CA Rouen, ch. civ. et com., 31 août 2017, n° 16-00318
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
De Carrière (ès qual.), Call Concept (SARL)
Défendeur :
Pré de la Bataille (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farina
Conseillers :
Mmes Aublin-Michel, Bertoux
Avocats :
Mes Mosquet, Faubert, Selegny, Gillot
Exposé du litige
La SARL Call concept, constituée et immatriculée le 28 avril 2009, a pour activité la commercialisation de produits manufacturés, fabriqués exclusivement par des ESAT (établissement et services d'aide par le travail).
L'association du Pré de la Bataille est une association de type loi 1901, reconnue d'utilité publique, dont l'objet est " l'éducation, la rééducation, l'apprentissage, la mise au travail, l'hébergement et le soutien des personnes handicapées mentales ou souffrant de troubles divers mettant obstacle à leur insertion sociale ".
Afin de parvenir à ce but, elle a développé plusieurs activités ayant le double but de :
- fournir un travail rémunéré aux adultes handicapés qu'elle accueille,
- compléter ses revenus et lui permettre son fonctionnement quotidien.
Ses ressources proviennent pour une partie des deniers publics et pour l'autre partie de ses diverses activités (réalisation d'opérations de sous-traitance pour diverses entreprises... la vente de certains produits fabriqués par les adultes handicapés qu'elle accueille, tel le sucre de pomme, ou reconditionnés par ceux-ci, telles les fournitures de bureau).
Par acte extrajudiciaire en date du 19 octobre 2011, la SARL Call Concept a fait assigner l'Association Le Pré La Bataille devant le Tribunal de commerce de Marseille en indemnisation de son préjudice résultant de la rupture abusive de son contrat d'agent commercial.
Par jugement du 19 janvier 2012, le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL Call Concept et désigné Me de Carrière ès qualités de liquidateur.
Par jugement du 4 octobre 2012, le Tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Rouen.
Par jugement en date du 24 novembre 2015, le Tribunal de grande instance de Rouen a :
- déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par l'association du Pré de la Bataille contre la SARL Call Concept;
- condamné la SARL Call Concept représentée par Me de Carrière ès qualités de mandataire liquidateur de ladite société à payer à l'association du Pré de la Bataille la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- rejeté toute autre demande;
- condamné la SARL Call Concept représentée par Me de Carrière aux dépens.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 22 janvier 2016, Me Vincent de Carrière ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Call Concept a interjeté appel de la décision.
Pour un exposé exhaustif des faits et moyens des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions du 18 avril 2016 pour l'appelant et du 14 juin 2016 pour l'intimée.
Me de Carrière ès qualités conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de :
- dire et juger que la relation contractuelle ayant lié la société Call Concept à l'association du Pré de la Bataille est un contrat d'agent commercial;
- dire et juger que les motifs utilisés dans la lettre de rupture du 28 février 2011 ne constituaient pas une faute grave privative de toute indemnité au sens de l'article L. 134-12 du Code de commerce;
- condamner l'association du Pré de la Bataille à payer à Me de Carrière ès qualités de mandataire liquidateur de la société Call Concept une somme de 11 192 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 octobre 2011 ainsi que capitalisation des intérêts dus pour plus d'une année entière (anatocisme);
- condamner l'association du Pré de la Bataille à payer à Me de Carrière ès qualités de mandataire liquidateur de la société Call Concept une somme de 396 528 à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 octobre 2011 ainsi que capitalisation des intérêts dus pour plus d'une année entière (anatocisme);
- condamner l'association du Pré de la Bataille à payer à Me de Carrière ès qualités de mandataire liquidateur de la société Call Concept une somme de 15 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par l'association du Pré de la Bataille, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamner l'association du Pré de la Bataille aux entiers dépens.
L'Association du Pré de la Bataille demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
- y ajoutant,
- condamner Me de Carrière ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Call Concept à lui payer la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamner Me de Carrière ès qualités aux entiers dépens;
- dire que les dépens et les condamnations sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile seront réglés en frais privilégiés de la procédure collective.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2016.
SUR CE
- sur la rupture du contrat d'agence commerciale
Au soutien de son appel, Me de Carrière, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Call Concept expose, en résumé, que :
- l'intégralité des faits litigieux relèvent d'une période durant laquelle M. X était le seul gérant de la société Call Concept, M. Y était non plus gérant mais son salarié, en qualité de commercial, à compter du 6 janvier 2010;
- Courant 2007, M. X a été contacté par l'association Pré de la Bataille qui cherchait à faire connaître et commercialiser les produits fabriqués par les adultes handicapés;
- M. X va accepter de résilier un contrat qui le liait à une entité concurrente pour conclure un contrat d'agent commercial avec l'association Pré de la Bataille;
- Pendant 21 mois, la SARL Call Concept a constitué un portefeuille important de clients pour le compte de l'association du Pré de la Bataille et a reçu une commission de 50 % sur toutes les ventes effectuées;
- Elle a employé jusqu'à 7 salariés exclusivement affectés au service de l'association Pré de la Bataille;
- A la fin de l'année 2010, l'association a souhaité renégocier le contrat en proposant d'augmenter le prix de vente des produits et de diminuer la commission due à l'agent commercial, la fixant à 41 %;
- M. X va refuser cette proposition;
- du jour au lendemain, l'association du Pré de la Bataille a rompu le contrat la liant à la SARL Call Concept par lettre du 28 février 2011 en prétextant l'existence de méthodes commerciales inappropriées;
- malgré les efforts consentis par la SARL Call Concept qui cherchait à éviter la ruine et le licenciement de ses salariés alors que l'association du Pré de la Bataille constituait son client essentiel, celle-ci n'est pas revenue sur sa décision;
- Il reproche au tribunal d'avoir omis de statuer sur ses demandes;
- Les deux sociétés n'ont jamais conclu de contrat écrit pour régir leurs relations mais elles ont toutes deux reconnu être liées par un contrat d'agent commercial avec un engagement d'exclusivité;
* le prix des ventes passées par l'intermédiaire de la société Call Concept était encaissé directement par l'association du Pré de la Bataille
* lors de ses activités de prospection, la société Call Concept ne se présentait pas sous son nom mais sous celui de l'association du Pré de la Bataille, de sorte que la clientèle démarchée ne connaissait pas la société Call Concept
* la société Call Concept agissait à titre de profession indépendante en complète conformité avec les dispositions prévues aux articles R. 134-1 et suivants du CPC (sic),
* elle assistait également l'association du Pré de la Bataille pour le recouvrement des créances, pour des problèmes de livraison, pour toute difficulté avec le client final;
- La relation contractuelle ayant duré 21 mois, l'association devait respecter un préavis de deux mois, ce qu'elle n'a pas fait; au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, elle doit donc une somme de 11 192 ;
- Elle a droit également à une indemnité compensatrice de rupture du contrat correspondant à 24 mois de rémunération, soit la somme de 396 528 ;
* cette somme est loin d'être excessive car elle correspond à son préjudice constitué de la perte de la majorité de son chiffre d'affaires, du coût humain, social et économique, des contentieux prud'homaux étant même apparus, de la grave atteinte à l'image de la société rendant impossible la poursuite de son activité;
* compte tenu de son état de dépendance économique et de la brutalité de la résiliation, la situation économique et financière de la société Call Concept a été très gravement et rapidement compromise, la contraignant à demander sa liquidation judiciaire dans les mois qui ont suivi;
- Il conteste la réalité et la gravité des fautes reprochées à la société Call Concept distinguant les griefs visés dans la lettre du 28 février 2011 et ceux postérieurs à la rupture du 28 février 2011 :
* sur l'absence de réalité des griefs invoqués au soutien de la rupture :
Les griefs visés dans la lettre du 28 février 2011 ne concernaient en réalité qu'un seul de ses salariés, M. Y, qui a quitté l'entreprise dès 2011 et qui n'a donc pas pu donner sa version des faits pour les besoins du procès;
Sur la mise en avant, à l'occasion d'une transaction avec la BNP, de l'existence d'un protocole inexistant entre l'association du Pré de la Bataille et le client BNP (différend intervenu le 16 février 2011 entre M. Y, salarié de la société Call Concept, et M. François C., responsable gestion et ressources humaines de la BNP), dans le but de vendre à ce dernier des ramettes de papier : la société Call Concept s'est prévalue d'un communiqué du 13 juillet 2008 intitulé " BNP Paribas, Engagée pour le handicap ", ce qui n'est pas critiquable; - ce document n'est pas un protocole; - aucun des éléments versés par l'Association ne démontre valablement que M. Y ait évoqué un document autre que celui précité; - la société Call Concept conteste fermement avoir jamais demandé à M. Y d'évoquer l'existence d'un protocole signé; - l'interprétation de M. C., non corroborée par d'autres éléments de preuve, ne peut à elle seule établir l'existence d'un mensonge qui aurait été utilisé pour vendre les produits de l'association;
Sur le reproche de la BNP quant aux méthodes de vente de la société Call Concept, en général, jugées agressives et culpabilisantes : il s'agit d'une remarque d'ordre si général qu'elle n'est pas de nature à établir la réalité de la faute invoquée en l'absence de référence à des faits précis qui seraient produits; - l'association n'a pas reçu de la BNP la moindre preuve de ce grief;
Sur l'existence d'une longue liste de doléances portées par les clients de l'association depuis plusieurs mois : il n'est produit que des mails et attestations de la BNP systématiquement postérieurs au mois de février 2011; - sur le plan de la matérialité des faits, aucun élément de preuve ne vient, même après coup, fonder le grief formulé;
* Sur les griefs postérieurs à la rupture
. Seuls des faits antérieurs à la lettre de rupture du 28 février 2011 pouvaient fonder la faute grave invoquée par l'association du Pré de la Bataille, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal;
. Il est demandé à la cour de faire application de la jurisprudence de la CJUE dans un arrêt de principe du 28 octobre 2010, selon laquelle tous les griefs formulés postérieurement à la rupture du contrat, même s'ils se rattachent à des faits antérieurs, sont insusceptibles de priver l'agent de son droit à commission;
* sur l'absence de gravité des griefs invoqués au soutien de la rupture
. Le mandant doit prouver que les griefs établis rendaient absolument impossible le maintien de la relation contractuelle.
. Pour ce faire, il faut se référer aux pièces produites par l'association (pièces n° 8 à 14), (à l'exception de ses nombreuses pièces à soi-même établies une fois l'action en justice engagée), que le tribunal a analysées : chacune de ces pièces ne formule de griefs qu'à l'encontre de M. Y; - aucune référence à un autre salarié ni même à la société Call Concept en général n'est faite; - l'éviction de cette seule personne était de nature à régler le problème; - ainsi la société Call Concept aurait pu licencier M. Y ou l'affecter à ses autres clients; - la brutalité de la rupture ne lui a pas permis de mettre en œuvre la moindre démarche corrective; - les faits du 16 février 2011 ont été immédiatement portés à la connaissance de l'association mais pour autant celle-ci n'a pas cru devoir en informer M. X; - alors qu'elle avait confié un mandat à une autre société dénommée Energy Plus, elle avait eu à se plaindre de faits similaires à propos d'une salariée dénommée Z, cette faute n'a pas été jugée grave par l'association;
. La qualification de faute grave est incompatible avec l'existence de griefs répétés dans le temps sans réaction du mandant :
. l'association avait connaissance des faits qu'elle impute à la société Call Concept depuis des années sans qu'elle ait jugé pendant tout ce temps bon de rompre la relation contractuelle, ce qui démontre que la faute invoquée n'avait pas un caractère de gravité suffisant pour mettre fin au contrat sans indemnisation; - cet aveu découle de ses conclusions n° 2 devant le Tribunal de grande instance de Rouen, de l'attestation du directeur adjoint de l'association; - en synthèse, l'association a constaté divers manquements qu'elle impute à la société Call Concept de 2009 à 2011, sans pour autant décider de rompre la relation contractuelle et elle est dans l'incapacité de faire la démonstration du moindre avertissement qu'elle aurait pu donner à son partenaire, ni même du souhait qu'elle avait d'obtenir le remplacement de M. Y; il n'y a donc pas faute grave;
. La gravité du premier grief (rendez-vous BNP du 16 février 2011) n'est pas démontrée : exagérer un argument commercial est une méthode habituelle bien connue de tous les clients potentiels; - le grief visé ne concerne qu'une transaction isolée, auprès d'un seul interlocuteur et d'un seul client, la qualité de l'interlocuteur de M. Y et son niveau de connaissance impliquent qu'il ne pouvait y avoir méprise sur la teneur du document qui était présenté, et donc qu'il ne s'agissait pas d'un protocole contractuel entre la BNP et le Pré de la Bataille; - les faits similaires reprochés en 2008 à la salariée de la société Energy Plus n'avaient pas été qualifiés de faute grave et n'avait pas donné lieu à rupture du contrat; - cet incident à lui seul ne peut légitimer non seulement la rupture d'une relation contractuelle suivie mais surtout l'absence de toute indemnisation pour faire face à la perte de tous les actifs de la société et sa mise en liquidation judiciaire quasi-immédiate;
. La gravité du deuxième grief (pratiques agressives et culpabilisantes) : non seulement il n'y a pas faute grave mais en outre l'association elle-même déclare avoir eu connaissance de griefs de clients depuis 2009 sans les avoir jamais sanctionnés;
. La gravité du troisième grief : elle est explicitement écartée dans la mesure où la lettre de rupture évoque deux premiers griefs qu'elle juge " inexcusables " avant de dire que s'y cumule un 3e grief sur lequel elle n'apporte aucun commentaire.
L'association Le Pré de la Bataille réplique, essentiellement, que :
- L'association a toujours souhaité conserver un discours digne, exempt de misérabilisme et emprunt d'une éthique irréprochable;
- Elle a travaillé à l'origine avec une société Plastiservice qui employait M. X et M. Y;
- Les relations prirent fin avec cette société et ces deux salariés, qui avaient créée une société Energy Plus, contactèrent le Pré de la Bataille afin de proposer de continuer à travailler à la vente des produits de l'Association;
- Cette société Energy Plus fut déclarée en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Marseille le 10 mai 2010 puis en liquidation judiciaire par un jugement du 12 mai 2011; C'est dans ce contexte que ces deux personnes, interlocuteurs historiques de l'association, entreprirent de basculer le contrat sur une nouvelle structure, la société Call Concept;
- Le contrat fut alors poursuivi dans des conditions pour le moins chaotiques; diverses mises au point ont été entreprises sans aucun succès, une nouvelle étape fut franchie dans l'inacceptable dans le courant du mois de février 2011, amenant l'association à mettre un terme immédiat au contrat, au regard du comportement gravement fautif de la société Call Concept;
- Sur les fautes :
* de nombreuses difficultés préalables : la société Call Concept a été alertée à plusieurs reprises sur le caractère inacceptable de certaines attitudes adoptées par ses collaborateurs (emploi de méthodes misérabilistes, culpabilisantes et agressives, dévalorisantes pour les adultes handicapés et aux antipodes du concept et de l'éthique de l'association), ce qui a amené à ce qu'elle fasse l'objet de remontrances circonstanciées de la part de l'association : attestation de M. Daniel S. (directeur adjoint technique et commercial) dont les déclarations sont confirmées par l'attestation de M. Laurent V.;
* Le discours misérabiliste et agressif adopté par la société Call Concept est celui véhiculé par des organismes qui nuisent gravement aux ESAT et à l'image que ceux-ci veulent véhiculer; - de nombreux rappels à l'ordre ont été adressés à M. X et M.(courrier de M. V. à Energy Plus du 20 mai 2008); - c'est dans ce contexte clairement délimité, dans lequel de multiples rappels à l'ordre avaient été adressés à la société Call Concept sur les comportements qu'elle pouvait se permettre d'adopter, que la société Call Concept a adopté un comportement purement et simplement admissible;
* E-mail de réclamation de M. Dominique B. de la BNP Paribas du 18 février 2011qui demandait de mettre fin aux démarches mercantiles frôlant l'imposture, le commercial de l'ESAT se revendiquant d'un soi-disant protocole signé avec BNP Paribas auprès de plusieurs collaborateurs dans les directions régionales DR; - La BNP Paribas trompée, a annulé la commande : e-mail de M. D. du 18 février 2011 suivi d'une LRAR datée du même jour; - M. C. relate comment les choses se sont passées au cours de la réunion qu'il a eue avec M. Y, dans son courrier du 11 octobre 2011, le commercial usant de manœuvres mensongères consistant à présenter un document BNP Paribas et en prétendant que celui-ci constituerait un accord liant la BNP au Pré de la Bataille pour obtenir la signature de commandes; - M. Y a agrémenté le tout de démarches agressives et misérabilistes que la BNP Paribas n'a pas acceptées, en parfait antagonisme avec les règles d'éthique proclamées et défendues par le GESAT (instance nationale des ESAT);
* M. Y a proposé à la BNP Paribas d'établir un faux de façon à porter sur l'année précédente une vente qui aurait été faite en 2010, afin de réaliser une vente qu'il ne parvenait pas à faire sur 2011 : e-mail de BNP Paribas du 28 février 2011 au Pré de la Bataille; - La BNP a signifié qu'il n'était plus question que BNP travaille à nouveau avec M. Y;
* Ces divers échanges ont été ponctués d'appels téléphoniques outrés de la part de BNP : attestation de M. S. du 8 novembre 2011.
* Me de Carrière prétend que l'existence des fautes n'est pas rapportée :
Il est on ne peut plus normal d'avoir versé les pièces dans le cadre du litige pour démontrer l'existence des fautes contestées : les emails existaient, d'autres éléments comme les attestations ont été établis pour les besoins de la cause comme dans n'importe quel litige;
Il lui appartient de rapporter la preuve que les témoignages du personnel de la BNP Paribas et les différentes doléances présentées par cette structure à la société Le Pré de la Bataille par email, courriers (pièces n° 8-10-13-14 etc...) sont faux; - il est défaillant dans la charge de la preuve se contentant d'indiquer que nul ne peut établir avec certitude le discours exact qui a été oralement tenu le 16 février 2011, ajoutant que la société Call Concept n'a plus de nouvelles de M. Y depuis 2011; - deux emails précis de deux personnes différentes de la société BNP Paribas établissent clairement les faits qui sont corroborés par les attestations des salariés de l'association; - Me de Carrière se contente de simples allégations sur ce sujet, la cour doit se fonder sur les seuls éléments versés aux débats par l'association; - peu importe la qualité des interlocuteurs de la société Call Concept, ce qui importe c'est que M. Y a usé de manœuvres mensongères pour obtenir la signature de commandes;
* Une faute grave prétendument fondée sur des faits postérieurs à la rupture :
Il est aberrant de soutenir que l'association a fondé la rupture sur des manquements de l'agent commercial postérieurs à cette dernière ou des manquements dont elle a eu connaissance après cette rupture; - d'abord parce que l'association a, dès le début de leur relation, insister précisément auprès de la société Call Concept sur le fait que cette dernière ne devait en aucun cas tenir un discours misérabiliste et culpabilisant pour obtenir des clients qu'ils souscrivent des commandes; - ensuite parce que précisément la société Call Cocept a été alertée à plusieurs reprises sur le caractère inacceptable de certaines attitudes adoptées par ses collaborateurs (courrier de M. V. à M. X Energy Plus du 20 mai 2008, attestation de M. S.); - enfin le 18 février 2011, l'association a reçu un email de Mme B. de la BNP Paribas;
Il ressort de ce qui précède que l'Association a découvert les manquements de la société Call Concept avant la fin de la relation contractuelle et qu'elle était en droit, au regard de la gravité de ces manquements d'y mettre fin sans indemnité ni préavis; - L'email du 18 février 2011 a ensuite été confirmé par un courrier circonstancié de M. C. relatant précisément les faits intervenus le 18 février 2011.
Il importe peu que les griefs évoqués aujourd'hui pour justifier la rupture sans préavis ni indemnité soient ou non développés dans la lettre de résiliation du 28 février 2011 dès lors que les manquements de la société Call Concept à ses obligations essentielles y sont abordés et que l'association Le Pré de la Bataille a mis fin au contrat sans préavis et sans indemnité, démontrant ainsi sa volonté de fonder la rupture sur une faute grave;
- sur la gravité des fautes reprochées à la société Call Concept
* M. V. a rapporté qu'il avait dès le début de sa relation avec la société Call Concept échangé avec les dirigeants sur les méthodes de vente qu'elle devait employer, M. X et M. Y n'ayant pas manqué, pour le convaincre, de lui rappeler qu'ils connaissaient parfaitement bien les méthodes de vente de l'association (pièce 15);
* Pourtant, la société Call Concept a utilisé des arguments agressifs, culpabilisants et misérabilistes allant même jusqu'à faire croire que les prospects étaient dans l'obligation de passer des commandes en vertu d'un soi-disant protocole signé entre eux et l'association, comportement pénalement répréhensible, et à tout le moins, constitutif d'un dol;
* Il est mensonger d'affirmer que l'association a toujours toléré ces manquements: alors que M. V. aux termes de son attestation, rappelle qu'il les a toujours avertis dès que des clients mécontents se plaignaient des méthodes employées par la société Call Concept; - M. X a toujours aussitôt déclaré amender le comportement dénoncé et suivre ses instructions; - c'est pourquoi, l'association a continué sa collaboration avec la société Call Concept; - celle-ci n'avait connaissance de tels agissements que lorsqu'elle recevait des plaintes de clients ou prospects;
* l'identité même de l'auteur des manquements commis le 18 février 2011 constitue elle-même un facture de gravité significative;
* dans ces conditions, il est difficile d'imaginer comment l'association aurait pu poursuivre ses relations contractuelles avec une société affectant d'ignorer purement et simplement ce qu'elle est, son objet, son éthique et plus particulièrement tout esprit de loyauté des échanges avec un partenaire; - l'image de l'association était affectée par ces manquements auxquels elle était associée malgré elle et malgré ses instructions;
* après de tels manquements, il était évident que ces faits rendaient impossible le maintien de leurs relations contractuelles pour l'association, reconnue d'utilité publique depuis plus d'un siècle;
- sur la stratégie réelle de l'association
* Me de Carrière avance que la motivation de l'association serait exclusivement économique; qu'elle aurait tout simplement évincé son agent commercial afin d'augmenter sa marge commerciale;
Il ne rapporte pas la preuve de ce que l'association, soucieuse d'améliorer un maximum sa rentabilité, aurait exigé que la société Call Concept diminue sa marge et que suite à son refus elle aurait alors mis fin au contrat; - alors qu'il ressort des propres pièces de cette société qu'elle avait, pour tenter de conserver le contrat, proposé, le 29 mars 2011, de diminuer sa marge; - si tel était réellement la stratégie recherchée l'association n'aurait certainement pas mis fin au contrat;
Depuis la rupture, l'association a dégagé 1 753,63 de chiffre d'affaires sur les trois dernières années.
Ceci exposé
Il est admis que l'association Le Pré de la Bataille et la SARL Call Concept était liée par un contrat d'agence commerciale régi par les dispositions des articles L. 134-1 et suivants et R. 134-1 et suivants du Code de commerce, et notamment les articles L. 134-12 et L. 134-13 qui disposent respectivement :
- " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. "
- " La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial. "
La Cour de cassation définit la faute grave comme celle " qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. " (Cass. com., 9 juillet 2013)
Il appartient au mandant de prouver à la fois l'existence d'un comportement fautif de son mandataire, et d'expliquer " en quoi les manquements aux obligations contractuelles de l'agent commercial justifiant la rupture constituent aussi une faute grave de nature à le priver des indemnités qu'il réclamait " (Cass. com., 21 juin 2011).
En l'espèce, l'association Le Pré de la Bataille considère que la SARL Call Concept a commis des manquements d'une telle gravité qu'ils rendaient impossible le maintien des relations contractuelles avec elle.
La SARL Call Concept conteste tant la réalité que la gravité des manquements reprochés.
Dans sa lettre de résiliation du 28 février 2011, l'association du Pré de la Bataille avise la société Call Concept, à l'attention de M. X, de ce qu'elle a décidé de mettre un terme aux relations contractuelles, à compter de cette date pour les motifs suivants :
" Dans le cadre de votre prospection, vous avez contacté la BNP Paribas pour la vente de ramettes de papier. Lors de cette transaction, vous avez mis en avant un soi-disant protocole signé entre la banque BNP Paribas et l'association Le Pré de la Bataille tentant ainsi d'influencer votre interlocuteur.
Or, ainsi que vous le savez, aucun protocole n'existe entre notre association et cette banque, et la BNP a refusé cette commande, incriminant vos méthodes de vente, lesquelles n'évoluent guère malgré nos rappels à l'ordre.
Il est également fait état, par ce client, de vos méthodes de commercialisation agressives et culpabilisantes qui sont propres à desservir la cause et les valeurs que nous défendons, alors même que nous avions longuement insisté auprès de vous sur la teneur du message commercial à diffuser.
Cet état de fait est inexcusable et se cumule avec une longue liste de doléances portées par nos clients et ce depuis plusieurs mois ".
Il est établi par la production d'extraits du site " société.com " que M. X, dirigeant de la SARL Call Concept, et M. Y, étaient co-gérants de la société Energy Plus, immatriculée le 24 mai 2006, en redressement judiciaire depuis le 10 mai 2010, et en liquidation judiciaire depuis le 12 mai 2011.
Il est constant que M. X et M. Y étaient initialement co-gérants de la SARL Call Concept, immatriculée le 28 avril 2009.
Il n'est, par ailleurs, pas contesté que l'Association Le Pré de la Bataille était en relation d'affaires avec M. X et M. Y depuis 2007 alors qu'ils étaient tous deux salariés de la société Plastiservice.
Ainsi, par la production d'une lettre adressée le 20 mai 2008, à la société Energy Plus à l'époque, rédigée dans les termes suivants :
" Nous vous remercions de bien vouloir nous recontacter de toute urgence. En effet, nous avons été contactés, ce jour, par le réseau Gesat, dont le Pré de la Bataille est adhérent. Ce dernier a tenu à nous alerter quant à l'approche pressante et misérabiliste d'un de vos commerciaux (Mme Z).
Je tiens à vous rappeler que lors de notre entretien de décembre dernier nous vous avions demandé de respecter notre éthique, notamment en termes de promotion des compétences des personnes accueillies au sein de nos structures. Vous vous étiez d'ailleurs engagé à former vos commerciaux au respect de cette éthique à laquelle vous disiez adhérer.
Vous voudrez bien faire le nécessaire et me communiquer les mesures que vous allez prendre pour que Mme Z n'exerce plus de chantage auprès des administrations. "
L'association Le Pré de la Bataille démontre qu'elle a parfaitement informé M. Y et M. X de son intransigeance quant au respect de l'éthique propre à un ESAT et de son interdiction de " toute approche pressante et misérabiliste " lors du démarchage de sa clientèle, comme l'a justement retenu le tribunal.
Ceci étant, dans le cadre du présent litige entre l'Association du Pré de la Bataille et la SARL Call Concept, il appartient à l'association mandante de rapporter la preuve des fautes qu'elle reproche à la société mandataire et de leur gravité, ce qui peut résulter, comme elle le remarque à juste titre, d'emails précédant la lettre de rupture et d'attestations ultérieures émanant de clients, les dispositions légales n'imposant pas au mandant de joindre à la lettre de rupture les pièces établissant la matérialité des griefs reprochés.
Pour ce faire, l'association Le Pré de la Bataille verse aux débats les pièces n° 8 à 15.
Dans un email du 18 février 2011 à 14h39, (pièce n° 8 de l'intimée), Mme Dominique B., responsable du projet Handicap à la banque BNP Paribas, informe M. Daniel S., de l'association du Pré de la Bataille, de ce que plusieurs collaborateurs dans les directions régionales DR " ont reçu la visite de M. Y, [dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de M. Y], commercial de l'ESAT " Le Pré de la Bataille " qui se revendique d'un soi-disant protocole signé avec BNP Paribas qui n'est en fait qu'un copié collé du communiqué de presse paru au moment de la signature de notre accord Handicap 2008.
Nous avons déjà alerté à plusieurs reprises le GESAT, instance nationale des ESAT, sur ces démarches mercantiles qui frôlent l'imposture. Je suis désolée de constater que M. Y sévit encore.
Sa démarche commerciale est particulièrement agressive et il pratique le harcèlement et la tentative de culpabilisation. Nous connaissons assez bien l'univers des ESAT et il ne représente en aucun cas la philosophie qui y est développée.
Je vous demande donc instamment de mettre fin à ces pratiques qui nuisent gravement au travail fait par le secteur protégé et vous remercie... "
Dans un email adressé le 18 février 2011 à 14h 53, (pièce n° 10) à [...], à l'attention de M. Y, M. Olivier D. de BNP Paribas indique : " Je fais suite à notre entretien d'hier ainsi qu'à la signature du bon de commande repris en objet pour un montant de 2 007,332 . Je suis au regret d'annuler cette commande. En effet, de nouvelles instructions nous interdisent de faire des commandes de ce type avec des ESAT. De plus contrairement à vos dires, il n'existe pas de protocole nous unissant à une ESAT ".
Par lettre recommandée de la BNP Paribas du 18 février 2011, la BNP Paribas confirmait l'annulation de la commande ci-dessus (pièce n° 13).
Dans une lettre du 11 octobre 2011 (pièce n° 12), M. François C., Responsable Gestion et Ressources Humaines, de la BNP Paribas, relatait les faits suivants :
" En juin 2010, je suis contacté par une personne (M. Daniel B. M....) pour envisager un entretien afin d'échanger sur la thématique du handicap et plus précisément m'informer sur l'assistance au travail. Un RV est programmé à la mi-août, mais ne sera pas honoré...
En février 2011, je suis à nouveau approché pour planifier un nouvel entretien le 16/02/2011...
Le 16/02/2011, M. Daniel B. M. se présente... et je l'accueille dans mon bureau.
Il me propose une démonstration un peu confuse techniquement mais très commerciale de la démarche handicap et des avantages pour une entreprise. Il précise à ce moment qu'il ne travaille avec BNP que sur la délivrance de ramettes de papier. Rapidement, il cherche maladroitement à gagner ma confiance à l'appui d'un document qui tenterait à démontrer qu'un partenariat serait signé (il me montre un document photocopié et surligné, pas très lisible) entre BNP et la société qu'il représente...
Il saisit tout naturellement un bon de commande et commence à le remplir en estimant mon besoin.. .me tend le contrat et son stylo avec insistance.
Je lui signifie, à ce moment que je ne comprends pas la philosophie de sa démarche, que de toute manière je ne signerai pas immédiatement ce contrat...
Il commence alors à s'emporter, me lance que de toute façon je raisonne comme un banquier... Je lui demande de préciser ce qu'il entend par là, il s'excuse et jette sur la table plusieurs calendriers en cadeau. Se lance dans une dernière tentative d'intimidation en me rappelant qu'il est lui-même travailleur handicapé... "
Enfin, dans un email du 28 février 2011, (pièce n° 14), Mme Caroline M. de BNP Paribas informe M. S. de ce que M. Daniel B. vient de la joindre téléphonique pour savoir "si vous aviez accepté de reporter les Ubs pour l'année 2011 de l'attestation d'équivalence horaires qui nous ait parvenue que le 18 février.
Il m'a redit je cite " que nous devions trouver une solution " vous incluait l'ESAT du pré de la bataille et lui.
Je lui ai redit que cette proposition était irrecevable car illégale et que le Pré de la Bataille n'a jamais été coutumier de ce genre de pratique.
Je lui ai dit très fermement que ni le Projet Handicap, ni les groupes d'agences de BNP Paribas ne voulaient continuer à traiter avec lui concernant le Pré de la Bataille ou un autre ESAT et que cette mesure prenait effet dès aujourd'hui. "
L'association Le Pré de la Bataille reproche tout d'abord à la SARL Call Concept, la mise en avant de l'existence d'un protocole inexistant entre l'association et le client la BNP Paribas, dans le but de vendre à ce dernier des ramettes de papier.
Les pièces versées aux débats ci-dessus évoquées, émanant de membres du personnel de la BNP Paribas, et plus particulièrement les emails de M. Olivier et de M. C., suffisent à rapporter la preuve de la réalité de l'emploi par M. Y, salarié de la SARL Call Concept jusqu'en décembre 2011, d'un document qu'il présentait, dans le cadre du démarchage des agences de la BNP Paribas, pour vendre les produits de l'association Le Pré de la Bataille, comme étant un protocole signé entre la BNP Paribas et l'association le Pré de la Bataille, document inexistant alors qu'il s'agissait d'un communiqué de presse émanant de la BNP Paribas du 13 Juillet 2008 intitulé " BNP Paribas Engagée pour le handicap " sans aucune valeur contractuelle.
Il importe peu que l'auteur de ces faits soit un salarié de l'entreprise qui conteste avoir jamais demandé à ce dernier d'évoquer l'existence d'un protocole signé, la SARL Call Concep, en sa qualité d'employeur, étant responsable des agissements de ses salariés vis-à-vis des tiers.
De même, le fait que M. Y ait quitté la société en 2011 et qu'il n'ait donc pas pu donner sa version des faits concernant le différend du 16 février 2011, pour les besoins du procès, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité des faits qui sont relatés par l'employé de la BNP.
Il est tout aussi indifférent que M. Y se soit adressé à des cadres supérieurs " qui n'ont aucune chance de se laisser berner " selon la SARL Call Concept, la qualité et les compétences des interlocuteurs étant sans influence sur les manœuvres mensongères utilisées par le commercial pour obtenir la signature de commandes, comme le souligne, à juste titre, l'association Le Pré de la Bataille.
Au demeurant, une commande a d'ailleurs été passée, certes annulée le lendemain, par un responsable d'agence BNP, du fait de la présentation du document faussement qualifié de protocole, ainsi qu'il résulte du email de M. D..
L'association Le Pré de la Bataille reproche également des méthodes de vente de la société Call Concept jugées agressives et culpabilisantes "qui sont propres à desservir la cause et les valeurs que nous défendons, alors même que nous avions longuement insisté auprès de vous sur la teneur du message commercial à diffuser. "
Dans la lettre du 28 février 2011, l'association Le Pré de la Bataille fait expressément référence à un client précis, la BNP qui évoque les méthodes de commercialisation employées par la SARL Call Concept qualifiées d'agressives et culpabilisantes, contraires à l'éthique de l'association, et dénonce un état de fait inexcusable.
Contrairement à ce que soutient la SARL Call Concept, l'association ne formule pas ce grief en des termes vagues, mais précis qui font état d'un comportement caractérisé du vendeur dénoncé par un client de l'association.
Il ne s'agit donc pas d'une remarque d'ordre général qui ne permettrait pas d'établir la réalité de la faute invoquée.
La matérialité de la faute est, par ailleurs, établie par l'email de Mme B., responsable du projet Handicap à la BNP Paribas du 18 février 2011 qui fait clairement référence aux pratiques de démarchage de M. Y, improprement dénommé Y, qu'elles qualifient de " démarches mercantiles qui frôlent l'imposture ", " de démarche commerciale... particulièrement agressive ", de harcèlement et tentative de culpabilisation constatant que " M. Y sévit encore ", Mme B. considérant que ce dernier ne représente pas la philosophie développée par les ESAT.
Le contenu de l'attestation de M. C., responsable Gestion et Ressources Humaines du groupe des agences BNP de Reims, du 11 octobre 2011, vient corroborer l'email de Mme B. en décrivant la méthode agressive et virulente employée par M. Y pour lui vendre des ramettes de papier et le fait que ce dernier lui a rappelé qu'il était lui-même handicapé, argumentaire commercial misérabiliste et culpabilisant contraire à l'éthique des ESAT, dont la SARL Call Concept ne conteste pas avoir eu connaissance.
En revanche, l'association Le Pré de la Bataille ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une longue liste de doléances portées par ses clients et ce depuis plusieurs mois avec laquelle se cumuleraient les griefs ci-dessus.
Ce grief sera par conséquent écarté.
Pour autant, les autres griefs reprochés reposant sur des faits antérieurs à la résiliation dont l'association a eu connaissance avant la fin de la relation contractuelle intervenue le 28 février 2011 restent caractérisés et prouvés par les pièces produites par l'association le Pré de la Bataille.
Par ailleurs, la faute grave de l'agent commercial, même si elle n'a été révélée au mandant qu'après la résiliation du contrat, peut le priver d'indemnité dès lors qu'elle a été commise avant la rupture du contrat (Cass. com., 24 novembre 2015).
L'association Le Pré de la Bataille reproche également à la SARL Call Concept et plus précisément à son salarié, M. Y, d'avoir proposé d'établir des faux afin de réaliser ses ventes auprès de la BNP Paribas.
Ce grief est établi par l'email de Mme Z, RHG Gestion RH France - Projet Handicap, de BNP Paribas, envoyé à l'association Le Pré de la Bataille, le 28 février 2011, aux termes duquel M. Y venait de la joindre téléphoniquement pour lui proposer l'établissement d'un faux en écriture destiné à éluder les règles applicables à l'emploi de travailleurs handicapés par les entreprises en reportant faussement sur l'année 2010 une vente de marchandises fabriquées par des personnes handicapées qui aurait eu lieu, en fait, en 2011, comme l'a relaté le tribunal sans être contredit sur ce point par les parties. Mme Z concluait ce message en signifiant que ni le Projet Handicap, ni les groupes d'agences BNP Paribas ne voulaient continuer à traiter avec M. Y concernant le Pré de la Bataille ou un autre ESAT, dès le jour même.
L'horaire de cet email, 18h05, et le fait que la lettre de résiliation du même jour n'y fasse aucune référence, établissent que l'association Le Pré de la Bataille a eu connaissance postérieurement à la rupture de ces faits commis le jour de la rupture et non pas postérieurement à celle-ci.
Dans ces conditions, l'association Le Pré de la Bataille est fondée à s'en prévaloir.
Les multiples déclarations verbales de la BNP Paribas telles que relatées dans une attestation du 8 novembre 2011 de M. S., directeur adjoint et commercial de l'association intimée, font référence, pour l'essentiel, aux faits évoqués dans les emails de la BNP Paribas analysés ci-avant, de sorte qu'il ne s'agit pas de faits postérieurs.
Seul l'appel téléphonique du début du mois de mars 2011 de Mme Z qui y est évoqué est postérieur à la rupture. Le sujet en est toutefois les " pratiques insupportables et outrancières " de l'association Le Pré de la Bataille, et dont il est apparu à M. S., qu'elle parlait des commerciaux de la société Call Concept. Quand bien même s'agirait-il d'une conversation téléphonique postérieure à la rupture avec un membre du personnel de l'association le Pré de la Bataille, elle ne fait état que d'éléments dénoncés antérieurement à la rupture auprès de l'association dans les divers emails ci-dessus rappelés, de sorte qu'il ne peut s'agir d'un grief postérieur à la rupture.
Les agissements de la SARL Call Concept consistant, d'une part, en l'utilisation d'un procédé mensonger, en présentant comme un accord conclu entre l'association le Pré de la Bataille et la BNP Paribas un simple communiqué de presse de cette banque, d'autre part, dans l'emploi de méthodes de commercialisation agressives, culpabilisantes et misérabilistes qui ne correspondaient pas à celles préconisées par l'association Le Pré de la Bataille comme étant contraires à son éthique, et connues du dirigeant de la SARL Call Concept, M. X, comme de son commercial salarié et co-gérant fondateur, M. Y, eu égard à l'ancienneté de leurs relations avec l'intimée, auprès d'un client important, la BNP, demandant lui-même qu'il soit mis fin à ces pratiques nuisibles au travail fait par le secteur protégé, enfin, dans la proposition à ce client de faire un faux en écriture privée, constituent des fautes graves de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat d'agence commerciale.
Le fait que l'association le Pré de la Bataille, par lettre du 20 mai 2008, alors qu'elle avait confié un mandat à la société Energy Plus, avait eu à se plaindre de faits similaires à propos d'une salariée de l'entreprise, Mme Z, ne l'empêchait pas de considérer comme inexcusables les agissements de M. Y, dans le cadre de l'exécution du mandat confié ultérieurement à une autre société, la SARL Call Concept.
De même, si l'association Le Pré de la Bataille a eu connaissance des difficultés posées par les méthodes de commercialisation employées dans le cadre de ses relations contractuelles avec M. X et M. Y, tant antérieures que postérieures à la création de la SARL Call Concept, l'association Le Pré de la Bataille n'a jamais toléré ces manquements ainsi qu'il résulte des attestations de M. Laurent V., Directeur du Pôle travail protégé, et M. S., faisant état de l'intervention de M. V. auprès de M. X afin qu' " il oriente le discours de ses commerciaux vers la valorisation des compétences des travailleurs handicapés et abandonne définitivement les arguments misérabilistes ", ce qui ressort au demeurant de la lettre du 20 mai 2008 à M. X afin qu'il reprenne sa salariée. Les nouveaux retours négatifs portés à la connaissance de l'association Le Pré de la Bataille en février 2011, qui démontraient la persistance de l'utilisation de méthodes commerciales incriminées, malgré les avertissements, rendaient impossible le maintien du lien contractuel et nécessaire sa rupture immédiate sans indemnité.
Enfin, Me de Carrière ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Call Concept ne démontre pas que le véritable motif de la rupture aurait été le refus de celle-ci de la proposition de l'association Le Pré de la Bataille de diminuer la marge de la SARL Call Concept, pour améliorer sa rentabilité, comme il le prétend, alors que la SARL Call Concept a proposé elle-même " de rogner sur nos marges d'une part en révisant nos commissions à la baisse et/ou augmenter les prix du papier cadeau. " dans un email 2011.
Comme l'observe, justement, l'association Le Pré de la Bataille, si telle était la stratégie recherchée par elle, elle n'aurait pas mis fin au contrat.
Pour l'ensemble de ces développements, c'est à bon droit que l'association le Pré de la Bataille a décidé de la résiliation du contrat d'agence commerciale sans préavis ni indemnité qui la liait à la SARL Call Concept.
Il convient par conséquent de débouter la SARL Call Concept de ses demandes indemnitaires et de confirmer la décision entreprise.
- sur l'indemnité de procédure
L'équité commande d'allouer à l'association Le Pré de la Bataille la somme indiquée au dispositif en sus de celle octroyée en première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile qui sera confirmée.
Le jugement déféré sera confirmé en ses autres dispositions qui ne sont pas critiquées.
Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Condamne Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Call Concept à payer à l'association le Pré de la Bataille la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Call Concept aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.