Livv
Décisions

Cass. com., 13 septembre 2017, n° 15-24.705

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Vasselle, Tricoche, Thomann

Défendeur :

Herbalife international Franc (SA), CGC Invest (SAS), BGV (SARL), Claus, Vasselle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Leduc, Vigand, SCP Capron

Colmar (1re ch. Civ., section A), du 27 …

27 mai 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 mai 2015), qu'ayant fait procéder à un constat avec saisie de fichiers et courriels ordonné sur requête et se prévalant d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, la société Herbalife International France (la société Herbalife), spécialisée dans la distribution de produits cosmétiques et de nutrition, a assigné la société Triovista International (la société Triovista), exerçant la même activité, ainsi que ses fondateurs, MM. Thomann, Tricoche et Vasselle, respectivement anciens directeur général, directeur des ventes de la société Herbalife et distributeur des produits de cette société, en paiement de dommages-intérêts ; que la société Triovista a été mise en liquidation judiciaire, M. Claus désigné mandataire liquidateur ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que MM. Vasselle, Tricoche, et Thomann font grief à l'arrêt de rejeter leurs conclusions tendant à voir juger inopposable le procès-verbal de constat d'huissier et de les condamner, in solidum, à payer à la société Herbalife des dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que tout salarié ou tout distributeur d'une entreprise a le droit, sans se rendre coupable de concurrence déloyale, de créer une entreprise concurrente lors de la cessation de son activité, y compris en utilisant les connaissances acquises dans le cadre de celle-ci, dès lors qu'il ne procède à aucune désorganisation interne de l'entreprise qu'il a quittée ou avec laquelle il a cessé toute collaboration ni ne désorganise le marché notamment par détournement de clientèle, s'abstient de tout dénigrement et ne crée aucune confusion ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a seulement reproché à M. Vasselle d'avoir utilisé des documents de la société Herbalife (guides destinés aux distributeurs et plans de rémunération) afin de s'en inspirer et établir ceux de la société Triovista à des fins administratives et commerciales et d'avoir informé les distributeurs Herbalife de l'activité développée par la société Triovista, à M. Tricoche d'avoir gardé en sa possession de nombreux documents Herbalife et de les avoir exploités pour développer la société Triovista, à M. Thomann de s'être procuré ces documents auprès de la société Herbalife avant son départ sans admettre qu'il était en train de participer à la création de la société Triovista ; qu'en considérant que de tels faits, qui ne portaient en aucune manière sur les fichiers clients de la société Herbalife, caractérisaient des actes de concurrence déloyale sans pour autant constater qu'ils avaient eu pour effet de désorganiser les services de la société Herbalife, de désorganiser le marché du fait d'un détournement de la clientèle de celle-ci, de la dénigrer, de faire naître une confusion entre cette société et la société Triovista, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le seul profit retiré d'un acte par son auteur ne suffit pas à établir qu'il constitue un acte de concurrence déloyale seul important le préjudice causé au concurrent ; qu'en se bornant à relever que la société Triovista avait établi ses documents administratifs et commerciaux en s'inspirant des documents du même type de la société Herbalife et que cela lui avait permis de commencer rapidement son activité, la cour d'appel a déduit un motif dépourvu de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que le détournement des documents d'un concurrent ne peut constituer un acte de concurrence déloyale que s'il est de nature à permettre un quelconque détournement de clientèle ; qu'en se bornant à constater que MM. Vasselle, Tricoche et Thomann auraient détourné des documents de la société Herbalife sans constater que ces documents, qui ne concernaient pas fut-ce indirectement les fichiers-clients, étaient de nature à permettre à la société Triovista de détourner la clientèle de la société Herbalife, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) que le fait de commercialiser une gamme de produits présentant une ressemblance avec une gamme de produits concurrents ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale ; qu'en se bornant à relever que les produits commercialisés par les sociétés Triovista et Herbalife présentaient de nombreuses ressemblances en ce qu'ils étaient présentés semblablement au public du fait notamment de la disposition des pages des sites internet, sans autrement constater les effets avérés ou potentiels d'une telle ressemblance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 5°) que la cour d'appel a constaté que les divers préjudices allégués par la société Herbalife International France n'étaient pas prouvés, notamment celui pris d'un trouble commercial par diminution du chiffre d'affaires entre 2009, 2010 et 2011, à défaut de production d'une attestation de l'expert-comptable ou du commissaire aux comptes et d'une analyse financière sérieuse permettant d'établir de façon crédible un lien entre l'éventuelle diminution du chiffre d'affaires et les agissements de MM. Vasselle, Tricoche et Thomann ; qu'il s'en évinçait que les agissements de ces derniers, à les supposer contraires à une obligation de confidentialité, n'avaient pas eu pour conséquence de désorganiser la société Herbalife, que ce soit en interne ou sur son marché, ni n'avaient créé une confusion auprès de la clientèle ; qu'en considérant cependant que ces agissements étaient constitutifs d'actes de concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas su tirer de ses constatations les conséquences s'en évinçant et a violé l'article 1382 du Code civil ; 6°) que la création d'une entreprise concurrente par d'anciens salariés d'une entreprise n'est constitutive d'un acte de concurrence déloyale que si elle entraine la désorganisation de cette dernière, qu'il s'agisse d'une désorganisation interne ou du marché ; que la seule perturbation apportée à son réseau de distribution ne suffit pas ; qu'en accordant à la société Herbalife une indemnisation après avoir admis que nul préjudice commercial n'était prouvé et par cela seul que le réseau des distributeurs Herbalife avait subi un " trouble ", du fait des " perturbations occasionnées " par le début de l'activité de la société Triovista, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que deux cent vingt fichiers contenant le nom Herbalife ont été retrouvés sur le poste informatique de M. Tricoche dans les locaux de la société Triovista, en particulier des documents relatifs aux projets de formation, à la stratégie commerciale et aux coûts de recherche de la société Herbalife, alors qu'il était tenu de les restituer à son départ ; qu'il relève encore que ce sont mille deux cents fichiers de la société Herbalife transmis par M. Thomann à MM. Tricoche et Vasselle qui ont été retrouvés sur l'ordinateur de la société Triovista au mois de janvier 2010, avant que la rupture conventionnelle du contrat de M. Thomann prenne effet, parmi lesquels figuraient des études de marché, des grilles de tarifs pour les mois de mai et de septembre 2009, ainsi que des notes internes " confidentiel " de 2009 ; qu'il constate également que M. Thomann, alors directeur général de la société Herbalife, dissimulant à celle-ci son projet de création d'une nouvelle société, avait transféré les documents de la société Herbalife depuis son adresse professionnelle Herbalife vers son adresse personnelle puis vers son adresse Triovista à compter du mois de novembre 2008, cependant qu'il n'a quitté son employeur qu'au mois de février 2010 ; qu'il retient que M. Vasselle a exploité les documents qui lui avaient été ainsi transmis pour établir ceux de la société Triovista à des fins administratives et commerciales et que M. Tricoche avait de même utilisé les documents transmis par M. Thomann ainsi que ceux qu'il avait conservés lui-même sur son ordinateur pour développer sa nouvelle société ; qu'il en déduit que ces éléments caractérisent des faits de concurrence déloyale par détournement des documents de la société Herbalife ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée à la troisième branche que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et quatrième branches, légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que contrairement aux allégations du moyen, la cour d'appel n'a pas constaté que le préjudice pris d'un trouble commercial n'était pas prouvé, mais a retenu que les agissements de MM. Vasselle, Tricoche et Thomann avaient occasionné à la société Herbalife un préjudice pour trouble commercial ;

D'où il suit que le moyen, partiellement inopérant et qui manque en fait en ses cinquième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que MM. Thomann, Tricoche et Vasselle font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes reconventionnelles alors, selon le moyen, que la cassation prononcée sur un chef de dispositif atteint nécessairement les chefs de dispositif se trouvant dans sa dépendance ; que la cassation qui sera prononcée en vertu du deuxième moyen aura pour conséquence nécessaire, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, de remettre également en cause le chef du dispositif ayant débouté MM. Tricoche et Vasselle de leur demande reconventionnelle en indemnisation, la cour d'appel ayant justifié ce débouté par le fait qu'elle retenait l'existence d'actes de concurrence déloyale et, partant, la légitimité des propres demandes de la société Herbalife International France ;

Mais attendu que le deuxième moyen ayant été rejeté, le moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.