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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 septembre 2017, n° 15-24254

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Grosset et Bapte (SARL)

Défendeur :

Semaco (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Tamborin, Wadiou

T. com. Paris, du 16 nov. 2015

16 novembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Semaco a pour activité l'exploitation de marchés communaux, et notamment celui de Sarcelles, dans le cadre d'une délégation de service public que lui a consentie la municipalité. Elle a notamment pour mission de faire respecter les emplacements réservés aux marchands abonnés ou d'attribuer des places à la journée à des marchands dits " volants ", contre le paiement d'un droit de place perçu à leur arrivée et par ordre d'arrivée.

La société Grosset et Bapte exerce l'activité de marchand ambulant sur les foires et marchés, particulièrement des vêtements, bijoux fantaisie et articles de bazar.

Les relations entre les parties duraient depuis 2009 lorsqu'elles se sont tendues au printemps 2012, puis ont cessé le 20 août. Les 26 février et 29 juin 2012, la société Grosset et Bapte avait occupé un emplacement autre que celui assigné par la société Semaco.

La société Grosset et Bapte a, par acte du 4 juillet 2014, assigné la société Semaco devant le Tribunal de commerce de Paris, soutenant être victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 16 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la notion de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce n'était pas applicable et débouté la société Grosset et Bapte de sa demande à ce titre,

- débouté la société Grosset et Bapte de sa demande d'attribution d'une place de marché sous astreinte,

- débouté la société Grosset et Bapte de sa demande de 10 000 euros de dommages et intérêts,

- condamné la société Grosset et Bapte à payer à la société Semaco la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- condamné la société Grosset et Bapte aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros, dont 13,52 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté par la société Grosset et Bapte et ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 février 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer le jugement déféré et ainsi, à titre principal :

- ordonner l'attribution de l'emplacement à la société Grosset et Bapte au sein du marché de Sarcelles,

- condamner la société Semaco à payer à la société Grosset et Bapte la somme de 36 000 euros à titre d'indemnité de préavis légal de 12 mois pour rupture brutale des relations commerciales,

- condamner la société Semaco à verser à la société Grosset et Bapte la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts liés à la perte de chance sérieuse à la réussite des activités commerciales de la société Grosset et Bapte sur le marché de Sarcelles,

- condamner la société Semaco au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

À titre subsidiaire :

- ordonner la mise à disposition de tous les plans du marché de Sarcelles élaborés depuis 2009,

- ordonner l'application des articles 1153 et 1154 du Code civil ;

La société appelante n'a pas déposé son dossier.

Vu les dernières conclusions de la société Semaco intimée, déposées et notifiées le 15 avril 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- juger qu'il n'existe pas entre la société Semaco délégataire de service public, et la société Grosset et Bapte de relations commerciales établies, dont la rupture lui aurait causé un préjudice,

- débouter la société Grosset et Bapte de toutes ses demandes, y ajoutant,

- condamner la société Grosset et Bapte au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;

SUR CE

La société Grosset et Bapte soutient qu'elle entretenait avec la société Semaco une relation commerciale établie depuis 3 ans, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Or, selon l'appelante, cette relation commerciale aurait été brutalement interrompue, sans préavis suffisant. Elle considère qu'elle aurait dû bénéficier à ce titre d'une durée de préavis de 6 à 12 mois.

Ainsi sollicite-t-elle l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 36 000 euros afin de réparer les préjudices subis du fait de la brutalité de la rupture. En effet, elle soutient avoir subi un préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence, un préjudice relatif à la perte de revenus entraînée par la perte d'emplacement ainsi que la perte d'une chance sérieuse à la réussite de son activité commerciale sur le marché de Sarcelles.

L'appelante affirme que l'article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques ne s'applique pas en l'espèce et que la relation qui lie les deux sociétés est commerciale et que le litige n'est pas fondé sur des autorisations administratives ou contrats publics. A ce titre, elle prétend que le traité liant la mairie de Sarcelles et l'intimée définit les missions de cette dernière comme ayant un caractère commercial, de sorte que le Règlement intérieur des marchés communaux ne régit pas ses relations commerciales avec l'intimée.

La société Semaco indique qu'elle est délégataire d'une mission de service public, de sorte qu'elle ne peut créer avec une autre société de relations commerciales établies. Selon les dispositions afférentes à la gestion du domaine public, celui-ci est insaisissable, imprescriptible et inaliénable, de sorte que toute convention d'occupation du domaine public est par nature révocable et précaire, excluant de fait l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Ainsi, l'intimée prétend que la société Grosset et Bapte en application du Règlement intérieur des marchés communaux, disposait d'un statut précaire et ne pouvait pas prétendre à un emplacement acquis.

Concernant la demande de mise à disposition des plans du marché de Sarcelles depuis 2009, l'intimée indique qu'ils n'existaient pas à cette date et que le fonctionnement du marché exclut que ces plans puissent avoir quelque valeur que ce soit.

Enfin, concernant les préjudices allégués par la société Grosset et Bapte la société intimée soutient qu'ils ne sont aucunement justifiés.

Si, aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.

La société Someco concessionnaire des marchés publics pour la ville de Sarcelles selon acte du 21 juillet 1984 et appliquant le Règlement des marchés communaux, a attribué pendant trois ans de suite à la société Grosset et Bapte "commerçant volant ", des " places libres " sur le marché, conformément à l'article R. 14 du Règlement, selon lequel ces places à la journée sont attribuées chaque jour sur les emplacements libres d'abonnement ou parmi les places abonnées non occupées par leurs titulaires, une heure après l'heure d'ouverture du marché, soit dès huit heures.

Il résulte de cette procédure d'attribution des places que, chaque jour, les places libres peuvent être réattribuées à d'autres commerçants volants, de sorte qu'existe un aléa quotidien dans l'attribution de ces places, qui atteste de la précarité de cette relation.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et de débouter la société Grosset de l'intégralité de ses demandes.

La demande de mise à disposition des plans, nullement fondée, sera également rejetée.

Succombant au principal, la société Grosset sera condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel, sans qu'il y ait lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamne la société Grosset et Bapte aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.