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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 septembre 2017, n° 16-01030

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Validis (Sasu)

Défendeur :

Etablissements Houée (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Schaller

Conseillers :

Mmes Du Besset, Castermans

Avocats :

Mes Guerre, Gouin, Buret, Déramé

T. com. Rennes, du 26 nov. 2015

26 novembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Les Etablissements Houée (ci-après "Houée") est spécialisée dans la fabrication de " Clayettes ", emballages en bois destinés au transport de légumes ou de semences.

Fin 2011, la société Validis (anciennement Actigerme) (ci-après "Validis") qui exerce une activité de négoce, de mise en germination, de conditionnement, de distribution et de collecte de plants de pommes de terre, a contacté la société Les Etablissements Houée afin de lui confier la réalisation de clayettes.

Par mail du 2 avril 2012, la société Validis a confirmé sa commande pour 180 000 clayettes de trois formats différents, pour un prix unitaire variant de 48 cents à 58 cents, avec une livraison prévue de mi-octobre à décembre 2012.

Le format des clayettes souhaité par la société Validis étant différent de celui fourni habituellement par la société Les Etablissements Houée, cette dernière a modifié ses machines de fabrication et outillages pour s'adapter à ce format et a sollicité par mail du 14 juin 2012 un engagement sur sept ans, aux fins d'amortir les investissements nécessaires, engagement que Validis conteste avoir accepté.

Par acte du 27 août publié au Bodacc le 30 août 2012, la société Validis a cédé son fonds de commerce à la société Clisson. Parallèlement, la société Validis a indiqué à la société Houée qu'elle ne pouvait pas poursuivre les relations contractuelles et devait renoncer à prendre livraison des commandes passées. La société Clisson a ensuite pris livraison d'une partie des clayettes commandées par la société Validis, mais à un prix inférieur.

C'est dans ces conditions que la société Houée a assigné, le 5 octobre 2012, la société Validis pour voir reconnaître que la rupture des relations contractuelles avait été faite brutalement et lui avait causé un préjudice.

Par jugement rendu le 26 novembre 2015 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Rennes a : déclaré la société Les Etablissements Houée recevable en ses demandes, fins et conclusions ; condamné la société Validis à payer à la société Les Etablissements Houée la somme de 41 341 euros à titre de dommages et intérêts ; condamné la société Validis à payer à la société Les Etablissements Houée la somme de 6 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation de ses locaux ; condamné la société Validis à payer à la société Les Etablissements Houée la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; débouté les parties de leurs demandes, plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 23 décembre 2015 par la société Validis contre cette décision,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Validis le 29 juin 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal, réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Les Etablissements Houée ;

En conséquence, dire et juger la société Les Etablissements Houée irrecevable et mal-fondée en son appel du jugement de première instance et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, sans examen au fond, pour défaut de qualité à agir ;

A titre subsidiaire, réformer le jugement en ce qu'il a accordé des dommages et intérêts et une indemnité d'occupation à la société Les Etablissements Houée ;

En conséquence, déclarer non fondée la demande de la société Les Etablissements Houée, tant sur le fondement contractuel que délictuel, et rejeter en conséquence l'intégralité des demandes concernant tant les dommages et intérêts que l'indemnité d'occupation ;

Au surplus, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes demandes d'indemnisation au titre des frais de modification des machines de la société Les Etablissements Houée ; prendre acte que la demande de résolution de la commande de clayettes n'est plus sollicitée par la société Les Etablissements Houée ; confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes demandes de la société Les Etablissements Houée sur la base de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

En tout état de cause, débouter la société Les Etablissements Houée de toutes ses demandes, en ce compris tout appel incident ; condamner la société Les Etablissements Houée au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamner la société Les Etablissements Houée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Les Etablissements Houée le 11 mai 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de : confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 26 novembre 2015 en ce qu'il a déclaré les Etablissements Houée recevable en leur demande et à condamner la société Validis à dommages-intérêts ; réformer partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau sur le quantum du préjudice, condamner la société Validis à verser aux Etablissements Houée la somme de 177 908 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, se décomposant comme suit : 41 341 euros au titre du manque à gagner résultant de la baisse du prix des clayettes ; 118 567 euros au titre de l'indemnisation des frais de modification du matériel pour satisfaire aux demandes de la société Validis ; 18 000 euros au titre de l'indemnisation de l'occupation du terre-plein des Etablissements Houée pour les convertisseurs de la société Validis ; payable en quittance ou en deniers, la société Validis ayant consigné la somme de 47 341 euros au titre de l'exécution du jugement entrepris ; ordonner à la société Validis de retirer les convertisseurs stockés sur le terre-plein des Etablissements Houée sous astreinte de 50 par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de l'arrêt ; condamner la société Validis à verser aux Etablissements Houée la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamner la société Validis aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement, pour ceux le concernant, sera directement poursuivi par Me Frédéric Buret, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 690 du CPC.

La société Validis soutient à titre principal que la société Houée n'a pas qualité pour agir contre la société Validis, les obligations contractuelles de cette dernière ayant été transférées à la société Clisson, cessionnaire du fonds de commerce de la société Validis, et cette cession ayant été acceptée par la société Etablissements Houée, cocontractant cédé.

Elle fait valoir à titre subsidiaire que la société Clisson, qui a continué à passer commande auprès de la société les Etablissements Houée après la cession, est seule responsable de la baisse des prix fixés pour les commandes et que la société les Etablissements Houée qui a accepté ces commandes a manifesté ainsi son intention de poursuivre la relation commerciale dans ces nouvelles conditions, qu'elle ne justifie pas de sa demande de dommages et intérêts.

Elle ajoute que la société Houée ne justifie d'aucune convention de garde de stockage justifiant du paiement d'une indemnité d'occupation, qu'elle n'a au surplus jamais mis en demeure la société Validis de retirer son matériel.

Elle s'oppose à la demande d'indemnisation pour les frais de modification des machines qui ont été engagés à la seule initiative de la société les Etablissements Houée, indiquant qu'il n'y a jamais eu d'engagement ferme de la part de la société Validis sur sept ans, qu'en outre, à supposer qu'il y ait eu un tel engagement, celui-ci a été transféré à la société Clisson.

Sur la demande d'indemnisation au titre d'une rupture brutale, elle conteste toute relation commerciale établie, la société Validis n'ayant passé qu'une commande unique et indique que la cession du fonds de commerce ne pouvait constituer une rupture brutale.

La société les Etablissements Houée soutient en réponse que l'acte de cession de fonds de commerce lui est inopposable, qu'elle n'en a eu connaissance qu'après l'assignation, qu'elle n'a pas accepté cette cession, ce d'autant que la société Clisson a posé des conditions de baisse de prix et de transport qu'elle n'a pas acceptées, que le fait que la société Clission ait ensuite passé des commandes à la société les Etablissements Houée pour d'autres quantités et à des prix différents est inopérant, qu'elle est recevable à agir contre Validis qui reste son seul cocontractant sur les bases prévues, que la société Validis avait passé commande de trois formats différents de clayettes pour un prix total de 91 400 € HT qu'elle n'a pas honorée, que la société Clisson a renégocié les tarifs et passé commande pour deux des trois formats de clayettes, et mis à la charge de la société les Etablissements Houée des frais de transport qui n'étaient pas prévus, que le manque à gagner subi par la société Houée est de 41 341 euros HT, somme dont elle est bien fondée à demander le paiement, outre l'indemnisation pour la perte d'investissements effectués pour le renouvellement des machines afin de répondre aux exigences particulières de la société Validis, dans l'assurance de la durabilité de leurs relations commerciales.

Elle soutient qu'un engagement avait été pris pour 7 ans, que la société Validis s'était engagée à passer un complément de commande en septembre, que les relations entre les parties étaient établies, que la société Validis avait même fourni des convertisseurs spécifiques pour stocker les clayettes, démontrant le caractère durable de son engagement, que les dépenses engagées ne l'ont été qu'au regard des perspectives pluriannuelles de volume au tarif promis, qu'il y a lieu de l'indemniser pour le préjudice ainsi subi suite à ladite rupture à hauteur de 118 567 euros.

Elle sollicite enfin une indemnité d'occupation de 18 000 euros pour le stockage des convertisseurs appartenant à la société Validis et occupant 400 m2 depuis août 2012, et elle demande à la cour de condamner la société Validis à retirer son matériel, sous astreinte.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que selon l'article 1134 (ancien) du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;

Considérant qu'en l'espèce, par mail du 2 avril 2012, la société Validis (anciennement Actigerme) a passé commande à la société Houée de 180 000 clayettes de trois formats différents, pour un prix unitaire variant de 48 cents à 58 cents par clayette, sans frais de transports, avec une livraison prévue de mi-octobre à décembre 2012;

Qu'ayant cédé son fonds de commerce le 30 août 2012, elle reconnait n'avoir pas poursuivi elle-même l'exécution de ce contrat, mais qu'elle soutient que les contrats avec la société Houée ayant été cédés à la société Clisson, elle n'avait plus d'action contre elle, mais uniquement contre Clisson, non mise en cause;

Mais considérant qu'il est constant que la cession d'un fonds de commerce n'entraîne pas la cession des contrats en cours, sauf stipulation expresse du contrat de cession en ce sens ;

Que pour que la cession soit opposable au co-contractant cédé, ce dernier doit se voir notifier la cession par le cédant ou exprimer son acceptation à la cession de son contrat par acte authentique, tel que prévu par l'article 1690 du Code civil ;

Qu'en l'espèce, si l'acte de cession du fonds de commerce par la société Validis à la société Clisson prévoit au paragraphe "marché et contrats en cours" que l'acquéreur, la société Clisson, reprendrait à son compte les commandes de marchandises, marchés et plus généralement tous contrats relatifs à l'exploitation du fonds, passés par le vendeur, avec en annexe le contrat de commande de clayettes, les stipulations dudit contrat de cession contenaient toutefois une condition expresse de reprise des engagements souscrits auprès de la société Houée relatifs aux fournitures de clayettes "sous réserve d'un prix égal à 0,42 euro la clayette franco Partenay"; Que la société Validis n'apporte pas la preuve que la société Houée ait accepté ces nouvelles conditions, ni qu'elle se soit vue notifier cette cession ;

Que de plus, les contrats postérieurs conclus par la société Houée avec la société Clisson, dans des conditions tarifaires différentes de celles retenues avec la société Validis, ne valent ni notification de la cession ni acceptation tacite par la société les Etablissements Houée de ladite cession ;

Qu'en conséquence, la société Clisson, - au demeurant non partie à l'instance -, ne s'est pas substituée à la société Validis dans l'exécution du contrat de fourniture de clayettes;

Que c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Validis (ex-Actigerme) était restée responsable à l'égard de la société Houée de l'exécution du contrat de fourniture de clayettes;

Qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société les Etablissements Houée recevable en ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Validis ;

Considérant, sur le fond, qu'au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels;

Qu'une relation commerciale établie s'entend d'échanges commerciaux stables, conclus directement entre les parties;

Qu'il appartient à celui qui l'allègue, de rapporter la preuve de l'existence d'une telle relation;

Mais considérant qu'en l'espèce il n'est pas contesté que le contrat passé entre Validis et Houée confirmé par mail du 2 avril 2012 portant sur une commande de 180 000 clayettes était une commande unique et faisait suite à une simple prise de contact fin 2011 ;

Qu'elle n'a été suivie d'aucune autre commande;

Que certes, la société Validis a indiqué par mail du 14 juin 2012 qu'il était "probable que nous vous passerons un complément début septembre", ce qui ne constitue pas un engagement ferme, ni une nouvelle commande, mais qu'en aucun cas la société Validis n'a accepté un quelconque engagement sur 7 ans comme allégué par la société Houée;

Qu'aucun des échanges versés aux débats ne permet de justifier d'un tel engagement;

Qu'il n'est dès lors pas établi que les parties se soient engagées dans une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° sus rappelé et que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes d'indemnisation sur ce fondement;

Considérant qu'au visa de l'article 1134 susmentionné et en exécution de la convention passée entre Validis et Houée, il n'est pas contesté que Validis n'a pas exécuté la commande passée le 2 avril 2012;

Que la cession à Clisson lui étant inopposable, la société Houée est bien fondée à solliciter l'indemnisation par Validis du préjudice qu'elle a subi ;

Que le montant global de la commande portait sur 180 000 clayettes pour un prix total de 91 400 euros HT correspondant à l'engagement de Validis ;

Que la société Houée limite toutefois sa demande d'indemnisation, au titre de l'inexécution du contrat, au seul manque à gagner qu'elle a réellement subi, correspondant à la différence entre le prix qu'elle devait toucher de Validis et la somme qu'elle a perçue de Clisson, qui a repris une partie des commandes de Validis, à un prix inférieur ;

Que c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont fait droits à cette demande dans les limites ainsi fixées par la société Houée elle-même ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris à ce titre ;

Considérant qu'en application des articles 1149 et suivants (ancien) du Code civil et du principe de réparation intégrale du préjudice en lien direct avec l'inexécution de la convention, les investissements réalisés par la société Houée pour fabriquer les clayettes commandées par la société Validis ne constituent pas un préjudice indemnisable en relation directe avec l'inexécution constatée

Que la société Houée ne rapporte pas la preuve d'un engagement de la société Validis à financer une partie de ces investissements ;

Qu'il appartenait à la société Houée de fixer son prix en tenant compte de ses charges et de prévoir le financement de ses investissements dans le coût de fabrication ;

Qu'il ne peut être reproché aucune faute à la société Validis à cet égard ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société Houée de sa demande d'indemnisation complémentaire à ce titre ;

Considérant enfin qu'il n'est pas contesté que la société Validis a entreposé sur 400 m2 des convertisseurs qu'elle n'est pas venue retirer depuis le mois d'avril 2012 ;

Que c'est dès lors à juste titre, et sans qu'il soit nécessaire de justifier d'une convention d'occupation, que les premiers juges ont alloué sur le terrain délictuel une indemnisation pour cette occupation indue, qu'ils ont à raison estimée à 500 euros par mois, correspondant au préjudice subi, et qui devra être fixée à 18 000 euros ;

Que la décision sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a fixé l'indemnité d'occupation à 6000 euros qui devra être fixée à 18 000 euros ;

Considérant que si l'article 564 du Code de procédure civile ne permet pas aux parties de soumettre à la Cour d'appel de nouvelles prétentions, l'article 566 du même Code leur permet de formuler toutes demandes qui seraient l'accessoire, la conséquence ou le complément de leurs prétentions formulées en première instance ;

Que dès lors la demande tendant à la fixation d'une astreinte, quoique nouvelle en appel, mais accessoire de la demande d'indemnisation de l'occupation illicite sera déclarée recevable ;

Que néanmoins, elle sera rejetée au fond, la société Houée ne justifiant d'aucune mise en demeure d'avoir à retirer ses convertisseurs ;

Que la décision sera également confirmée au regard de la condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et qu'il y a lieu de compléter en appel à hauteur de 5 000 euros ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à 6 000 euros ; statuant à nouveau, condamne la société Validis à payer à la société établissements houée la somme de 18 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation, y ajoutant, déclare la demande de condamnation à une astreinte recevable, déboute la société les établissements houée de sa demande à ce titre, condamne la société Validis à payer à la société les établissements houée la somme de 5 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la société Validis aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Frédéric Buret, avocat au barreau de paris, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.