CA Bordeaux, 4e ch. civ., 5 septembre 2017, n° 16-07173
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (SA)
Défendeur :
Florence D (EURL) , SCP Pimouguet - Leuret - Devos Bot (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chelle
Conseillers :
Mme Fabry, M. Pettoello
Avocats :
Mes Maysounabe, Peignard, Puybaraud, Perrier
Faits et procédure
La société Florence D, dont le siège était à Bergerac, a été placée en liquidation judiciaire le 18 juillet 2014.
Par ordonnance du 25 novembre 2016, le juge du Tribunal de commerce de Bergerac, commissaire de la procédure collective ouverte à l'égard de l'EURL Florence D, a rejeté la créance d'un montant de 83 260,81 euros à titre chirographaire déclarée par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (ci-après la société Yves Rocher).
Par déclaration du 6 décembre 2016, société Yves Rocher a interjeté appel de cette décision.
Prétentions des parties
Par conclusions déposées en dernier lieu le 12 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Yves Rocher demande à la cour de :
Voir la cour infirmer l'ordonnance prononcée par Monsieur le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société EURL Florence D.
Voir, en effet, la cour constater que la créance de la société concluante est prouvée par des pièces comptables, des factures, des avoirs et un inventaire établi de maniéré contradictoire, le tout étant incontestable.
Voir la cour confirmer, par ailleurs, l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les contestations de l'EURL Florence D et de la SCP Pimouguet - Leuret - Devos Bot ès qualité de Liquidateur judiciaire de cette société tant pour ce qui concerne la prétendue fictivité de ladite société que pour ce qui concerne l'influence de la décision prud'homale qui a été prononcée.
En conséquence, voir la cour dire et juger que la créance déclarée par la société concluante sera acceptée pour son montant de 83 260,81 à titre chirographaire.
Condamner la SCP Pimouguet - Leuret - Devos Bot ès qualité et l'EURL Florence D à 3 000 au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens tant de première instance que d'appel.
La société Yves Rocher fait notamment valoir que, contrairement à la motivation du premier juge, elle a fait en sorte de transmettre les éléments permettant de déterminer que sa créance est fondée ; que la société Florence D a été destinataire de tous les justificatifs et reçu sans jamais les contester les factures des produits qu'elle achetait ; qu'elle a de même participé le 5 août 2014 à l'inventaire des biens dépendant de la société, venant en déduction de la créance, en présence du commissaire-priseur mandaté par le liquidateur judiciaire ; qu'il n'est pas de la compétence du juge-commissaire d'examiner la prétendue fictivité de la société Florence D, ni la décision du conseil de prud'hommes, sans incidence sur la personne morale et sur la créance.
Par conclusions déposées le 24 avril 2017, puis en dernier lieu le 23 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la S. Florence D et la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Florence D, demandent à la cour de :
Confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a accueilli la contestation, par l'EURL Florence D, de la créance déclarée par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher au passif de cette dernière et en ce qu'elle a en conséquence rejeté la créance de la société Yves Rocher pour sa totalité,
Constater que la société Yves Rocher ne produit aucun document probant pour justifier de la réalité et du montant de la créance qu'elle invoque,
Dire et juger que la société Yves Rocher ne rapporte pas la preuve de la réalité de sa créance, ni de son quantum,
Constater que par jugement du 3 septembre 2015, le Conseil de prud'hommes de Bergerac a jugé que Madame H. bénéficiait des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail,
Constater que Madame H. a donc le statut de gérante de succursale et bénéficie des dispositions du Code du travail,
Constater qu'il se déduit de l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail que la société Yves Rocher imposait à la société Florence D toutes les conditions d'exploitation de l'Institut, la politique commerciale et les prix,
Constater que la société Florence D est fictive,
Constater que la dette est éteinte par l'effet de la confusion,
En conséquence :
Débouter la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de sa demande d'admission de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Florence D, représentée par la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, prise en la personne de Maître Pimouguet, ès qualité de liquidateur judiciaire,
Condamner la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à payer à la société Florence D, représentée par Maître Pimouguet, ès qualité de liquidateur judiciaire, la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
Condamner la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher aux entiers dépens.
Les diverses dispositions reprises intégralement ci-dessus qui demandent de " constater " ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui débutent par l'affirmation que " Yves Rocher a mis en place un système trompeur et abusif " (pages 2 à 9 sur 16 des conclusions), moyens qui se trouvent ainsi suffisamment exposés.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2017.
Le 7 juin 2017, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées tardivement ce même 23 mai 2017 par les sociétés Florence D et Pimouguet Leuret Devos Bot, et il n'y a pas lieu à statuer davantage ici sur ce point pour revenir sur cette décision comme le demande l'auteur de ces conclusions.
Motifs de la décision
C'est de façon pertinente que la société Yves Rocher fait valoir qu'elle avait fait en sorte de transmettre les éléments au soutien de sa demande, et qu'il n'était pas demandé au juge-commissaire d'effectuer un calcul, mais seulement de se déterminer en fonction de ces pièces indiscutables.
Les factures sont corroborées par les commandes et par les bons de livraison qui sont produits par Yves Rocher (ses pièces sous le n° 4). Ainsi, il est établi un principal dû de 102 718,99 euros.
C'est à juste titre que la société appelante en déduit la somme de 19 458,18 euros, qui correspond à l'inventaire accepté par le liquidateur, puisqu'il a été fait le 5 août 2014 par un commissaire-priseur désigné par ce même liquidateur, et auquel a assisté la gérante de la société Florence D.
Ainsi, la créance déclarée de 83 260,81 euros est suffisamment justifiée, contrairement à ce qu'a estimé le juge-commissaire, dont l'ordonnance sera réformée.
Les autres considérations de la société Florence D et de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, qui tiennent à une prétendue fictivité de la société Florence D ou encore à l'incidence d'un jugement du conseil de prud'hommes qui a estimé que Mme H. avait un statut de gérante de succursale, ne relèvent pas des pouvoirs du juge-commissaire, ni de la cour à sa suite.
Il en est de même pour les considérations générales et stéréotypées que la société Florence D et de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot ès qualités croient pouvoir émettre à l'encontre de la société Yves Rocher à l'occasion du présent dossier.
Au demeurant le mécanisme de fictivité de la société et de l'extinction de la créance par confusion, allégué par la société Florence D en première instance, et rejeté à juste titre par le juge-commissaire comme ne relevant pas de son office, est expressément démenti et rejeté par la Cour de cassation.
Notamment, à la question de savoir si la reconnaissance à un franchisé de la qualité de " gérant de succursale " au sens de l'article L. 7321-2 du Code du travail lui fait perdre toute autonomie juridique et, en particulier, emporte confusion en la personne du franchiseur des qualités de créancier et de débiteur pour les factures afférentes aux marchandises par lui livrées au franchisé, la Cour de cassation a expressément répondu par la négative.
C'est donc de manière tout particulièrement mal fondée que les conclusions de la société et de son liquidateur, quoique postérieures à cet arrêt rendu par la Cour de cassation, ne se prévalent pas moins de l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes ainsi cassé.
Il y a alors lieu d'admettre la créance pour son montant déclaré et de débouter la société Florence D et de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot ès qualités du surplus de leurs demandes.
Il sera fixé au passif de la procédure une créance de 3 000 euros au profit de la société Yves Rocher sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Dit n'y avoir lieu à statuer davantage ici sur la recevabilité de conclusions, Infirme l'ordonnance rendue le 25 novembre 2016 entre les parties par lejuge du tribunal de commerce de Bergerac, commissaire de la procédure collective ouverte à l'égard de l'Eurl Florence D, Et, statuant à nouveau, Ordonne l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Florence D de la créance déclarée par la société Yves Rocher pour un montant de 83 260,81 euros à titre chirographaire, Fixe, au profit de la société Yves Rocher, une créance de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et en ordonne l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Florence D, Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.