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Décisions

Cass. com., 13 septembre 2017, n° 16-15.067

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Caudalie (SAS)

Défendeur :

eNova santé (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Orsini

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Bénabent, Jéhannin

T. com. Paris, prés., du 31 déc. 2014

31 décembre 2014

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Caudalie fabrique des produits cosmétiques qu'elle distribue dans le cadre d'un réseau de distribution sélective ; que depuis la procédure d'engagements ayant donné lieu à la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-07 du 8 mars 2007, elle permet à ses distributeurs agréés disposant d'un point de vente physique de vendre les produits en ligne sur leur propre site Internet ; que la société eNova santé (la société eNova) rassemble un certain nombre de pharmacies auxquelles elle propose une plate-forme leur permettant de commercialiser leurs produits en ligne ; qu'invoquant le trouble manifestement illicite résultant de la vente de ses produits par le biais de cette plate-forme, en violation de l'interdiction de revente hors réseau faite à ses distributeurs, et se prévalant de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, la société Caudalie a assigné la société eNova pour obtenir la cessation de la commercialisation et du référencement des produits de sa marque sur cette plate-forme et le paiement de dommages-intérêts provisionnels en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Caudalie aux fins d'injonction, après avoir constaté qu'en ne permettant la vente en ligne qu'à partir du site internet propre du distributeur, les contrats de distribution sélective de la société Caudalie interdisent, par principe, à celui-ci le recours à la vente en ligne par le biais de plates-formes en ligne ou places de marché telle que celle proposée par la société eNova, l'arrêt se borne à énoncer qu'en l'état de deux décisions de l'Autorité de la concurrence des 23 juillet 2014 et 24 juin 2015, concernant le réseau de distribution sélective " Samsung ", interdisant la vente en ligne par le biais de plates-formes internet, du communiqué de presse de cette Autorité du 18 novembre 2015 dans une affaire Adidas similaire, de la position récemment prise par l'Autorité de la concurrence allemande en faveur du caractère anticoncurrentiel d'une pratique comparable dans les contrats de distribution sélective " Asics " et " Adidas ", enfin, de la consultation d'un professeur de droit, produite par la société eNova, il existe un faisceau d'indices sérieux et concordants tendant à établir que l'interdiction de principe du recours, pour les distributeurs de produits " Caudalie ", à une plate-forme en ligne, quelles qu'en soient les caractéristiques, est susceptible de constituer une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l'exemption ; qu'il en déduit que cette éventualité prive le trouble allégué par la société Caudalie de tout caractère manifestement illicite ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi les décisions auxquelles elle se référait étaient de nature à écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte au réseau de distribution sélective de la société Caudalie, dont la licéité avait été admise par la décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 du Conseil de la concurrence, qui n'avait pas fait l'objet de révision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Caudalie aux fins d'injonction et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 février 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.