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Décisions

Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-81.066

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Chaubon

Avocat général :

Mme Moracchini

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

Paris, 1er prés., du 13 janv. 2016

13 janvier 2016

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société Adecco Groupe France, la société Adecco France, la société Adecco Holding France, la société Pontoon anciennement Adjust Hr, contre l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 13 janvier 2016, qui, a prononcé sur la régularité des opérations de visite et saisie effectuées par les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que suite à une requête présentée à l'occasion de l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence d'où il résultait que les entreprises de travail temporaires Manpower, Adecco et Ranstad utiliseraient leurs filiales respectives, Alisia (groupe Manpower), Adjuste HR (groupe Adecco) RSR (groupe Ranstad AD) et Pixid (société commune aux trois groupes), spécialisées dans la gestion externalisée du travail temporaire, pour acquérir des informations commerciales sensibles sur leurs concurrents, de nature à orienter leurs stratégies commerciales pour faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé, par ordonnance du 1er juillet 2013, Mme la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce à des opérations de visites et de saisies dans les locaux desdites sociétés ; que les opérations de visites et de saisies ont été effectuées simultanément le 10 et le 11 juillet 2013 ; que les sociétés Adecco ont demandé l'annulation de ces opérations ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4, du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée s'est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;

"aux motifs que (...) sur la nature des documents saisis lors des opérations de visite et de saisie et sur le caractère disproportionné de la méthode employée par l'Autorité de ces saisies informatiques ; que l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'Homme dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que "Il ne peut y avoir ingérence d'une Autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ; que sur le caractère massif et indifférencié de la saisie, il y a lieu d'indiquer que la pratique en matière de visite domiciliaire consiste effectivement à introduire des mots clés mais également à introduire d'autres mots ou noms qui permettent une discrimination pour éviter de copier notamment, les correspondances échangées entre le ou les avocats et leurs clients ; que ceci étant précisé, une saisie lorsqu'elle est opérée dans ces conditions, ce qui semble être le cas en espèce, ne présente pas un caractère massif et indifférencié sous réserve que l'extraction des fichiers informatiques opérée par des agents de l'administration, assistés d'un officier de police judiciaire, soit faite à partir de mots-clés dont l'intitulé est en lien avec le champ d'application de l'autorisation du juge ; que par ailleurs, le procès-verbal de visite et de saisies fait état d'un logiciel " Encase " utilisé par les administrations ou les Autorités administratives indépendantes, lequel un logiciel d'investigations et de recherche de preuves cryptées ou effacées directement dans le serveur ; que ce logiciel a (été) utilisé que sur les messageries électroniques de cinq salariés sur onze messageries électroniques consultées, sous le contrôle de l'officier de police judiciaire et en la présence d'un représentant de l'entreprise qui ont pu constater la régularité des saisies effectuées par les rapporteurs et que celles-ci figurent avec une description suffisante dans les inventaires papiers, permettant sans équivoque de les identifier et de constater qu'elles entrent dans le champ d'application de l'autorisation, étant précisé que les sociétés requérantes ont reçu une copie des éléments copiés ; qu'en l'espèce, il ressort de la lecture de l'inventaire que l'Autorité est intervenue de manière sélective et ciblée que cette sélection ressort d'une part du nombres de fichiers saisis sur la totalité des fichiers existants (ratio de 0.488 % soit 4983 fichiers sur plus d'un million de fichiers analysés selon l'Autorité de la concurrence) ; qu'en ce qui concerne, les techniques moins intrusives ou plus discriminantes comme celles qui seraient utilisées par les services d'enquêtes de la Commission européenne, l'Autorité n'a pas à justifier de la méthode qu'elle emploie si celle-ci est appropriée au but recherché par l'ordonnance, étant précisé que les pouvoirs des inspecteurs de la Commission européenne sont différents de ceux des agents de l'Autorité de la concurrence, ces derniers avant la possibilité de saisir les supports d'information alors que les inspecteurs de la Commission européenne ne peuvent effectuer que des copies ; qu'en outre, les agents de l'Autorité de la concurrence agissent sur autorisation et la surveillance du Juge des libertés et de la détention et que leurs opérations peuvent faire l'objet d'un recours juridictionnel devant le Premier président de la cour d'appel, il est donc vain de comparer les deux méthodes d'investigations ; que par ailleurs, la pratique de la mise sous scellés provisoires n'est qu'une faculté laissée à la discrétion de l'Autorité lorsqu'une difficulté survient au cour des opérations de visite et de saisie ; que cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié, l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société ;

"1°) alors qu'à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective sa régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu'ainsi, le juge est désormais tenu d'exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu'en se bornant à affirmer pour dire que les saisies pratiquées dans des sociétés et des locaux distincts du groupe Adecco n'avaient pas été massives et indifférenciées qu'une saisie lorsqu'elle est opérée à partir de mots clefs en lien avec l'autorisation délivrée, ne présente pas un caractère massif et indifférencié, la cour d'appel qui n'a pas exercé son contrôle concret sur la pertinence des mots clefs effectivement retenu n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors qu'à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du Premier président de la cour d'appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu'ainsi, le juge est désormais tenu d'exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu'en se bornant à affirmer pour dire que les saisies pratiquées dans des sociétés et des locaux distincts du groupe Adecco n'avaient pas été massives et indifférenciées que la saisie semble avoir été opérée à partir de mots-clefs en lien avec l'autorisation délivrée, la cour d'appel qui n'a pas exercé son contrôle concret sur la pertinence des mots clefs effectivement retenu n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors qu'à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu'ainsi, le juge est désormais tenu d'exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu'en affirmant que l'Autorité n'a pas à justifier de la méthode qu'elle emploie si celle-ci est appropriée au but recherché par l'ordonnance et qu'il n'est pas non plus nécessaire de se demander s'il existe des techniques d'investigation moins intrusives, la cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention des droits de l'Homme et L. 450-4 du Code de commerce ;

"4°) alors que la personne morale dont les locaux sont visités doit pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, ou, à défaut faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective sa régularité ; qu'en considérant que la présence d'un représentant de l'entreprise et d'un officier de police judiciaire lors de l'utilisation du logiciel de recherche suffisent pour s'assurer de la régularité de la saisie, la cour d'appel a violé de plus fort les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et L. 450-4 du code de commerce" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4, du Code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée s'est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;

"aux motifs que (...) s'agissant des messageries de M. Jacques Delsaut, de Mme Thérésa Da Cruz, de M. Alain Dehaze, de M. Jean-Marc Guillot dont il est demandé l'annulation dans le dispositif des conclusions récapitulatives des sociétés requérantes au motif que ces messageries combinées à un nombre important de documents relevant du secret des correspondances avocat/client, il est cité cinq saisies effectuées dans les messageries des cadres sus-mentionnés ; qu'il est constant, cependant, que la présence de l'échange de courriels contestés dans la saisie des fichiers informatiques n'entraîne pas la nullité de toute la saisie, étant précisé que la saisie des documents contestés ne procède pas d'une volonté délibérée de la part des enquêteurs mais de la nature spécifique de la messagerie Outlook ; que de plus, l'annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tendant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcée par le Juge ; que compte tenu de ce qui précède, la saisie des courriels sus-mentionnés à savoir ceux de M. Jacques Delsaut, de Mme Thérésa Da Cruz, de M. Alain Dehaze et de M. Jean-Marc Guillot sera annulée avec interdiction pour l'Autorité d'en faire état ; qu'il convient en revanche de valider l'ensemble des autres saisies informatiques ; que ces moyens seront rejetés à l'exception des cinq documents énoncés dans les conclusions et relatives à MM Jacques Delsaut, Alain Dehaze, Jean-Marc Guillot et Mme Thérésa Da Cruz ;

"1°) alors que la violation du secret professionnel intervient dès la saisie et la restitution des documents irrégulièrement saisis ne suffit pas à rétablir la société dans ses droits ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que la violation du secret professionnel intervient dès la saisie et la restitution des documents irrégulièrement saisis ne suffit pas à rétablir la société dans ses droits ; qu'en affirmant pour refuser d'annuler l'essentiel de la saisie que la saisie des documents contestés ne procède pas d'une volonté délibérée de la part des enquêteurs, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier la saisie de courriers couverts par le secret professionnel et partant insaisissables, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors qu'en affirmant qu'il est possible d'ordonner l'élimination physique de certaines pièces seulement des messageries lorsqu'elles sont couvertes par le secret professionnel, tout en justifiant leur saisie initiale par la nature insécable de toute boîte de messagerie, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que, pour dire régulières les opérations de visite et saisie, à l'exception de cinq documents couverts par le secret des correspondances entre avocat et client, l'ordonnance prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, le juge, qui n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles invoquées, a justifié sa décision : que, d'une part, la saisie est valable dès lors qu'elle porte sur des documents au moins pour partie utiles à l'enquête et l'annulation d'une pièce couverte par le secret de la correspondance entre avocat et client ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents, que, d'autre part, il résulte des énonciations de l'ordonnance que le premier président a examiné les conditions du déroulement des opérations de visite et saisie ainsi que les modalités et la portée de la sélection des documents effectuée et il a souverainement apprécié que l'Autorité était intervenue de manière sélective et ciblée et que la pratique mise en œuvre conciliait l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4, du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée s'est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;

"aux motifs que (...) sur l'absence de notification d'ordonnance aux sociétés Adecco groupe France lors des opérations de visite et saisie à Paris et Adjust HR lors des opérations de visite et saisie à Villeurbanne ; qu'il est reproché à l'Autorité de la concurrence, d'une part, d'une absence de notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention lors des opérations de visite et de saisie effectuées au 57/59 Boulevard Malesherbes à Paris (75008 ) à l'encontre de la société Adecco Groupe France, non citée dans l'ordonnance d'autorisation et d'autre part, que les ordinateurs de MM. Jean Marc Guillot et Gérald Jasmin, salariés qui relèvent de la société Adecco groupe France aient été consultés et le contenu saisi alors que leur société Adecco groupe France n'est pas visée dans l'ordonnance ; que s'agissant de MM. Guillot et Jasmin, l'examen du procès-verbal de visite et de saisie au 57/59 Boulevard Malesherbes à Paris (75008) établi le 10 juillet 2013 à 9 heures 30 fait apparaître que M. Guillot se présente comme responsable pricing et que M. Jasmin comme responsable des grands comptes sans plus de précision; que la notification a été faite à M. Delsaut en qualité d'occupant des lieux qui s'est présenté comme directeur commercial et que la lecture de la dernière page où M. Delsaut émet des observations comporte in fine la mention "Jacques Delsaut, directeur commercial Adecco" sans plus de précision non plus ; que la saisine des documents dans les ordinateurs de MM Guillot et Jasmin dans un lieu visé par l'ordonnance à savoir 57/59 Boulevard Malesherbes à Paris (75008) est sans incidence sur la procédure car l'élément à prendre en compte est le lieu visé dans l'ordonnance et toutes les personnes qui disposent de bureaux à cette adresse peuvent faire l'objet d'investigations ; que compte tenu de l'imbrication de ces sociétés situées sur le même lieu et du fait que l'Autorité n'a pas la possibilité lorsque des sociétés dépendantes d'un même groupe et situées à la même adresse de déterminer pour chaque personne présente son rattachement à une société, étant précisé qu'une personne peut avoir un contrat de travail d'une société et être mise à disposition de façon temporaire au sein d'une société soeur ou mère ; que les enquêteurs de l'Autorité étaient fondés à effectuer leurs investigations dans les lieux visités ; que, par ailleurs, que la notification de l'ordonnance n'ait pas été faite au représentant légal de la société Adecco groupe France ne fait aucun grief dans la mesure où cette société en qualité d'occupante des lieux étant informée de cette opération a pu faire appel en qualité d'occupante des lieux devant notre juridiction des opérations de visite et de saisie ; que concernant l'absence de notification invoquée de l'ordonnance d'autorisation sur le site de Villeurbanne, il est bien indiqué dans le procès-verbal des opérations de visite et de contrôle en date du 10 juillet 2013 à 10 heures 30 que les ordonnances des juges des libertés et de la détention de Paris et de Lyon ont été notifiées à M. Michel Manent, directeur des affaires sociales, et occupant du lieu ;

"alors que la notification de l'ordonnance d'autorisation de visite informe la société visitée non seulement de sa faculté de faire appel de cette décision, mais aussi de ses droits pendant le déroulement des opérations de visite et saisies et lui permet d'apprécier et de contester sa régularité ; qu'en considérant qu'il importait peu que l'ordonnance d'autorisation de visite n'ait pas été notifiée à la société Adecco groupe France dans la mesure où elle avait fait appel de cette décision, la cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article L. 450-4, du Code de commerce" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt et les pièces de procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que l'ordonnance autorisant les opérations de visite et saisie a été notifiée à l'occupant des lieux ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4, du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée s'est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;

"aux motifs que (...) sur l'impossibilité de vérifier que les pièces informatiques saisies entrent dans le champ de l'autorisation judiciaire obtenue, les sociétés requérantes font valoir qu'il est impossible de vérifier que les pièces informatiques entrent dans le champ d'application de l'autorisation et ont produit un listing où certains intitulés surlignés en gris (pièce no15) ne seraient pas susceptibles de rentrer dans ce champ ; qu'il convient de rappeler que l'intitulé d'un fichier peut être fantaisiste ou peu explicite pour masquer un contenu qui rentrerait dans le champ d'application de l'ordonnance, c'est la raison pour laquelle l'Autorité de la concurrence dispose du logiciel Encase utilisé par les administrations ou les Autorités administratives indépendantes, lequel est un logiciel d'investigations et de recherche de preuves cryptées ou effacées directement dans le serveur ; qu'il offre la possibilité de combiner, d'ajuster différents critères de recherche, notamment les mots clés, valeur de hachage, expression régulière et période (prescription) ; qu'en l'espèce, l'intitulé d'un fichier n'est pas significatif en soi et le fait de surligner en gris certains noms de fichiers qui sembleraient a priori hors du champ d'application n'a pas de sens dans la mesure où son contenu serait susceptible de révéler des présomptions simples d'agissements prohibés ; qu'il est par ailleurs rappelé que le nom du fichier et son caractère, le cas échéant, peu explicite est de la responsabilité de l'utilisateur qui attribue ce nom et ce n'est que par la comparaison du contenu du fichier dont la société possède à la fois l'original et une copie remise par l'Autorité qu'il est possible de démontrer que des documents ne rentrent pas dans le champ de l'application de l'ordonnance, ce qui n'a pas été fait en l'espèce ; que ce moyen sera rejeté ;

"1°) alors qu'il appartient à l'administration de la concurrence de rapporter la preuve que seuls des documents entrant dans le champ de l'autorisation délivrée ont été saisis ; qu'en reprochant au contraire aux sociétés du groupe Adecco de ne pas avoir comparé le contenu du fichier dont elles possèdent à la fois l'original et une copie remise par l'Autorité pour démontrer que des documents ne rentrent pas dans le champ de l'application de l'ordonnance, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes visés au moyen ;

"2°) alors qu'il incombe au juge de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire des opérations, la régularité de ces dernières et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents appréhendés irrégulièrement ; qu'en reprochant aux sociétés du groupe Adecco de ne pas avoir comparé le contenu du fichier dont elles possèdent à la fois l'original et une copie remise par l'Autorité pour démontrer que des documents ne rentrent pas dans le champ de l'application de l'ordonnance, quand il lui appartenait de procéder à une telle vérification, la cour d'appel qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé de plus fort les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour écarter le grief pris de l'impossibilité de vérifier que les pièces informatiques saisies entraient dans le champ de l'autorisation judiciaire, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il incombait à la société Adecco d'indiquer précisément les documents dont elle estimait qu'ils relevaient de la confidentialité des échanges avec son avocat, le premier président a, sans inverser la charge de la preuve et sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen sera écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4, du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée s'est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;

"aux motifs que (...) sur l'atteinte à l'intégrité de la messagerie de M. Steeve Roy, il ressort comme l'ont indiqué les sociétés appelantes que le fichier de messagerie de M. Steeve Roy a été scindé en deux, ce qui affecterait son intégrité ; qu'il y a lieu de rappeler que les enquêteurs de l'Autorité ont préalablement identifié ce fichier et calculé son empreinte numérique avant de le scinder au motif qu'il était trop volumineux pour figurer dans un seul DVD ; qu'il ne s'agit là que d'une simple opération technique qui ne constitue pas une violation grave des droits de la défense des sociétés du groupe Adecco, cette opération n'ayant pas affecté le fichier de messagerie original de M. Roy et qu'il est tout à fait possible eu égard au principe d'insécabilité (de l'original) d'un fichier de messagerie de déterminer ce qui a été saisi ;

"alors que les boîtes de messageries électroniques sont insécables et indivisibles ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement scinder en deux la boîte de messagerie de M. Roy sans affecter son intégrité, tout en justifiant la validité d'une telle opération technique par le principe d'insécabilité des boîtes de messageries ce dont il résulte qu'une telle boîte de messageries étaient indivisibles, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;

Attendu que, pour écarter le grief pris de ce que le fichier de messagerie de M. Roy avait été scindé en deux, l'ordonnance énonce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations d'où il résulte que les opérations de scission du fichier n'ont pas affecté l'original, le premier président a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.