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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 6 juillet 2017, n° 15-03790

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Hager Services (Sasu), Parfip France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grasso

Conseillers :

Mmes Jeanjaquet, Mongin

Jur. prox. Bobigny, du 17 déc. 2014

17 décembre 2014

La société Parfip France a pour objet la location financière de matériels d'équipement au bénéfice de particuliers et commerçants. La société Prodis est une société spécialisée dans la vente et l'installation de systèmes de télésurveillance et vidéosurveillance et autres techniques de contrôle à l'adresse des professionnels et particuliers.

Le 28 octobre 2009, M. X et Mme X ont conclu avec la société Securibox, aux droits de laquelle vient la société Prodis un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option sécuritaire et un contrat de mise à disposition de matériel et de prestation sécuritaire aux fins d'équiper leur domicile <adresse>.

Le 5 novembre 2009, M. et Mme X ont signé le procès-verbal de réception concernant le matériel mis à leur disposition sans réserve.

Par courrier recommandé du 5 avril 2013, les époux X ont adressé une lettre de résiliation des contrats à la société Prodis exposant qu'ils avaient déménagé après avoir vendu la maison dans laquelle était installé le matériel.

Par courrier du 10 avril 2013, la société Prodis a refusé de faire droit à leur demande au motif que la durée du contrat était fixe, irrévocable et indivisible.

Par lettre du 15 juillet 2013, les époux X adressaient une mise en demeure à la société afin de cesser les prélèvements et de les rembourser des loyers indûment prélevés.

Par acte du 24 septembre 2013, les époux X ont fait assigner la société Prodis devant la juridiction de proximité de Bobigny aux fins de voir notamment déclarer nulle car abusive la clause litigieuse sur la durée du contrat et condamner la société Prodis à leur verser la somme de 855,19 euro en remboursement des loyers indûment prélevés.

Par acte délivré le 25 avril 2014, M. et Mme X ont également assigné la société Parfip France en intervention forcée.

Par jugement du 17 décembre 2014, la juridiction de proximité a débouté les consorts X de l'ensemble de leurs demandes, ordonné la restitution du matériel à la société Parfip France à leurs frais sous astreinte de 50 euro par jour de retard dans les trente jours de la signification du jugement, les a condamnés à payer à la société Parfip France la somme de 300 euro à titre de dommages et intérêts, la somme de 300 euro à chacune des sociétés Parfip et Prodis sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 18 février 2015, M. et Mme X ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs conclusions du 29 juillet 2015, les appelants demandent à la cour, par infirmation du jugement en toutes ses dispositions, de déclarer nulles et non écrites les clauses contenues d'une part dans l'article 13 du contrat d'abonnement de télésurveillance et d'autre part la clause intitulée "conditions et coût" figurant en page 1 du contrat de mise à disposition du matériel comme étant abusives, constater la résiliation intervenue le 5 avril 2013, condamner solidairement la société Prodis et la société Parfip à leur verser la somme de 225 euro au titre des prélèvements indus, ordonner à la société Parfip France de procéder à la reprise et à l'enlèvement du matériel à ses frais, condamner solidairement les intimées à leur verser la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y, avocat au barreau de Paris, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que leur appel est recevable, le jugement ayant été improprement qualifié comme rendu en dernier ressort, la demande étant indéterminée.

Sur le fond, ils soutiennent que les clauses des contrats qui prévoient une durée irrévocable de 60 mois sont abusives, ce qui ressort de la recommandation n° 97-01 de la Commission des clauses abusives qui a considéré que les contrats irrévocables de plus d'un an sont particulièrement défavorables aux consommateurs.

Ils font valoir que la société Prodis ne démontre pas avoir effectivement cédé le matériel et que, même le cas échéant, elle devra être condamnée à leur verser l'équivalent de 20% des mensualités indûment prélevées du 5 mai 2013 au 5 septembre 2013 sur leur compte bancaire, puisque ces 20 % représentent la prestation de télésurveillance.

Selon ses conclusions du 13 avril 2015, la société Parfip France demande à la cour à titre principal, de déclarer l'appel irrecevable ; à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux X de l'ensemble de leurs demandes, leur a ordonné la restitution du matériel sous astreinte à leurs frais, les a condamnés à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive et une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et y ajoutant, de les condamner à lui verser la somme de 1000 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soulève l'irrecevabilité de l'appel d'un jugement rendu en dernier ressort.

Elle fait valoir que suite à la demande de financement du fournisseur et la facture échéancier, le contrat a été encodé sur 48 mois à compter du 5 novembre 2009 et s'est terminé le 4 novembre 2013 à son terme et qu'elle a cessé tout prélèvement à cette date et qu'elle doit être mise hors de cause si des prélèvements postérieurs ont été effectués.

Elle considère que les clauses litigieuses invoquées ne sauraient être qualifiées d'abusives, qu'elles ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur, que la durée du contrat et la faculté de résiliation doivent être appréciées au regard du mode de financement du matériel et de la difficulté de céder le matériel à un tiers en cas de résiliation anticipée, qu'elle a accepté le financement du matériel en tenant en compte de la durée du contrat et du montant des échéances, qu'en outre un déménagement ne constitue pas un juste motif de résiliation puisque les époux X avaient la possibilité de faire transférer leur matériel.

Elle soutient que les appelants sont de mauvaise foi en lui réclamant le remboursement de prélèvements qu'elle n'a pas effectués, en l'absence de tout fondement juridique et en ayant saisi leur protection juridique avant même de se rapprocher de leurs co-contracatants.

Aux termes de ses conclusions du 2 juin 2015, la société Hager Services intervient volontairement aux droits de la société Prodis et demande à la cour de dire l'appel irrecevable, de confirmer le jugement entrepris et y ajoutant, de condamner les époux X à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient l'appel d'un jugement rendu en dernier ressort est irrecevable alors que la demande indéterminée est suivie d'une demande chiffrée.

Elle soutient que les époux X sont irrecevables dans leurs demandes à son égard, la matériel ayant été cédé à la société Parfip France.

Elle fait valoir que les clauses des article 7 et 13 du contrat de location sont valables et ne peuvent être considérées comme abusives, que les recommandations de la Commission des clauses abusives n'ont aucune portée normative, que les époux X ne justifient en quoi ces clauses seraient abusives et créeraient un déséquilibre significatif, qu'ils ont accepté de s'engager pour une durée de 60 mois qui permet d'amortir une opération complexe nécessitant le respect par les co-contractants de la durée contractuelle prévue.

Elle soutient en toute hypothèse, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et que le motif de déménagement invoqué par les époux X ne justifie pas la résiliation du contrat ; que la demande en paiement est mal dirigée à son égard, le contrat ayant été cédé à Parfip à qui les mensualités ont été réglées et que la résiliation ne peut rétroagir au 5 avril 2013.

Sur ce,

Il convient de donner acte à la société Hager de ce qu'elle vient aux droits de la société Prodis à la suite d'une transmission universelle de patrimoine.

Sur la recevabilité de l'appel

Si le jugement déféré a été qualifié de "rendu en dernier ressort", la cour d'appel n'est pas liée par cette qualification et il lui appartient de restituer au jugement son exacte qualification.

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 213-1 et R. 231-3 du Code de l'organisation judiciaire que la juridiction de proximité connaît en dernier ressort des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euro et à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euro.

La demande des époux X en première instance tendait à voir déclarer nulle et réputée non écrite la clause contenue dans l'article 13 du contrat conclu avec la société Prodis le 28 octobre 2009 comme étant abusive et obtenir le remboursement de la somme de 855,19 euro.

Cette demande est par nature indéterminée et la juridiction de proximité en connaît à charge d'appel, peu important le montant des sommes réclamées par ailleurs au titre du contrat.

Il s'ensuit que l'appel des époux X est parfaitement recevable et les demandes des sociétés intimées tendant à les voir déclarer irrecevables doivent être rejetées.

Sur les demandes des époux X

Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il n'est pas contesté par les parties que le contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire signé par les époux X avec la société Prodis le 28 octobre 2009 pour la surveillance de leur domicile personnel est un contrat conclu entre un professionnel et deux consommateurs.

Ils ont également signé un contrat de mise à disposition de matériels et de prestations le même jour qui est indissociable du précédent quant à l'appréciation de l'existence de clauses abusives puisque le contrat d'abonnement n'est justifié que par le contrat de mise à disposition du matériel de télésurveillance avec lequel il forme un ensemble économiquement cohérent, les clients ne réglant d'ailleurs qu'une mensualité unique pour les deux contrats.

Ces deux contrats prévoient une durée fixe de 60 mois.

Il est précisé à l'article 2 a) du contrat de mise à disposition précise que le contrat " est conclu pour la durée irrévocable fixée aux conditions particulières " et l'article 7 2) " la durée du contrat est non seulement déterminée mais également irrévocable, chaque période commencée devant être menée à son terme ".

L'article 13 alinéa 1 des conditions générales du contrat d'abonnement stipule que " le présent contrat est conclu pour une durée de 48 ou 60 mois comme précisé au recto, irrévocable et indivisible ".

En revanche le distributeur dispose quant à lui, aux termes de l'article 10 des conditions générales de contrat de mise à disposition du matériel, d'une faculté de résiliation de plein droit, sans aucune formalité " en cas de non-paiement ne serait-ce que partiel d'un seul terme de mensualité ou cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du présent contrat " et d'autre part " à la convenance du distributeur nonobstant l'exécution de toutes ses obligations contractuelles, en cas de diminution des garanties et sûreté, liquidation amiable ou judiciaire, redressement judiciaire, déconfiture, décès du client, cessation d'activité partielle ou totale, cession amiable ou forcée du fonds de commerce, aliénation du bien changement de forme sociale ".

Il en résulte, que les clauses des articles 2 a) et 7 2) du contrat de mise à disposition et de l'article 13 alinéa 1 du contrat d'abonnement qui n'envisagent aucune possibilité de rupture anticipée du contrat alors que le distributeur se réserve une faculté de réalisation du contrat notamment " à sa convenance " même en l'absence de manquement de son co-contractant à ses engagements contractuels crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur.

Elle laisse croire au consommateur qu'il ne peut, même pour des motifs justifiés, mettre fin au contrat avant son terme.

Or, le consommateur se trouve engagé pour une durée particulièrement longue de 5 ans dans un domaine où les évolutions technologiques sont rapides et peuvent justifier une réévaluation du matériel et de la prestation fournis à des périodes plus rapprochées.

Les sociétés intimées ne justifient d'ailleurs pas que la durée fixée est nécessaire à l'équilibre économique du contrat.

Notamment la société Parfip produit une facture du matériel installé chez les époux X qu'elle a racheté à la société Prodis à hauteur de la somme modeste de 1 291,64 euro TTC, ce qui suppose un amortissement du matériel sur une période bien plus courte que celle du contrat.

C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la clause imposant une durée irrévocable ne constituait pas une clause abusive et il sera fait droit à la demande des époux X de voir déclarer abusives et par conséquent non écrites les clauses 2 a) et 7 2) des conditions générales du contrat de mise à disposition et la clause 13 alinéa 1 des conditions générales du contrat d'abonnement souscrits le 28 octobre 2009 avec la société Prodis.

Ces contrats litigieux qui prévoient une échéance à 5 ans doivent s'analyser en des contrats à durée indéterminée ouvrant au consommateur une faculté de réalisation unilatérale pour motifs légitimes.

Au cas particulier, les époux X ont, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2013, notifié à la société Prodis leur volonté de résilier le contrat, s'entendant des contrats de mise à disposition et d'abonnement, suite à la vente de leur bien immobilier le 3 décembre 2012 dont il ont justifié en joignant à leur courrier l'attestation notariée de vente et il est raisonnable de considérer que cette résiliation a pris effet à compter du mois de mai suivant.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement, de constater la résiliation des deux contrats en cause.

Les époux X sollicitent donc à juste titre le remboursement des mensualités de 45 euro qui ont été prélevée sur leur compte du mois de mai 2013 au mois de septembre 2013.

Aux termes des conditions générales du contrat de mise à disposition du matériel, le client " reconnaît au distributeur le droit de transférer la propriété des matériels et des droits en résultant " au profit notamment de la société Parfip et reconnaît " expressément que par l'effet de la cession, le cessionnaire prélèvera tant les mensualités que les prestations (encaissées pour le compte du prestataire) auprès de la banque domiciliaire ".

Il s'ensuit que la cession du matériel de la société Prodis à la société Parfip qui n'est pas contestée par ces deux sociétés et est bien justifiée par la production de la fiche la notification à la société Prodis de l'acceptation du dossier des époux X et par la facture du matériel établie par la société Prodis, peut être opposée aux époux X.

Toutefois, cette cession ne porte que sur le matériel et non les prestations de maintenance et si l'autorisation de prélèvement a été faite au bénéfice de la société Parfip, la mensualité de 45 euro prélevée par la société Parfip comprenait également la part correspondant au contrat de maintenance revenant à la société Prodis, sans que le contrat ne mentionne la ventilation entre le coût de mise à disposition du matériel et le coût des prestations de maintenance.

En outre, ce type de montage contractuel faisant intervenir de sociétés différentes sous des habillages juridiques peu compréhensibles et sans que les clients consommateurs aient été clairement informés du rôle de chacune et de leur engagements contractuels respectifs alors qu'il n'ont en réalité signé de contrat qu'avec le fournisseur du matériel qui reste en dépit de la cession du matériel, le fournisseur de la prestation de maintenance de ce même matériel et l'interlocuteur des clients, entraîne une confusion chez le consommateur qui n'a de relation qu'avec son fournisseur de matériel.

Il s'ensuit que la cession de matériel intervenue entre la société Prodis et la société Parfip ne saurait décharger l'une ou l'autre des sociétés du remboursement des mensualités uniques du contrat vis-à-vis du client.

En conséquence, les époux X sont bien fondés à poursuivre le recouvrement des mensualités prélevées à tort à l'encontre des deux sociétés qui seront condamnées in solidum à leur payer la somme de 225 euro.

La société Parfip, propriétaire du matériel, devra le reprendre à ses frais dans quelque lieu où il se trouve ;

Par ces motifs : La COUR, Infirme le jugement dans toutes ses dispositions et y substituant, Donne acte à la société Hager de ce qu'elle vient aux droits de la société Prodis ; Déclare réputées non écrites les clauses des articles 2 a) et 7 2) du contrat de mise à disposition de matériels et de prestations et de l'article 13 alinéa 1 du contrat d'abonnement de télésurveillance avec option sécuritaire souscrits par les époux X le 28 octobre 2009 avec la société Prodis du contrat ; Constate la résiliation des contrats intervenue le 5 avril 2013 à effet à l'échéance du mois de mai 2013 ; Condamne in solidum la société Hager et la société Parfip à verser à M. et Mme X la somme de 225 euro au titre des prélèvements indus ; Ordonne à la société Parfip France de procéder à la reprise et enlèvement du matériel à ses frais dans quelque lieu où il se trouve ; Condamne in solidum la société Hager et la société Parfip à verser à M. et Mme X la somme de 1500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum la société Prodis et la société Parfip aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pourront être recouvrés directement par Maître Y, avocat au barreau de Paris, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.