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Décisions

Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-84.902

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Guého

Avocat général :

M. Cordier

Avocats :

SCP Marlange, de La Burgade

Grenoble, ch. corr., du 23 mai 2016

23 mai 2016

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la Cour d'appel de Grenoble, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2016, qui a renvoyé la société X des fins de la poursuite du chef de pratiques commerciales trompeuses ; - Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 5 et 6 de la directive 2005/29/CE, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; - Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, 5 et 6 de la directive 2005/29/CE, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; - Les moyens étant réunis ; - Vu les articles L. 120-1, devenu L. 121-1, et L. 121-1, 2°, devenu L. 121-2, 2°, du Code de la consommation et 593 du Code de procédure pénale ; - Attendu qu'il résulte des deux premiers textes qu'une pratique commerciale est trompeuse notamment si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service, et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ;

Attendu que, selon le troisième texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, entre le 11 août 2010 et le 2 juillet 2012, des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont procédé à des constatations sur le site www.xxx.fr exploité par la société X et ont dressé un procès-verbal d'infraction à l'encontre de cette dernière, pour pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; que la société a été poursuivie de ce chef devant le tribunal correctionnel, plus particulièrement pour avoir, courant 2012, pratiqué sur de très nombreux produits relatifs à la musculation des promotions permanentes faisant référence à des prix initiaux en réalité non appliqués, en mentionnant une durée de promotion finalement prorogée indéfiniment afin d'inciter le consommateur à acheter le produit d'autant plus rapidement que la promotion apparaissait réelle et limitée ; que le tribunal correctionnel a déclaré la prévenue coupable, l'a condamnée à une amende et a prononcé sur les intérêts civils ; que la société et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer la société X, l'arrêt attaqué énonce notamment que la référence à des prix initiaux en réalité non appliqués ne peut se déduire de la seule circonstance que ces prix n'étaient pas exacts à défaut de respecter pour leur fixation les modalités de calcul prévues par l'arrêté du 31 décembre 2008 alors applicable, ces dispositions contrevenant à la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, en ce qu'elles instituent une interdiction générale de déterminer le prix de vente de référence autrement que selon le mode prévu par l'arrêté ; que les juges ajoutent que sur les captures d'écran réalisées durant la période de la prévention, à savoir l'année 2012, excepté pour quatre produits annoncés en promotion entre le 15 mars et le 15 avril 2012, il n'est jamais mentionné, pour chacun des différents produits siglés " promo", une période de validité ou une date de fin mais seulement pour quelques rares produits, l'indication que l'offre est valable dans la limite des stocks disponibles et qu'il ne ressort pas du procès-verbal de constat que la promotion des re produits précités se soit poursuivie au-delà du 15 avril 2012 ; que la cour d'appel retient par ailleurs que pour apprécier le caractère trompeur de l'indication "promo" accolée à un prix barré, il convient de déterminer si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse ou du membre moyen du groupe lorsqu'une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs, que ce consommateur moyen ou le membre moyen de ce groupe est, par référence au considérant 18 de la directive précitée, "normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques, selon l'interprétation donnée par la Cour de justice ", qu'à cet égard, il doit être retenu d'une part que ce consommateur moyen est celui qui est intéressé par des produits accompagnant la pratique de la musculation, ce qui induit des achats antérieurs entraînant une certaine connaissance des niveaux de prix pratiqués et d'autre part qu'il cherche à les acquérir sur Internet, mode d'achat qui permet une comparaison presque instantanée avec des produits semblables vendus par des concurrents ; que les juges en déduisent que si la mention "promo" accolée à un prix barré peut attirer l'attention du consommateur moyen, voire le détourner du site d'un concurrent, ce qui ne saurait de ce seul fait constituer à son égard une pratique commerciale trompeuse, l'acte d'achat est en réalité déclenché par le seul prix effectivement proposé, de sorte qu'il n'est pas démontré que la pratique commerciale incriminée est de nature à induire le consommateur auquel elle s'adresse en erreur ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, d'une part, sans mieux rechercher si, au cas d'espèce, les prix de référence mentionnés par les promotions proposées durant la période de prévention avaient bien été précédemment appliqués, même antérieurement à cette période, d'autre part, en se fondant, pour apprécier l'incidence de la pratique concernée sur le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sur des critères inopérants tenant à l'intérêt particulier du client éventuel pour le produit concerné en raison d'achats antérieurs sur Internet et à sa faculté de comparer instantanément les prix pratiqués par d'autres commerçants en ligne, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Grenoble, en date du 23 mai 2016, et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.