fichier, n'impliquent pas que le fichier soit exempt d'éléments totalement étrangers à l'ordonnance d'autorisation.

Ces moyens et sous moyens seront rejetés.

D) Les enquêteurs ont porté une atteinte grave au secret des correspondances entre le client et son avocat lors de l'ouverture des scellés fermés

Il a été partiellement répondu à ces moyens supra.

Il a également été indiqué que cette procédure n'était qu'une faculté laissée à l'entreprise, qui pouvait la refuser et il est vain, alors que celle-ci a été acceptée, de la contester au moment de l'ouverture des scellés fermés provisoire.

Par ailleurs, la présence d'un huissier de justice est inutile dans cette procédure où la société était représentée par ses avocats et qu'un officier de police judiciaire était présent et il était loisible aux avocats, par le biais de l'OPJ, en cas de difficulté d'en référer au JLD.

La méthode consistant à procéder à l'effacement sans lecture des messages identifiés n'est pas pertinente.

Il est constant que la loi du 31 décembre 1971, en son article 66-5, énonce 'en toute matière que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense les consultations adressées par un avocat à son client où destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention 'officielle' les notes d'entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel'. Ce principe essentiel n'est nullement contesté. De même qu'il est acquis que cette protection concerne également les correspondances échangées avec un avocat étranger.

Cependant, ce principe n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions. A titre illustratif, il ne peut pas être admis que les échanges entre deux correspondants avec en copie jointe un avocat puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client, sauf à dénaturer cette protection légale. En effet, il suffirait pour une société d'échanger des mails avec une autre société, avec en copie conforme un destinataire qui aurait la qualité d'avocat, pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal. De même, les échanges entre salariés de retranscriptions, plus ou moins fidèles, d'avis d'avocats ne relèvent pas systématiquement de cette protection légale. A tout le moins il convient de vérifier qu'un avocat est l'expéditeur ou le destinataire principal d'un courriel.

Ces moyens seront écartés.

II) Sur la nullité des saisies de certains documents appréhendés irrégulièrement dans les locaux de la société Charles Z

- La communication des documents appréhendés irrégulièrement

- La nullité des saisies hors du champ matériel de l'autorisation de visite et saisies

Il a été rappelé dans notre ordonnance statuant sur l'appel que l'ordonnance du JLD de Paris, en date du 11 septembre 2015, concernait le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes et non pas un ou des marchés pertinents, lesquels seront définis, lors de la phase éventuelle de la notification des griefs. Ce périmètre est suffisamment large pour inclure l'activité de la société Z et ses modes de commercialisation.

De même, l'ordonnance du JLD de Paris ne se limitait pas au marché national et elle indiquait la mention suivante " si les pratiques illicites présumées peuvent toucher potentiellement l'ensemble du territoire national, elles sont également susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres, compte tenu du fait que certaines de ces entreprises produisent et/ou diffusent leurs produits dans des pays de l'Union Européenne et de relever ainsi de l'application de l'article 101-1 a) et c) du TFUE ".

En outre, l'argument selon lequel le premier juge devait se fonder sur un faisceau d'indices graves et concordants pour accorder l'autorisation n'a pas de sens. Cette notion est celle retenue par un magistrat instructeur pour mettre en examen un mis en cause lors d'une ouverture d'information et il est constant que le contentieux des visites domiciliaires relève de la matière civile et le JLD doit simplement relever un ou plusieurs indices faisant apparaître des présomptions d'agissements prohibés.

La présence de documents supposés être hors champ d'application de l'ordonnance peut être due à deux facteurs: l'insécabilité des messageries électroniques et également le fait de l'existence d'un lien, même tenu, entre la société visitée, en l'espèce la société Charles Z et d'autres sociétés - au cas présent, les sociétés Charles & Alice et Charles & Alice Inc. En effet, il est constant que l'autorisation de saisie concerne tous les documents en rapport avec les agissements présumés et permet donc de procéder à la saisie d'éléments comptables de personnes physiques ou morales pouvant être en relation d'affaires avec une société visée par des présomptions d'agissements prohibés, des documents appartenant à des sociétés du même groupe, des pièces pour partie utile à la preuve des agissements présumés ou en rapport, même partiel, avec les agissements prohibés, et les documents mêmes personnels d'un dirigeant et associé qui ne sont pas sans rapport avec la présomption de fraude présumée.

De même, l'ordonnance du 11 septembre 2015 querellée n'excluait pas les fruits découpés en coupelles et en gourdes, sous marques nationales ou marques de fournisseurs. En effet, la lecture de la page 8 de l'ordonnance fait apparaître les mentions suivantes " (') que ces comportement concerneraient l'approvisionnement des clients de la RHF et de la GMS sous marque de distributeurs (MDD) et sous marques à petit prix (MPP); que le demandeur à la clémence mentionne que de telles pratiques auraient pu s'étendre aux marques nationales comme en atteste ses déclarations (') ", puis " attendu que l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations de pratiques prohibées dont la preuve est recherché dans le secteur concerné ".

Dès lors, les demandes effectuées par la requérante sur le fondement de saisies supposées extérieures au champ d'application matériel de l'ordonnance, seront rejetées.

- Les saisies hors du champ temporel de l'autorisation de visite et saisies

i) Les saisies d'informations antérieures au 6 octobre 2010

Il est constant que des documents qui auraient été saisis, antérieurs à la période retenue dans l'ordonnance, peuvent être utilisés pour éclairer les faits non prescrits, susceptibles de constituer des agissements prohibés.

Ce moyen sera rejeté

ii) Les saisies d'information postérieures à janvier 2014

Par ailleurs, en se référant aux termes de l'ordonnance cités ci-dessus, à savoir " attendu que l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations de pratiques prohibées, dont la preuve est recherché dans le secteur concerné ", rien n'exclut que ces agissements aient cessé après janvier 2014.

Ce moyen ne saurait prospérer.

- La nullité des saisies en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances échangées entre le client et son avocat

Il a été déjà répondu à ce moyen supra.

- La nullité des saisies en violation du droit fondamental au respect de la vie privée

Comme il a été indiqué précédemment, l'intitulé d'un fichier ne saurait préjuger du contenu de celui-ci : les mentions " personnel " ou " perso ", libellées par le salarié ayant créé le fichier, n'impliquent pas que le fichier soit exempt d'éléments totalement étrangers à l'ordonnance d'autorisation.

Par ailleurs, les messageries analysées proviennent d'ordinateurs professionnels et ces messageries sont, par nature, insécables.

Si des courriels personnels ont pu être saisis, compte tenu du caractère insécable de la messagerie, il est exclu que l'ADLC puisse en faire un quelconque usage.

Ce moyen sera écarté.

Enfin, aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, - Rejetons les recours contre les opérations de visite et de saisies du 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Charles Z ainsi que celles des 14 et 15 octobre 2015 relatives à la constitution du scellé fermé définitif, à l'exception des procès-verbaux d'audition de Mr Laurent Sanchez en date du 22 décembre 2015 à 11h20 et de Mr Thierry Goubault établi le même jour à 14h15, qui seront annulés avec interdiction pour l'Autorité de la concurrence d'en faire un quelconque usage, - Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion et notamment l'annulation de toutes les autres documents listés et numérotées et annexées dans les conclusions de la société Z, - Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, - Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Charles Z.