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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 septembre 2017, n° 16-04443

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Audim (SAS)

Défendeur :

SFR (SA), Oméa Telecom (Sasu), SFR Group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Pelit-Jumel, Loubeyre, Guerre, d'Alès, Terdjman

T. com. Paris, du 26 janv. 2016

26 janvier 2016

Faits et procédure

La société Audim est un grossiste multi-opérateurs, multi marques et multi produits (téléphonie mobile, mais aussi accessoires, GPS). Elle a créé en 2003 son propre réseau sous l'enseigne " Vivre Mobile ", qui réunit des partenaires indépendants et des boutiques en propre. Elle intervient sur le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile qui regroupe la vente de temps de communication, de terminaux de téléphonie mobile et tous autres services au consommateur final (assurance, reprise de mobiles, changement cartes SIM). L'enseigne est présente sur toute la France.

La société SFR société française de radiophonie (ci-après " SFR ") a pour activité l'établissement et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques.

La société SFR distribue ses offres à travers divers canaux de distribution :

o des points de vente indépendants à la marque " Espace SFR " et appartenant à des commerçants indépendants et partenaires, à qui SFR concède l'usage de sa marque et d'une enseigne SFR,

o des distributeurs SCD (" Société Centrale de Distribution ") qui distribuent eux-mêmes les produits et services SFR à travers leurs propres réseaux de distribution exerçant sous une même enseigne,

o deux filiales de SFR, SFD et Cinq sur Cinq, devenue SFR Distribution,

o un canal de distribution composé de buralistes, de la Poste, etc.,

o un réseau de commerçants grossistes s'approvisionnant auprès de SFR. Ce réseau n'existe plus aujourd'hui.

La société Oméa Télécom (ci-après " Oméa ") commercialise sur le territoire français des offres de services de télécommunications mobiles sous la marque " Virgin Mobile ". Elle loue des capacités à un opérateur de réseau et commercialise son offre à travers des points de vente physiques détenus en propre ou indépendants.

La SA SFR Group anciennement dénommée Numéricâble-SFR (ci-après " SFR Group ") est une holding qui a procédé, en 2014 et au début de l'année 2015, à l'acquisition de l'intégralité du capital des sociétés SFR et Oméa Télécom (La société Numéricable est devenue " Numéricable-SFR " puis " SFR Group ". La société SFR Group est détenue à 100 % par la holding " Altice SA ").

Les parties ont conclu plusieurs contrats :

o La convention de grossiste-partenaire entre les sociétés SFR et Audim

D'une part, un contrat dit " convention grossiste partenaire " ayant pour objet la distribution en gros des produits et services SFR par la société Audim. Ce contrat a été signé en 2001 pour un an avec tacite reconduction. Il constitue un prolongement du contrat de distribution grossiste signé entre les parties le 5/10/1993.

Par courrier du 5 décembre 2013, la société SFR a notifié à la société Audim le non-renouvellement de la convention grossiste partenaire avec effet au 30 juin 2014. Une période de six mois supplémentaires a été accordée à la société Audim

o La convention SCD entre les sociétés SFR et Audim

D'autre part, a été conclue une convention " société centrale de distribution " (ou " SCD ") par laquelle la société SFR a confié à la société Audim la commercialisation de ses offres de téléphonie, notamment par l'intermédiaire de ses canaux de distribution regroupés sous l'enseigne " Vivre Mobile ". Cette convention a été signée le 29 mars 2004 pour une période de cinq ans. Elle a été prorogée par avenant du 1er juin 2009 pour une durée indéterminée avec faculté de dénonciation sous réserve du respect d'un préavis de trois mois. La société Audim détenait en propre sept boutiques. Elle gérait par ailleurs un réseau de boutiques indépendantes sous l'enseigne " Vivre Mobile ".

Le 4 mars 2013, la société SFR a notifié à la société Audim sa décision de geler l'attribution de codes " Orian ", suspendant ainsi l'ouverture de points de vente dédiés à la commercialisation des offres SFR.

Puis, par courrier du 29 septembre 2014 la société SFR a dénoncé la convention centrale de distribution " SCD " avec effet au 31 décembre 2014. Le préavis a été prorogé à trois reprises, au 1er juillet 2015, au 31 décembre 2015, puis, finalement, au 31 décembre 2016. Le préavis accordé a donc été de 27 mois. La société SFR souligne que les parties avaient alors envisagé la conclusion d'un autre contrat SCD qui n'a finalement pas été signé par la société Audim

o Le contrat de collaboration entre les sociétés Oméa Télécom et Audim

Enfin, la société Audim a conclu avec la société Oméa Télécom un contrat de " collaboration et assistance " ayant pour objet la distribution des offres MVNO " Virgin Mobile ". Ce contrat a été signé le 5 mai 2011 pour une durée de quatre ans tacitement renouvelable par période annuelle.

Par courrier du 27 janvier 2015, la société Oméa Télécom a notifié à la société Audim le non-renouvellement du contrat de collaboration et assistance avec effet à son terme, soit au 4 mai 2015, correspondant à un préavis de 11 mois. Ce terme a été prorogé au 31 décembre 2015.

Selon les dires de la société Audim la rupture de ces différentes conventions est consécutive au rachat des sociétés SFR et Oméa Télécom par SFR Group (anciennement " Numéricable-SFR ").

Selon les dires des sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group la rupture des relations commerciales établies résulte du bouleversement du marché des télécommunications et des modes de distribution, consécutivement au lancement de l'offre Free en 2012.

A la suite de la résiliation de ces contrats, la société Audim affirme avoir tenté d'entrer en négociation avec le groupe SFR afin de s'accorder sur une solution amiable du litige. La société SFR aurait quant à elle refusé ces discussions.

Le 18 juin 2015, la société Audim a assigné les sociétés SFR, SFR Group et Oméa Télécommunication à bref délai devant le Tribunal de commerce de Paris en demandant une indemnisation au titre : (i) d'une rupture brutale et abusive des relations commerciales établies au titre du contrat SCD ; (ii) de pratiques restrictives de concurrence ; (iii) d'un abus de dépendance économique.

Elle exposait que la société SFR Group (Numéricâble) s'était immiscée dans la gestion de ses filiales SFR et Oméa Télécom de sorte qu'elle devait être mise en cause et répondre de ces pratiques.

Par jugement du 26 janvier 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :

- mis hors de cause la SA Numéricable-SFR,

- débouté la SAS Audim de sa demande de dommages-intérêts au titre du gel des codes d'ouverture par la société SFR (SCD),

- débouté la SAS Audim de ses demandes au titre de la rupture brutale elle-même pour le contrat SCD,

- dit qu'aucun abus de droit n'était démontré dans la résiliation effectuée,

- débouté la SAS Oméa Telecom de sa demande reconventionnelle pour préjudice financier et d'image,

- débouté les défenderesses de leur demande au titre de la procédure abusive,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la SAS Audim aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 de TVA.

Le tribunal a, notamment, estimé que l'immixtion de Numericâble dans la gestion de ses filiales n'était pas démontrée. Il a également jugé que le préavis de 27 mois consenti pour la rupture du contrat SCD était suffisant, de sorte que celle-ci n'était pas brutale.

La société Audim a interjeté appel de ce jugement.

Le 30 janvier 2017, la société Audim a délivré à la société Oméa Télécom une sommation de communiquer les copies des protocoles amiables de rupture qu'elle avait conclus avec 21 points de vente indépendants. La société Oméa Télécom a refusé de communiquer ces protocoles confidentiels. La société Audim a saisi le conseiller de la mise en l'état d'une demande d'incident aux fins d'obtenir la communication forcée de ces documents. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 25 avril 2017.

LA COUR,

Vu l'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2017 par la société Audim par lesquelles il est demandé à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire que l'immixtion de la société SFR Group dans les relations commerciales existant entre la société Audim et les sociétés SFR et Oméa Télécom a privé ces dernières de leur autonomie de décision et créé une apparence trompeuse auprès de leur cocontractante,

- dire que les sociétés Audim et SFR ont été en relations commerciales établies pendant plus de 21 ans,

- constater la rupture de la relation commerciale existant avec SFR sans respecter un préavis suffisant au regard de l'ancienneté, de la nature de la relation et de la situation de dépendance structurelle et économique et de l'impossibilité de reconversion de la société Audim

- dire que la société Audim aurait dû bénéficier, pour permettre une reconversion effective, d'un préavis total de 42 mois,

- dire que la brutalité de la rupture a privé la société Audim d'une marge brute de 15 156 000 euros,

- dire que le non-respect de la poursuite du contrat pendant la durée du préavis a causé un préjudice dû au gel des codes d'ouverture s'élevant à la somme de 1 130 000 euros,

- dire que la société Audim supporte un préjudice dû à la perte de ses investissements non amortis s'élevant à la somme de 1 699 000 euros,

en conséquence,

- condamner solidairement la société SFR et la société SFR Group à payer la somme totale de 1 130 000 + 15 156 000 + 1 699 000 = 17 985 000 euros,

- dire les résiliations des contrats SFR et Virgin Mobile de la société Audim abusives en raison des circonstances qui les ont accompagnées,

- dire que les intimées ont exploité abusivement l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la société Audim à leur égard,

- dire que les ruptures des contrats constituent une tentative de soumettre Audim à des conditions créant des déséquilibres significatifs dans ses droits et obligations à son détriment et une tentative d'obtenir la souscription d'un contrat abusif sous la menace d'une rupture immédiate et par conséquent brutale constitutive d'une éviction sans contrepartie,

- dire que les préjudices dus à la rupture fautive s'élèvent à la somme de :

- perte due à la rupture abusive : 12 822 000 euros

- perte d'exploitation : 14 305 000 euros,

- coût de restructuration : 7 246 000 euros,

- coût de fermeture des boutiques : 30 986 000 euros,

en conséquence,

- condamner solidairement les sociétés SFR Group SFR et Oméa Télécom à payer la somme totale de 65 359 000 euros,

- ordonner le paiement d'intérêts à compter de la date de l'introduction de l'instance avec capitalisation dans les conditions et sous les réserves des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- débouter les intimées de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- les condamner dans les mêmes conditions à payer une somme de 250 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les intimées aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2017 par les sociétés SFR, Oméa Telecom et Numéricable-SFR, intimées, par lesquelles il est demandé à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris, notamment en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable les demandes formulées par Audim contre SFR Group (dénommée Numéricable -SFR),

- dit que SFR n'a pas rompu brutalement les relations commerciales avec la société Audim

- dit que SFR et Oméa Telecom n'ont pas rompu abusivement leurs relations contractuelles avec Audim

- dit que les projets de contrats SCD ne stipulent pas de conditions " manifestement abusives " et n'emportent pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- dit que les intimées ne se sont pas rendues coupables d'abus de dépendance économique,

- dit que les demandes indemnitaires de la société Audim sont mal fondées,

- débouté la société Audim de l'ensemble de ses demandes,

- réformer le jugement en ce qu'il a dit recevable l'action d'Audim au titre de la rupture abusive des relations contractuelles qu'elle entretenait avec SFR et Oméa,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté les intimées de leurs demandes reconventionnelles, statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la demande d'Audim au titre d'une rupture prétendument abusive des relations commerciales,

- condamner la société Audim à verser aux intimées la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Audim à payer à Oméa Telecom la somme de 50 000 euros à titre de réparation du préjudice financier et d'image d'Oméa Telecom résultant de la fermeture anticipée par Audim de trois de ses magasins,

en tout état de cause,

- débouter la société Audim de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Audim à verser aux intimées la somme totale de 150 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Audim aux entiers dépens ;

SUR CE

Sur la responsabilité de la société mère

La société Audim soutient que la société SFR Group société mère des sociétés SFR et Oméa Télécom est responsable de la rupture des relations commerciales entre les parties, au regard de son immixtion dans la gestion de ses filiales. La société SFR Group se serait substituée à ses filiales s'agissant de la poursuite des contrats de distribution, à la suite de son acquisition des sociétés SFR et Oméa Télécom puis de leur rupture, dont elle serait à l'origine. A tout le moins, elle soutient que la société SFR Group a créé une apparence de substitution aux organes légitimes de ses filiales dans ces décisions.

Les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group demandent la confirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a mis hors de cause la société SFR Group qui ne peut être tenue des agissements de ses filiales. Les intimées prétendent que la société SFR Group n'était pas partie aux relations contractuelles litigieuses et ne s'est pas immiscée dans les activités de ses filiales. En effet, les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group sont trois entités juridiques distinctes ; la société Audim ne rapporte pas la preuve que la société SFR Group aurait commis des actes positifs d'ingérence. La présomption de responsabilité des sociétés mères en vigueur devant l'Autorité de la concurrence n'est pas applicable en l'espèce puisque la société Audim formule une demande indemnitaire.

La présomption de responsabilité de la société-mère pour les pratiques de ses filiales à 100 % ne joue que pour les pratiques anticoncurrentielles. Elle s'appliquerait en cas d'abus de dépendance économique, mais elle ne saurait s'appliquer aux pratiques restrictives de concurrence, pour lesquelles la preuve doit être rapportée d'une immixtion de la société-mère dans la gestion de sa filiale de nature à créer pour le partenaire une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que cette société était aussi son partenaire.

Il y a donc lieu d'examiner si la société Audim démontre que la société SFR Group a pu créer une apparence de prise en main de la gestion des contrats conclus par ses filiales avec Audim en s'immisçant dans leurs relations, ce qui nécessite l'accomplissement d'un acte positif d'immixtion.

La société Audim souligne la concomitance des résiliations de ses contrats par les deux filiales SFR et Omea. C'est en effet par deux courriers du 27 janvier 2015 que la société SFR a confirmé la résiliation du contrat SCD et la société Omea celui de Virgin Mobile (pièces 12 et 15 d'Audim. Elle atteste également de l'unité de régime des deux ruptures, les deux contrats étant prolongés jusqu'au 31 décembre 2015 (pièces 14 et 16 d'Audim.

Par lettre recommandée du 10 février 2015, la société SFR lie le sort des deux contrats : sont évoqués dans ce courrier le contrat Virgin Mobile et le contrat SCD, de manière indissociable : " lors de nos échanges du 26 janvier à Saint Denis, nous vous avons clairement et en toute transparence exposé la nouvelle stratégie de marque du nouveau groupe SFR Numéricable. Le portefeuille de marques du nouvel ensemble intégrant dorénavant Numéricable, SFR et Virgin Mobile nécessite de repositionner les deux marques SFR et Virgin Mobile sur des territoires propres et complémentaires (...). Dans ce cadre nous vous avons aussi clairement exposé notre volonté, et de façon profitable pour nos deux entreprises, une activité commerciale pouvant parfaitement s'inscrire au sein de cette nouvelle stratégie. Nous avons alors convenu de nous revoir dans le cours de ce trimestre et de réfléchir sur le développement des ventes Virgin Mobile au sein de votre enseigne Vivre Mobile, mais aussi pouvoir participer à l'expansion du réseau propre Virgin Mobile avec l'ouverture de points de vente sous management Audim. Cela permettant à Vivre Mobile de faire face à la décroissance des volumes SFR dont la marque va se repositionner progressivement à travers des canaux captifs exclusivement. Néanmoins, nous pouvons d'ores et déjà vous confirmer que le contrat de distribution liant Vivre Mobile à SFR sera, afin de vous apporter le maximum de sérénité et de temps dans cette transition, à nouveau reconduit jusqu'au 31/12/2015. Vous pourrez compter sur notre détermination pour inscrire un nouveau partenariat durable avec votre entreprise et dans l'attente de notre rendez-vous, soyez assurés Messieurs de notre parfaite considération ".

Ces deux éléments de preuve viennent plutôt attester une action concertée entre les deux filiales, que caractériser une immixtion de la société-mère.

Mais c'est bien la société SFR Group (Numéricable) qui a proposé directement à la société Audim par courrier du 8 décembre 2014, à en-tête SFR Groupe et signé de M. X, un nouveau contrat SCD, et non la société SFR. Ce sont les relations commerciales avec SFR Group dans leur ensemble qui sont envisagées : " Nous avons le plaisir de vous informer de l'envoi imminent de votre nouveau contrat SCD. Comme nous l'avons évoqué ensemble, les évolutions structurantes de ce contrat vous permettront de dynamiser l'activité commerciale avec Numéricable SFR (SFR Group que vous déployez au travers de nouvelles diversifications ".

Les sociétés intimées prétendent que ce courrier aurait été rédigé par SFR et serait signé d'un de ses cadres, M. Y.. Mais, elle ne démontre pas cette assertion, M. Y étant désigné par Omea Télécom dans son courrier du 2 juillet 2015 comme " directeur commercial boutiques et grandes enseignes de Numéricable-SFR ".

Par ailleurs, il résulte d'un mail du 19 mars 2015 ayant pour objet une " réunion SFR Numéricable/Audim " que les relations contractuelles d'Audim avec Omea et avec SFR étaient évoquées ensemble, sous l'égide de Monsieur Z, responsable des activités du groupe SFR Group mais également directeur général des opérations Virgin Mobile chez Omea depuis mars 2010. Il ressort de ce message, dénué de toute ambiguïté, que le sort des relations contractuelles avec chacune des sociétés Omea et SFR était toujours présenté ensemble et décidé par SFR Group (pièce 19) " lors de notre premier rendez-vous du 26 janvier dernier, Z alors directeur commercial SFR Numéricable, avait adopté une politique radicale et très fortement impactante pour l'avenir du groupe Audim : annonce de l'arrêt de la commercialisation de la marque SFR chez Vivre Mobile et annonce de l'arrêt de notre contrat de " master dealer " pour les magasins de Virgin Mobile. (Pour rappel, depuis octobre 2014, Z nous avait confié la totalité des magasins Virgin en nous faisant reprendre la gestion des magasins en gérance par Extenso, soit 28 PDV) ".

Une lettre d'Omea Télécom en date 1er juillet 2015, fait état d'une réunion du 21 mars 2015 avec Audim et avec des cadres de la société SFR Group A et B, respectivement directeur commercial grand public et professionnels de Numéricable-SFR et directeur commercial boutiques et grandes enseignes de Numéricable-SFR, portant sur le contrat de collaboration et d'assistance Virgin Mobile (pièce 64 d'Audim). Même si c'est la société Omea qui écrit à la suite de cette réunion et qui fait part de ses propositions, l'assistance des cadres de la société-mère renforce les preuves d'immixtion énumérées plus haut.

Il résulte par ailleurs du règlement intérieur du conseil d'administration de SFR Group que le contrôle de la maison-mère porte sur les décisions stratégiques des filiales et sur l'adoption et modifications du plan d'affaires. Même si ce point est contesté par les intimées, ces décisions englobent nécessairement les décisions relatives à la distribution des produits SFR et Virgin Mobile, qui constituent des décisions stratégiques (pièce n° 26 d'Audim).

Enfin, la décision de l'Autorité de la concurrence du 8 novembre 2016 fait ressortir le rôle névralgique de la maison-mère dans la gestion des filiales : les performances des réseaux de vente de la société SFR ont été examinées par la société mère (décision de l'Autorité de la concurrence du 8 novembre 2016, paragraphes 104, 107 et 119) ; de même, la société mère contrôlait les décisions stratégiques Omea dans le cadre d'un protocole prévoyant expressément l'interdiction d'ouverture de nouveaux magasins sous enseigne (ibid. paragraphe 138). La circonstance que les trois sociétés, maison-mère et filiales n'appartenaient pas au même groupe jusqu'à la fin de l'année 2014, soit durant la majeure partie de l'exécution des contrats litigieux, ne saurait exonérer la société SFR Group de sa responsabilité résultant de son immixtion dans la gestion de ses filiales, et, plus particulièrement, concernant la résiliation des contrats.

Enfin, la société Audim a considéré Numéricable SFR comme son interlocuteur naturel, au titre de ses relations avec ses deux filiales, ainsi qu'il ressort du courrier adressé par elle le 16 juillet 2015 à SFR Group (pièce 59 d'Audim).

En définitive, la société Audim démontre que la société SFR Group a pu créer une apparence de prise en main de la gestion des contrats conclus par ses filiales avec Audim, en s'immisçant dans leurs relations, par la preuve d'accomplissement de plusieurs actes positifs d'immixtion. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société SFR Group

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies concernant la relation de la société Audim avec la société SFR

La société Audim soutient d'une part que le préavis de 27 mois accordé par la société SFR est insuffisant, compte tenu des différents éléments caractérisant la relation commerciale entre elles :

- la durée de la relation commerciale de 21 ans,

- les caractéristiques de la relation commerciale : à savoir, la notoriété de l'opérateur sur le marché, la structure particulière du marché fermé et oligopolistique, entièrement dédié à l'opérateur et sans alternative équivalente pour le distributeur, les quotas et parts de marché de 80 % puis 60 % imposés à Audim par SFR, la diversification des activités tentée par Audim, particulièrement en vendant des accessoires et terminaux nus ou en développant la distribution du MVNO Virgin Mobile sur l'instigation de Numéricâble, la distribution sous marque SFR, son statut de distributeur, non propriétaire de sa clientèle et dont l'exécution du préavis profite à SFR, l'absence de liberté commerciale du distributeur, et l'imposition de clauses déséquilibrées, sa dépendance juridique et structurelle, l'interdiction contractuelle des boutiques du réseau de distribuer des offres concurrentes,

- la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait la société Audim En effet, SFR représentait 40 % du chiffre d'affaires total de la société Audim et 76 % de sa marge totale,

- les parts de marché imposées : 80 % de l'activité en abonnements et offres prépayées devait en 2001 être consacrés à SFR, puis 60 % en 2004, la renonciation de SFR après résiliation des conventions étant indifférente,

- la charge des stocks résiduels après résiliation.

Au regard de ces éléments, la société Audim sollicite un préavis de 42 mois, correspondant à deux mois de préavis par année d'ancienneté.

Les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group n'entendent pas contester la durée de 21 ans de relations commerciales retenue par le tribunal et soutiennent que le préavis de 27 mois accordé à la société Audim est suffisant, compte tenu des caractéristiques et de la durée de la relation commerciale entre les parties ainsi que de l'absence de situation de dépendance économique de la société Audim

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur ".

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par une des parties, de ses obligations ou en cas de force majeure.

Il n'est pas contesté que les parties ont entretenu des relations commerciales pendant 21 années. Les parties s'opposent sur la durée du préavis.

La durée du préavis dépend du temps nécessaire au partenaire évincé pour trouver une solution alternative. Elle doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale établie et des usages en matière commerciale, mais également de toutes les circonstances qui rendent difficiles la reconversion de la victime, à savoir principalement son degré de dépendance à l'égard de l'auteur de la rupture, entendu comme la part de son chiffre d'affaires réalisée avec lui (qui peut par exemple résulter de relations d'exclusivité), la difficulté à trouver un autre partenaire sur le marché de rang équivalent (notoriété du produit échangé, caractère difficilement substituable), les caractéristiques du marché en cause, les obstacles à une reconversion (en terme de délais, de bail, de coûts d'entrée dans une nouvelle relation) et l'importance des investissements effectués dédiés à la relation. Ces critères doivent être appréciés au moment de la rupture.

Sur la dépendance économique

La société Audim expose que la convention SCD conclue avec la société SFR lui impose de veiller à ce que ses canaux de distribution, entendus comme " l'ensemble des distributeurs de la SCD et leurs points de vente ", " ne soient liés d'aucune manière que ce soit directement ou indirectement avec une société concurrente de SFR dans le domaine de la radiotéléphonie cellulaire " (article 1). Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la résiliation du contrat.

Il résulte de cet article que si la société Audim n'est pas tenue elle-même à une obligation d'exclusivité, elle ne peut développer la distribution de services de téléphonie concurrents qu'au travers d'un autre réseau que celui qu'elle dédie à la distribution des produits SFR, par l'intermédiaire de magasins propres ou d'un réseau distinct.

Elle s'est engagée, par avenant à la convention SCD de 2004 à réaliser 60 % de son activité en abonnements bruts et offres prépayées avec SFR, cette obligation étant supprimée à compter de juillet 2015.

Il lui était donc loisible d'exercer une activité autre (hardware) ou bien de commercialiser elle-même des services concurrents de SFR dans ses boutiques en propre ou dans de nouveaux magasins, mais dans la limite de 40 %.

Elle soutient qu'elle réalise environ 40 % de son chiffre d'affaire total et 60 % de sa marge totale avec la société SFR

Mais il résulte de l'expertise Kling versée aux débats par les intimées (pages 6 et 7 de la pièce 145 de SFR), que la société Audim réalisait 71,5 % de son chiffre d'affaires en vente de produits et accessoires (Hardware) et 28,5 % de son chiffre d'affaires en vente de services de téléphonie.

Selon les sociétés intimées, c'est sur ce seul marché des services que la société SFR serait présente, dont la part, rapportée au chiffre d'affaires total de la société Audim ne serait que de 20,8 %, la part de la société Omea étant de 3,8 %. La société Audim prétend que SFR était également présente sur le marché du hardware, ce qui porterait sa part à 40 % du chiffre d'affaires total d'Audim, mais ne verse à l'appui de ce calcul aucune explication.

Il lui était difficile de trouver un fournisseur alternatif à SFR, à moins de contracter avec un des quatre opérateurs du marché. Il est démontré que la société Audim a cherché à se diversifier auprès d'autres opérateurs, dont la société Virgin Mobile avec laquelle elle a réalisé une part de chiffre d'affaires de 6 % en 2012 et de 23 % en 2014 (en pourcentage du chiffre d'affaires services).

Compte tenu de ce pourcentage très élevé de ventes de produits, librement vendus par Audim, la perte de SFR n'a donc pas représenté l'importance revendiquée par l'appelante.

Sur les autres circonstances de la relation commerciale

Les autres circonstances invoquées par la société appelante ne sont pas davantage de nature à justifier l'allongement du préavis.

Le statut de distributeur SFR, qui serait exclusif de celui d'agent commercial, la priverait de la propriété de sa clientèle et justifierait un préavis plus long.

Mais, ce statut d'agent commercial lui aurait donné un préavis de 24 mois de commission, alors qu'elle a bénéficié de 27 mois. Par ailleurs, si en effet, les clients qui ont souscrit à une offre SFR par son intermédiaire sont perdus pour elle, elle a été rémunérée pour ces souscriptions, de sorte que cet argument n'est pas recevable.

La circonstance que la société Audim serait soumise, par SFR, à des obligations créant un déséquilibre significatif, ne saurait, en soi, justifier l'allongement du préavis.

Enfin, la charge des stocks résiduels après résiliation ne saurait davantage justifier un tel allongement. Outre que la société Audim ne démontre pas, par un état de stock, avoir conservé des stocks de packs invendus, il y a lieu de considérer que le préavis octroyé lui a permis de les écouler et qu'Audim a bénéficié en août 2016 d'opérations de déstockage de la part de SFR.

Compte tenu de tous ces éléments et de la durée de la relation commerciale, la durée octroyée par les sociétés intimées, de 27 mois, apparaît suffisante.

Sur les MDD

La société Audim prétend que les terminaux SFR seraient des produits MDD.

Mais l'article L. 112-6 alinéa 2 du Code de la consommation dispose qu' " Un produit est considéré comme vendu sous marque distributeur lorsque ces caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ".

Quatre critères cumulatifs doivent être réunis pour qu'un produit soit qualifié de produit " MDD " :

- les caractéristiques du produit doivent être définies par le distributeur ;

- le produit est destiné à la vente (revente) au détail ;

- le produit doit faire l'objet d'une vente (revente) par le distributeur ;

- le produit doit être vendu (revendu) sous une marque dont le distributeur est propriétaire.

Ici, les terminaux SFR sont conçus par SFR et vendus par Audim, le distributeur, qui n'est pour rien dans leur conception et ne les vend pas sous sa marque.

Il n'y a donc pas lieu à doublement du préavis à consentir. Le préavis étant suffisant, la rupture n'est pas brutale. La société Audim sera donc déboutée de ses demandes d'indemnisation sur ce fondement et le jugement entrepris sera confirmé.

Sur la rupture partielle

La société Audim soutient que les sociétés SFR et Oméa Télécom n'ont pas exécuté le préavis aux conditions contractuellement prévues, affectant ainsi les obligations principales de l'opérateur vis-à-vis de la distribution pendant la période de préavis (fragilisation du réseau, modification des rémunérations des actes et ventes, gel des codes d'ouverture des boutiques du réseau), ce qui caractériserait une rupture partielle des relations commerciales établies.

Ces manœuvres abusives lui auraient causé un préjudice qu'elle évalue à un montant de 1 130 000 euros.

Les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group contestent avoir rompu partiellement les relations commerciales établies en commettant des manquements contractuels au cours de l'exécution du préavis. D'une part, la modification du montant des rémunérations " prévue contractuellement " était justifiée par la baisse générale des prix dans le secteur de la téléphonie, et d'autre part, SFR pouvait suspendre l'octroi de nouveaux codes à ses distributeurs, faute d'obligation contractuelle d'ouverture de code à sa charge.

Pendant l'exécution du préavis, les relations commerciales doivent s'exécuter dans des conditions identiques, sans aucune modification, sauf circonstances extérieures aux partenaires. Le défaut d'exécution du préavis dans les mêmes conditions doit être indemnisé.

Il résulte des pièces du dossier que le préavis consenti pour la fin du contrat SCD a été allongé à plusieurs reprises. C'est ainsi que la convention SCD a été dénoncée le 29 septembre 2014 à échéance au 31 décembre suivant. Ce préavis de trois mois a été prorogé le 27 janvier 2015 jusqu'au premier juillet 2015, puis le 10 février 2015, jusqu'au 31 décembre 2015, puis, enfin le 2 juillet 2015, jusqu'au 31 décembre 2016.

Ces quatre décisions successives par-à-coups ont provoqué une précarité commerciale, de telle sorte que l'exécution du préavis de 27 mois finalement octroyé n'a pu s'exécuter dans des conditions normales.

Il en a été de même pour le contrat de collaboration entre les sociétés Oméa Télécom et Audim. Le 27 janvier 2011 Oméa informait Audim du non-renouvellement du contrat à son échéance au 5 mai 2011, puis dans un courrier distinct, confiait à Audim " une prestation exceptionnelle d'assistance " pour la marque Virgin Mobile jusqu'au 31 décembre 2015. Par courrier du 1er juillet 2015, la mission a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2016. Outre que ces allongements successifs du préavis ont rendu difficile son exécution, il est établi que la société Oméa est intervenue directement auprès de boutiques à l'enseigne Vivre Mobile dépendant d'Audim pour dénoncer leurs contrats et a conclu avec eux des protocoles d'accord.

Par ailleurs, le gel des codes imposé par SFR à la société Audim lui a interdit d'ouvrir de nouvelles boutiques. Certes, ce numéro unique accordé à un point de vente, permet d'identifier chaque site, d'enregistrer les souscriptions d'abonnements passés par le site et de calculer la rémunération attachée à celui-ci. Il n'équivaut donc pas à une interdiction d'ouverture de points de vente, mais à interdire la vente de packs SFR dans ces points de vente, produits sur lesquels la marge était la plus élevée. Ce gel des codes a donc conduit à un amenuisement du réseau d'Audim, car les fermetures intervenues pendant la durée du préavis n'ont pu être compensées par des ouvertures. La circonstance que ce gel soit licite ou illicite ou que la société Audim n'ait eu aucun droit à l'ouverture de nouvelles boutiques, comme le soutiennent les premiers juges, importe peu, dès lors que cette mesure a conduit, selon l'expert de la société Audim la société Wingate à une baisse du nombre de points de vente, et donc, le nombre de ventes de packs SFR étant stable par boutique, a entraîné une baisse de revenus de la société Audim

Cette perte de revenus rendant le préavis ineffectif doit être indemnisée.

L'expert d'Audim a calculé (pages 34 et 71 ; pièce 47 d'Audim) un différentiel de marge entre la marge réalisée par Audim et la marge qu'elle aurait réalisée sans gel de codes de 0,19 million en 2012/2013 et 0,94 million en 2013/2014.

Le cabinet Wingate n'a jamais soutenu que la baisse antérieure de l'exercice 2011/2012 serait liée au gel des codes, mais à l'arrivée de Free Mobile sur le marché.

Les sociétés intimées exposent que la perte de marge d'Audim serait due à l'évolution du secteur, donc à " l'arrivée de Free dans le secteur de la téléphonie mobile, (qui s'est accompagnée d'une diminution spectaculaire des tarifs) et des sorties de nombreux magasins du réseau " Vivre Mobile " " (page 90 de ses conclusions) et qu'elles ne seraient donc pas responsables de la baisse de marge d'Audim.

Mais, il appartient à la société SFR de démontrer que le non-respect du préavis est dû à des circonstances extérieures qu'elle a subies elle-même et dont elle n'a pu s'affranchir.

Or, elle ne procède pas à cette démonstration, l'expert C se bornant à affirmer que le prix des forfaits mensuels ont diminué de 37,8 % entre le premier trimestre 2010 et le premier trimestre 2015 et de 30 % entre 2012 et 2014, et que les opérateurs ont compensé cet effet prix par un effet volume, en vendant davantage.

Or, en premier lieu, cet effet volume a été rendu impossible à la société Audim par le gel des codes, la société Audim ne pouvant vendre davantage de forfaits ou même maintenir leur volume.

En deuxième lieu, la part prise par la baisse des prix due à l'apparition de Free Mobile sur la marge d'Audim pendant le préavis n'est pas indiquée.

En troisième lieu, la répercussion par SFR sur les grossistes, comme Audim, de la baisse des tarifs résulte du choix de la société SFR et non de circonstances purement extérieures, le choix ayant été fait de diminuer significativement les rémunérations de la distribution, les prix aux consommateurs étant restés stables, selon les constatations effectuées par Audim en page 49 de ses conclusions, non contestées utilement par les intimées sur ce point.

Il en résulte que l'inexécution du préavis est imputable à la société SFR qui devait en garantir la bonne exécution. En modifiant les types et catégories de rémunération, en accordant ce préavis en plusieurs étapes, et, enfin et surtout, en gelant les codes Orian, SFR n'a pas consenti un préavis effectif.

La société appelante démontre que les relations commerciales durant l'exécution du préavis se sont déroulées dans des conditions substantiellement différentes de celles entretenues antérieurement, de sorte que le préavis n'a pas été effectif et sans que la société SFR ne justifie qu'elle y était étrangère.

Il y a donc lieu d'entériner les calculs de l'expert de la société Audim sur ce poste de préjudice, non utilement contestés par les intimées (pages 34 et 71 de la pièce 47 de la société Audim) et de condamner la société SFR et la société SFR Group in solidum, à payer à la société Audim la somme de 1 130 000 euros, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, lesdits intérêts capitalisés.

Sur la rupture abusive des relations contractuelles

La société Audim soutient que la rupture des contrats est abusive en son principe même, sur le fondement de l'article 1134 du Code civil. Elle prétend que l'abus est caractérisé par les circonstances de la rupture, exclusive de bonne foi contractuelle, la tentative de soumission du partenaire à des obligations déséquilibrées et, enfin, l'exploitation abusive de son état de dépendance économique.

Sur le respect de l'obligation de bonne foi dans les circonstances de la rupture

Selon la société Audim la société SFR a notamment manqué à son obligation d'information, en lui laissant croire que les relations commerciales allaient se poursuivre alors même qu'elle avait décidé de supprimer le réseau " Virgin Mobile ", et alors que la société Audim s'est consacrée au développement de SFR. Elle soutient que la société SFR aurait manqué à plusieurs obligations d'information et aurait invoqué des motifs erronés pour ne pas renouveler les contrats.

Mais les sociétés intimées répliquent à juste titre qu'aucune violation de leur obligation d'information n'est démontrée, la société SFR ayant, dès le 4 mars 2013, exposé les difficultés rencontrées, tenant à l'entrée d'un quatrième opérateur sur le marché. Par ailleurs la société Audim ne démontre pas que les motifs invoqués par SFR pour justifier le non renouvellement des contrats seraient erronés. S'agissant de la reprise des magasins indépendants Virgin Mobiles préalablement gérés par la société Extenso Télécom il n'est pas démontré que la société Oméa ait imposé à la société Audim de procéder à cette opération ni qu'elle ait demandé à celle-ci de déménager ses locaux. Il n'est pas davantage établi que la société SFR se soit engagée sur le développement des ventes Virgin Mobile et l'expansion des points de vente gérés par Audim. En effet, dans son courrier du 10 février 2015, cette société a seulement rappelé que les parties étaient convenues de " réfléchir "à de telles éventualités.

Il n'y a donc pas lieu de déclarer abusive la rupture intervenue.

Sur la tentative de soumission du partenaire à des obligations déséquilibrées sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce

La société Audim prétend que la société SFR a proposé deux nouveaux contrats pour 2014 et 2015 comprenant des clauses créant un déséquilibre significatif (interdiction de vente par correspondance et par internet, restriction des droits de la SCD, diminution des rémunérations). Cette pratique serait contraire à l'article L.442-6, I, 2° et à l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce.

Il convient de souligner que la société Audim ne tirant aucune conséquence juridique et ne formulant aucune demande indemnitaire à ce titre, cette demande est dépourvue d'objet.

En tout état de cause, à titre surabondant, la société Audim ne démontre pas que la société SFR aurait obtenu ou tenté d'obtenir de la société Audim sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des conditions manifestement abusives, dans la mesure où les projets de nouveaux contrats lui ont été adressés postérieurement à la notification par SFR de la cessation du contrat SCD. Aucune violation de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce n'est donc établie.

S'agissant de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, toujours à titre surabondant, il suppose la démonstration d'une tentative de soumission d'un partenaire à des obligations manifestement déséquilibrées. Or, en l'espèce, la société Audim ne démontre pas cette tentative de soumission, la cour n'étant pas informée des conditions dans lesquelles ces deux projets de contrat ont été éventuellement discutés.

Par ailleurs, aucun des articles concernés ne contient des obligations manifestement déséquilibrées.

L'article 3.2 subordonne la vente par Internet, à la signature d'une convention appropriée, distincte du contrat. La société Audim ne peut donc voir dans cet article une interdiction de vente par Internet, ne démontrant pas par ailleurs qu'elle aurait demandé à SFR la signature d'une telle convention et que celle-ci lui aurait été refusée.

L'article premier qui impose à la SCD de s'engager à ce qu'aucun point de vente de ses canaux de distribution ne commercialise les services sous un statut différent, ne limite pas la reconversion de la société Audim et ne constitue pas une obligation manifestement déséquilibrée. De même, elle ne démontre pas en quoi l'article 4.12 qui prévoit " l'installation de programmes d'authentification " constituerait un déséquilibre significatif.

La société Audim n'établit pas davantage en quoi la faculté conférée à SFR de modifier la liste des services dont elle confie la commercialisation à Audim serait abusive. En effet pour répondre aux attentes des clients, il est juste que les opérateurs puissent adapter leurs offres aux attentes. Par ailleurs, les services existants ne sont pas modifiés. Il ne s'agit donc pas d'une modification du contrat mais d'une adaptation des offres.

La faculté de modifier les rémunérations s'accompagne de l'obligation, pour SFR, d'informer Audim de toute modification au moins 15 jours avant sa mise en œuvre. Les modifications jouent à la hausse comme à la baisse. Il n'est pas démontré qu'elles aient été déséquilibrées.

Enfin, la cessation du versement de l'Air time en cas de fin des relations commerciales n'est pas manifestement excessive.

Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de ces demandes, insuffisamment motivées et documentées. Sur l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique

Si la société Audim prétend qu'elle a été victime d'abus de dépendance au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce, elle ne démontre pas avoir réalisé une part prépondérante de son chiffre d'affaires avec les sociétés intimées, ni n'avoir pas disposé de solutions de remplacement.

En effet, ainsi que le soulignent les sociétés intimées, elle pouvait commercialiser d'autres biens et services en lien avec la téléphonie mobile, tels que la vente d'accessoires ou des services distincts de la téléphonie mobile. Elle pouvait aussi commercialiser des abonnements d'autres opérateurs téléphoniques, dès lors que la part de ces abonnements ne représentait pas plus de 40 % de l'ensemble des abonnements souscrits, puis sans aucune restriction à compter du 2 juillet 2015.

Sur les demandes reconventionnelles des intimées

Sur la fermeture fautive de trois points de vente

Les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group soutiennent que la société Oméa Télécom a subi un préjudice du fait du manquement contractuel grave de la société Audim qui aurait définitivement fermé trois boutiques en propre de manière anticipée, en violation des contrats conclus pour ces points de vente, à Lille, Boulogne-sur-Mer et Dieppe, sans en informer son cocontractant. La société Oméa Télécom aurait donc subi un préjudice moral et financier dont elle demande réparation (voir pièces 83 à 85 de SFR).

Mais la société Oméa ne verse pas aux débats les contrats de commercialisation pour ces points de vente et ne peut donc incriminer la rupture de contrats dont elle ne justifie pas.

La société Audim justifie au contraire par la production d'un courrier du 30 avril 2015 envoyé par la société Oméa que c'est bien elle qui a notifié la fin du contrat de Boulogne-sur-Mer et a pris l'initiative de la rupture.

Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de ces demandes. Sur l'action abusive

Les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group soutiennent que l'action de la société Audim est abusive, dès lors qu'elle a été introduite dans le seul but de faire pression sur le groupe SFR aux fins d'obtenir la poursuite des relations commerciales, comme en témoigne la légèreté de certains fondements juridiques invoqués par l'appelante.

Mais elles ne démontrent pas que l'action en justice intentée par la société Audim serait manifestement dépourvue de fondements et vouée à l'échec ou inspirée d'une volonté de lui nuire, de sorte qu'elle ait dégénéré en abus.

Cette demande sera donc rejetée. Sur les dépens et frais irrépétibles

Les sociétés SFR, Oméa Télécom et SFR Group succombant au principal, seront condamnées aux dépens et à payer à la société Audim la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris, excepté sur la mise hors de cause de la société SFR Group et en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur la rupture partielle des relations commerciales et sur les dépens, l'infirme sur ces points, Et, statuant à nouveau, dit que la société SFR Group s'est immiscée dans les relations entre la société Audim et ses filiales, condamne les sociétés SFR et SFR Group in solidum à payer à la société Audim la somme de 1 130 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, lesdits intérêts capitalisés, rejette les demandes reconventionnelles des intimées, condamne les sociétés SFR, Oméa télécom et SFR Group in solidum aux dépens de première instance et d'appel, les condamne in solidum à payer à la société Audim la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.