ADLC, 26 juillet 2017, n° 17-D-12
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relatives à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'approvisionnement en betteraves sucrières
L'Autorité de la concurrence (section II),
Vu la saisine enregistrée le 19 octobre 2016 sous les numéros 16/0084 F et 16/0085 M par laquelle, la société Saint-Louis Sucre a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'approvisionnement en betteraves sucrières et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les observations présentées par les sociétés Saint-Louis Sucre, Tereos et Cristal Union ; Vu l'évaluation préliminaire des préoccupations de concurrence exprimées par les services d'instruction lors de la séance du 8 mars 2017 ; Vu la proposition d'engagements de Tereos du 5 avril 2017mise en ligne le 7 avril 2017 sur le site internet de l'Autorité de la concurrence pour un test de marché, et les modifications proposées le 9 juin 2017 et les 6 et 11 juillet 2017 ; Vu les décisions de secret d'affaires n° 16-DSA-420 du 16 décembre 2016, n° 17-DSA-053 du 06 février 2017, n° 17-DEC-054 et n° 17-DSA-056 du 07 février 2017, n° 17-DSA-062 du 09 février 2017, n° 17-DEC-063 du 10 février 2017, n° 17-DSA-074 du 16 février 2017, n° 16-DSA-375 du 14 novembre 2016, n° 16-DSA-377 du 16 novembre 2016, n° 17-DEC-001 du 03 janvier 2017, n° 17-DEC-003 du 04 janvier 2017, n° 16-DSA-379 du 17 novembre 2016, n° 17-DECR-089, n° 17-DECR-090 et n° 17-DEC-091 du 27 février 2017, n° 16-DSA-389 du 22 novembre 2016, n° 16-DSA-395 et n° 16-DSA-396 du 29 novembre 2016, n° 16-DSA-400 et n° 16-DSA-401 du 30 novembre 2016, n° 16-DSA-403 et n° 16-DSA-404 du 05 décembre 2016, n° 16-DSA-409 et n° 16-DSA-410 du 07 décembre 2016, n° 16-DSA-413 du 09 décembre 2016, n° 16-DSA-414 du 12 décembre 2016, n° 16-DSA-416 du 13 décembre 2016, n° 17-DSA-013 et n° 17-DSA-015 du 11 janvier 2017, n° 17-DSA-030 du 24 janvier 2017, n° 17-DSA-032 et n° 17-DSA-034 du 26 janvier 2017, n° 17-DSA-048 et n° 17-DSA-049 du 01 février 2017, n° 17-DEC-095, n° 17-DSA-096 et 17-DEC-097 du 02 mars 2017, n° 17-DSA-202 du 12 mai 2017, n° 17-DSA-252 du 09 juin 2017, n° 17-DSA-264 du 26 juin 2017 et n° 17-DSA-282 du 7 juillet 2017 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteures, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Tereos, Cristal Union et Saint Louis Sucre entendus lors des séances de l'Autorité de la concurrence des 8 mars, 13 juin et 11 juillet 2017 ;
Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LA SAISINE
1. Par lettre du 19 octobre 2016, enregistrée sous le numéro 16/0084 F, la société Saint-Louis Sucre (ci-après "SLS "), troisième productrice de sucre en France, a saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité "), de pratiques mises en œuvre e dans le secteur de l'approvisionnement en betteraves sucrières, par les sociétés Tereos et Cristal Union qui sont les deux premières productrices de sucre en France.
2. Dans sa saisine, SLS soutient que, dans la perspective de la suppression des quotas européens de production de sucre, Tereos et Cristal Union ont mis en place des systèmes d'exclusivité d'approvisionnement de très longue durée à l'égard de leurs planteurs de betteraves afin de garantir le maintien de leurs parts de marché. Tereos aurait, par ailleurs, renforcé ses exclusivités par une stratégie de dénigrement à l'égard de SLS, tant de ses offres commerciales que de la pérennité de son outil industriel.
3. Selon SLS, de telles pratiques, qui constitueraient des restrictions verticales illicites ainsi que des abus de position dominante de la part de Tereos sur le marché local de l'approvisionnement en betteraves sucrières du secteur d'Eppeville/Roye (Nord-Picardie), pourraient à terme aboutir à l'éviction de sa sucrerie d'Eppeville et fragiliser l'équilibre de l'ensemble du marché du sucre.
4. La saisine de SLS est assortie d'une demande de mesures conservatoires sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, tendant à faire cesser les pratiques dénoncées, enregistrée sous le numéro 16/0085 M.
B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
5. Les planteurs de betteraves sucrières cultivent leurs betteraves et les vendent aux producteurs de sucre. Deux types de schémas de production de sucre existent en France : soit les producteurs forment des coopératives sucrières qui regroupent des planteurs de betteraves, soit les producteurs de sucre achètent leurs betteraves à des producteurs indépendants.
6. Le marché français du sucre comporte trois principaux producteurs : Tereos et Cristal Union, qui sont deux coopératives sucrières et SLS qui est une société commerciale. A côté de ces opérateurs, figurent deux autres acteurs de moindre importance.
1. LA SOCIÉTÉ SAINT-LOUIS SUCRE
7. SLS est une société appartenant au groupe sucrier allemand Südzucker, premier producteur de sucre européen, dont la société de tête est Südzucker AG.
8. En France, SLS exerce des activités de production de sucre de betterave et de canne, d'alcool et de mélasse. SLS est la troisième productrice de sucre en France. La société détient la marque de sucre "Saint-Louis "et la marque d'édulcorant "Tutti Free ".
9. SLS indique qu'elle ne fonctionne pas en coopérative et doit donc se fournir en betteraves sucrières auprès d'environ 4 500 planteurs privés, par le biais de contrats d'approvisionnement.
10. La société dispose de quatre sucreries dont deux sont situées en Picardie (Eppeville et Roye), une dans le Calvados (Cagny) et une dans l'Eure (Etrepagny).
11. Au 29 février 2016, le chiffre d'affaires de SLS s'est élevé à 592 millions d'euros dont 397 millions réalisés en France (cote 625). En 2015, le chiffre d'affaires consolidé du groupe Südzucker était, quant à lui, de 6,4 milliards d'euros pour une production de plus de 4 millions de tonnes de sucre (cote 540).
2. LES COOPÉRATIVES SUCRIÈRES
12. Tereos et Cristal Union, sont respectivement une union de sociétés coopératives agricoles et une société coopérative agricole. Il s'agit de structures qui relèvent notamment des articles L. 521-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime ainsi que de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Les coopératives agricoles présentent un certain nombre de spécificités par rapport aux sociétés classiques de droit privé. L'article L. 521-1 du Code rural dispose en effet que "Les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. "
13. Le capital des coopératives agricoles est majoritairement, voire exclusivement, détenu par des associés coopérateurs dont les relations avec les coopératives sont étroitement encadrées. 14. L'article L. 521-3 b du Code rural et de la pêche maritime précité précise que pour prétendre à la qualité de coopérative, les statuts de cette dernière doivent prévoir " l'obligation pour la société de ne faire d'opérations qu'avec ses seuls associés coopérateurs ". Toutefois, l'article 522-5 du même Code permet aux coopératives de déroger à cette règle en ayant des relations commerciales avec des tiers, non membres de la coopérative, appelés " tiers non associés " (TNA). Ces relations sont néanmoins limitées à 20 % du chiffre annuel de la coopérative.
a) Tereos
Présentation
15. Teros est une union de coopératives qui regroupe directement ou indirectement par le biais de deux autres unions de coopératives (Union BS et Union SDA Collecte), 10 coopératives agricoles rassemblant des planteurs de betteraves sucrières mais également des agriculteurs cultivant de la luzerne et des pommes de terre de fécule.
16. L'union de coopératives Tereos est active dans le secteur de la production et la distribution de sucres, d'alcools, d'édulcorants, de glucose et de coproduits destinés à l'alimentation animale.
17. Tereos est le premier groupe sucrier français et le troisième mondial. Il détient notamment les marques "Beghin Say " et la "Perruche ". Il dispose d'implantations industrielles en Europe, en Amérique latine, en Afrique et en Asie (cote 706).
18. Son capital est détenu par les coopératives et les unions de coopératives décrites ci-dessous :
19. Au mois de janvier 2017, Tereos comptait 12 049 associés coopérateurs, dont 11 161 cultivaient de la betterave.
20. Parmi les dix coopératives agricoles, membres de Tereos, huit sont présentes dans le secteur de la betterave sucrière : Sucrerie et Distillerie de l'Aisne, Coopérative Betteravière d'Artenay, Coopérative Betteravière de Picardie, Sucreries Distilleries des Hauts de France, Coopérative Betteravière de Boiry Sainte Rictrude, Coopérative Betteravières de Chevrières, Coopérative Betteravière d'Escaudœuvres et Coopérative de Connantre.
21. En ce qui concerne son fonctionnement, Tereos a expliqué lors de l'instruction que " les associés coopérateurs s'engagent à produire et à livrer chaque année à l'une des coopératives de Tereos une certaine quantité de betteraves et souscrivent à un nombre de parts sociales pour un montant proportionnel à leur engagement d'apport. Les associés coopérateurs détiennent donc le capital de la coopérative tout en étant fournisseurs de la coopérative et utilisateurs de ses services " (cote 6845).
22. Tereos dispose de neuf sucreries sur le territoire métropolitain : Artenay (Loiret), Bucy-le-Long (Aisne), Chevrières (Oise), Connantre (Marne), Escaudœuvres (Nord), Origny (Aisne) ainsi que Attin, Boiry et Lillers (Pas-de-Calais).
23. L'approvisionnement de ces sucreries provient essentiellement de l'apport des associés coopérateurs de Tereos en betteraves sucrières : sur les 14,5-15 millions de tonnes de betteraves collectées par Tereos lors de la campagne de production 2015-2016, la quasi- totalité (95-100 %) provenaient d'associés coopérateurs de Tereos (cotes 7880 et 7881).
24. Au 31 mars 2016, le chiffre d'affaires de Tereos s'est élevé à 4,2 milliards d'euros dont 1,2 milliard réalisé en France (cote 7879).
Fonctionnement
25. L'article 8.1.1 des statuts des coopératives sucrières de Tereos, dans sa version antérieure aux mois de janvier/février 2017, prévoyait que les associés coopérateurs étaient tenus de " livrer la totalité des betteraves sucrières produites sur [leur] exploitation sous réserve des quantités pour lesquelles il peut être engagé antérieurement auprès d'une autre sucrerie dans le cadre de droits à la production" (cotes 994, 1022, 1049, 1494, 1522, 1549, 1577 et 1605).
26. A compter des assemblées générales de janvier et début février 2017, l'article 8.1.1 des statuts des coopératives relatif aux "Obligations des associés coopérateurs " prévoit désormais : "L'engagement de livrer la totalité des betteraves sucrières contractées auprès de Tereos et produites sur son exploitation sous réserve des quantités pour lesquelles il peut être engagé auprès d'une autre société sucrière " (cote 6141).
27. L'adhésion à l'une des coopératives sucrières de Tereos entraîne un engagement d'une durée de dix ans, l'engagement se renouvelant ensuite par tacite reconduction par période de cinq ans (points 4 et 5 de l'article 8 des statuts des coopératives sucrières de Tereos).
b) Cristal Union
Présentation
28. Cristal Union est une coopérative agricole française à capital variable qui a pour activité principale la production de sucre industriel, de sucre de bouche, de mélasse et de pulpe de betteraves ainsi que d'alcool éthylique. Cristal Union est le deuxième groupe sucrier français. Il regroupe 9768 planteurs dont 9 302 associés coopérateurs.
29. Cristal Union collecte principalement des betteraves sucrières qu'elle transforme ensuite en sucre et alcool. Elle détient les marques "Daddy " et "Erstein " et dispose de 18 sites de production sur le territoire métropolitain dont dix sucreries : Bazancourt et Sillery (Marne), Arcis-sur-Aube (Aube), Corbeilles et Pithiviers-le-Vieil (Loiret), Toury (Eure-et-Loir), Erstein (Bas-Rhin), Sainte-Emilie (Somme), Bourbon (Puy-de-Dôme) et Fontaine-le-Dun (Seine-Maritime).
30. L'approvisionnement de ces sucreries provient essentiellement de l'apport des associés coopérateurs de Cristal Union en betteraves sucrières : sur les 12 000 - 12 500 kilotonnes de betteraves collectées par Cristal Union lors de la campagne de production 2015-2016, la quasi-totalité (95-100 %) provenaient d'associés coopérateurs de Cristal Union (cotes 7868 et 7869).
Fonctionnement
31. L'article 8.1 des statuts de Cristal Union et de ses coopératives membres précise que : " l'adhésion à la coopérative entraîne pour l'associé coopérateur : 1) les engagements suivants :
- l'engagement de livrer à la coopérative en totalité les betteraves sucrières de son exploitation, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins de sa famille et de son exploitation et des quantités de betteraves qu'il doit livrer à d'autres sociétés dans le cadre des droits à la production (...) " (cotes 2083 à 2118 et cotes 2139 à 2225).
32. En vertu des points 4 et 5 de l'article 8 des statuts des coopératives sucrières de Cristal Union, l'adhésion à une de ces coopératives entraîne un engagement d'une durée de dix ans, l'engagement se renouvelant ensuite par tacite reconduction par période de cinq ans.
3. LES AUTRES ENTREPRISES DU SECTEUR
33. Lesaffre Frères et la Sucrerie & Distillerie de Souppes Ouvré Fils sont les deux autres entreprises du secteur.
34. Lesaffre Frères est une société dont le capital est détenu à hauteur de 37,09 % par Tereos, via sa filiale Tereos Participations (cote 7642). Lesaffre Frères est actionnaire minoritaire de la société CristalCo, filiale de Cristal Union, dont il détient 4,08 % du capital (cote 7642).
35. Au cours de l'exercice 2015/2016, le chiffre d'affaires de Lesaffre Frères s'est élevé à 45 millions d'euros (cote 7642).
36. La Sucrerie & Distillerie de Souppes Ouvré Fils appartient, quant à elle, en partie à SLS (cote 4719).
37. Lors de l'exercice 2014/2015, le chiffre d'affaires d'Ouvré Fils s'est élevé à 44millions d'euros dont 30,6 millions réalisés en France (cote 4976).
C. LESECTEUR CONCERNÉ
1. L'APPROVISIONNEMENT DES SUCRERIES EN BETTERAVES SUCRIÈRES
38. Les pratiques dénoncées concernent le secteur de l'approvisionnement des sucreries en betteraves sucrières.
39. En 2016, l'Union européenne était la première productrice mondiale de sucre de betteraves. Les betteraves sucrières sont cultivées essentiellement dans le nord de l'Europe, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Pologne. Pour la campagne 2015-2016, la France était le premier producteur européen de betteraves sucrières et de sucre de betteraves.
40. Le marché du sucre pour les années récentes est en baisse. Ainsi, le faible prix du sucre sur le marché aval pour les années 2014 et 2015 a eu un impact négatif sur les résultats des groupes sucriers. Les chiffres d'affaires des trois principaux groupes sucriers français ont baissé sur cette période (entre - 8,7 % et - 1,8 %) et leurs résultats opérationnels ont fortement décru (entre - 51,4 % et - 33 %).
a) La production et le traitement de betteraves sucrières
41. En France métropolitaine, la culture de la betterave se trouve principalement en Ile-de-France, en Normandie et dans le Centre. La culture de la betterave a représenté, pour la campagne 2015-2016, 381 889 hectares, soit 2,1 % des terres arables françaises, représentant 26 000 planteurs.
42. La production de betteraves s'organise par campagne de production sur deux années consécutives, selon un calendrier réparti de la manière suivante :
Année N-1 Année N
août/septembre octobre novembre/février N mars/avril
Fin
septembre/décembre
(voire janvier N+1)
Calendrier agricole détermination des assolements semis autres cultures que les betteraves commandes et livraisons des semences semis des betteraves arrachage des betteraves et transformation
43. Après la récolte, la betterave commence rapidement à perdre son saccharose, ce qui nécessite donc de limiter la période de stockage et de procéder rapidement à l'extraction du jus. Les sucreries fonctionnent sans discontinuer pendant les trois mois de production, de fin septembre à fin décembre/début janvier et doivent se trouver à une distance proche de leurs zones d'approvisionnement.
44. Après l'arrachage, les betteraves sont transportées au centre de réception de la sucrerie/distillerie. Les sucreries s'occupent du chargement, du déterrage et du transport des betteraves depuis les parcelles agricoles jusqu'à leurs installations.
45. La betterave est achetée au producteur sur la base de son poids utile et de sa teneur en sucre.
46. Les betteraves produites en France sont transformées afin de produire du sucre destiné au marché alimentaire ou aux industries chimiques et pharmaceutiques, de l'alcool traditionnel à usage alimentaire et industriel, ainsi que du bioéthanol.
47. La production de sucre induit des coproduits : les pulpes. Ces pulpes, une fois déshydratées, sont notamment utilisées dans l'alimentation animale.
b) Les sucreries en France métropolitaine
48. La France métropolitaine compte actuellement 25 sucreries, dont les zones de collecte sont amenées à se recouper dans les principales zones d'approvisionnement, comme en témoigne la carte ci-contre :
Source : SNSF
49. Dans la zone d'Eppeville/Roye visée par la saisine, les deux sucreries de SLS, Eppeville et Roye, sont en concurrence directe avec la sucrerie de Sainte-Emilie appartenant à Cristal Union ainsi qu'avec les coopératives Boiry, Bucy, Chevrières, Escaudœuvres et Origny, membres de Tereos.
Groupes Tereos Cristal Union SLS Lesaffre Ouvré
Tonnage de
c) Les données chiffrées
50. Pendant la campagne 2015-2016, les cinq groupes sucriers ont acheté au total 33 670 kilotonnes de betteraves pour alimenter leurs sucreries, se décomposant comme suit, avec une durée de la campagne sucrière qui a progressé pour atteindre une durée légèrement inférieure à 100 jours de campagne : betteraves achetées (en KT) 2015-2016
51. Pour la campagne 2015-2016, la production de sucre de betteraves s'est répartie entre les différents acteurs de la façon suivante au niveau national :
[14 500-15 000]2 [12 000-12 500]3 [5 500-6 000]4 [500-1000]5 [500-1000]
Nombre de planteurs collectés 11 665 9 264 4 486 304 405
Moyenne du nombre de jours de production de toutes les sucreries du groupe [100-120]7 [80-100]8 [100-120]9 [70-90]10 [70-90]
Pourcentage des betteraves achetées sur l'ensemble des betteraves achetées en France [40-45] [35-40] [15-20] [0-5] [0-5]
Campagne 2015-2016 Tereos Cristal Union SLS Lesaffre Ouvré Volume total de sucre de betteraves produit (en T) 1 533 17912 1 195 22313 817 53714 88 36615 73 59616
Part de la production française de sucre de 15 betteraves (en %) 41 % 32 % 22 % 3 % 2 %
Alcool produit (en millions d'hl) [4-4,5] [3-3,5]17 [0-0,5]
2. LA RÉGULATION DU SECTEUR
a) La fin des quotas européens de sucre à compter de la campagne 2017-2018
53. Depuis 1968 et jusqu'à la campagne 2016-2017 incluse, la production de sucre a été réglementée au niveau européen par une organisation commune de marché qui a institué un régime de quotas et de droits de livraison de référence attribués aux sucriers présents en Europe ainsi que des prix minimum garantis pour l'achat des betteraves sous quotas.
54. Chaque État membre attribuait un quota de production de sucre à l'entreprise sucrière. Sur la base de ces quotas, les planteurs se voyaient attribuer des droits de livraison à des sucreries données. L'entreprise sucrière n'avait donc pas de pouvoir dans l'attribution des droits de livraison ou leur modification. En France, plusieurs opérateurs disposaient, en conséquence, de quotas de production, dont Cristal Union, Tereos et SLS.
55. Pendant la période des quotas, un planteur ne pouvait pas quitter un sucrier pour apporter tout ou partie de ses tonnages à un autre sucrier. Il ne pouvait donc pas, en théorie, devenir un "planteur mixte ". Néanmoins, il y a toujours eu des "planteurs mixtes "du seul fait que certaines exploitations avaient pu se voir attribuer des droits betteraviers liés à plusieurs sucriers.
56. Le Règlement UE n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles prévoit la fin des quotas de production à partir du 1er octobre 2017, pour la campagne 2017-2018 et donc par voie de conséquence, la fin des droits de livraison. Par ailleurs, il n'existe plus de prix minimum d'achat de betteraves imposé aux sucriers. Les cours du prix du sucre seront désormais déterminés par le libre jeu de l'offre et de la demande.
57. Les industriels européens pourront fixer leurs volumes de production sucrière afin d'optimiser leurs capacités de production. La production supplémentaire engendrée est principalement destinée à être exportée, en Europe et dans le monde entier, puisque les restrictions à l'exportation qui avaient été posées par l'OMC en 2006 ont également été levées.
b) Les accords interprofessionnels
58. L'article 125-1 du Règlement UE n° 1308/2013 précité dispose que les conditions d'achat de la betterave et de la canne à sucre conclues avant les ensemencements sont régies par des accords interprofessionnels écrits, conclus entre, d'une part, les producteurs de betteraves et de canne à sucre de l'Union ou, en leur nom, les organisations dont ils sont membres, et, d'autre part, les entreprises sucrières de l'Union ou, en leur nom, les organisations dont ils sont membres.
59. Le dernier accord interprofessionnel de la période des quotas a été conclu le 4 décembre 2014 pour deux campagnes. Un nouvel accord interprofessionnel, signé le 22 juillet 2016, sera applicable à compter de la campagne 2017-2018.
c) Le système d'échanges de betteraves
60. Mis en place à la fin des années 1990 pour des raisons environnementales et de sécurité routière, le mécanisme d'échange de betteraves permet à la production d'un planteur rattaché à un groupe sucrier donné mais situé à une distance éloignée de sa sucrerie de référence d'être réceptionnée et transformée par une autre sucrerie plus proche appartenant à un groupe sucrier concurrent. Ce système a permis d'apporter de la souplesse et d'optimiser collectivement les coûts de transport durant la période des quotas. Il permet également aux planteurs mixtes, c'est-à-dire aux planteurs traitant avec plusieurs sucriers, de n'avoir affaire qu'à un seul d'entre eux. Lors de l'instruction, Cristal Union a ainsi indiqué : "Dans la pratique, des échanges de betteraves sont organisés en vue d'optimiser la logistique d'approvisionnement des usines et de minimiser l'impact des transports routiers sur l'environnement (attentes de la société civile) " (cote 605).
61. Tereos a, quant à elle, décrit le fonctionnement des échanges de la manière suivante : "Les échanges de betteraves sont des mécanismes d'optimisation logistique. Le système d'échanges de betteraves permet à une sucrerie " A " de demander à certains de ses planteurs de livrer une sucrerie " B " plus proche des planteurs en question. Réciproquement, des planteurs de la sucrerie " B " (ou d'une autre sucrerie du groupe auquel appartient la sucrerie B) devront livrer à la sucrerie A (ou à une autre sucrerie du groupe auquel appartient la sucrerie A) des betteraves dans des volumes équivalents à ceux livrés par la sucrerie " A ", afin d'équilibrer le système. Ce mécanisme permet donc d'optimiser les coûts de transports, étant entendu que les planteurs de la sucrerie " A " restent rattachés à cette sucrerie et réciproquement pour les planteurs de la sucrerie " B " " (cote 6218).
62. L'accord interprofessionnel du 22 juillet 2016 relatif aux campagnes betteravières 2017-2018 à 2019-2020, premières campagnes post-quotas, ne fait plus référence à ce mécanisme d'échanges mais prévoit la possibilité de " réceptionner les betteraves pour autrui ".
3. LES CONTRATS D'ACHAT DE BETTERAVES APRÈS LA SUPPRESSION DES QUOTAS
63. L'échéance de la fin des quotas pour la campagne 2017-2018 a été appréhendée par les groupes sucriers comme une opportunité d'augmenter de manière substantielle leur production de sucre en utilisant davantage la capacité journalière de leurs usines et en allongeant les durées de campagne. Les sucriers se livrent donc à une concurrence soutenue pour démarcher les planteurs de betteraves.
64. De ce fait, ils ont lancé des enquêtes auprès de leurs producteurs actuels sur leurs projets d'augmentation de surfaces et ont communiqué largement sur leurs offres en matière de prix d'achat de la betterave afin d'attirer de nouveaux producteurs, qu'il s'agisse d'agriculteurs ne produisant pas auparavant de la betterave sucrière ou de planteurs fournissant précédemment des groupes sucriers concurrents.
65. Par ailleurs, dans la perspective des premières campagnes hors quotas, les groupes sucriers ont généralement réalisé des investissements importants dans leurs usines. Ainsi, depuis 2011, Tereos a investi environ 130 millions d'euros dans ses sucreries (cote 4399). Dans le cadre de son plan stratégique à moyen terme (soit jusqu'à la campagne 2021-2022), Tereos a précisé qu'elle prévoyait d'investir globalement 633 millions d'euros sur l'ensemble de ses sites sucriers (cote 7718). Cristal Union a, quant à elle, mentionné que depuis 2012, elle avait investi 284 millions d'euros dans ses sucreries (cote 7745), et SLS environ 100 millions d'euros depuis 2011 (cote 7862). Ces montants d'investissement doivent être rapprochés de ceux nécessaires pour la construction d'une sucrerie neuve qui représentent, selon Cristal Union, entre 350 et 550 millions d'euros (cote 7745).
a) Les offres de Tereos
A l'égard des associés coopérateurs
66. Au cours de l'année 2016, Tereos a adressé à ses associés coopérateurs plusieurs circulaires concernant ses offres d'achat de betteraves, notamment le 9 mars (cotes 4220 et 4221), le 31 mars (cotes 4223 et 4224) et le 3 août (cotes 4226 à 4230, 4231 et 4232).
La circulaire du 9 mars 2016
?L'augmentation des tonnages
67. Dans la perspective de la fin des quotas et afin d'atteindre un objectif d'approvisionnement de 18 millions de tonnes de betteraves lors de la campagne 2017-2018, Tereos a adressé à ses associés coopérateurs, le 9 mars 2016, une circulaire contenant une proposition d'engagement d'apport pluriannuel (cotes 4218 à 4221). Cette circulaire leur propose d'augmenter leur tonnage de production de 20 % à compter de la campagne 2017-2018.
68. Dans cette circulaire, Tereos indique : "Le tonnage qui vous est proposé est égal à l'intégralité de votre tonnage contracté pour 2016/2017, regroupant toutes les catégories de betteraves Sucre, Alcools, Autres Usages et Contrats Hors Quota 2016, majoré de 20 %".
69. Ce contrat devait être retourné par les associés coopérateurs à Tereos avant le 10 avril 2016.
?L'offre de prix
70. Les associés coopérateurs s'engageront sur un contrat unique d'apport de betteraves avec un seul tonnage total de betteraves à produire, pour un prix unique, à savoir un prix minimum garanti, s'élevant pour les campagnes 2017-2018 et 2018-2019 à 25 euros la tonne de betteraves, rémunération de la pulpe de betterave comprise, auquel pourra s'ajouter un complément de prix.
?La souscription de parts sociales
71. Tereos annonce que désormais "L'ensemble des tonnages contractés devra, à terme, être couvert par du capital social sur la base de 12 euros/T à 16 ".
72. Cette annonce constitue un changement important par rapport au système appliqué pendant la période des quotas.
73. En effet, pendant la période des quotas, il existait quatre catégories de betteraves : les betteraves des "quotas sucre ", les betteraves destinées à la production d'alcool et d'éthanol (les betteraves "alcool "), les betteraves destinées à d'autres usages (les betteraves "autres usages ") et les betteraves destinées à la production de sucre pour les débouchés complémentaires dont l'exportation (les betteraves "HQ").
74. Seuls les tonnages de betteraves des "quotas sucre "et "alcool "étaient couverts en capital social et donnaient lieu à un engagement de 10 ans, tacitement reconductible par période de cinq ans, auprès de la coopérative des associés coopérateurs. Outre ces deux catégories de betteraves, les associés coopérateurs pouvaient par ailleurs décider tous les ans de produire des betteraves "autres usages " et "HQ" (hors quota).Ces betteraves n'étaient en revanche pas couvertes en parts sociales et restaient très marginales en volume par rapport aux betteraves des "quotas sucre "et "alcool ".
75. A partir de 2017, avec la fin des quotas, Tereos a fusionné les tonnages des quatre catégories de betteraves précitées en une seule en ce compris les nouveaux tonnages souhaités par les associés coopérateurs à compter de la campagne 2017-2018 et décidé que l'intégralité des tonnages de betteraves produits devait être couverte en capital social. A cet égard, pour leurs anciens tonnages "autres usages " ou "HQ" et pour les tonnages supplémentaires souscrits à compter de 2017, les associés coopérateurs ont dû souscrire un second engagement auprès de Tereos pour une durée de cinq ans, tacitement reconductible par période de cinq ans, commençant à courir en 2017.
?La durée d'engagement
76. Tereos mentionne dans la circulaire qu'en cas d'augmentation des volumes produits, les associés coopérateurs seront tenus par deux périodes d'engagements : "Une première partie équivalente au tonnage déjà couvert en capital social (betteraves sucre et alcools) s'inscrit dans le prolongement de votre adhésion historique à la Coopérative. Elle est tacitement reconduite par période de 5 ans. Pour le tonnage restant, l'engagement prend effet à compter du 1er avril 2017, pour une durée de 5 ans, tacitement reconduit. "
La circulaire du 31 mars 2016
77. Par circulaire du 31 mars 2016 adressée à ses associés coopérateurs, Tereos a précisé que le montant des parts sociales souscrites pour l'activité betteraves sera réduit à compter de la campagne 2017-2018 à 10 euros la tonne, au lieu des 12 euros la tonne applicables lors des campagnes précédentes. D'après Tereos, cette modification devrait être validée par l'assemblée générale extraordinaire des coopératives entre le 23 janvier et le 10 février 2017 (cote 6110).
La circulaire du 3 août 2016
78. Le 3 août 2016, Tereos a adressé à ses associés les éléments relatifs à leur contrat d'apport de betteraves au titre de la campagne 2017-2018. Il est indiqué que ce contrat "reprend les tonnages de betteraves de l'engagement d'apport pluriannuel que vous avez signé auprès de votre coopérative au cours de ce printemps (...).Nous vous demandons de nous retourner un exemplaire du contrat complété et signé par vos soins le 25 août 2016. "
Les données chiffrées pour les anciens associés coopérateurs
79. Au niveau national, 10 580 associés coopérateurs (sur les 11 161 anciens associés coopérateurs de Tereos, soit 95 %) ont souscrit un nouveau contrat de cinq ans à partir de 2017 couvrant un tonnage supplémentaire de 5 503 483 tonnes de betteraves (cote 7886).
80. S'agissant des coopératives de Boiry, Bucy, Chevrières, Escaudœuvres et Origny situées dans la zone d'Eppeville/Roye, en concurrence avec celles de SLS, 5 074 sur 5 380 associés coopérateurs ont souscrit ce nouveau contrat, couvrant un tonnage supplémentaire de plus de 3 millions de tonnes de betteraves (cote 7886).
A l'égard des nouveaux adhérents
81. Par circulaire du 20 avril 2016, Tereos a proposé aux nouveaux planteurs d'adhérer à l'une de ses coopératives en se conformant aux statuts en vigueur (engagement d'apport initial de dix ans, tacitement reconductible pour cinq ans) et de souscrire une part sociale de 10 euros la tonne de betteraves contractées avec une libération du capital social obligatoirement échelonnée dans le temps (sur cinq ans dont 30 % lors de la souscription) (cotes 4366 à 4370).
82. La souscription de parts sociales n'implique plus le versement d'un droit d'entrée. La circulaire prévoit également que les nouveaux associés devront s'engager pour un tonnage minimum de 1000 tonnes de betteraves à 16 et pour la totalité des betteraves produites sur leur exploitation (ce dernier point étant surligné en gras dans la pièce jointe à la circulaire).
83. Les conditions de rémunération des betteraves sont identiques à celles offertes aux actuels associés coopérateurs, à savoir un prix minimum d'achat de 25 euros la tonne de betteraves pour les deux premières campagnes post-quota, auquel peut s'ajouter un complément de prix.
84. A la fin des quotas, 684 nouveaux associés coopérateurs ont rejoint Tereos, dont 49 % sont de nouveaux planteurs de betteraves, 24 % d'anciens tiers non associés (TNA) de Tereos et 27 % des planteurs travaillant jusqu'alors pour des sucriers concurrents (cote 7723).
Les producteurs "mixtes " et tiers non associés (TNA)
85. Au cours de l'instruction, Tereos a indiqué que les associés coopérateurs qui bénéficiaient préalablement de la possibilité de vendre une partie de leur production à d'autres groupes sucriers que Tereos, en vertu de leurs droits à production auprès de ces groupes sucriers, continueront, à compter de la campagne 2017-2018, à bénéficier de cette possibilité (cote 7720).
86. Tereos a estimé que pour la campagne 2016-2017, le nombre de ses associés coopérateurs mixtes était compris entre 706 et 1 495 (soit entre 6 % et 13 % des 11 161 associés coopérateurs de Tereos) (cote 7525).
87. Par ailleurs, Tereos a indiqué à ses tiers non associés (TNA) qu'à compter de la campagne 2017-2018, ils devaient devenir associés coopérateurs s'ils souhaitaient continuer à lui livrer des betteraves (cote 7720).
88. Lors de la campagne 2016-2017, Tereos comptait 414 TNA (cote 7880).
b) Les offres de Cristal Union
La circulaire du 8 mars 2016 : l'offre aux associés coopérateurs
89. Par circulaire du 8 mars 2016, Cristal Union a annoncé à ses associés coopérateurs son souhait d'augmenter de 20 % en moyenne sa production de sucre au niveau du groupe pour la campagne 2017-2018 (cotes 2555 à 2557).
90. Pour les associés coopérateurs historiques, comme au sein de Tereos, il n'existera plus à partir de la campagne 2017-2018 qu'une seule catégorie de betteraves : les "betteraves contractées de référence ". Cette catégorie regroupera les volumes de betteraves du quota et hors quota contractualisés lors de la campagne 2016-2017, ainsi que les nouveaux tonnages contractualisés pour la campagne 2017-2018 sur demande individuelle des planteurs. Ces "betteraves contractées de référence " seront acquises par Cristal Union au prix minimum de 27 euros la tonne, pulpes incluses, auquel pourra s'ajouter un complément de prix.
91. S'agissant des associés coopérateurs ayant augmenté leur production et donc souscrit des parts sociales supplémentaires, Cristal Union a mentionné en réponse à un questionnaire adressé que cela "n'a eu aucun impact sur la durée de la période d'engagement étant précisé que cette période se calcule à compter de l'adhésion de l'associé coopérateur à la coopérative et que l'éventuelle augmentation ultérieure de sa production et du nombre de parts sociales corrélatives n'a aucun impact sur le décompte de ladite période"(cote 6676).
92. N'ayant pas atteint une augmentation escomptée de sa production de 20 %, Cristal Union a proposé le 28octobre 2016 à ses associés coopérateurs (cotes 2575 et 2576) de souscrire, en plus des betteraves déjà contractées pour la campagne 2017-2018, un contrat annuel de "betteraves additionnelles 2017 ", qui représenterait 5 % des tonnages déjà contractés pour 2017. Un tel ajout ne nécessiterait pas la souscription de capital social supplémentaire et serait assorti d'un prix garanti de 27 euros la tonne, valorisation des pulpes incluses. Les planteurs restaient cependant libres de ne pas augmenter leur tonnage déjà contractualisé ou de l'augmenter de moins ou de plus de 5 %. Cristal Union indique que ce contrat de "betteraves additionnelles 2017 " est un contrat ponctuel, valable pour la seule campagne 2017-2018, ce qui explique qu'il n'a pas impliqué la souscription de nouvelles parts sociales (cote 7741).
93. Au cours de l'instruction Cristal Union a précisé que " la grande majorité de [ses] coopérateurs [...] se situ[aient] dans une phase durant laquelle leur durée théorique d'engagement se fait pour des périodes de cinq ans. On peut donc considérer que, chaque année, au moins 10 %, si ce n'est 20 % des planteurs adhérents de Cristal Union peuvent, si Saint-Louis-Sucre leur fait des propositions, décider de quitter la coopérative pour lui vendre leurs betteraves " (cote 5391).
94. Cependant, s'agissant de la sucrerie de Sainte-Emilie qui est la concurrente directe des sucreries de SLS dans la zone d'Eppeville/Roye, les associés coopérateurs historiques ayant adhéré en 2012 pour une durée de 10 ans, ne pourront pas quitter cette sucrerie avant 2022 (cote 7744). En effet, selon Cristal Union, les "adhérents des Coopératives agricoles betteravières (CAB) sont tous dans leur première période d'engagement de 10 ans dans la mesure où ces coopératives ont été créées en juin 2012. Ainsi, les coopérateurs (...) se sont engagés jusqu'en 2022 " (cote 7871).
L'offre de prix aux nouveaux associés coopérateurs
95. Quant aux nouveaux associés coopérateurs de Cristal Union, ils devront, conformément aux statuts et au règlement intérieur de la coopérative, devenir associés coopérateurs pour les dix exercices suivants l'exercice clos le 31 janvier 2017, soit jusqu'à la fin de l'exercice clos le 31 janvier 2027. Ils devront s'engager à livrer la totalité des betteraves sucrières de leur exploitation, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins professionnels et familiaux, et en tout état de cause les tonnages de betteraves figurant dans l'engagement d'apport et de collecte de betteraves de campagne (bulletin d'adhésion, cotes 2569 et 2570).
96. Les nouveaux associés coopérateurs ayant adhéré en 2016 pour des livraisons de betteraves à compter de 2017 sont estimés à 492 (pour 8 818 associés coopérateurs historiques) (cote 7739).
Producteurs "mixtes " et tiers non associés (TNA)
97. Lors de l'instruction, Cristal Union a indiqué qu'elle laisserait la possibilité aux associés coopérateurs mixtes de continuer à livrer les industriels auprès desquels ils avaient précédemment souscrit des engagements dans le cadre des droits de livraison, pour les tonnages concernés, et prévoit d'adapter en conséquence l'article 8 de ses statuts en 2017 (cote 2619). Quant aux actuels tiers non associés, Cristal Union affirme qu'ils pourront également continuer à lui livrer une partie de leur production de betteraves, mais qu'ils ne bénéficieront pas de la possibilité de recevoir un complément de prix. De ce fait, Cristal Union estime qu'ils seront fortement incités à devenir associés coopérateurs (cote 7741).
98. Cristal Union a également précisé qu'elle avait accepté l'adhésion de nouveaux associés coopérateurs qui s'engageaient à lui fournir seulement une partie de leur production. Elle a expliqué à cet égard : " Il est prévu de modifier les statuts de Cristal Union sur ce point. Cette stratégie est une stratégie de long terme, visant ensuite à récupérer à terme l'exclusivité de la production de ces planteurs" (cote 4609).
99. En revanche, Cristal Union indique ne pas souhaiter remettre en question l'engagement d'apport total de leur production betteravière valable pour les associés coopérateurs historiques (cote 4662).
100. Lors de l'instruction, Cristal Union a précisé que pour la campagne 2017-2018, elle achèterait environ2 000 kilotonnes de betteraves pour alimenter sa sucrerie de Sainte-Emilie (cote 7870).
c) Les offres de SLS
101. Par courrier du 31mars 2016, SLS a sollicité ses planteurs pour leur proposer d'augmenter leur production de 20 % par rapport à leur contractualisation historique, la quantité de base correspondant à la moyenne des trois meilleures des cinq dernières années de production en "Droits sous quota et UNA Ferme livrés " (cotes 418 à 420).
102. Le prix payé des betteraves contractées est déterminé selon la grille d'équivalence figurant ci-dessous :
103. Quant à la durée du contrat, SLS propose au planteur, le choix entre 1 an, 2 ans ou 3 ans. Au cours de leur audition, les représentants de SLS ont indiqué que " la plupart du temps les producteurs ont signé un contrat avec SLS pour une année" (cote 4859).
104. Ultérieurement, SLS a modifié deux points de son offre exprimée en mars 2016. La société a revalorisé la grille de prix de 7,53 %. SLS a également proposé d'engager chaque année avec les représentants des planteurs une discussion sur un éventuel complément de prix.
105. Au cours de l'instruction, SLS a indiqué que pour la campagne 2017/2018, elle était susceptible, compte tenu des intentions de production, de collecter environ 3000 kilotonnes de betteraves pour approvisionner ses sucreries de Roye et d'Eppeville (cote 7765).
A. LES PRATIQUES DÉNONCÉES DANS LA SAISINE
106. Dans sa saisine, SLS soutient que les planteurs membres des coopératives Tereos et Cristal Union sont soumis à des exclusivités d'approvisionnement de longue durée vis-à-vis de leur coopérative, complétées par plusieurs mécanismes contractuels qui rendent difficile la sortie des coopérateurs : l'allongement du délai de préavis pour quitter Tereos et l'opacité des conditions de sortie des deux coopératives, notamment concernant le délai de remboursement des parts sociales.
107. Ces pratiques auraient également été renforcées par une stratégie de dénigrement de SLS mise en œuvre par Tereos.
1. LA MISE EN PLACE D'EXCLUSIVITÉ D'APPROVISIONNEMENT DE LONGUE DURÉE
108. SLS soutient que les statuts constitutifs des coopératives membres de Tereos prévoient notamment des engagements de l'associé coopérateur de livrer à la coopérative en totalité les betteraves sucrières de son exploitation (à l'exception d'engagements pris auprès d'autres sociétés dans le cadre des quotas de production) et de souscrire le nombre de parts sociales correspondant aux engagements pris (voir § 25 et 27 ci-dessus). Les statuts constitutifs des coopératives membres de Cristal Union, prévoiraient des dispositions similaires et leurs bulletins d'adhésion indiqueraient explicitement un engagement exclusif des planteurs (voir § 31 et 32 ci-dessus).
109. Par ailleurs, la saisissante indique que ces engagements d'exclusivité sont de très longue durée. Ainsi, Cristal Union proposerait "un accord exclusif de 10 ans, alors que Tereos met en place des engagements de cinq ans renouvelables qui couvrent l'intégralité de la production du planteur ". La saisissante ajoute qu'il est peu probable que de telles exclusivités aussi longues puissent être justifiées par de prétendus gains d'efficacité.
2. LES MÉCANISMES DE SORTIE DES COOPÉRATIVES
110. La saisissante indique que les associés coopérateurs de Tereos et de Cristal Union doivent souscrire des parts sociales à leur entrée dans la coopérative, calculées sur la base des tonnes de betteraves qu'ils s'engagent à livrer. Cependant, le remboursement des parts sociales dans l'hypothèse où le planteur quitterait l'une de ces deux coopératives est une des principales préoccupations des planteurs. SLS soutient à cet égard que les coopératives ont mis en place des mécanismes juridiques complexes qui rendent presque impossible en pratique la sortie des coopérateurs. Selon SLS, les pratiques dénoncées érigeraient des barrières à l'entrée très importantes sur les marchés de la production du sucre puisqu'un nombre significatif de planteurs seraient bloqués chez les coopératives pour une durée minimale de cinq ans.
a) La sortie de Tereos
111. Jusque début 2017, le délai de préavis de sortie de la coopérative était fixé à 3 mois avant l'expiration du dernier exercice de la période d'engagement concernée : "La durée initiale de l'engagement est fixé à dix exercices consécutifs à compter de l'expiration de l'exercice en coursà la date de laquelle il a été pris. A l'expiration de cette durée comme à l'expiration des reconductions ultérieures, si l'associé coopérateur n'a pas notifié sa volonté de se retirer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, trois mois au moins avant l'expiration du dernier exercice de la période d'engagement concernée, l'engagement se renouvelle par tacite reconduction par période de cinq ans. [...] " (points 4 et 5 de l'article 8 des statuts des coopératives sucrières de Tereos).
112. Au cours de l'instruction, Tereos a indiqué que le délai de prévenance de l'associé coopérateur souhaitant quitter la coopérative, " sera étendu à 12 mois lors des assemblées générales en début d'année 2017, en lien avec la durée de la campagne sucrière. Afin dene pas perturber le fonctionnement de la coopérative, il est en effet préférable que l'associé coopérateur se prononce avant le lancement de la dernière campagne correspondant à la fin de son engagement, d'autant que cela correspond aux périodes de réflexion des planteurs lorsqu'ils réfléchissent à leurs assolements présents et futurs " (cote 5467).
113. En ce qui concerne le remboursement des parts sociales, les statuts prévoient qu'en cas de retrait de la coopérative d'un associé coopérateur à l'issue de la période d'engagement ou en cas de démission autorisée par les organes compétents de la coopérative, l'associé coopérateur récupérera ses parts sociales dans un délai maximum de cinq ans : " le conseil d'administration fixe la ou les époques auxquelles pourra intervenir le paiement des sommes dues. En tout état de cause, le délai de remboursement ne pourra pas dépasser le délai de cinq ans " (article 20.6 des statuts).
b) La sortie de Cristal Union
114. En vertu des points 4 et 5 de l'article 8 des statuts des coopératives sucrières de Cristal Union, le délai de préavis de sortie de la coopérative est fixé à 3 mois avant l'expiration du dernier exercice de la période d'engagement concernée.
115. En cas de retrait de la coopérative d'un associé coopérateur à l'issue de la période d'engagement ou en cas de démission autorisée par les organes compétents de la coopérative, l'associé coopérateur est remboursé de ses parts sociales dans un délai maximum de cinq ans : " le conseil d'administration fixe la ou les époques auxquelles pourra intervenir le paiement des sommes dues. En tout état de cause, le délai de remboursement de pourra pas dépasser le délai de cinq ans " (article 20.6 des statuts des coopératives sucrières de Cristal Union).
116. Le représentant de Cristal Union a indiqué au cours de son audition que "dans les faits chaque demande de retrait est traitée immédiatement " (cote 4607).
3. LES PRATIQUES DE DÉNIGREMENT MISES EN OEUVRE PAR TEREOS
117. SLS soutient que dans le secteur d'Eppeville/Roye, Tereos a mis en œuvre edes pratiques de dénigrement particulièrement efficaces à l'encontre de SLS. Ainsi, un très grand nombre de planteurs travaillant pour SLS lui auraient rapporté que des agents de Tereos leur avaient indiqué que la sucrerie d'Eppeville appartenant à SLS allait fermer et qu'il était encore temps de rejoindre Tereos à des conditions commerciales favorables. Les agents de Tereos auraient ajouté qu'à la fermeture d'Eppeville, les conditions proposées aux planteurs seraient nettement moins favorables. Or, lors de la campagne 2016, la sucrerie d'Eppeville n'aurait rencontré aucune difficulté particulière. SLS ajoute que ces rumeurs totalement infondées ont eu un écho d'autant plus fort auprès des planteurs que le contexte syndical était particulièrement défavorable à SLS et que Tereos animait des réunions d'informations "à charge " au sujet de l'offre commerciale de SLS. En outre, de telles pratiques venant d'un acteur représentant plus de 70 % de l'approvisionnement de betteraves du secteur ne pouvaient qu'avoir un effet d'éviction important sur SLS. Ainsi, les conseils de Tereos auraient été écoutés et suivis par les planteurs et nombre d'entre eux n'auraient pas souhaité s'engager avec SLS de peur que la sucrerie d'Eppeville ne ferme et que SLS ne soit plus en mesure d'acheter leurs betteraves.
II. L'évaluation préliminaire
118. L'examen de la demande de mesures conservatoires a conduit les services d'instruction à identifier des pratiques de Tereos susceptibles d'être prohibées par le droit de la concurrence.
119. Selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence, ces analyses, présentées aux parties oralement lors de la séance, peuvent constituer des préoccupations de concurrence susceptibles de permettre la mise en œuvre de la procédure d'engagements prévue au I de l'article L. 464-2 du Code de commerce aux termes duquel l'Autorité peut " accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 ".
120. La société Tereos a ainsi proposé, à l'issue des débats tenus lors de la séance devant l'Autorité le 8 mars 2017, de mettre en œuvre une telle procédure.
A. SUR L'APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
121. Les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), s'appliquent aux ententes et aux abus de dominance qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres de façon sensible.
122. Dans le cas d'espèce, les pratiques dénoncées concernent principalement des exclusivités d'approvisionnement de longue durée mises en place par Tereos et Cristal Union à l'égard de leurs associés coopérateurs, planteurs de betteraves, situés dans la zone géographique d'Eppeville/Roye. De telles pratiques qui sont de nature à rendre une partie de la production de betteraves sucrières indisponible pour des concurrents, sont susceptibles d'empêcher et/ou de restreindre l'implantation dans la zone concernée de sucreries provenant d'autres États membres de l'Union européenne. Par ailleurs, les groupes sucriers présents sur cette partie du territoire national exportent une part non négligeable de leur production de sucre vers les autres États membres de l'Union européenne. Ainsi, les pratiques en litige qui tendent à limiter les capacités de production de sucre de SLS mais aussi d'autres opérateurs potentiels, restreignent nécessairement les exportations de sucre au sein de l'Union européenne.
123. Sur le caractère sensible de l'affectation, il convient de relever qu'Eppeville/Roye est la principale zone française d'approvisionnement en betteraves, représentant en volume 40 % de l'approvisionnement en betteraves du marché national et 15 % des achats de betteraves à l'échelle de l'Union européenne.
124. Par ailleurs, les comportements reprochés sont mis en œuvre par Tereos et Cristal Union qui sont les principales entreprises sucrières des marchés français et européen. Tereos est à cet égard implanté en France, en République tchèque et en Roumanie.
125. Si elles étaient avérées, les pratiques en cause seraient donc susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres. Elles pourraient ainsi être qualifiées au regard du droit européen de la concurrence.
B. SUR LE MARCHÉ PERTINENT ET LA POSITION DES PARTIES SUR CE MARCHÉ
126. Les pratiques dénoncées sont mises en œuvre sur le marché amont de l'approvisionnement de betteraves, qui met en relation les groupes sucriers et les planteurs de betteraves. Selon la pratique décisionnelle de l'Autorité en matière de contrôle des concentrations " l'approvisionnement en betteraves est traditionnellement distingué de la production et de la commercialisation du sucre " (voir décision n° 12-DCC-06 du 20 janvier 2012 relative à l'acquisition du groupe Vermandoise par la société coopérative Cristal Union).
127. Sur le plan géographique, il convient de relever que le marché amont de l'approvisionnement de betteraves est un marché local (voir décision de l'Autorité n° 12-DCC-06, précitée).
128. En effet, sur le territoire métropolitain, les sucreries qui collectent et transforment les betteraves sont généralement situées près des zones de production en raison du caractère périssable du produit et des coûts de transport de la betterave qui sont relativement élevés (3 euros/la tonne sur une distance de 30 km).
129. En l'espèce, dans sa saisine, SLS considère que pour l'approvisionnement en betteraves de ses sucreries d'Eppeville et de Roye situées dans le Nord-Est de la France, elle se trouve en concurrence avec six sucreries : cinq sont détenues par Tereos (Boiry, Bucy, Chevrières, Escaudœuvres et Origny) et une par Cristal Union (Sainte-Emilie).
130. Lors de l'instruction, Tereos et Cristal Union ont confirmé ces affirmations en indiquant que leurs sucreries de Boiry, Bucy, Chevrières, Escaudœuvres, Origny et Sainte-Emilie sont bien en concurrence avec celles d'Eppeville et de Roye appartenant à SLS (cotes 4437 et 5183).
131. Le marché pertinent sur lequel doivent être analysées les pratiques dénoncées est donc celui de l'approvisionnement en betteraves de la zone d'Eppeville/Roye regroupant les huit sucreries citées ci-dessus.
132. Sur ce marché, Tereos est le principal acheteur de betteraves, disposant de cinq des huit sucreries de la zone et ayant réalisé pour la campagne 2015-2016, 66 % des achats de betteraves, devant SLS, 23 % et Cristal Union 11 %.
133. D'après les projections, pour la campagne 2016-2017, Tereos totaliserait 67,4 % des achats de betteraves sucrières en volume, suivi de SLS et de Cristal Union, qui comptabiliserait respectivement 20,7 % et 11,9 % des achats de betteraves sucrières (cotes 7665, 7666, 7886, et 7869).
C. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE
134. Selon les services d'instruction de l'Autorité, en 2016 dans le contexte de la fin des quotas de sucre, Tereos a mis en œuvre plusieurs pratiques susceptibles d'avoir un effet verrouillant sur le marché de l'approvisionnement en betteraves sucrières situé dans la zone d'Eppeville/Roye, où sont implantées deux sucreries de la société SLS.
135. Ainsi, après avoir incité certains planteurs à ne plus livrer la sucrerie d'Eppeville appartenant à SLS, Tereos a instauré à l'égard de ses associés coopérateurs des liens contractuels dont les conditions de sortie apparaissent particulièrement opaques et difficiles à mettre en œuvre en raison notamment de la conclusion d'un nouveau contrat de cinq ans pour la livraison de tonnages supplémentaires de betteraves lors de la campagne 2017-2018, entraînant le chevauchement de deux durées d'engagements, et de la prolongation, par Tereos, de trois à douze mois du délai de préavis de sortie de la coopérative.
1. LE DISCOURS DE TEREOS À L'ÉGARD DE SLS
136. Différents planteurs et chefs de culture de SLS ont affirmé avoir été approchés par des agents betteraviers de Tereos indiquant que la sucrerie d'Eppeville de SLS allait fermer et qu'il fallait s'engager auprès de Tereos dès maintenant car les conditions de souscription de parts sociales chez Tereos ne seraient plus aussi favorables à l'avenir.
137. Si les propos en cause ne peuvent suffire à caractériser un dénigrement de la part de Tereos à l'égard de SLS au sens de la jurisprudence, les affirmations des agents betteraviers de Tereos ne sont, néanmoins, étayées par aucun fait, la sucrerie d'Eppeville ne rencontrant aucune difficulté particulière (cotes 6244, 6246 à 6247, 6249 et 7933 à 7957).
2. LA MISE EN PLACE PAR TEREOS EN 2017 D'UN NOUVEL ENGAGEMENT D'UNE DURÉE DE CINQ ANS DONT LES CONDITIONS DE RÉSILIATION SONT OPAQUES
138. En 2016, en vue de la campagne 2017-2018, Tereos a proposé à ses associés coopérateurs, par le biais d'un contrat pluriannuel, d'augmenter leurs tonnages de production de 20 % par rapport à l'intégralité de leur tonnage contracté pour 2016-2017, regroupant toutes les catégories de betteraves "sucre ", "alcools ", " autres usages " et "contrats hors quota 2016 ".
139. Selon les termes contractuels proposés par Tereos, cette augmentation de tonnage nécessitait la souscription de nouvelles parts sociales au sein de la coopérative et une nouvelle durée d'engagement auprès d'elle de cinq ans.
140. La quasi-totalité des anciens associés coopérateurs de Tereos ont souscrit ce nouvel engagement à compter de 2017. Hormis les associés coopérateurs mixtes, les associés coopérateurs ayant souscrit une telle augmentation en 2016, se sont engagés à cette époque à apporter la totalité de leur production à Tereos. En effet, l'article 8.1.1 des statuts des coopératives membres de Tereos, relatif à l'engagement d'apport, alors applicable, précisait explicitement que les associés coopérateurs étaient tenus d'apporter la totalité de leur production à Tereos (voir § 25 ci-dessus). Par ailleurs, le tonnage de référence fixé par Tereos, que l'associé coopérateur pouvait choisir d'augmenter, a été fixé par Tereos au regard de l'intégralité du tonnage contracté pour 2016-2017, regroupant toutes les catégories de betteraves "sucre ", "alcool ", "autres usages " et "contrats hors quotas 2016 ", correspondant donc à la totalité de la production de betteraves des associés coopérateurs qui n'étaient pas planteurs mixtes.
141. Les associés coopérateurs, qui ont signé ce nouveau contrat seront liés à la coopérative pour deux périodes d'engagement distinctes, qui se chevaucheront dans le temps :
- la période de l'engagement initial de dix ans, tacitement reconductible par période de cinq ans et portant sur les tonnages historiques de betteraves " sucre et alcool " ;
- le nouvel engagement de cinq ans, également tacitement reconductible pour la même durée et portant sur les betteraves supplémentaires non encore couvertes en capital social (voir § 76 ci-dessus).
142. La nouvelle durée d'engagement de cinq ans conduit donc de fait à prolonger l'engagement dans la coopérative de la quasi-totalité des associés coopérateurs de Tereos jusqu'en 2022. Or, les statuts de Tereos ne prévoient pas explicitement la possibilité pour les associés coopérateurs d'être liés à la coopérative pour deux périodes d'engagement distinctes. De même, ils ne prévoient pas de mécanisme de sortie de la coopérative en deux temps au terme de chacune des deux périodes d'engagement.
143. Par ailleurs, à supposer que les associés coopérateurs puissent cesser de livrer Tereos au terme de leur engagement "historique " pour les volumes concernés, la modification des statuts intervenue début 2017 n'apparaît pas pleinement explicite sur la possibilité pour les associés coopérateurs de devenir "mixtes " et donc de livrer les volumes "historiques " à un groupe sucrier concurrent de Tereos. En effet, l'article 8.1 des nouveaux statuts, adoptés en janvier/février 2017, fait toujours mention de la " totalité " des betteraves produites sur l'exploitation.
144. Ainsi, le mécanisme de double durée, qui concerne la quasi-totalité des associés coopérateurs de Tereos, peut entrainer un chevauchement de périodes contractuelles qui est susceptible de prolonger indéfiniment la durée effective d'exclusivité des associés coopérateurs à l'égard de Tereos.
3. L'ALLONGEMENT PAR TEREOS DU DÉLAI DE PRÉAVIS DE RETRAIT DE LA COOPÉRATIVE À COMPTER DE 2017
145. Dans le cadre de la modification des statuts des coopératives intervenue début 2017, Tereos a allongé le délai de préavis de retrait de la coopérative, qui est passé de trois à douze mois, avant l'expiration du dernier exercice de la période d'engagement concernée. Cette modification statutaire est de nature à faire obstacle à la sortie de la coopérative des associés coopérateurs.
4. CONCLUSION
146. Les pratiques identifiées sont susceptibles de contrevenir aux règles de concurrence dans la mesure où elles sont de nature à rendre une grande partie de la production de betteraves sucrières peu ou pas contestable sur le marché local d'Eppeville/Roye, Tereos étant le principal acheteur de cette zone avec environ deux tiers des achats de betteraves. Or, elles interviennent au moment crucial de la libéralisation du marché du sucre et concernent une zone géographique qui représente environ 40 % de l'approvisionnement français en betteraves sucrières.
III. La mise en œuvre de la procédure d'engagements
147. Seront successivement examinés ci-après, le contenu des engagements proposés par Tereos le 5 avril 2017 et les observations recueillies dans le cadre du test de marché organisé par l'Autorité.
A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉSPAR TEREOS LE 5 AVRIL 2017
148. Afin de répondre aux préoccupations de concurrence exprimées lors de la séance du 8 mars 2017 par les services d'instruction et mettre fin à la procédure, Tereos a soumis le 5 avril 2017 à l'Autorité une proposition comportant cinq engagements. Ces engagements ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des coopératives sucrières de Tereos et de leurs associés.
149. Ces engagements ont été mis en ligne le 7 avril 2017 pour un test de marché d'une durée d'un mois.
1. L'ENGAGEMENT SUR L'OBLIGATION DE LIVRAISON EXCLUSIVE
150. Le premier engagement consiste à clarifier les règles d'engagement d'apport s'appliquant aux associés coopérateurs en précisant que l'obligation de livraison incombant à chaque associé coopérateur se limite aux volumes de betteraves qu'il aura contractés auprès de Tereos.
151. L'article 8.1.1 des statuts constitutifs des coopératives prévoira désormais que : " l'adhésion à la coopérative entraîne, pour l'associé coopérateur : 1° l'engagement de livrer les betteraves sucrières contractées auprès de Tereos ".
152. Les modifications statutaires seront mises en œuvre lors de l'assemblée générale des coopératives en janvier et février 2018.
153. Tereos s'engage par ailleurs à modifier le règlement intérieur pour ajouter une disposition similaire qui serait formulée de la manière suivante : " (...) L'engagement d'apport est non exclusif (...) ".
154. En outre, Tereos s'engage à informer ses associés coopérateurs de son projet de modification, par circulaire adressée individuellement, dans les quinze jours à compter de la notification de la décision par l'Autorité. Cette circulaire rappellera avec clarté l'obligation non exclusive de livraison incombant à chaque associé coopérateur, indépendamment de tout éventuel engagement en cours ou à venir auprès d'une autre société sucrière.
2. L'ENGAGEMENT SUR LA VISIBILITÉ COMPLÈTE SUR LE CONTENU ET LA DURÉE DES ENGAGEMENTS DES ASSOCIÉS COOPÉRATEURS VIS-À-VIS DE TEREOS
155. Le deuxième engagement vise à apporter aux associés coopérateurs une visibilité complète sur le contenu et la durée de leurs engagements vis-à-vis de Tereos. Il s'agit notamment de présenter et de rappeler de façon claire et transparente dans une circulaire personnalisée adressée chaque année à chacun de ses associés coopérateurs cultivant de la betterave, d'une part, les volumes et la durée des engagements en vigueur que les associés coopérateurs ont souscrits avant 2017 et d'autre part, les volumes et la durée des engagements additionnels que les associés coopérateurs ont souscrits à partir de 2017. Dans ce cadre, Tereos s'engage à maintenir son extranet à jour afin de faciliter l'information des associés coopérateurs par un accès aux informations en cause.
3. L'ENGAGEMENT SUR LA DURÉE DE PRÉAVIS DE FIN D'ENGAGEMENT
156. Le troisième engagement concerne la réduction du préavis de fin d'engagement de douze à trois mois avant la date d'expiration du dernier exercice (soit le 30 juin).
157. Tereos s'engage à soumettre ces modifications aux prochaines assemblées générales des coopératives en janvier et février 2018 et à prévoir, dès à présent, dans le règlement intérieur l'ajout d'une disposition transitoire indiquant que chaque conseil d'administration "acceptera toute notification de retrait formulée par un associé coopérateur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, trois mois au moins avant l'expiration du dernier exercice de la période d'engagement concernée ". Tereos s'engage également à faire mention de cette modification et à rappeler les modalités de fin d'engagement (par simple lettre recommandée avec accusé de réception) dans une circulaire personnalisée à chacun de ses associés coopérateurs cultivant de la betterave et adressée dans les quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Autorité.
4. LES MODALITÉS DE REMBOURSEMENT DES PARTS SOCIALES D'ACTIVITÉ EN CAS DE SORTIE À L'ISSUE DES PÉRIODES D'ENGAGEMENT
158. Le quatrième engagement consiste à confirmer et rappeler l'information sur les modalités de remboursement des parts sociales d'activité en cas de sortie à l'issue des périodes d'engagement.
159. Tereos propose ainsi de modifier son règlement intérieur afin de préciser que le remboursement des parts sociales interviendra automatiquement à l'issue de la fin de la période d'engagement et en précisant le délai de remboursement. L'article du règlement intérieur relatif au remboursement du capital social serait ainsi rédigé "En application de l'Article 20.6 des statuts, le Conseil d'Administration entend mettre en œuvre les modalités suivantes en cas de remboursement de capital social :
- Part sociale d'activité : le remboursement interviendra automatiquement dans un délai maximum de 5 mois à l'issue de la fin de l'engagement d'activité (qu'il s'agisse des engagements souscrits avant 2017 ou des engagements additionnels souscrits en 2017), de l'associé coopérateur ayant adressé une demande en ce sens.
- Part sociale d'épargne : le remboursement interviendra automatiquement et sans délai après sa prise en compte de la demande par le Conseil d'Administration, lequel se réunit une fois [par] trimestre. "
160. Tereos s'engage également à confirmer et à rappeler, dans une circulaire adressée de manière personnalisée à chacun de ses associés coopérateurs cultivant de la betterave, le mécanisme de sortie intervenant à la fin d'une période d'engagement, en termes de formalités et de procédure de remboursement des parts sociales d'activité (y compris la durée maximale de cinq mois pour le remboursement du capital social d'activité).
5. LA FORMATION DES RESPONSABLES DE SECTEUR DE TEREOS
161. Le cinquième engagement porte sur la formation des responsables de secteur de Tereos au droit de la concurrence et aux nouveaux dispositifs de contractualisation en tenant compte de chacun des sujets précités. Ainsi, Tereos s'engage, dans les six mois à compter de la notification de la décision par l'Autorité, à ce que l'ensemble de ses responsables de secteur :
- ait complété et validé le programme de formation d'e-learning au droit de la concurrence, en cours de déploiement qui complète le guide "droit de la concurrence " diffusé au sein de Tereos début 2017 et qui portera plus spécifiquement sur le droit de la concurrence ainsi que sur la définition des ententes et des abus de position dominante (avec 100 % de succès au test) ;
- participe à une formation physique dédiée aux règles d'adhésion de la coopérative qui prendra en considération les engagements identifiés. Les responsables de secteur seront formés, en particulier, en matière de discours commercial pouvant être tenu vis-à-vis des associés coopérateurs, des planteurs, des agriculteurs et plus généralement toute personne extérieure à Tereos.
162. Ces formations seront renouvelées tous les ans pendant les cinq prochaines années et seront obligatoires pour tout nouvel employé qui viendrait à occuper un poste de responsable de secteur au sein de Tereos.
6. LE DÉLAI DE MISE EN OEUVRE ET SUIVI DES ENGAGEMENTS
163. Tereos indique que l'engagement d'envoi de la circulaire sera mis en œuvre au plus tard dans les quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Autorité.
164. Les règlements intérieurs des coopératives de Tereos seront soumis lors des prochaines réunions des conseils d'administration de chaque coopérative de Tereos qui doivent se tenir dans le courant du mois d'août 2017.
165. Les modifications des statuts des coopératives de Tereos seront soumises aux Assemblées générales devant avoir lieu en janvier et février 2018. Dans l'hypothèse où une ou plusieurs Assemblées Générales des coopératives de Tereos devaient rejeter les modifications proposées relatives aux statuts, Tereos s'engage à en informer sans délai l'Autorité afin d'envisager toute autre solution alternative et pérenne.
166. Tereos propose qu'un rapport intermédiaire soit adressé à l'Autorité en septembre 2017 qui confirmera l'envoi de la circulaire, l'adoption des règlements intérieurs par les coopératives de Tereos et la mise en œuvre effective de la formation des responsables de secteur, puis un rapport en mars 2018 après la tenue des assemblées générales qui auront modifié les statuts des coopératives.
167. Enfin, Tereos précise que les engagements proposés resteront en vigueur pendant cinq ans, période pendant laquelle Tereos rédigera un rapport de suivi adressé à l'Autorité, dans le mois précédent la date d'anniversaire à compter de la notification de la décision par l'Autorité.
B. LES OBSERVATIONS RECUEILLIES LORS DU TEST DE MARCHÉ
168. A l'occasion du test de marché, l'Autorité a recueilli les observations du commissaire du Gouvernement, de la saisissante ainsi que du Haut conseil à la coopération agricole (HCCA), du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS), de la Coordination Rurale (syndicat de planteurs) et de 28 planteurs de betteraves.
169. Les contributeurs considèrent de manière générale que les engagements proposés par Tereos sont très insuffisants et doivent être améliorés sur divers points.
1. SUR L'ABSENCE DE PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS D'APPORT IMPOSÉE AUX PLANTEURS
170. La saisissante, le commissaire du Gouvernement ainsi que la Coordination rurale regrettent qu'aucun engagement de Tereos ne porte sur la réduction de la durée de l'engagement initial de 10 ans des associés coopérateurs ainsi que sur celle de la durée de renouvellement de cinq ans, ces durées apparaissant excessives et non justifiées.
171. A cet égard, SLS souligne notamment que la part des 684 nouveaux associés coopérateurs de Tereos engagés pour une période initiale de dix ans représente environ les deux tiers des besoins en betteraves d'une sucrerie de la taille d'Eppeville. SLS précise que si l'on tient compte des engagements de cinq ans imposés aux anciens associés coopérateurs de Tereos pour leurs betteraves complémentaires, ce serait au total 4,2 millions de tonnes betteraves par an qui ne seraient plus accessibles sur le marché. La saisissante ajoute que les pratiques de Tereos figeraient d'autant la concurrence que les associés coopérateurs de Cristal Union livrant la sucrerie de Sainte-Emilie se seraient tous engagés à livrer cette sucrerie jusqu'en 2022. Enfin, SLS souligne que les investissements réalisés par Tereos ne justifient ni les engagements initiaux de dix ans, ni les renouvellements tacites des engagements de cinq ans.
172. La Coordination Rurale précise, quant à elle, que la durée d'engagement de dix ans apparaît disproportionnée, dans la mesure où Tereos de son côté, ne garantit à l'égard de ses associés coopérateurs qu'un prix minimum d'achat pour une durée de deux ans. Elle précise par ailleurs que la durée de cinq ans, permise par les textes régissant les coopératives "vise à protéger les petites coopératives qui ont besoin de sécuriser leurs revenus " or " cela ne fait aucun sens pour une coopérative comme Tereos qui a des adhérents très anciens ".
173. Enfin, le commissaire du Gouvernement et SLS estiment que les engagements de Tereos auraient dû prévoir une possibilité de résiliation unilatérale de l'engagement pour l'associé coopérateur à partir d'une certaine date.
2. SUR LE DISCOURS DE TEREOS À L'ÉGARD DE SLS
174. SLS considère que l'engagement de Tereos de former ses inspecteurs de culture au droit de la concurrence est très insuffisant pour répondre à la préoccupation de concurrence identifiée par les services d'instruction et à l'impact que ce discours a pu avoir sur le marché en cause.
175. Ainsi, Tereos devrait également écrire à l'ensemble de ses associés coopérateurs afin de démentir toutes les rumeurs de fermeture de la sucrerie d'Eppeville. Selon SLS, à défaut d'un tel engagement, les planteurs ne souhaiteront pas devenir mixtes au profit de SLS car ils craindront la fermeture prochaine d'Eppeville.
176. Le HCCA considère, pour sa part, qu'il n'est pas approprié d'indiquer que les responsables de secteur de Tereos seront formés "aux nouveaux dispositifs de contractualisation ", la relation entre une coopérative et un associé coopératif se matérialisant non par un contrat, mais par un engagement.
3. SUR L'ENGAGEMENT D'APPORT
177. SLS indique que, dans la nouvelle version des statuts telle que proposée par Tereos, il n'est fait aucune mention explicite au fait que l'engagement d'apport est non-exclusif, comme le prévoirait au contraire le règlement intérieur. Afin d'éviter toute équivoque, Tereos devrait reprendre dans les statuts la formule de son règlement intérieur et y préciser que " l'engagement d'apport est non-exclusif ".
178. La Coordination Rurale estime que la nouvelle rédaction de l'article 8 des statuts est ambiguë car elle ne précise pas de quels volumes il s'agit (volumes historiques, volumes supplémentaires...).
4. SUR LA DOUBLE DURÉE D'ENGAGEMENT
a) Sur l'engagement relatif au mécanisme de double durée d'engagement dans la coopérative
179. La saisissante, le commissaire du Gouvernement ainsi que la Coordination Rurale allèguent que le mécanisme de double de durée d'engagements est particulièrement restrictif de concurrence et qu'en conséquence Tereos devrait s'engager à aligner la durée des engagements en betteraves complémentaires sur celle des betteraves historiques. En effet, le mécanisme de double durée empêcherait un planteur insatisfait de Tereos de quitter intégralement la coopérative avant l'expiration d'une période de cinq ans. Par ailleurs, l'existence d'une double durée implique forcément pour l'extrême majorité des planteurs de devenir mixtes. Or, il n'est pas certain que tous les planteurs souhaitant quitter Tereos disposeraient de la liberté effective de devenir mixtes dès lors que Tereos mettrait en place des mécanismes rendant impraticables le statut de planteur mixte.
b) Sur l'engagement relatif aux modalités de remboursement du capital social
180. SLS estime que le délai de remboursement du capital social en cas de retrait de la coopérative fixé à 5 mois dans le règlement intérieur devrait être repris à l'identique dans les statuts, ces derniers faisant mention à leur article 19, d'un délai maximum de remboursement de cinq ans. A défaut, il y aurait une contradiction entre les statuts et le règlement intérieur.
181. Le commissaire du Gouvernement estime, quant à lui, que le délai de remboursement des parts sociales de cinq ans prévu dans les statuts de Tereos devrait être substantiellement réduit, compte tenu de la position dominante de Tereos sur le marché.
c) Sur l'effet utile de l'engagement sur la double durée d'engagement
182. Une grande partie des contributeurs estiment que les engagements de Tereos permettant aux associés coopérateurs de Tereos de devenir mixtes ne pourront être effectifs que s'ils sont accompagnés d'un engagement supplémentaire de Tereos prévoyant le maintien du système des échanges avec les autres sucriers. A cet égard, ils soulignent qu'à défaut de maintien du système d'échanges, un planteur mixte serait soumis à de trop nombreuses contraintes (logistiques et de calendrier), à une multiplication des enlèvements et à une augmentation des arrachages précoces, si bien qu'il est probable qu'un très grand nombre de planteurs refuseraient de devenir mixtes.
183. Par conséquent, les contributeurs concernés sollicitent que Tereos s'engage à maintenir un système d'échanges de betteraves similaire au système existant pendant les quotas, a minima, pour tous les planteurs mixtes.
5. SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS
184. La saisissante estime que la durée de cinq années proposée par Tereos est très insuffisante alors que le discours partial de Tereos au sujet de SLS, lui aurait permis d'accueillir en nombre de nouveaux associés coopérateurs pour dix ans et que Tereos est très dominant sur le marché d'Eppeville/Roye. Tereos ne pourrait donc se contenter de proposer des engagements dont la durée serait inférieure à 10 ans.
6. SUR LE SUIVI DES ENGAGEMENTS
185. SLS estime que la nomination d'un mandataire indépendant semble essentielle afin notamment de vérifier que les inspecteurs de culture de Tereos adoptent un discours commercial respectueux du droit de la concurrence, que les associés de Tereos puissent devenir mixtes à la fin de leur engagement, que Tereos maintienne un système d'échange de betteraves efficace et comparable au système en place lors des campagnes précédentes et que les associés coopérateurs de Tereos soient tenus informés, dans les délais utiles, des conditions de sortie de la coopérative. Selon SLS, le mandataire pourrait aussi contrôler l'efficacité des engagements de Tereos en vérifiant si le nombre de planteurs mixtes sur l'approvisionnement d'Eppeville/Roye augmente au profit de Cristal Union ou de SLS. Dans le cas contraire, les engagements de Tereos devraient être renforcés.
C. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR TEREOS LE 9 JUIN ET LES 6 ET 11 JUILLET 2017
186. Après avoir pris connaissance des résultats du test de marché, Tereos a communiqué aux services d'instruction, le 9 juin 2017, une nouvelle version de ses engagements, qui a ensuite été débattue lors de la séance du 13 juin 2017.
187. Les engagements de Tereos dans leur version du 9 juin 2017 prévoient que le règlement intérieur des coopératives et la circulaire personnalisée adressée à chacun des associés coopérateurs préciseront, s'agissant du remboursement des parts sociales d'activité en cas de sortie de l'associé à l'issue des périodes d'engagement, que ce dernier interviendra dans un délai maximum de 5 mois à l'issue de la fin de l'engagement d'activité "nonobstant la possibilité d'un délai maximal de remboursement de 5 ans prévu par les statuts ". Tereos lève ainsi l'ambiguïté liée à la contradiction entre les dispositions des statuts et celles du règlement intérieur.
188. Tereos s'engage également à former ses responsables de secteur aux "nouveaux dispositifs d'engagement " à la place des "nouveaux dispositifs de contractualisation ", afin de mieux répondre à la nature des relations entre une coopérative et ses associés coopérateurs.
189. Lors de la séance du 13 juin 2017, l'Autorité a cependant émis des doutes sur l'effectivité des engagements de Tereos portant sur le mécanisme de double durée d'engagements permettant aux associés coopérateurs de devenir mixtes à l'expiration de leur engagement historique. En effet, pour libérer la concurrence, devenir des planteurs mixtes doit être une option viable pour les associés coopérateurs de Tereos. Or, d'après les éléments du dossier, la viabilité du statut de planteur mixte pourrait dépendre en partie du maintien du système d'échanges de betteraves qui permet aux planteurs mixtes de n'avoir affaire qu'à une seule entité au lieu de plusieurs. Dans la mesure où le système des échanges tel qu'il était appliqué pendant la période des quotas a été remplacé par l'accord interprofessionnel du 22 juillet 2017, par la simple possibilité de " réceptionner les betteraves pour autrui "et que cette possibilité dépend d'un accord contractuel entre sucriers, l'Autorité a considéré, qu'en l'état, les engagements de Tereos dans leur version du 9 juin 2017 ne suffisaient pas à répondre à la préoccupation de concurrence identifiée par les services d'instruction sur la mise en place par Tereos en 2017 d'un nouvel engagement d'une durée de cinq ans (voir § 138 et suivants ci-dessus).
190. Le 6 juillet 2017, tirant les conséquences du fait qu'elle n'était pas parvenue à un accord avec SLS sur les modalités d'un système d'échanges de betteraves, Tereos a transmis aux services d'instruction une nouvelle version de ses engagements, dans laquelle elle propose, dans la partie "Mise en œuvre et suivi des engagements ", de supprimer la double période d'engagements de ses anciens associés coopérateurs. Ainsi, les tonnages additionnels de betteraves souscrits par les anciens associés coopérateurs de Tereos à compter de la campagne 2017-2018 seront ajoutés à leur engagement historique. Chaque planteur conservera ainsi une seule durée d'engagement et un tonnage global de betteraves engagé vis-à-vis de Tereos. Tereos a, par ailleurs, indiqué aux services d'instruction qu'elle avait formulé une demande de lettre d'orientation auprès de la Commission européenne afin d'obtenir des informations de la part de cette dernière sur la question de savoir si la poursuite du mécanisme d'échanges de betteraves existant entre sucriers pendant la période des quotas serait compatible avec les règles de concurrence dans le nouveau contexte concurrentiel résultant de la fin des quotas.
191. La version des engagements de Tereos du 6 juillet 2017 a été débattue et améliorée lors de la séance de l'Autorité du 11 juillet 2017.
192. La version finale des engagements de Tereos, communiquée à l'Autorité à l'issue de la séance du 11 juillet 2017, prévoit que la suppression de la double période d'engagements figure désormais au point 2.2 des engagements, en tant qu'engagement à part entière, et non plus dans la partie "Mise en œuvre et suivi des engagements ".
193. La version finale des engagements de Tereos figure en annexe de la présente décision.
IV. Discussion
A. SUR L'ABSENCE DE PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE FORMULÉES À L'ENCONTRE DE CERTAINES PRATIQUES VISÉES DANS LA SAISINE
194. Certains contributeurs reprochent aux services d'instruction de ne pas avoir formulé de préoccupations de concurrence à l'encontre des engagements de dix ans, tacitement renouvelables par période de cinq ans, figurant dans les statuts des coopératives de Tereos.
195. Aucune préoccupation de concurrence n'a par ailleurs été formulée concernant les pratiques de Cristal Union dénoncées dans la saisine.
196. Il convient de rappeler que la procédure d'engagements permet de mettre fin à des situations susceptibles d'être préjudiciables à la concurrence dans des délais procéduraux plus rapides que ceux conduisant à un constat d'infraction. Les préoccupations de concurrence identifient donc les atteintes actuelles aux règles de la concurrence. A cet égard, la cour d'appel de Paris considère que " la procédure d'engagements constitue l'un des outils qui permet à une autorité de concurrence d'exécuter sa mission consistant à garantir le fonctionnement de la concurrence sur les marchés, cette mission de défense de l'ordre public économique habilitant ladite autorité à rendre des décisions d'engagements, non pour satisfaire la demande d'une partie plaignante mais pour mettre fin à des situations susceptibles d'être préjudiciables à la concurrence " (arrêt du 19 décembre 2013, société Cogent Communications France).
1. EN CE QUI CONCERNE LA DURÉE D'ENGAGEMENT DES ASSOCIÉS COOPÉRATEURS DE TEREOS
197. Le commissaire du Gouvernement dénonce l'existence d'exclusivité de long terme liant les associés coopérateurs à Tereos. SLS, le commissaire du Gouvernement et la Coordination rurale font valoir que la durée d'engagement de dix ans tacitement renouvelable par période de cinq ans n'est pas justifiée pour une coopérative de la taille de Tereos.
198. Mais il convient de rappeler, en premier lieu, qu'aux termes des engagements pris par Tereos, les associés coopérateurs des coopératives de Tereos auront désormais la possibilité de devenir "mixtes ", c'est-à-dire de vendre leur production à plusieurs sucreries, sans être contraints par des liens d'exclusivité à l'égard de Tereos. Les engagements de Tereos clarifient les statuts sur ce point en prévoyant expressément à l'article 8.1.1, que l'adhésion à la coopérative n'entraîne pour l'associé coopérateur que " L'engagement de livrer les betteraves sucrières contractées auprès de Tereos " et non plus "L'engagement de livrer la totalité des betteraves sucrières contractées auprès de Tereos et produites sur son exploitation (...) " (soulignement ajouté), tel que prévu antérieurement.
199. Les engagements souscrits par Tereos ont donc pour effet de mettre un terme à l'obligation d'apport total qui s'appliquait jusqu'à présent aux associés coopérateurs. Dans ces conditions, l'engagement de dix ans, tacitement renouvelable par période de cinq ans ne formalise plus une exclusivité d'approvisionnement de long terme, au sens dénoncé par le commissaire du Gouvernement.
200. En deuxième lieu, il est à noter que Tereos est une union de coopératives agricoles dont la forme sociale présente des spécificités et qui se distingue de celle des sociétés civiles et commerciales. En effet, les coopératives agricoles constituent des communautés d'intérêt dont l'objet social est de valoriser au mieux la production de leurs adhérents et de mutualiser notamment la transformation et la vente. Ainsi, les associés coopérateurs réalisent des investissements communs importants pour se doter d'outils industriels permettant de commercialiser leur production aux meilleures conditions du marché. Les coopératives, pour leur part, sont tenues de s'approvisionner essentiellement auprès de leurs associés coopérateurs. Pour ces raisons, la durée d'engagement des associés coopérateur dans la coopérative doit être suffisante pour permettre de garantir la rentabilité des investissements réalisés et la pérennité des outils industriels acquis en commun. De même, cette durée d'engagement doit permettre à la coopérative de bénéficier d'une certaine stabilité d'approvisionnement dans le temps afin de remplir son objet social.
201. Ainsi, en ce qui concerne les conditions de validité des dispositions statutaires qui régissent les rapports entre la société coopérative et ses membres, la Cour de justice a indiqué, dans un arrêt du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis, que, pour échapper à l'application de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, " les restrictions imposées aux membres par les statuts des associations coopératives et destinées à garantir leur fidélité doivent être limitées à ce qui est nécessaire afin d'assurer le bon fonctionnement de la coopérative et en particulier de lui garantir une base commerciale suffisamment large et une certaine stabilité de la participation sociale " (C-399/93, point 14).
202. En l'espèce, la transformation de betteraves nécessite des investissements importants. La construction d'une sucrerie neuve représente entre 350 et 550 millions d'euros. Tereos a d'ailleurs indiqué, lors de l'instruction, qu'il avait investi 130 millions d'euros dans ses sucreries (cote 4399) et que, dans le cadre de son plan stratégique à moyen terme (soit jusqu'à la campagne 2021-2022), il prévoyait de consacrer globalement 633 millions d'euros à l'ensemble de ses sites sucriers (cote 7718).
203. La durée d'engagement de dix ans tacitement renouvelable par période de cinq ans n'apparaît donc pas excessive au regard de la forme sociale de Tereos, du secteur concerné, des investissements réalisés par le groupe dans ses sucreries, depuis 2011 et de l'absence d'exclusivité d'approvisionnement entre la coopérative et ses membres.
204. Enfin, en troisième lieu, il y a lieu de relever que l'engagement initial de dix ans ne concerne qu'une part très limitée de l'ensemble des adhérents de Tereos. En effet, s'agissant de la zone d'Eppeville/Roye visée par la présente affaire, le nombre de nouveaux associés coopérateurs de Tereos pour 2017 s'élève à 485, représentant 815 641 tonnes de betteraves, soit environ 5 % des betteraves collectées de la zone concernée.
205. Il résulte de ce qui précède, qu'en état du dossier, la durée d'engagement de dix ans tacitement renouvelable par période de cinq ans prévue dans les statuts des coopératives de Tereos ne soulève pas de préoccupations de concurrence.
2. EN CE QUI CONCERNE LES PRATIQUES DE CRISTAL UNION
206. Dans sa saisine, SLS dénonce les engagements d'exclusivité de dix ans et cinq ans mis en place par Cristal Union à l'égard de ses planteurs ainsi que les conditions de sortie de cette coopérative.
207. Les juridictions et les autorités de concurrence nationales et européennes considèrent de manière constante que les exclusivités de distribution ou d'achat ne sont pas anticoncurrentielles par elles-mêmes. En pratique, l'effet restrictif de concurrence résultant des clauses d'exclusivité dépend notamment de la position des opérateurs et des conditions régnant sur le marché en cause.
208. Dans l'arrêt du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis, précité, la Cour de justice a également précisé que, pour apprécier la validité au regard du droit de la concurrence des restrictions imposées aux membres par les statuts des associations coopératives, il convient de déterminer si les clauses en question sont "susceptibles, d'une part, de rendre excessivement rigide un marché sur lequel opère un nombre réduit d'opérateurs jouissant d'une forte position concurrentielle et pratiquant des clauses comparables, et d'autre part, de consolider ou de perpétuer cette position de force, faisant ainsi obstacle à l'entrée d'autres opérateurs concurrents sur le marché " (point 16).
209. Ainsi, il s'agit principalement de tenir compte de la position occupée par la coopérative en cause sur le marché concerné. Comme l'a indiqué l'Avocat général dans l'affaire Oude Luttikhuis, citée ci-dessus, " si la coopérative concernée jouit d'une forte position concurrentielle, elle a également un moindre besoin de protection à l'égard des comportements indépendants de ses propres membres ".
210. Or, en l'espèce, il y a lieu de relever que les parts de Cristal Union sur le marché de l'approvisionnement en betteraves d'Eppeville/Roye sont limitées puisqu'elles s'élèvent à 11,9 % pour la campagne 2016-2017, loin derrière les parts de marché de la saisissante SLS (20,7 %) et de Tereos (67,4 %). D'ailleurs, sur la zone en cause, Cristal Union ne dispose que d'une seule sucrerie, celle de Sainte-Emilie, alors que SLS et Tereos sont respectivement propriétaires de deux et cinq sucreries. Cristal Union ne bénéficie donc pas sur le marché de référence d'une position concurrentielle prépondérante.
211. Par ailleurs, lors de la fin des quotas de sucre et de la libéralisation du marché, Cristal Union n'a ni prorogé la durée d'engagement de ses anciens associés coopérateurs ayant augmenté leur apport de betteraves, ni allongé la durée du préavis de sortie de la coopérative. En outre, Cristal Union a accepté de nouveaux associés coopérateurs mixtes, c'est-à-dire fournissant des groupes sucriers concurrents. De même, lors de l'instruction, Cristal Union a indiqué qu'elle continuerait à travailler avec des TNA, contrairement à Tereos.
212. Enfin, il est à noter qu'en vertu des points 4 et 5 de l'article 8 des statuts des coopératives sucrières de Cristal Union, le délai de préavis de sortie de la coopérative est fixé à 3 mois avant l'expiration du dernier exercice de la période d'engagement concernée, ce qui permet aux associés coopérateurs de quitter la coopérative de manière rapide.
213. Dans ces conditions, en l'état du dossier, les pratiques de Cristal Union sur le marché d'Eppeville/Roye, dénoncées par la saisissante, ne soulèvent pas de préoccupations de concurrence.
B. APPRÉCIATION DU CONTENU DES ENGAGEMENTS DÉFINITIFS DE TEREOS DU 11 JUILLET 2017
1. LES ENGAGEMENTS SUR LE DISCOURS DE TEREOS À L'ÉGARD DE SLS
214. Contrairement à ce que soutient SLS, il n'est pas nécessaire d'imposer à Tereos d'écrire à l'ensemble de ses associés coopérateurs afin de démentir les rumeurs de fermeture de la sucrerie d'Eppeville. En effet, d'une part, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir avec précision le contenu exact des propos tenus par les agents betteraviers de Tereos auprès des différents planteurs et chefs de culture de SLS, à l'égard de la sucrerie d'Eppeville. D'autre part, SLS appartient au groupe sucrier allemand Südzucker, premier producteur de sucre européen. La société dispose donc de moyens financiers et matériels suffisants pour communiquer auprès des planteurs sur la situation réelle de l'usine d'Eppeville, notamment par le biais de la presse locale et/ou de la presse spécialisée. Une telle diffusion serait d'ailleurs plus efficace qu'une simple information transmise par Tereos auprès de ses associés coopérateurs. Enfin, la future formation en droit de la concurrence qui sera dispensée par Tereos auprès de ses responsables de secteur en application des engagements pris est de nature à garantir que, dans l'avenir, ces agents tiendront à l'égard des associés coopérateurs ou des tiers, des discours commerciaux adaptés notamment lorsqu'ils seront amenés à évoquer les offres commerciales proposées par les concurrents de Tereos.
215. En revanche, comme le souligne le HCCA, la relation entre la coopérative et les associés coopérateurs relève davantage de la notion "d'engagement " que de " contrat ". Par conséquent, la dernière proposition d'engagement de Tereos consistant à préciser que les responsables de secteur seront formés au droit de la concurrence et " aux nouveaux dispositifs d'engagement des associés coopérateurs " et non plus " aux nouveaux dispositifs de la contractualisation" est de nature à mieux prendre en compte la spécificité des liens entre la coopérative et les coopérateurs associés.
216. Dans ces conditions, les engagements proposés par Tereos consistant à former ses responsables de secteur au droit de la concurrence et aux nouveaux dispositifs d'engagement des associés coopérateurs répondent à la préoccupation de concurrence formulée dans l'évaluation préliminaire sur le discours de Tereos tenu à l'égard de SLS.
2. L'ENGAGEMENT SUR L'OBLIGATION DE LIVRAISON EXCLUSIVE
217. Tereos s'engage à modifier les statuts et le règlement intérieur des coopératives afin de supprimer l'obligation de livraison exclusive incombant aux associés coopérateurs.
218. Contrairement à ce que soutient SLS, la circonstance qu'aux termes des engagements pris par Tereos, les statuts des coopératives ne précisent pas, comme le fait le règlement intérieur que l'engagement d'apport des associés coopérateurs est "non exclusif " n'est pas de nature à créer une confusion sur le contenu des obligations des associés coopérateurs à l'égard de leur coopérative. En effet, Tereos s'engage à supprimer de l'article 8.1.1 des statuts des coopératives, l'engagement des associés coopérateurs de livrer " la totalité " des betteraves sucrières contractées auprès de Tereos, pour le remplacer par celui "de livrer les betteraves sucrières contractées auprès de Tereos ". Ces dispositions sont donc suffisamment claires en ce qui concerne la suppression de l'obligation de livraison exclusive incombant aux associés coopérateurs.
3. L'ENGAGEMENT SUR LA DOUBLE PÉRIODE D'ENGAGEMENTS
219. L'engagement pris par Tereos de supprimer la double période d'engagements en prévoyant que les tonnages additionnels de betteraves souscrits par les anciens associés coopérateurs de Tereos à compter de la campagne 2017-2018 seront ajoutés à leur engagement historique et que chaque planteur conservera ainsi une seule durée d'engagement, met un terme au chevauchement de périodes contractuelles qui était susceptible de prolonger indéfiniment la durée effective d'engagement des associés coopérateurs à l'égard de Tereos. Un tel engagement est de nature à libérer la concurrence sur le marché de l'approvisionnement en betteraves sucrières de la zone d'Eppeville/Roye, d'autant que, comme Tereos l'a mentionné dans ses écritures, à l'heure actuelle, la durée d'engagement de la quasi-totalité des anciens associés coopérateurs de Tereos est inférieure ou égale à cinq ans. Ainsi, à plus ou moins brève échéance, un nombre important de planteurs sera à nouveau libre de tout engagement auprès d'un ou plusieurs sucriers concurrents.
220. Dans ces conditions, compte tenu de la suppression de la double période d'engagements, l'Autorité considère qu'il n'est plus nécessaire, dans le cadre des engagements pris par Tereos, de garantir la mise en place d'un système d'échanges de betteraves entre Tereos et SLS.
4. L'ENGAGEMENT SUR LE DÉLAI DE PRÉAVIS DE RETRAIT DE LA COOPÉRATIVE
221. Tereos s'engage à réduire le délai de préavis de retrait de la coopérative de douze à trois mois. Un tel délai qui tend à faciliter le retrait de la coopérative par les associés coopérateurs répond pleinement à la préoccupation de concurrence identifiée par les services d'instruction.
5. L'ENGAGEMENT SUR LES MODALITÉS DE REMBOURSEMENT DES PARTS SOCIALES D'ACTIVITÉ
222. L'engagement pris par Tereos prévoit que le remboursement des parts sociales d'activité de l'associé coopérateur à l'issue de la fin de l'engagement d'activité interviendra automatiquement dans un délai maximum de cinq mois.
223. Afin d'éviter toute ambiguïté entre les statuts et le règlement intérieur des coopératives, la version définitive des engagements de Tereos précise que Tereos confirmera et rappellera dans une circulaire adressée de manière personnalisée à chacun de ses associés coopérateurs cultivant de la betterave ainsi que dans le règlement intérieur, que nonobstant la possibilité d'un délai maximal de remboursement de cinq ans prévu par les statuts, le remboursement du capital social interviendra automatiquement dans un délai maximum de cinq mois à l'issue de la fin de l'engagement d'activité de l'associé coopérateur ayant adressé une demande en ce sens.
224. Dans ces conditions, l'engagement de Tereos, qui facilite la sortie des associés coopérateurs, répond à la préoccupation de concurrence identifiée sur les modalités de remboursement des parts sociales d'activité.
6. SUR LE DÉLAI DE MISE EN OEUVRE ET LA DURÉE DES ENGAGEMENTS
225. Afin de rendre effectifs ses engagements, dès la prochaine campagne 2017-2018 Tereos s'est engagée à informer ses associés coopérateurs de ses projets de modification des statuts et du règlement intérieur par circulaire adressée individuellement à chacun d'eux, dans les 15 jours à compter de la notification de la décision de l'Autorité.
226. Sur le suivi des engagements, il y a lieu de relever que l'essentiel des engagements pris par Tereos consiste en des modifications écrites des statuts et du règlement intérieur des coopératives ainsi qu'en l'envoi de circulaires informatives à destination des associés coopérateurs. Ces engagements qui apparaissent facilement vérifiables notamment par l'envoi à l'Autorité par Tereos d'un rapport intermédiaire en septembre 2017 puis d'un rapport final en mars 2018, ne nécessitent donc pas un suivi par un mandataire indépendant.
227. Par ailleurs, le rapport annuel de suivi des engagements que Tereos adressera à l'Autorité dans le mois précédent la date d'anniversaire à compter de la notification de la décision par l'Autorité permettra à cette dernière de vérifier régulièrement la mise en œuvre e des engagements pris.
228. S'agissant de la durée des engagements, contrairement à ce que soutient la saisissante, une durée d'engagements de cinq ans apparaît suffisante en l'espèce. En effet, à ce jour, la grande majorité des associés coopérateurs historiques de Tereos sont engagés dans leur coopérative, pour des périodes inférieures ou égales à cinq ans. Ainsi, la durée de cinq ans des engagements permettra de s'assurer que les associés coopérateurs historiques s'étant engagés pour des betteraves complémentaires pourront, s'ils le souhaitent, quitter la coopérative à l'issue de leur engagement historique, tant pour les betteraves historiques que pour les betteraves complémentaires. Une telle durée permettra également de vérifier le respect des autres engagements pris par Tereos, liés aux modalités de retrait de la coopérative (délai de préavis de retrait et modalités de remboursement des parts sociales). Enfin, une période de formation de cinq ans dispensée aux responsables de secteurs de Tereos est de nature à assurer le respect par ces derniers, sur le long terme, du droit de la concurrence.
7. CONCLUSION
229. Les engagements de Tereos, dans leur version finale du 11 juillet 2017, sont de nature à libérer le marché de l'approvisionnement en betteraves situé dans la zone géographique d'Eppeville/Roye et à améliorer de manière substantielle l'intensité de la concurrence entre Tereos et les autres sucriers. Ces engagements répondent aux préoccupations de concurrence exprimées et présentent un caractère substantiel, crédible et vérifiable. Il y a donc lieu de les accepter, de les rendre obligatoires et de clore les procédures.
DÉCISION
Article 1er : L'Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par Tereos qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.
Article 2 : Les saisines enregistrées sous les numéros 16/0084F et 16/0085M sont closes.
Délibéré sur le rapport oral de Mme Géraldine Rousset et Mme Laura Souty, rapporteures et l'intervention de Mme Juliette Thery-Schultz, rapporteure générale adjointe, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, Mme Séverine Larere, Mme Reine Claude Mader et M. Noël Diricq, membres.
NOTES
2 Cotes 7880 et 7881.
3 Cote 7868.
4 Cote 7664.
5 Cote 7642.
6 Cote 7646.
7 Cote 7884.
8 Cote 7777.
9 Cote 7862.
10 Cote 4990.
11 Cote 7646.
12 Cote 7880.
13 Cote 7866.
14 Cote 7664.
15 Cote 4949.
16 Cote 4989.
17 Cote 7866.
18 Cote 7664.