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Décisions

Cass. com., 13 septembre 2017, n° 16-13.062

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Umberto Allemandi & C SpA (Sté) , U. Allemandi & Co Publishing Limited (Sté)

Défendeur :

Artclair Editions (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Foussard, Froger, SCP Hémery, Thomas-Raquin

T. com. Paris, du 4 sept. 2015

4 septembre 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Umberto Allemandi SPA, de droit italien, et Umberto Allemandi & Co Publishing Ltd, de droit anglais (les sociétés Allemandi), qui publient les revues, pour la première, Il Giornale dell'Arte en Italie, et, pour la seconde, the Art newspaper au Royaume-Uni, ont, le 26 novembre 1993, conclu avec la société ICS, aux droits de laquelle est venue la société Artclair Editions (la société Artclair), et qui publie en France le " Journal des Arts ", un contrat prévoyant, au bénéfice de cette dernière, l'exclusivité d'exploitation en langue française des titres " Le journal de l'Art " et/ou " Le journal des Arts " déposés à l'INPI, du concept et des programmes correspondants, du partenariat éditorial lui permettant d'exploiter le concept et le contenu éditorial des journaux respectifs des sociétés Allemandi ; que le contrat prévoyait en outre un partenariat publicitaire conférant à la société Artclair l'exclusivité de démarchage en France, Belgique et Suisse des publicités à paraître dans les revues des sociétés Allemandi, ces dernières prospectant dans les autres pays, chacune des sociétés réservant 65 % du montant du prix des annonces à la revue qui les publiait; qu'à la suite d'un litige, la société Umberto Allemandi & Co Publishing a, par lettre du 21 mai 2015, notifié à la société Artclair la résiliation du contrat avec un préavis de six mois ; qu'estimant cette rupture brutale, cette dernière a demandé en référé la prolongation du préavis ; que sa demande ayant été rejetée, la société Artclair a fait appel et assigné les sociétés Allemandi à jour fixe ;

Sur le deuxième moyen, qui est préalable : - Attendu que les sociétés Allemandi font grief à l'arrêt de décider que la procédure d'assignation à jour fixe était régulière, refuser de constater la caducité de l'appel, ensemble retenir sa compétence, puis leur ordonner, sous astreinte, de poursuivre la relation commerciale alors, selon le moyen : 1°) que l'article 647-1 du Code de procédure civile n'ayant trait qu'à la date de signification à l'égard du requérant, à l'égard du destinataire, la date de signification d'un acte, effectuée selon les modalités du règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matières civile et commerciale, est celle à laquelle l'acte a été signifié conformément à la législation de l'Etat membre requis ; que la date retenue par le magistrat qui autorise assignation à jour fixe, s'agissant de la délivrance de l'assignation, est censée correspondre à la date à laquelle le défendeur aura connaissance de la demande, afin de pouvoir exercer utilement ses droits de la défense à la date à laquelle l'audience doit se tenir ; que par suite, les juges du fond ne pouvaient retenir comme date pertinente, s'agissant de la délivrance de l'assignation, la date de la transmission de l'acte par l'huissier de justice ; qu'en décidant le contraire les juges du fond ont violé l'article 647-1 du Code de procédure civile, ensemble l'article 9 du règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matières civile et commerciale ; 2°) que la date de délivrance de l'assignation étant fixée par le magistrat qui autorise l'assignation à jour fixe, compte tenu de la date d'audience qu'il retient par ailleurs et du délai utile dont doit disposer le défendeur après réception de l'assignation pour exercer les droits de la défense, les juges du fond ne pouvaient, en tout état de cause, considérer que la procédure était régulière, sans s'expliquer sur le point de savoir si l'autorisation d'assigner à jour fixe telle que délivrée par le juge n'impliquait pas une remise, avant la date retenue pour la délivrance de l'assignation ; que faute de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont, à tout le moins, entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 647-1 du Code de procédure civile, ensemble l'article 9 du règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matières civile et commerciale ;

Mais attendu que le non-respect du délai fixé par le premier président dans l'ordonnance autorisant l'assignation à jour fixe pour la délivrance des assignations ne peut être sanctionné par la caducité de l'ordonnance et, partant, de l'assignation à jour fixe qu'elle autorise et est sans incidence sur la recevabilité de l'appel; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 7 par. 1 et 2 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 du Conseil et du Parlement européen concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; - Attendu que pour confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré le président du Tribunal de commerce de Paris compétent et ordonner aux sociétés Umberto Allemandi et Umberto Allemandi & Co Publishing, sous astreinte, de poursuivre la relation commerciale établie avec la société Artclair Editions aux conditions contractuellement prévues entre elles, l'arrêt, après avoir constaté l'existence d'une relation contractuelle établie entre les parties, retient que la société Artclair fonde l'instance en référé engagée contre des sociétés de droit anglais et de droit italien, d'une part, sur le trouble manifestement illicite résultant de la rupture brutale et abusive de leurs relations commerciales et, d'autre part, sur les manquements des sociétés défenderesses à leurs obligations contractuelles découlant de la clause d'exclusivité territoriale, et qu'en vertu de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la responsabilité engagée par l'auteur de la rupture est de nature délictuelle, de sorte que la mesure conservatoire sollicitée devant la juridiction des référés repose sur la responsabilité délictuelle des sociétés Allemandi, et que le fait dommageable de la rupture est subi par la société Artclair au lieu de son siège ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions du texte susvisé, qui doivent être interprétées de façon autonome, ne renvoient pas à la qualification de la loi nationale, et que la demande de prorogation de la relation commerciale formée par la société Artclair supposait l'interprétation du contrat liant les parties pour apprécier la licéité du comportement des sociétés Allemandi, ce dont il résulte qu'elle relevait de la matière contractuelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, sauf en ce qu'il déclare recevables les conclusions transmises en appel par les sociétés Umberto Allemandi et Umberto Allemandi & Co Publishing et rejette leur demande de caducité de la déclaration d'appel de la société Artclair Editions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.