Cass. com., 13 septembre 2017, n° 15-22.320
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Orange (SA)
Défendeur :
SCP Bes Ravise (ès qual.) , Lectiel (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Bénabent, Jéhannin
LA COUR : - Joint les pourvois n° 15-22.320 et 16-10.327 qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 3 juin 2014, pourvoi n° 12-29.482), que la société Lectiel, venue aux droits de la société Filetech, qui avait pour activité la commercialisation, la mise à jour et l'enrichissement de fichiers en vue d'opérations de publipostage et de télémercatique, commercialisait notamment les données contenues dans la base annuaire de la société Orange, venue aux droits de la société France Télécom ; que souhaitant ne pas enfreindre les dispositions du Code des postes et télécommunications, la société Lectiel a demandé à la société France Télécom de lui communiquer la liste, dite orange, des personnes qui s'étaient inscrites pour ne pas faire l'objet de sollicitations commerciales ; que la société France Télécom a refusé cette communication au motif qu'elle lui était interdite, mais a proposé à la société Lectiel de recourir à son service spécifique " Marketis " qui lui permettrait, moyennant une certaine somme, d'avoir accès aux données expurgées de l'annuaire; que soutenant qu'en imposant à ses concurrents de recourir à un service payant, la société France Télécom abusait de sa position dominante, la société Lectiel l'a assignée devant le tribunal de commerce, qui, par jugement du 4 janvier 1994, a rejeté ses demandes ; que parallèlement à cette instance, la société Lectiel a saisi le Conseil de la concurrence des mêmes griefs à l'encontre de la société France Télécom ; qu'annulant la décision rendue par le Conseil de la concurrence et statuant à nouveau, la Cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 29 juin 1999, devenu irrévocable, jugé que les conditions tarifaires mises en œuvre par la société France Télécom caractérisaient un abus de position dominante, lui a infligé une amende et lui a enjoint de mettre fin à ces pratiques en fournissant à toute personne, qui lui en ferait la demande, la liste consolidée comportant les informations contenues dans l'annuaire universel et de proposer un service permettant la mise en conformité des fichiers avec la liste orange, à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande ; que statuant sur l'appel du jugement du 4 janvier 1994, la cour d'appel, par un arrêt du 30 septembre 2008, a retenu que la société France Télécom n'avait pas commis de faute à l'égard de la société Lectiel et a rejeté sa demande de dommages-intérêts ; que cet arrêt ayant fait l'objet d'une cassation partielle, l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi, le 27 juin 2012, a fait l'objet d'une nouvelle cassation en ce qu'il rejetait les demandes de dommages-intérêts de la société Lectiel ; que la société Lectiel ayant été mise en liquidation judiciaire, la SCP Bes Ravise est intervenue dans ces différentes instances en qualité de liquidateur ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 15-22.320 : - Attendu que la société Orange fait grief à l'arrêt de dire qu'elle s'est rendue responsable d'un abus de position dominante prohibé par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et d'un non-respect d'injonction et de dire que ces pratiques constituent des fautes civiles de sa part alors, selon le moyen : 1°) que l'agissement anticoncurrentiel sanctionné par les autorités de la concurrence au titre de l'atteinte au marché n'est pas nécessairement constitutif d'une faute civile génératrice d'un droit à réparation au bénéfice d'un concurrent ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Orange aurait commis une faute au préjudice de la société Lectiel, la cour d'appel a déduit du seul agissement anticoncurrentiel qu'aurait commis cette société l'existence d'une faute civile envers la société Lectiel : " la faute qui fonde l'action indemnitaire de Lectiel [consiste] dans les pratiques anticoncurrentielles relevées et sanctionnées par l'autorité de concurrence " ; qu'en statuant ainsi au prétexte que " la violation de la loi constitue nécessairement une faute civile ", quand un agissement anticoncurrentiel à l'égard du marché, appréhendé globalement, n'est pas nécessairement constitutif d'une faute civile envers un concurrent déterminé, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que si, sur le terrain des agissements anticoncurrentiels, le comportement des opérateurs économiques ne peut justifier une infraction aux règles de la concurrence, sur le terrain civil, les fautes commises par un opérateur identifié peut, à son égard, dépouiller de tout caractère fautif le comportement anticoncurrentiel litigieux ; qu'en l'espèce, pour retenir que les fautes commises par la société Lectiel, laquelle avait téléchargé sans aucune autorisation la base de données de la société France Télécom pourtant objet de droits de propriété intellectuelle, ne justifiaient pas le refus de la société Orange de laisser cette société accéder à sa base de données, la cour d'appel a considéré " qu'il n'appartient pas à une entreprise de se faire justice à elle-même et ses pratiques anticoncurrentielles ne sauraient être exonérées par des moyens de " légitime défense " ; qu'en statuant ainsi, quand la faute commise par la société Lectiel était de nature à priver de tout caractère fautif, envers cette prétendue victime, le comportement de la société Orange, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) que la société Orange faisait valoir dans ses conclusions que son refus de livrer la base annuaire à la société Lectiel était justifié " suite aux interventions de la CNIL et de l'illégalité manifeste des pratiques de Lectiel quant à l'utilisation des données annuaires dont elle disposait " ; qu'elle soutenait ainsi que la société Lectiel, à la suite du téléchargement illicite de la base, en méconnaissance de ses droits de propriété intellectuelle, avait exploité les données annuaires dans des conditions méconnaissant les dispositions impératives de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, ce qu'avaient constaté tant la Commission nationale informatique et liberté que les juridictions pénales ; que la société Orange en déduisait qu'elle n'avait commis aucune faute en refusant de livrer sa base annuaire à la société Lectiel, dès lors que si elle l'avait fait, elle se serait rendue complice des pratiques illégales de celle-ci ; qu'en retenant que la société Orange aurait commis une faute à l'égard de la société Lectiel en refusant de livrer sa base annuaire, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que la société Lectiel demandait réparation du préjudice que lui avaient causé les pratiques anticoncurrentielles de la société Orange, l'arrêt retient à bon droit que ces pratiques constituent des fautes civiles et qu'il incombe à la société Lectiel, qui souhaite obtenir une indemnisation, de démontrer le préjudice en résultant pour elle et le lien de causalité entre ces fautes et le préjudice ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté qu'un arrêt, devenu irrévocable, statuant sur le recours contre la décision du Conseil de la concurrence du 29 septembre 1998, avait dit établi que la société France Télécom, devenue Orange, avait enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE en commercialisant son service Marketis à des prix prohibitifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées à la troisième branche, en a exactement déduit que la société Orange ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute de téléchargement illicite commise par la société Lectiel ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Orange fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de réparation de la société Bes Ravise, en sa qualité de liquidateur de la société Lectiel, concernant la pratique d'abus de position dominante de la société France Télécom, du 6 décembre 1991 à août 1998 et d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire alors, selon le moyen : 1°) que le lien de causalité entre la faute civile résultant d'agissements anticoncurrentiels et le préjudice allégué ne se présume pas et doit être démontré ; qu'en l'espèce, pour retenir que la faute imputée à la société Orange aurait causé un préjudice, la cour d'appel a retenu que " la société Lectiel, qui souhaitait entrer sur le marché du marketing direct, a été freinée dans son entrée sur ce marché, voire évincée du segment des fichiers de prospection " ; qu'en statuant ainsi, sans relever au-delà de son simple " souhait ", les démarches précises que la société Lectiel auraient entreprises et que les agissements de la société Orange auraient " freinées ", la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que l'existence d'un préjudice généré par une pratique anticoncurrentielle ne se présume pas et doit être prouvée par celui qui l'allègue ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société Lectiel aurait subi un préjudice indemnisable, la cour d'appel a retenu que " privée d'accès à la base annuaire expurgée à des prix raisonnables, elle n'a pu fournir ce service sur le marché ou n'a pu le fournir à des prix compétitifs " ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement relever les circonstances établissant que la société Lectiel était en mesure d'exercer son activité sur le marché du marketing direct indépendamment des agissements prétendument anticoncurrentiels de la société Orange, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Lectiel avait pour activité la constitution de fichiers de prospection destinés à la réalisation d'opérations de marketing direct et que pour fournir ses prestations, elle exploitait sa propre base de données mais avait également recours aux informations de l'annuaire géré par la société France Télécom ; qu'il constate que la pratique d'abus de position dominante de la société France Télécom a empêché ou rendu plus difficile l'entrée sur le marché du marketing direct de la société Lectiel et que, privée de l'accès à la base annuaire expurgée à des prix raisonnables, celle-ci n'a pu fournir ce service sur ce marché ou du moins à des prix compétitifs ; qu'il retient qu'elle a subi un préjudice pour les seules activités de marketing direct qui nécessitent l'utilisation des données expurgées de la liste orange, à savoir le marketing direct adressé et les activités de marketing ou phoning, à l'exclusion des activités de marketing direct ne nécessitant pas l'usage d'adresses ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 16-10.327 : - Attendu que la société Bes Ravise, ès qualités, fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de réparation concernant le non-respect d'injonctions par la société France Télécom, pendant la période de 1999 à 2002 où le fonds de commerce de la société Lectiel était en location-gérance, et, avant-dire droit sur l'évaluation du préjudice subi, de limiter la mesure d'expertise judiciaire ordonnée à l'évaluation du préjudice subi par la société Lectiel, du 6 décembre 1991 à août 1998 et à la comparaison du bénéfice qui aurait été réalisé en l'absence de pratiques anticoncurrentielles durant cette période, sur les seuls segments du marketing direct adressé, du télémarketing et du bénéfice effectivement réalisé alors, selon le moyen : 1°) que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la location-gérance d'un fonds de commerce ne fait pas obstacle à la réparation du préjudice personnel subi par le loueur, propriétaire du fonds de commerce, un tel préjudice, consistant en une diminution des redevances perçues, étant distinct de celui subi par le locataire-gérant ; que la cour d'appel s'est fondée sur le fait que la société Lectiel avait donné son fonds de commerce en location-gérance d'août 1998 au 12 septembre 2002, pour affirmer que société Lectiel ne pouvait obtenir de dédommagement sur cette période, n'ayant alors pas subi les pratiques anticoncurrentielles personnellement ; qu'en rejetant sa demande d'indemnisation afférente à cette période sans rechercher si, nonobstant la mise en location-gérance du fonds de commerce, la société Lectiel avait subi un préjudice personnel consistant en une diminution des redevances perçues, consécutivement aux pratiques anticoncurrentielles commises par la société France Télécom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 1382 du Code civil, L. 144-1 et suivants du Code de commerce et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2°) qu'en s'abstenant de rechercher si les pratiques anticoncurrentielles de la société France Télécom avaient causé un préjudice à la société Lectiel lorsque celle-ci a repris l'exploitation de son fonds de commerce, postérieurement à la fin de la location-gérance, le 12 septembre 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la société Lectiel demandait réparation du préjudice résultant de l'abus de position dominante dont elle avait été victime de 1992 à 1999 et du non-respect de l'injonction faite à la société France Télécom, pour la période de 1999 à 2003, l'arrêt relève que la société Lectiel a donné son fonds de commerce en location-gérance à la société Groupadress, d'août 1998 à septembre 2002, et retient qu'elle ne peut obtenir de dédommagement sur cette période ; qu'en cet état, et dès lors que la société Lectiel se bornait à invoquer, dans ses conclusions, le préjudice résultant de ce que les pratiques anticoncurrentielles ne lui avaient pas permis de s'implanter sur le marché du marketing direct et de s'y développer, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la première branche, qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la continuation des pratiques anticoncurrentielles postérieurement au mois de septembre 2002 n'était pas établie, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche, devenue inopérante, invoquée à la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Bes Ravise, ès qualités, fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de réparation, en conséquence des tarifs pratiqués par la société France Télécom postérieurement à 2002, et d'avoir, avant-dire droit sur l'évaluation du préjudice, limité la mesure d'expertise judiciaire à l'évaluation du préjudice subi par la société Lectiel du 6 décembre 1991 à août 1998, et à la comparaison du bénéfice qui aurait été réalisé en l'absence de pratiques anticoncurrentielles durant cette période, sur les seuls segments du marketing direct adressé, du télémarketing et du bénéfice effectivement réalisé alors, selon le moyen : 1°) que dans sa décision n° 02-D-41 du 26 juin 2002 relative au respect de l'injonction prononcée à l'encontre de la société France Télécom par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999, le Conseil de la concurrence a sursis à statuer pour apprécier l'orientation des tarifs de l'activité de gestionnaire de fichier vers les coûts des opérations techniques nécessaires ; que dans sa décision n° 03-D-43 du 12 septembre 2003, le Conseil de la concurrence a constaté qu' " en dépit des injonctions formulées par la cour d'appel et depuis cette date, [France Télécom] n'a pris, ainsi qu'un des représentants de la société France Télécom l'a admis expressément en séance, aucune des mesures nécessaires pour s'assurer de fournir ces prestations de façon non discriminatoire et à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à la demande " ; que pour affirmer qu'elle ne disposait pas des éléments nécessaires pour démontrer la continuation des pratiques anticoncurrentielles après septembre 2002 et par conséquent rejeter la demande d'indemnisation de la société Bes Ravise ès qualités concernant les tarifs pratiqués après cette date, la cour d'appel a énoncé qu' " il résulte de la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre 2003 que France Télécom n'a pas respecté l'injonction d'orientation vers les coûts de ses tarifs d'activité de gestionnaire de fichiers de 1999 à 2002 " ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ladite décision que le non-respect de l'injonction d'orientation des prix vers les coûts avait persisté, à tout le moins jusqu'au 15 juillet 2003, la cour d'appel a dénaturé la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre 2003, en violation du principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) que la société Bes Ravise, ès qualités, soutenait que les pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société France Télécom, devenue Orange, dont la société Lectiel a été victime, n'avaient jamais cessé, malgré les décisions de constats d'infraction prises par les autorités de concurrence, en particulier la décision de sanction de France Télécom pour non-respect de l'injonction de proposition d'un tarif orienté vers les coûts prononcée à son encontre le 12 septembre 2003 ; que la société Bes Ravise produisait notamment des offres de fourniture des renseignements litigieux de France Télécom datées des 9 décembre 2003 et 15 mars 2004, qu'elle estimait non conformes à l'injonction d'orientation vers les coûts qui avait été prononcée ; que dans ses conclusions, la société Orange elle-même admettait que l'injonction d'orientation vers les coûts n'avait été effective qu'à la fin de l'année 2003 ; qu'en jugeant qu'elle ne disposait pas des éléments nécessaires pour démontrer la continuation des pratiques après septembre 2002, pour rejeter la demande de réparation concernant les tarifs postérieurs à cette date, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les offres de France Télécom postérieures à 2002 étaient conformes à l'injonction d'orientation du prix vers les coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil, L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ; 3°) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Bes Ravise ès qualités, qui faisait valoir, en s'appuyant sur des tableaux analytiques, que la comparaison des tarifs proposés aux " annuairistes " avec ceux proposés aux opérateurs de marketing direct montrait que ces tarifs n'étaient pas conformes à l'injonction d'orientation vers les coûts, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, de la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre 2003, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, effectuée à la lumière de l'arrêt rendu le 6 avril 2004 rejetant le recours formé contre elle, que la cour d'appel a retenu qu'il résultait de cette décision que la société France Télécom n'avait pas respecté l'injonction d'orientation vers les coûts de ses tarifs d'activité de gestionnaire de fichiers de 1999 à 2002 ;
Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter et qui a répondu aux conclusions prétendument omises, a retenu que la preuve de la continuation des pratiques après septembre 2002 n'était pas rapportée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Bes Ravise, ès qualités, fait grief à l'arrêt de limiter, avant-dire droit sur l'évaluation du préjudice subi, la mesure d'expertise judiciaire à la comparaison du bénéfice qui aurait été réalisé en l'absence de pratiques anticoncurrentielles durant la période comprise entre le 6 décembre 1991 à août 1998, sur les seuls segments du marketing direct adressé, du télémarketing et du bénéfice effectivement réalisé alors, selon le moyen : 1°) qu'était interdit, à l'époque des faits litigieux, l'usage par quiconque, à des fins commerciales ou de diffusion dans le public, des informations nominatives extraites des annuaires concernant les personnes physiques qui avaient souscrit un abonnement aux services téléphoniques de l'exploitant public et avaient demandé leur inscription en liste " orange ", consistant à ne pas figurer sur les listes extraites des annuaires et commercialisées par l'exploitant public ; que pour limiter le droit à réparation de la société Lectiel aux seules activités de marketing direct adressé et aux activités de télémarketing, la cour d'appel a affirmé que " la société Lectiel avait pu développer les activités de marketing direct ne nécessitant pas l'usage d'adresses [...] grâce au téléchargement de la base annuaire non expurgée " ; qu'en statuant ainsi, cependant que le téléchargement de la base annuaire non expurgée ne permettait pas à la société Lectiel d'exercer son activité conformément à la règlementation relative à la liste orange, de sorte que le préjudice subi par la société Lectiel concernait l'ensemble de son activité, la cour d'appel a violé l'article R. 10-1 du Code des postes et communications électroniques en sa rédaction applicable au litige, ainsi que les articles 1382 du Code civil, L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2°) que l'interdiction d'effectuer un usage commercial ou de diffuser des informations nominatives concernant les personnes physiques figurant dans les annuaires de l'exploitant public qui avaient souscrit à la liste orange, ne distinguait pas selon l'activité pour laquelle les informations nominatives étaient utilisées ; qu'en jugeant que " la société Lectiel avait pu développer les activités de marketing direct ne nécessitant pas l'usage d'adresses, à savoir les imprimés sans adresses (ISA), mais également la publicité mass media et les bases de données, grâce au téléchargement de la base annuaire non expurgée ", sans rechercher si, pour l'exercice de ces activités, la société Lectiel utilisait des informations nominatives extraites des annuaires qui concernaient des personnes physiques figurant sur la liste " orange ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 10-1 du Code des postes et communications électroniques en sa rédaction applicable au litige et des articles 1382 du Code civil, L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ;
Mais attendu que la cour d'appel s'étant bornée, dans le dispositif de son arrêt, à ordonner une expertise judiciaire sur l'évaluation du préjudice subi, le moyen, exclusivement dirigé contre des motifs de l'arrêt, est irrecevable ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.