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Décisions

ADLC, 22 juin 2017, n° 17-DCC-93

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus

ADLC n° 17-DCC-93

22 juin 2017

L'Autorité de la concurrence (section IB),

Vu la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son article L. 430-7 ; Vu l'avis n° 2017-03 du 22 février 2017 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; Vu n° 2016-1552 du 16 novembre 2016 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; Vu le rapport du 14 avril 2017 relatif au réexamen des engagements de la décision n° 14-DCC-50 ; Vu les observations en réponse au rapport présentées par la société Groupe Canal Plus le 10 mai 2017 ; Vu la proposition d'engagement présentée le 27 mars 2017 par Groupe Canal Plus et Vivendi et modifiée en dernier lieu le 9 juin 2017 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de Groupe Canal Plus entendus au cours de la séance du 19 mai 2017 ; Les représentants du groupe M6, du groupe France Télévisions, du groupe TF1, de NRJ Group, de la société Gaumont et du groupe SFR entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce;Adopte la décision suivante:

I. Présentation de la procédure et des faits

A. RAPPEL DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

1. Par une décision n° 12-DCC-101 du 23 juillet 2012, l'Autorité de la concurrence (ci-après, " l'Autorité ") a autorisé l'opération de prise de contrôle exclusif de Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus (ci-après " GCP "), sous réserve de la mise en œuvre de plusieurs engagements.

2. Par une décision du 23 décembre 2013, le Conseil d'État a annulé cette décision, à compter du 1er juillet 2014.

3. Le 15 janvier 2014, les parties ont procédé à une nouvelle notification de l'opération de prise de contrôle exclusif de Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et GCP.

4. Par une décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014, l'Autorité a autorisé cette opération sous réserve de la mise en œuvre de plusieurs engagements, souscrits jusqu'au 23 juillet 2017 et renouvelables une fois pour une durée de cinq ans à compter de cette date.

B. LE RÉEXAMEN DES ENGAGEMENTS DE LA DÉCISION N° 14-DCC-50 DU 2 AVRIL 2014

5. La décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 impose à l'Autorité de procéder au réexamen des engagements au terme d'une première période d'exécution allant jusqu'au 23 juillet 2017.

6. Le paragraphe 453 de la décision n° 14-DCC-50 prévoit, en effet, qu'" il convient de prévoir une clause de réexamen à l'issue de laquelle l'Autorité décidera, par une décision motivée et après avoir recueilli les observations des parties, s'il y a lieu de prolonger l'application des présents engagements, en tout ou en partie, en considération de l'évolution des circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de la présente opération".

7. En application de cette disposition, l'Autorité a procédé au réexamen des engagements figurant dans la décision n° 14-DCC-50.

8. Saisis par l'Autorité par courrier de la Rapporteure générale du 20 septembre 2016, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après, " le CSA ") et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après, " l'ARCEP ") ont rendu des avis, respectivement, le 24 février 2017 et le 16 novembre 2016.

9. Vivendi et GCP (ci-après, ensemble " GCP ") ont déposé le 27 mars 2017 une proposition d'engagements destinés à se substituer aux engagements souscrits dans le cadre de la décision n° 14-DCC-50.

La proposition initiale a par la suite été modifiée. GCP a déposé, dans sa version définitive, le 9 juin 2017, une proposition d'engagements modifiés.

10. Cette demande de GCP entre dans le cadre des dispositions du paragraphe 454 de la décision précitée qui prévoit que " les parties notifiantes pourront cependant à tout moment adresser à l'Autorité une demande de levée ou de révision partielle ou totale des présents engagements, si les circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de l'opération venaient à être modifiées de manière significative au point de remettre en cause l'analyse concurrentielle sur les marchés concernés et, donc, la nécessité des mesures correctives" .

II. L'évolution du secteur de la télévision gratuite

11. Ainsi que l'a exposé l'Autorité dans la décision n° 14-DCC-50, deux activités coexistent au sein du secteur de la télévision, à savoir la télévision payante et la télévision gratuite (ou " en clair "). Ces deux activités sont organisées de manière différente.

12. En ce qui concerne l'édition des chaînes, contrairement à l'édition de chaînes payantes, l'édition de chaînes gratuites n'est pas à proprement parler un marché, dans la mesure où les distributeurs de bouquets de télévision ne rémunèrent pas les éditeurs pour pouvoir distribuer leurs chaînes2.

13. Alors que les activités correspondantes dans le secteur de la télévision payante tirent l'essentiel de leurs revenus des abonnements payés par les consommateurs finals, l'édition et la distribution de chaînes gratuites sont presque entièrement rémunérées par les recettes générées par la publicité télévisuelle. Par ailleurs, les chaînes en clair sont distribuées gratuitement auprès des téléspectateurs français sans que ceux-ci n'aient à payer d'abonnement spécifique. Il n'existe donc pas de marché aval de la distribution de services de télévision en clair, à la différence des services de télévision payante pour lesquels la pratique décisionnelle a identifié un marché distinct de la distribution.

14. Le marché français de la télévision gratuite est composé de chaînes dites " historiques " et de " chaînes de la TNT ", lancées depuis 2005. Les chaînes historiques comptent six chaînes privées et publiques : TF1, France 2, France 3, France 5, Arte et M6 (Métropole Télévision).

À ces chaînes s'ajoutent les plages en clair de la chaîne Canal+. Les chaînes de la TNT incluent C8, CStar, W9, TMC, NT1, NRJ12, LCP-Public Sénat, France 4, BFM TV, CNews, Gulli et France Ô. En fin d'année 2012, six nouvelles chaînes TNT ont été lancées : Chérie 25, RMC Découverte, L'Équipe, HD1, 6Ter et Numéro 23.

15. L'extension de l'offre a initialement permis de voir de nouveaux acteurs entrer dans le secteur de la télévision gratuite. Toutefois, des mouvements de restructuration ont conduit les groupes audiovisuels historiques à progressivement reprendre le contrôle de la majorité de l'offre. Les opérations telles que celle autorisée par la décision n° 14-DCC-50 ou encore la prise de contrôle par le groupe TF1 des chaînes NT1 et TMC se sont inscrites dans cette tendance.

16. À ce jour, les groupes audiovisuels de la télévision gratuite sont les suivants :

[TABLEAU]

17. La société NextRadioTV a récemment annoncé son intention de prendre le contrôle de la chaîne Numéro 23 dont elle détient d'ores et déjà 39 % du capital. Par ailleurs, la prise de contrôle exclusif de Groupe News Participations par SFR Group a été soumise à l'examen de l'Autorité le 6 avril 2017.

18. L'augmentation du nombre de chaînes disponibles en clair s'inscrit, selon les données fournies par le CSA, dans un contexte de relative stabilité de la durée d'écoute individuelle quotidienne de la télévision gratuite. Celle-ci s'établit, depuis 2014, entre 3h41 et 3h44 3.

19. À cet égard, GCP indique dans ses observations en réponse au rapport, que "le piratage constitue une offre de télévision alternative pour les consommateurs " venant cannibaliser le temps d'attention des utilisateurs.

20. L'évolution de l'ampleur de ce phénomène est contrastée. Selon une étude fournie par GCP, le nombre de visiteurs uniques ayant consulté au moins une fois dans un mois un site de streaming, de téléchargement ou de peer-to-peer a augmenté de 15 % entre 2012 et 2015.

Cette évolution semble résulter principalement de l'augmentation du nombre total d'internautes, car la proportion d'internautes ayant recours à de telles pratiques est restée sensiblement identique sur cette période, passant de 29 à 30 %. Toutefois, ce dernier taux n'a pas décliné malgré les ripostes juridiques et technologiques mises en place par les pouvoirs publics et les professionnels.

21. S'agissant des positions de marché des nouvelles chaînes de la télévision gratuite, l'Autorité avait relevé, dans sa décision n° 14-DCC-50 qu'entre les années 2005 et 2013, les chaînes de la TNT avaient rapidement gagné des points d'audience au détriment des chaînes historiques. Cette tendance s'est confirmée depuis 2013. Comme l'indique l'avis du CSA, les chaînes historiques ont continué à perdre des parts d'audience en faveur, en particulier, des chaînes de la TNT lancées en 2012, qui ont vu leur part d'audience multipliée par trois, passant de 2,3 % à 7,8 %. L'audience des chaînes de la TNT lancées en 2005 s'est légèrement tassée depuis 2013, même si elle reste à un niveau relativement stable, au-dessus de 21 %. Ainsi, l'année 2016 est une année record pour les chaînes de la TNT, toutes chaînes confondues, dont l'audience cumulée a atteint 29,2 %, soit près de la moitié de l'audience des chaînes historiques (60,5 %)4.

22. S'agissant plus spécifiquement des audiences des chaînes généralistes en clair de GCP, l'Autorité avait relevé, dans sa décision n° 14-DCC-50 que celle de C8 avait progressé de 0,9 point entre 2012 et 2013 après l'opération, pour s'établir à 3,2 % de part d'audience en 2013. Depuis, l'audience de C8 a continué d'augmenter, à un rythme toutefois largement inférieur, de 0,1 point par année en 2014 et 2015. En 2016, l'audience de C8 est restée stable à 3,4 %.

23. La progression des audiences de C8 doit cependant s'analyser au regard de l'ensemble des audiences des chaînes de la TNT. Dans un contexte de fragmentation des parts de marché résultant notamment de l'arrivée de nouvelles chaînes de la TNT en 2012, C8 est l'une des seules chaînes à vocation généraliste lancées en 2005, avec France 5, à avoir connu une augmentation de son audience. Ses principales concurrentes, W9 et TMC, ont vu leur audience baisser chacune de 0,4 point depuis 2013.

24. De son côté, l'audience de CStar a stagné depuis 2013, passant de 1,3 % à 1,2 %.

25. Les recettes du marché publicitaire télévisuel ont quant à elles subi une baisse sensible depuis 2012 mais connaissent, depuis 2014, une légère reprise.

III. Définition des marchés pertinents

26. Il convient de revenir sur la définition des différents marchés des droits relatifs aux œuvres cinématographiques (A) et des marchés des droits sportifs (B), sur lesquels GCP a pris des engagements dans la décision n° 14-DCC-50.

A. MARCHÉS DES DROITS RELATIFS AUX OEUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUX SÉRIES

27. Après une brève présentation de la réglementation applicable (1), la définition de certains marchés de produits (2) et leur délimitation géographique (3) seront présentés.

1. PRÉCISIONS SUR LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE

28. L'acquisition et la diffusion de contenus audiovisuels sont encadrées par des réglementations strictes tenant au calendrier de diffusion ou à l'origine de l'œuvre. Celles-ci concernent principalement le régime de production et de diffusion des œuvres cinématographiques (en particulier la chronologie des médias), mais certaines d'entre elles (comme les quotas de diffusion) sont également applicables à l'ensemble des œuvres de fiction, incluant les téléfilms et les séries.

29. Ces contraintes règlementaires rendent certains types de programmes peu substituables entre eux. Elles ont pour effet de structurer par ricochet les marchés amont de l'acquisition des contenus audiovisuels, dans la mesure où ces contenus permettent aux diffuseurs de satisfaire à différentes obligations.

a) L'obligation de financement du cinéma français par les éditeurs de chaînes

30. En vertu du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, les éditeurs de chaînes sont soumis à des obligations de financement de la production cinématographique française et européenne. La part de ces contributions financières diffère en fonction d'une diffusion en clair ou en télévision payante.

31. Ainsi, les chaînes payantes incluant la thématique cinéma (telles que Canal+, OCS ou Ciné+)

- qui disposent des premières fenêtres de diffusion à la télévision payante

- doivent apporter une contribution au financement du cinéma français et européen proportionnellement plus importante que celle des chaînes hertziennes analogiques en clair (TF1, France 2, France 3, France 5 et M6) et des chaînes généralistes de la TNT, dont la fenêtre de diffusion ne peut pas s'ouvrir avant 22 mois après la sortie en salle du film en vertu de la réglementation portant sur la chronologie des médias (voir ci-dessous).

32. Par ailleurs, les opérateurs offrant des services de médias audiovisuels à la demande et qui réalisent un chiffre d'affaires net supérieur à 10 millions d'euros sont également tenus de contribuer au développement de la production d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques sous certaines conditions (décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010relatif aux services de médias audiovisuels à la demande).

b) La chronologie des médias relative à la diffusion des œuvres cinématographiques

33. La diffusion des œuvres cinématographiques est soumise à une stricte chronologie, dont l'objectif est de garantir aux producteurs et aux auteurs de films français et européens un financement optimal, tout en préservant l'équilibre de la filière et les intérêts des différents acteurs (exploitants notamment).

34. Ainsi, l'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias (dont les dispositions pertinentes sont rendues obligatoires par l'arrêté du 9 juillet 2009 du ministre de la culture et de la communication pris en application de l'article 30-7 du code de l'industrie cinématographique) prévoit les délais aux termes desquels une œuvre cinématographique peut être diffusée par les différents services audiovisuels.

Les principes de cet accord sont repris dans les contrats qui lient les éditeurs de chaînes et les studios américains.

35. L'ouverture de chaque fenêtre s'effectue successivement au fil de l'exploitation sur ces différents supports. En général, l'ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels entraîne la fermeture de la précédente.

36. Le déroulé de la chronologie des médias s'effectue de la manière suivante. Avant sa diffusion à la télévision, une œuvre cinématographique est exploitée :

i. d'abord en salle de cinéma: la date de sortie nationale en salle d'un film constitue le point de départ de la chronologie des médias ;

ii. puis trois (en cas de dérogation) à quatre mois après la sortie en salle, en vente vidéo physique (DVD, Blu-Ray) et en vidéo à la demande à l'acte (ci-après " VàD "), c'est-à-dire une vente proposée à l'unité et en version dématérialisée (par exemple, iTunes) ;

37. Ensuite, s'ouvre la phase d'exploitation en télévision. Celle-ci se décompose en plusieurs étapes :

iii. dix à douze mois après la sortie en salle (selon s'il y a accord ou non avec les organisations professionnelles), l'exploitation d'une première fenêtre en télévision payante (par exemple, sur Canal+ ou OCS), celle-ci pouvant être suivie d'une seconde fenêtre d'exploitation en télévision payante à partir de 22 à 24 mois après la sortie du film en salle (par exemple, sur Ciné+) ;

iv. entre 22 et 30 mois après la sortie en salle (selon que la chaîne applique l'engagement de coproduction prévu par la réglementation ou non5), l'exploitation en télévision gratuite (par exemple, sur TF1 ou M6). Celle-ci peut également se décomposer en plusieurs fenêtres d'exploitation successives prévues contractuellement entre les producteurs des films et les chaînes qui ont participé au financement des films;

v. à l'issue du premier cycle d'exploitation d'un film en télévision, celui-ci entre dans le catalogue disponible de ses producteurs. À cet égard, les groupes historiques de la télévision gratuite qui ont préfinancé le film peuvent bénéficier, en vertu de clauses contractuelles, de droits de priorité et/ou de préemption, en application desquels ils disposent d'une option prioritaire d'achat des droits ultérieurs de diffusion ou de la possibilité de préempter toute acquisition par une chaîne tierce. Par la suite, il n'existe pas de limite légale de fin d'exploitation d'un film à la télévision.

38. Toutefois, au fur et à mesure du temps, l'exploitation d'un film sera rendue possible sur de nouveaux supports :

vi. 36 mois après la sortie en salle, l'exploitation peut être réalisée en vidéo à la demande par abonnement (ci-après " VàDA ") par des opérateurs tels que Netflix ou CanalPlay ; et enfin

vii. 48 mois après la sortie en salle, l'exploitation est possible en vidéo à la demande à titre gratuit.

39. Le tableau ci-après reprend les différentes étapes de la chronologie des médias applicable en France et les délais d'exploitation correspondant à chaque fenêtre :

[TABLEAU]

c) Les règles de diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles

40. Certaines règles s'imposent aux chaînes de télévision dans le cadre de la diffusion d'œuvres cinématographiques " de longue durée ", c'est-à-dire des œuvres dont la durée dépasse une heure (article 3 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision).

41. En particulier, les chaînes de télévision, sous conventionnement CSA, doivent respecter des quotas de diffusion : au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques d'expression originale française (ci-après " EOF"). Ces quotas doivent également être respectés aux heures de " grande écoute", c'est-à-dire les heures comprises entre 20h30 et 22h30 (article 7 du décret n° 90-66 précité).

42. En outre, la réglementation encadre la programmation des œuvres cinématographiques, celles-ci ne pouvant être diffusées à certaines heures, certains jours de la semaine.

43.Enfin, les éditeurs de services de télévision, d'une part (article 13 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990), et les opérateurs de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement, d'autre part (article 12 du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010), sont soumis aux mêmes obligations de quotas de diffusion.

Ces règles ne s'appliquent pas aux opérateurs établis hors de France.

2. DÉLIMITATION DES MARCHÉS D'ACQUISITION DE DROITS RELATIFS AUX CONTENUS CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUX SÉRIES

44. Après un bref rappel de la définition des marchés amont opérée par la pratique décisionnelle (a), il convient d'étudier si l'évolution du secteur depuis 2014 justifie de remettre en cause les définitions de marchés d'acquisition de droits relatifs aux contenus cinématographiques et aux séries (b).

a) Sur la segmentation retenue par la pratique décisionnelle

45. S'agissant des œuvres cinématographiques et des séries, la pratique décisionnelle effectue traditionnellement une triple segmentation en fonction des fenêtres de diffusion (telles que définies par la chronologie des médias), du mode de diffusion (linéaire, à la demande) et de l'origine de l'œuvre acquise (américaine, EOF).

46. Ainsi, la pratique décisionnelle (voir notamment les décisions n° 10-DCC-11, n° 12-DCC-100 et n° 14-DCC-50 précitées) a dégagé les marchés pertinents suivants :

- en ce qui concerne l'acquisition de droits portant sur une exploitation antérieure à une diffusion audiovisuelle :

le marché de l'achat de droits pour la diffusion en salle;

le marché de l'achat de droits portant sur l'édition vidéo ;

- en ce qui concerne l'acquisition de droits portant sur une diffusion à la télévision payante spécifiquement :

l'achat de droits relatifs aux films américains récents (qui comprennent essentiellement les films produits par les grands studios hollywoodiens) pour la télévision payante;

le marché de l'achat de droits relatifs aux films d'expression originale française récents pour la télévision payante;

- en ce qui concerne l'acquisition de droits portant sur une diffusion à la télévision en clair spécifiquement :

le marché du préachat de droits de diffusion de films inédits EOF en première fenêtre en clair ;

le marché du préachat de droits de diffusion de films inédits EOF en deuxième et troisième fenêtres en clair;

le marché de l'achat de droits relatifs aux films inédits américains pour la télévision en clair ;

- en ce qui concerne l'acquisition de droits portant indifféremment sur une diffusion à la télévision payante ou à la télévision en clair:

le marché de l'achat de droits relatifs aux séries américaines récentes;

le marché de l'achat de droits relatifs aux films de catalogue EOF ;

le marché de l'achat de droits relatifs aux films de catalogue américains;

- en ce qui concerne l'acquisition de droits hors diffusion télévisuelle :

le marché de l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en vidéo à la demande;

le marché de l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en vidéo à la demande;

le marché de l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en "Pay Per View" (qui désigne un paiement par visionnage) ; le marché de l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en "Pay Per View".

47. L'instruction menée dans le cadre de la présente décision a montré que le "Pay Per View" (qui était un service spécifique dans lequel des films, retransmissions sportives ou émissions sont multidiffusés et accessibles à l'unité contre rémunération, à des horaires choisis par le diffuseur) n'existe plus aujourd'hui en France.

b) Sur la pertinence d'une nouvelle segmentation des marchés analysés dans la décision n° 14-DCC-50

48. Dans le cadre du réexamen du dossier, il y a lieu de s'interroger sur les évolutions suivantes en matière de délimitation des marchés de l'acquisition de droits relatifs aux contenus cinématographiques et aux séries.

En ce qui concerne l'acquisition de droits de diffusion en clair de films EOF

49. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a considéré qu'il convenait de segmenter le marché des droits de diffusion en clair de films français selon les modalités d'acquisition en distinguant les films de catalogue et les films récents et, pour ces derniers, selon le fenêtrage (en distinguant les droits relatifs à la première fenêtre des droits relatifs aux fenêtres subséquentes).

50. Le terme de films " récents ", non consacré par la réglementation applicable au secteur, vise les œuvres cinématographiques qui font l'objet d'une diffusion dans le cadre des fenêtres de la télévision payante et de la télévision en clair prévues par la chronologie des médias, par opposition aux films dits " de catalogue ".

S'agissant d'une segmentation selon les modalités d'acquisition

51. S'agissant, en premier lieu, des modalités d'acquisition des films EOF récents, l'Autorité a relevé qu'elles prenaient la forme de " préachats", c'est-à-dire l'achat par les chaînes gratuites des droits de diffusion auprès du producteur du film, au moment de l'élaboration de son plan de financement et avant la délivrance de l'agrément des investissements ou d'une autorisation de production par le président du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée (ci-après " CNC "). Elles se distinguent de l'acquisition de " films de catalogue ", c'est-à-dire l'achat de droits de diffusion de films ayant déjà fait l'objet d'un premier cycle d'exploitation et qui constituent des films de rediffusion. En particulier, en matière de films de catalogue, la chaîne connaît le succès d'un film, alors que, dans le cadre des préachats, elle fonde son choix principalement sur le scénario, la distribution et le devis pour estimer son potentiel d'audience télévisuelle.

52. Cette analyse a été confirmée par les résultats des tests de marché réalisés auprès des opérateurs du secteur. En effet, selon les répondants, il est toujours pertinent de définir un marché des droits portant sur les films EOF de catalogue, distinct de l'acquisition de films EOF par les chaînes de télévision en clair dans le cadre de préachats, compte tenu notamment de leur attractivité différente et du fait que les films de catalogue ne sont plus soumis à la chronologie des médias. Dans ces conditions, les éditeurs de chaînes payantes et les éditeurs de chaînes gratuites sont en concurrence pour acquérir des films EOF de catalogue.

53. Par conséquent, la segmentation en fonction des modalités d'acquisition des droits de diffusion retenue par l'Autorité dans sa décision n° 14- DCC -50 demeure valable dans le cadr e du présent réexamen.

S'agissant d'une segmentation selon le fenêtrage de diffusion en clair lors des préachats de films

54. S'agissant, en second lieu, des fenêtrages de diffusion en clair lors des préachats de films, l'Autorité a considéré qu'il convenait de distinguer entre la première fenêtre de diffusion et les fenêtres de diffusion subséquentes, dans la mesure où les droits achetés pour diffuser un film de manière inédite sur les chaînes gratuites (en première fenêtre) présentent une attractivité particulière, liée à la nouveauté, que n'ont généralement pas les fenêtres subséquentes, entraînant des écarts de prix significatifs entre ces différentes fenêtres (même si les niveaux tarifaires peuvent fortement varier selon les films).

55. Par ailleurs , l'Autori té a relevé qu'il existait une demande spécifique pour les deuxième et troisième fenêtres en clair portant sur des films récents attractifs permettant aux chaînes de la TNT de remplir leurs obligations d'investissement dans la production cinématographique tout en faisant porter leurs acquisitions sur des films susceptibles d'attirer une audience significative.

56. Au sein des préachats, cette analyse a été confirmée par les résultats des tests de marché réalisés auprès des opérateurs du secteur.

Les répondants ont en effet indiqué qu'il était pertinent de distinguer, en ce qui concerne les droits de diffusion des films EOF, le préachat de la première fenêtre de diffusion en clair du préachat des fenêtres de diffusion en clair ultérieures.

57. En effet, les éléments objectifs de différenciation entre la première fenêtre de diffusion et les fenêtres subséquentes demeurent pertinents.

58. D'une part, dans le cas où un même groupe audiovisuel préachète plusieurs fenêtres de diffusion en clair pour un même film, il apparaît qu'il privilégie ses chaînes TNT pour les préachats en deuxième fenêtre, réservant la première fenêtre pour une diffusion sur sa chaîne " historique ". À cet égard, il ressort des données du CNC pour l'année 2016 que les chaînes de la TNT n'ont quasiment jamais préacheté de première fenêtre en clair. En 2016, les chaînes de la TNT ont ainsi préacheté la première fenêtre de sept films seulement, sur la trentaine de financements auxquels elles ont participé. Quatre de ces préachats en première fenêtre correspondent à un financement de C8 en tant qu'unique chaîne en clair ayant financièrement contribué au montage du projet de film. D'autre part, il ressort des informations communiquées par les groupes audiovisuels interrogés que la valorisation de la première fenêtre est, dans la grande majorité des cas, très supérieure à celle des fenêtres ultérieures.

59. Par conséquent, la segmentation en fonction du fenêtrage de diffusion retenue par l'Autorité dans sa décision n° 14-DCC-50 demeure valable pour le présent réexamen.

Conclusion

60. Il ressort de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'envisager une définition du marché des droits de diffusion en clair de films EOF différente de celle retenue dans la décision n°14-DCC-50 pour les besoins du présent réexamen.

En ce qui concerne l'acquisition de droits de diffusion de films américains inédits en clair et de films américains de catalogue

S'agissant de l'achat de droits de diffusion de films américains inédits sur la télévision en clair

61. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a estimé pertinent de retenir un marché distinct de l'achat de droits de diffusion de films américains inédits sur la télévision en clair, compte tenu du fait que les droits relatifs à ces contenus étaient acquis dans le cadre d'output deals, ou contrats-cadres, par lesquels les chaînes de télévision achètent auprès des studios américains les droits de diffusion télévisuelle de leurs œuvres, avant que celles-ci aient été produites.

62. Il ressort de l'instruction qu'aucun élément n'est de nature à remettre en cause la définition de ce marché dans le cadre du présent réexamen.

S'agissant de l'achat de droits de diffusion de films américains de catalogue

63. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a constaté qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause la segmentation établie par la pratique décisionnelle selon l'origine des œuvres cinématographiques pour les achats de films de catalogue, dans la mesure où les œuvres américaines présentent un faible degré de substituabilité par rapport aux œuvres françaises, compte tenu des quotas de diffusion fixés par la réglementation française pour les films EOF et européens. En effet, en vertu de cette réglementation, une chaîne de télévision ne pourrait pas reporter ses achats vers des films américains en cas d'indisponibilité ou d'augmentation des prix des films français.

64. Les répondants aux tests de marché ont confirmé très largement la pertinence des définitions de marchés retenues par l'Autorité en matière de films américains.

65. Il ressort de l'instruction qu'aucun élément n'est de nature à remettre en cause la définition de ce marché dans le cadre du présent réexamen.

Conclusion

66. Il ressort de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause les définitions de marché retenues dans la décision n° 14-DCC-50 en matière de films américains inédits en clair et de films américains de catalogue pour les besoins du présent réexamen.

En ce qui concerne l'acquisition de droits relatifs à des œuvres cinématographiques pour une diffusion sur la télévision payante

67. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a laissé ouverte la question d'une segmentation spécifique du marché de l'achat de droits cinématographiques relatifs à une diffusion sur la télévision payante en fonction de la fenêtre de diffusion.

68. Dans le cadre du présent réexamen, la question d'une telle segmentation peut également demeurer ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

En ce qui concerne l'acquisition de droits relatifs aux séries américaines récentes

S'agissant de l'existence d'un marché spécifique des séries américaines récentes

69. La pratique décisionnelle a défini un marché des séries américaines récentes au regard de l'évolution de l'attractivité de ces contenus, qui revêtent " un caractère de contenu attractif20 autonome" (lettre n°C 2006-02, décisions n° 10-DCC-11 et n° 14-DCC-50, précitées). Elle a relevé que de très grandes différences existaient entre de telles séries et les œuvres cinématographiques, en termes de prix, de conditions de négociations commerciales ou encore de réglementation applicable. Enfin, elle a souligné que, compte tenu de l'absence d'un encadrement normatif des fenêtres de diffusion, la concurrence pour l'achat de séries récentes était simultanément animée par les opérateurs de télévision à péage et les opérateurs de télévision en accès libre, y compris pour l'achat de la première diffusion.

70. Les répondants aux tests de marché ont confirmé la pertinence de la définition d'un marché de l'acquisition de séries américaines récentes. Ils ont notamment indiqué qu'il n'est pas nécessaire de distinguer entre les opérateurs de télévision payante et de télévision en clair, en raison notamment de l'absence d'encadrement normatif qui permet à une série d'être diffusée à la fois sur une chaîne payante et sur une chaîne gratuite.

71. Dès lors, il demeure pertinent de retenir l'existence d'un marché spécifique des séries américaines récentes dans le cadre du présent réexamen.

S'agissant de la pertinence d'une segmentation de ce marché entre les sitcoms et les autres séries

72. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité s'est interrogée, tout en laissant la question ouverte, sur la pertinence d'une segmentation, au sein d'un marché des séries américaines, entre les sitcoms et les autres séries, compte tenu de leur durée (26 minutes pour les sitcoms contre 52 minutes pour les séries), de leur exposition (les chaînes hertziennes ne diffusant pas de sitcom en première partie de soirée (ou "prime time ") et de leurs caractéristiques en termes de trame narrative et de format (tournage en intérieur, rires en fond sonore). Elle a toutefois relevé que les caractéristiques spécifiques des sitcoms ne suffisaient pas à exclure que ces programmes remplissent la même fonction pour les clients (les chaînes de télévision).

73. Au demeurant, l'Autorité a précisé, tout en laissant la question ouverte, que les séries " récentes " au sens du marché pertinent avaient été diffusées pour la première fois moins de deux ans auparavant aux États-Unis.

74. Aucun élément recueilli dans le cadre de la nouvelle instruction n'est de nature à remettre en cause les constatations opérées par l'Autorité en ce qui concerne la distinction éventuelle d'un marché spécifique des "sitcoms " et la question de la définition du caractère " récent " des séries.

75. Ces questions peuvent demeurer ouvertes dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit l'hypothèse envisagée.

Conclusion

76. Il ressort de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'envisager une définition du marché de l'acquisition des droits des séries américaines récentes qui serait différente de celle retenue dans la décision n° 14-DCC-50.

En ce qui concerne l'acquisition de droits destinés à une diffusion non-linéaire

77. Depuis 2014, les modes de consommation de contenus audiovisuels ont connu d'importantes évolutions susceptibles de modifier les conditions de concurrence sur les marchés amont de l'acquisition de droits. Cette nouvelle consommation de vidéos se distingue par une disponibilité accrue des contenus qui se trouvent diffusés à la demande des spectateurs (à l'acte ou par abonnement) et non de façon linéaire. Cette évolution a conduit les éditeurs de 21 chaînes et les distributeurs à proposer eux-mêmes de nouveaux services permettant une consommation délinéarisée des contenus qu'ils diffusent (tels que le développement des services de télévision de rattrapage ou " catch-up TV "). Les consommateurs ont donc aujourd'hui la possibilité d'arbitrer entre plusieurs modes de consommation des contenus audiovisuels, que cela soit par le biais d'une diffusion dite " linéaire " ou " non-linéaire ".

78. Après avoir rappelé les définitions des services linéaires et non-linéaires, sera examinée la pertinence d'une distinction entre les services linéaires et non-linéaires. Sera également étudié le positionnement de la télévision de rattrapage en matière d'acquisition de contenus.

La définition des services linéaires et non-linéaires

79. L'article premier de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 du Parlement européen et du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (appelée directive " Services de médias audiovisuels ") donne une définition des services linéaires et non-linéaires. Un service de médias audiovisuels " linéaire " désigne " un service de médias audiovisuels fourni par un fournisseur de services de médias pour le visionnage simultané de programmes sur la base d'une grille de programme". Un service de médias audiovisuels " non-linéaire " désigne " un service de médias audiovisuels fourni par un fournisseur de service de médias pour le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur demande individuelle sur la base d'un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias ". Il s'agit d'un service audiovisuel dit " à la demande ".

80. Ainsi, dans le cadre des services linéaires, les contenus sont diffusés selon une grille de programmes le plus souvent prédéterminée, et sont visionnés simultanément par les consommateurs finals. Les services non-linéaires constituent quant à eux des " catalogues " de contenus mis à disposition à titre payant ou gratuit et que les utilisateurs finals consomment à titre individuel, programme par programme, en fonction de leur préférence. S'agissant de la distinction entre les marchés de l'acquisition des droits pour une diffusion en télévision linéaire et non-linéaire

81. Selon GCP, il conviendrait de définir un marché englobant les opérateurs linéaires et non

- linéaires, afin d'intégrer les logiques d'arbitrage des consommateurs. À l'appui de sa démonstration, GCP a communiqué plusieurs études économiques tendant à démontrer la concurrence exercée par les opérateurs non-linéaires sur les opérateurs linéaires en ce qui concerne la distribution.

82. Afin d'apprécier le bien-fondé cette demande, il convient de revenir sur les conditions d'acquisition et les modes de consommation des contenus pour les offres linéaires et non-linéaires, avant d'analyser la substituabilité de ces offres selon les contenus acquis. Il convient au demeurant de tenir compte du poids relatif des opérateurs de télévision non-linéaire par rapport aux opérateurs de télévision linéaire.

? Les conditions d'acquisition et les modes de consommation des contenus pour les offres linéaires et non-linéaires

83. Les répondants aux tests de marché considèrent qu'il est nécessaire de distinguer, au sein des marchés de l'acquisition de droits des films (récents ou de catalogue) et des séries, les achats destinés à des services de télévision linéaire et les achats destinés à des services de télévision non-linéaire (VàD et VàDA).

84. En premier lieu, une telle distinction serait justifiée, notamment, par les conditions dans lesquelles les contenus sont acquis pour des offres linéaires et non-linéaires.

85. En particulier, les répondants aux tests de marché ont souligné que ces deux types de services font l'objet de négociations et de contrats séparés. Certains studios américains interrogés précisent toutefois que la cession des droits portant sur des contenus à destination de la télévision linéaire et à destination de la télévision non-linéaire (VàD et/ou VàDA) au bénéfice d'un même opérateur peut faire l'objet d'un contrat unique si cet opérateur édite à la fois des services de télévision linéaire et non-linéaire (VàD et/ou VàDA). Par ailleurs, les opérateurs interrogés ont indiqué que les interlocuteurs ne sont pas nécessairement les mêmes : à ce jour, les opérateurs comme Apple, Netflix ou Amazon ne proposent pas de services linéaires en France. Enfin, les réponses au test de marché font état de modes de tarification différents : les programmes destinés à une diffusion linéaire et de rattrapage font l'objet d'une tarification forfaitaire, alors que la tarification des programmes destinés à une diffusion non-linéaire peut dans certains cas être indexée sur le nombre d'abonnés (VàDA) ou le taux de consommation du programme (VàD).

86. En second lieu, en réponse aux tests de marché, une chaîne de télévision a indiqué que les contenus destinés à une diffusion linéaire et ceux destinés à une diffusion non- linéaire répondent à des logiques programmatiques différentes. Les droits de VàD et de VàDA répondent à une logique de catalogue et de disponibilité pour le consommateur, alors que les droits linéaires participent à la construction de la ligne éditoriale des chaînes télévisées.

87. Toutefois, les groupes audiovisuels interrogés indiquent également que la disponibilité des contenus sur les plateformes de VàD et de VàDA contribue à l'" usure " de ces programmes lors de leur diffusion sur les chaînes linéaires, ce qui signifie que des programmes similaires sont disponibles à la fois sur les plateformes non-linéaires et sur les chaînes de télévision linéaire.

? Analyse de la substituabilité des offres selon les contenus

88. Les répondants aux tests de marché ont indiqué que la réglementation française relative à la chronologie des médias ne place pas les opérateurs linéaires et les opérateurs non-linéaires dans les mêmes conditions de concurrence.

89. En effet, la chronologie des médias est déterminante pour apprécier la concurrence qui s'exercerait entre les opérateurs linéaires et les opérateurs non-linéaires. Dès lors, en ce qui concerne spécifiquement l'acquisition des droits, l'analyse doit être différente en fonction du type de contenus concernés : les films américains et français récents, d'une part, et les films de catalogue et les séries, d'autre part.

(i) les films (américains et français) récents

90. Comme il ressort du schéma relatif à la chronologie des médias figurant au paragraphe 39 de la présente décision, les fenêtres d'exploitation de droits des opérateurs non-linéaires (VàD et VàDA) diffèrent de l'exploitation des droits payants ou gratuits linéaires.

91. En effet, d'une part, les opérateurs de VàD ont accès aux contenus plusieurs mois avant les chaînes payantes et plusieurs années avant les chaînes gratuites. En outre, l'ouverture de la fenêtre télévisuelle conduit au " gel " des droits de VàD, ce qui rend impossible tout achat simultané de la part des opérateurs de VàD et des opérateurs de télévision linéaire.

92. D'autre part, les opérateurs de VàDA ont accès aux droits de diffusion de ces programmes après les services de télévision (payante ou gratuite), la fenêtre de VàDA étant la dernière fenêtre inscrite dans la chronologie des médias (hors la mise à disposition des œuvres cinématographiques en vidéo à la demande à titre gratuit)6 et ne pouvant pas s'ouvrir tant que courent les droits de diffusion d'une fenêtre de la télévision en clair (deuxième ou troisième fenêtre le cas échéant).

93. En conséquence, les opérateurs linéaires (télévision payante et gratuite) et non-linéaires (VàD et VàDA) ne se trouvent pas en situation de concurrence pour l'acquisition des droits portant sur les films récents américains et français, en raison de la temporalité des droits d'acquisition relatifs aux films " récents ", différente selon ces services.

94. Dès lors, les marchés relatifs à l'acquisition des films américains et français récents, pour une diffusion en télévision payante comme en télévision gratuite, n'incluent pas les services non-linéaires.

(ii) les films de catalogue et les séries

95. Les conditions de concurrence entre les opérateurs linéaires et non-linéaires apparaissent plus proches pour ce qui concerne les films américains et français de catalogue et pour les séries, dans la mesure où ces contenus ne sont passoumis à la chronologie des médias.

96. S'agissant d'abord des films de catalogue, il s'agit des films ayant déjà fait l'objet d'un premier cycle d'exploitation à la télévision dans le cadre de la chronologie des médias. Ainsi, dès lors qu'ils sont disponibles dans le catalogue des détenteurs de droits (tels que StudioCanal, filiale de GCP) à l'issue de la dernière fenêtre d'exploitation sur une chaîne en clair, les chaînes de télévision comme les opérateurs non-linéaires peuvent se positionner pour en acquérir les droits d'exploitation.

97. Il en est de même pour les séries américaines récentes, qui ne sont pas non plus soumises à la chronologie des médias.

98. Dès lors, dans la mesure où les films de catalogue et les séries sont disponibles pour l'ensemble des opérateurs linéaires et non-linéaires au même moment, ces derniers peuvent entrer en concurrence pour l'acquisition de ces types de programmes, comme les tests de marché le confirment.

99. En particulier, les studios américains ont déclaré que les opérateurs linéaires et les opérateurs non-linéaires pouvaient être intéressés par les mêmes types de contenus. Une étude du CNC confirme d'ailleurs que les opérateurs de VàD proposent un grand nombre de films de catalogue sur leur plateforme (CNC, Observatoire de la VàD, novembre 2016). Dans le même sens, une chaîne de télévision a déclaré dans sa réponse au test de marché qu'en matière d'achats de contenus, la concurrence entre télévision linéaire et télévision non-linéaire s'exerce "pour l'essentiel sur les œuvres de fiction échappant à la chronologie des médias ", incluant les œuvres de catalogue et les séries.

100. Il ressort de ce qui précède que les opérateurs linéaires et non-linéaires se trouvent en concurrence pour l'achat des films de catalogue et des séries.

? Évaluation du poids relatif des opérateurs de télévision non-linéaire par rapport aux opérateurs de télévision linéaire

101. Compte tenu du chiffre d'affaires limité de la télévision non-linéaire (estimé par le CNC à moins de 250 millions d'euros en 2016) par rapport à la télévision linéaire (plus de trois milliards d'euros en 2016 pour les seules recettes publicitaires), les marchés de la VàD et de la VàDA restent, en valeur, relativement marginaux.

102. En effet, si le marché de la VàDA en France connaît une accélération sensible depuis le lancement de l'offre Netflix en septembre 2014 (suivi de l'apparition des offres de SFR Play VOD Illimitée ou Amazon Prime Video), la pénétration de la VàDA demeure limitée et le marché de la VàD stagne. Les services non-linéaires connaissent ainsi une croissance contrastée auprès des consommateurs français, ce qui réduit la capacité des opérateurs à amortir leurs investissements en matière d'achat de droits en France, bien que l'acquisition croissante de ces contenus sur une base plurinationale pourrait, à terme, leur permettre de dépasser cette limite.

103. Dès lors, la pression concurrentielle exercée par les opérateurs de télévision non-linéaire sur les opérateurs de télévision linéaire en matière d'acquisition de contenus non soumis à la chronologie des médias devrait se développer.

? Conclusion

104. La majorité des répondants interrogés dans le cadre du présent réexamen considère que les acquéreurs traditionnels de la télévision linéaire (et notamment GCP) ne se trouvent pas en situation de concurrence suffisante avec les nouveaux acteurs de VàD (tels que iTunes) ou de VàDA (tels que Netflix) pour définir des marchés d'acquisition de droits plus larges, incluant ces opérateurs " délinéarisés ".

105. Compte tenu de la réglementation actuelle décrite aux paragraphes 90 et suivants de la présente décision, les opérateurs non-linéaires n'exercent, à ce jour, aucune pression concurrentielle sur les opérateurs linéaires en matière d'acquisition de films EOF et américains récents, sauf à ce qu'ils renoncent à une exploitation du film en salle en France.

106. En revanche, la non-application de la chronologie des médias aux films de catalogue et aux séries induit une concurrence entre les opérateurs linéaires et non-linéaires pour l'acquisition de ce type de contenus.

107. En tout état de cause, la question d'une délimitation des marchés d'acquisition de droits relatifs aux séries et aux films français et américains de catalogue, incluant à la fois la télévision linéaire, la VàD et la VàDA peut rester ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les délimitations envisagées.

S'agissant de l'acquisition de droits destinés à la télévision de rattrapage

108. La télévision de rattrapage (ou "TVR" ou "catch-upTV ") désigne l'ensemble des services permettant de voir ou revoir des programmes après leur diffusion sur une chaîne de télévision, pendant une période déterminée7. Ce service se distingue de la reprise en direct d'une chaîne de télévision sur son site internet.

109. La télévision de rattrapage était d'abord disponible sur les sites internet des éditeurs de chaînes (comme M6 Replay, MyTF1 ou Pluzz). Avec la généralisation de l'accès haut débit à internet, elle est désormais accessible sur d'autres plateformes et terminaux connectés, telles que des applications dédiées pour smartphones et tablettes, dans une moindre mesure sur les télévisions ou consoles de jeux connectées, ainsi que sur les portails des box des FAIqui ont signé des accords de distribution de ces contenus avec les éditeurs de chaînes.

110. Dans la décision n° 12-DCC-100, l'Autorité a considéré, en s'appuyant sur les éléments recueillis lors de son instruction, qu'il n'était pas pertinent de retenir un segment de marché distinct pour l'achat des droits cinématographiques et des séries destinés à la télévision de rattrapage, dans la mesure où les droits étaient commercialisés de manière indissociée des droits relatifs à la télévision linéaire.

111. Les résultats du test de marché mené dans le cadre du présent réexamen confirment la pertinence de cette analyse.

112. En effet, si certains répondants ont indiqué que les diffusions en télévision de rattrapage pouvaient faire l'objet d'une tarification spécifique, les réponses aux tests de marché démontrent que la diffusion en télévision de rattrapage fait généralement l'objet d'une rémunération globale avec les programmes diffusés de manière linéaire, souscrite dans le cadre des mêmes contrats.

La grande majorité de studios américains interrogés a d'ailleurs confirmé que les contrats d'acquisition de contenus en télévision linéaire et en télévision de rattrapage sont similaires. Une chaîne de télévision a ainsi indiqué dans sa réponse au test de marché que la télévision de rattrapage constitue un "prolongement naturel du mode linéaire d'une chaîne ".

113. Il ressort de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'isoler un marché distinct de l'achat de droits destinés à une diffusion sur télévision de rattrapage des marchés de télévision linéaire.

3. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

114. Compte tenu de l'évolution du secteur depuis 2014, il convient d'apprécier la pertinence d'une évolution de la délimitation géographique des marchés amont de l'acquisition de films et séries américains (b), jusqu'alors considérés par la pratique décisionnelle comme étant de dimension nationale (a).

a) Sur la délimitation géographique retenue par la pratique décisionnelle

115. Dans sa décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a considéré, dans la continuité de la pratique décisionnelle, que l'ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques étaient de dimension nationale, dans la mesure où ces droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique (avis n° 06-A-13, décision n° 10-DCC-11 et lettre n° C 2006-02, précitées). Elle ajoute qu'il "en va de même pour les séries " (décision n° 14-DCC-50, précitée, paragraphe 90).

116. La quasi-totalité des répondants aux différents tests de marché envoyés par les services d'instruction confirme la dimension géographique nationale de l'ensemble des marchés concernés d'achats de contenus audiovisuels.

117. Toutefois, selon GCP, de récentes évolutions du fonctionnement des marchés amont d'acquisition de films et séries américains tendent à faire évoluer la délimitation de ces marchés vers une délimitation européenne.

b) Sur la pertinence d'une évolution de la délimitation géographique des marchésde l'acquisition de films et séries américains

118. GCP évoque deux raisons qui seraient de nature à justifier une évolution de la délimitation géographique des marchés amont de l'acquisition de films et séries américains : le développement d'acteurs internationaux, d'une part, et la décision Sky/Paramount, d'autre part.

En ce qui concerne le développement d'acteurs internationaux

119. Selon GCP, l'entrée d'acteurs internationaux (tels que Netflix ou Amazon Prime Video), qui acquièrent des droits de diffusion de films et séries américains récents auprès de studios américains pour une diffusion internationale, rendrait obsolète une délimitation nationale des marchés.

120. Les éléments recueillis à l'occasion de l'instruction du présent dossier permettent en effet de constater que Netflix et Amazon Prime Video - du fait de leur présence dans un très grand nombre de pays - sont en mesure d'acquérir des droits pour des films, dans le cadre d'un achat global, et de les rendre disponibles sur leur plateforme partout dans le monde. Il en estde même avec les séries, pour lesquelles ils peuvent également être producteurs et qu'ils rendent disponibles sur l'ensemble de leurs plateformes nationales.

121. Dès lors, ainsi que l'affirme GCP, les achats massifs de droits par des acteurs tels que Netflix, conclus par le biais d'accords de licence globale pour la diffusion des contenus concernés, correspondent à une stratégie de conquête internationale des marchés de la diffusion de contenus, afin de rendre ces plateformes incontournables, tant pour les détenteurs de droits que pour les consommateurs.

122. Par ailleurs, Altice peut également acquérir des droits de diffusion sur une base plus large que le seul marché national, compte tenu de ses activités aux États-Unis, au Portugal et en Israël notamment.

123. Cependant, en ce qui concerne les films, tous les opérateurs linéaires et non-linéaires actifs en France restent aujourd'hui soumis à la réglementation nationale spécifique par rapport aux autres pays relative à la chronologie des médias, sauf à refuser la sortie en salle de ces films. À cet égard, ainsi qu'il a été expliqué aux paragraphes 90 et suivants, les opérateurs non-linéaires n'exercent aucune pression concurrentielle sur les opérateurs linéaires en matière d'acquisition de films américains récents pour la télévision payante et gratuite. Ainsi, les demandeurs sur les marchés d'acquisition de contenus cinématographiques américains récents pour la télévision linéaire, à savoir les opérateurs de télévision payante et gratuite qui opèrent sur le territoire français, continuent dans leur grande majorité d'acheter des droits de diffusion portant sur ces programmes sur une base nationale. En France, les marchés d'acquisition de ces contenus restent donc à ce jour principalement animés par des chaînes de télévision payante et gratuite.

124. En revanche, la réglementation relative à la chronologie des médias ne s'applique pas aux séries. Dans ces circonstances, les opérateurs internationaux exercent une pression concurrentielle pour l'acquisition de ce type de contenus sur le territoire français. Cette tendance devrait se renforcer dans les années à venir avec notamment l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs non-linéaires.

125. Toutefois, les opérateurs de télévision linéaire et non-linéaire actifs en France sont soumis à la réglementation nationale relative aux quotas de diffusion, qui leur impose de diffuser 60 % d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres EOF.

126. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu, pour les besoins du présent réexamen, de remettre en cause la délimitation géographique précédemment retenue par l'Autorité en ce qui concerne les marchés d'acquisition de films et de séries américains récents, pour la télévision linéaire et non-linéaire.

En ce qui concerne la décision Sky/Paramount

127. Selon GCP, la décision Sky/Paramount de la Commission européenne (AffaireAT.40023 - Cross-border access to pay-TV, 26 juillet 2016) serait de nature à remettre en cause le modèle économique de GCP et de l'ensemble des diffuseurs nationaux - qui repose sur l'exclusivité territoriale - dans la mesure où elle remettrait en cause la territorialité de l'acquisition des droits des films et séries américains.

128. Dans cette affaire, la Commission européenne a remis en cause la légalité des clauses d'exclusivité territoriale prévues dans les contrats liant l'éditeur britannique Sky et le studio américain Paramount, et plus particulièrement les clauses permettant à Sky de se protéger contre les ventes passives.

129. Selon la Commission européenne, de telles clauses restreignent la capacité des éditeurs à accepter des demandes non sollicitées (ventes passives) pour leurs services de télévision payante émanant de consommateurs résidant en dehors du territoire pour lequel ils possèdent une licence.

La Commission précise qu'elle craint qu'il en résulte une élimination de la concurrence transfrontalière entre les éditeurs de contenu payant dans l'Espace Économique Européen.

Dans ce contexte, la Commission a accepté les engagements présentés par Paramount en réponse à ses préoccupations de concurrence, étant précisé que la procédure est toujours en cours concernant cinq autres studios américains (Disney, NBC Universal, 20th Century Fox et Warner Bros) s'agissant de leurs relations contractuelles avec Sky UK, pour des restrictions similaires.

130. S'il est exact que les engagements pris par Paramount contribuent à faciliter le développement des échanges transfrontaliers des films et séries américains au sein de l'Espace économique européen, cette évolution ne saurait à ce stade remettre en cause la pertinence d'une délimitation géographique nationale des marchés amont de l'acquisition de contenus. Tout d'abord, les droits d'acquisition continuent à être négociés sur une base nationale, correspondant au territoire d'activité des éditeurs de chaînes de télévision, comme le relèvent les résultats du test de marché. Ensuite, les engagements pris par Paramount se limitent à lever les restrictions liées aux ventes passives adressées aux éditeurs de télévision payante. Enfin, la décision de la Commission européenne fait l'objet d'un recours devant le juge européen introduit par GCP.

131. Cette position est partagée par le CNC qui relève que, même si la décision Sky/Paramount a créé certaines brèches dans le principe de territorialité des droits, en permettant à de nouveaux opérateurs d'entrer dans les marchés, "le marché de l'acquisition continuera à fonctionner sur une base nationale".

132. La décision Sky/Paramountn'est donc pas de nature à remettre en cause la délimitation géographique des marchés concernés.

4. CONCLUSION

133. En conclusion, il y a lieu, dans le cadre du présent réexamen, de retenir les marchés d'acquisition de droits relatifs aux œuvres cinématographiques et aux séries télévisées retenus par l'Autorité dans la décision n° 14-DCC-50.

B. MARCHÉS DES DROITS SPORTIFS

134. Dans la décision n° 14-DCC-50, seuls les droits sportifs relatifs aux événements sportifs d'importance majeure ont fait l'objet d'engagements de la part de GCP. La définition de ce seul marché sera donc présentée (2) après un bref rappel de la réglementation applicable en matière d'achat de droits de diffusion d'événements sportifs d'importance majeure (1).

1. PRÉCISIONS SUR LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE EN MATIÈRE D'ACHAT DE DROITS DE DIFFUSION D'ÉVÉNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

135. En application de l'article 20-2 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, " les événements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d'une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre ".

136. Ainsi, si un opérateur de télévision payante détient les droits relatifs à un événement sportif d'importance majeure et ne peut pas ou ne veut pas assurer la diffusion en clair, il est obligé de remettre sur le marché les droits de diffusion en clair de l'événement en question à des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires (articles 4 et 5 du décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 relatif à la diffusion d'événements d'importance majeure).137. Le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 dresse une liste de 21 événements sportifs d'importance majeure. Il s'agit des événements suivants :

1° les Jeux Olympiques ;

2° les matches de l'équipe de France de football inscrits au calendrier de la FIFA ;

3° le match d'ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de football ;

4° les demi-finales et la finale du Championnat d'Europe de football ;

5° la finale de la Coupe de l'UEFA lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe ;

6° la finale de la Ligue des champions de football ;

7° la finale de la Coupe de France de football ;

8° le tournoi de rugby des Six Nations ;

9° les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de rugby ;

10° la finale du championnat de France de rugby ;

11° la finale de la coupe d'Europe de rugby lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe ;

12° les finales des simples du tournoi de tennis de Roland-Garros ;

13° les demi-finales et les finales de la Coupe Davis et de la Fed Cup lorsque l'équipe de France de tennis y participe ;

14° le Grand Prix de France de formule 1 ;

15° le Tour de France cycliste masculin ;

16° la compétition cycliste " Paris-Roubaix " ;

17° les finales masculine et féminine du championnat d'Europe de basket-ball lorsque l'équipe de France y participe :

18° les finales masculine et féminine du championnat du monde de basket-ball lorsque l'équipe de France y participe ;

19° les finales masculine et féminine du championnat d'Europe de handball lorsque l'équipe de France y participe ;

20° les finales masculine et féminine du championnat du monde de handball lorsque l'équipe de France y participe ;

21° les championnats du monde d'athlétisme.

138. En pratique, l'Autorité a constaté que ces compétitions sont vendues en bloc par les fédérations sportives concernées et qu'elles sont le plus souvent acquises par les groupes disposant de chaînes thématiques sportives, comme GCP (décision n° 14-DCC-50 précitée).

2. LE MARCHÉ DE L'ACQUISITION DE DROITS DE DIFFUSION DES ÉVÉNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

a) Sur la définition des marchés de produits

139. La pratique décisionnelle considère qu'une distinction entre les droits sportifs relatifs à une diffusion en clair et ceux relatifs à une diffusion payante (services linéaires) n'a pas lieu d'être, dès lors que les droits sportifs sont le plus souvent vendus de manière indifférenciée, que le mode d'exploitation soit payant ou gratuit (décisions n° 14-DCC-50, n° 12-DCC-100 et lettre n° C 2006-02, précitées).

140. Plus spécifiquement, la pratique décisionnelle distingue les marchés suivants :

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des matches de la Ligue 1 de football ;

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des championnats étrangers de football les plus attractifs ;

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des autres compétitions de football ;

- le marché de l'achat de droit pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des événements sportifs d'importance majeure, autres que footballistiques ; et

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des compétitions sportives, autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.

141. Il n'y a pas lieu de les remettre en cause à l'occasion du présent réexamen.

b) Sur la délimitation géographique des marchés

142. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que l'ensemble des marchés relatifs aux droits sportifs est de dimension nationale (décision n° 14-DCC-50 et lettre n° C 2006-02, précitées).

143. En effet, même pour des compétitions de dimension supranationale, les droits sont vendus, dans leur très grande majorité, pays par pays et sont achetés exclusivement pour le territoire national. La nécessité de circonscrire l'analyse au territoire français est encore plus importante lorsqu'il s'agit des compétitions nationales, qui présentent des spécificités importantes dues, notamment, à des facteurs culturels et aux préférences nationales.

144. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette définition dans le cadre du présent réexamen.

3.

CONCLUSION

145. En conclusion, il y a lieu, dans le cadre du présent réexamen, de retenir les marchés de l'acquisition des droits de diffusion des événements sportifs d'importance majeure identifiés par l'Autorité dans la décision n° 14-DCC-50.

IV. Analyse concurrentielle

146. L'analyse concurrentielle portera sur les évolutions de droit et de fait susceptibles de modifier l'analyse qui avait été réalisée par l'Autorité dans la décision n° 14-DCC-50. À cette occasion, l'Autorité avait estimé que l'acquisition de Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermedia par Vivendi et GCP était susceptible d'entraîner des effets congloméraux sur les marchés d'acquisition de droits de diffusion relatifs aux films (américains et français) et séries récents (A) et des effets verticaux, sur les marchés d'acquisition de droits de diffusion relatifs aux films de catalogue français ainsi qu'aux événements sportifs d'importance majeure (B).

A. EFFETS CONGLOMÉRAUX

147. Une concentration est susceptible d'entrainer des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché.

148. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère qu'une concentration concernant plusieurs marchés connexes est susceptible d'entraîner des effets congloméraux si l'entité issue de l'opération bénéficie d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Ce risque est en général écarté lorsque la part de la nouvelle entité sur le marché à partir duquel elle pourrait faire jouer un effet de levier ne dépasse pas 30 %. En revanche, s'il est établi que la nouvelle entité dispose d'un pouvoir de marché dans un marché concerné, il convient d'analyser si elle pourra en faire usage pour renforcer sa position sur un marché connexe. Pour ce faire, les autorités de concurrence établissent que l'entité concernéea non seulement la capacité matérielle d'exercer un effet de levier, mais également l'incitation à le faire, et que l'exercice de cet effet de levier a un impact significatif sur la concurrence sur les marchés concernés (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 décembre 2005, aff. T-210/01, General Electric Co c/ Commission, paragraphe 405).

149. Les effets de levier susceptibles d'être générés sur les marchés d'acquisition de droits de films et séries américains récents pour une diffusion en télévision gratuite (1) et de films EOF récents (2) seront examinés successivement. L'analyse portera ensuite sur l'examen des effets de levier portant sur les conditions d'acquisition de droits de films EOF (3).

1. EFFETS DE LEVIER S'AGISSANT DE L'ACQUISITION DE DROITS DE FILMS ET SÉRIESAMÉRICAINS RÉCENTS

150. L'Autorité a constaté, dans sa décision n° 14-DCC-50 que, compte tenu de sa position d'acheteur principal sur le marché de l'achat de droits cinématographiques pour une diffusion en première et deuxième fenêtres de télévision payante, GCP pourrait faire jouer un effet de levier et s'appuyer sur cette position afin de préempter les droits de diffusion des programmes américains les plus attractifs pour une diffusion en clair sur les chaînes Direct 8 et Direct Star, devenues C8 et CStar.

151. L'Autorité a relevé que les droits les plus attractifs pour la télévision gratuite étaient les films et les séries. Une large majorité de ces droits était commercialisée par un nombre restreint de studios (ou majors) par l'intermédiaire d'accords-cadres pluriannuels (ou output deals) qui garantissaient à l'acheteur le premier choix pour un nombre limité de séries ou l'exclusivité sur la production cinématographique d'un studio.

152. En utilisant le levier de sa très forte position sur l'acquisition de droits pour la télévision payante, GCP était ainsi mieux placé que les chaînes gratuites concurrentes pour être choisi par les majors pour la conclusion des accords-cadres portant sur la télévision gratuite. Dans la mesure où un nombre très limité de films et de séries jouaient pour les chaînes gratuites le rôle de moteur d'audience, cette préemption par GCP des droits les plus attractifs aurait risqué de fragiliser significativement leur équilibre financier en diminuant leurs audiences et donc leurs recettes publicitaires au détriment final du téléspectateur.

a) Évolution du fonctionnement du marché depuis 2014

153. Le fonctionnement du marché de l'acquisition de droits de diffusion relatifs aux films et séries américains récents en télévision payante n'a pas connu de changement significatif depuis 2014.

154. La majorité des droits reste commercialisée par un nombre restreint de studios, qui sont les mêmes qu'en 2014, à savoir Paramount/CBS, NBCUniversal, 20th Century Fox, Warner Bros, Walt Disney et Sony Picture. Les films produits par ces majors représentent plus de 85 % des entrées en salles aux États-Unis en 2016. En outre, l'acquisition de droits de diffusion en clair de films et de séries fait le plus souvent l'objet de mêmes contrats-cadresavec les chaînes de télévision gratuites.

155. Le tableau suivant présente, pour chaque major, les principales données relatives aux activités de production et d'exploitation des films et séries :

[TABLEAU]

156.

À titre complémentaire, les éditeurs peuvent également recourir à des studios américains qui ne sont pas liés à l'un des majors, comme Lions gate, afin de compléter leur offre.

157. Par ailleurs, le recours à des output deals, ou contrats-cadres avec les majors reste prépondérant. Ainsi, les données recueillies lors de l'instruction montrent qu'en France, en 2015, 70 à 80 % du chiffre d'affaires total réalisé par les majors en ce qui concerne la vente de droits de diffusion de films et séries à la télévision ont été réalisés par l'intermédiaire d'output deals. Ce constat est encore plus marqué dans le secteur de la télévision payante, puisque les studios américains y réalisent, en moyenne, 90 % de leurs ventes portant sur des films par le biais de ce type de contrats-cadres. En télévision gratuite, les revenus tirés d'output deals représentent, en moyenne, 74 % du chiffre d'affaires des majors en France.

b) Position des différents opérateurs actifs sur les marchés d'achat des droits de diffusion de films et séries américains récents

Présentation générale de la position des opérateurs

158. En 2014, l'Autorité a constaté que GCP détenait après l'opération une position prédominante sur le marché de l'acquisition de droits de films américains sur la télévision payante (avec une part de marché de 90 %).

Sur ce marché de la télévision payante, GCP faisait face à la seule concurrence d'Orange avec le bouquet OCS13 dont les chaînes ont été lancées en 2008.

159. Depuis 2014, la notoriété d'OCS s'est accrue ; ses investissements dans le domaine du cinéma et des séries américains sont reconnus. La pression concurrentielle exercée par OCS sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents est donc supérieure à celle constatée en 2012.

160. En outre, à la fin de l'année 2016, la situation sur le marché de l'acquisition de droits de films américains sur la télévision payante a connu une évolution importante. En effet, Altice a conclu un output deal avec le studio NBC Universal, qui entrera en vigueur le [confidentiel] 2017, à l'expiration du contrat actuellement conclu entre GCP et NBC Universal. Cet accord est conclu pour une durée de [confidentiel]. Il donne à Altice le droit de diffuser [confidentiel].

161. Cet accord est de nature à influencer significativement et durablement le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents pour la télévision payante, compte tenu du faible nombre d'output deals mis sur le marché par les majors et de la durée significative de ces contrats-cadres (en général de trois à cinq ans).

162. La seule signature, par Altice, du contrat avec NBC Universal lui a ainsi permis de pénétrer le marché et de détenir immédiatement les droits de diffusion avec un studio dont les films ont représenté 13,6 % du box-office américain en 2016. GCP n'est donc plus signataire d'output deals qu'avec quatre majors, représentant 64 % du box-office américain en 2016 (contre près de 80 % auparavant). De son côté, OCS est titulaire d'un output deal avec Sony, qui a représenté 8,3 % du box-office américain en 2016.

Analyse des conditions de développement de la présence d'Altice sur le marché

163. Un ensemble d'éléments factuels montre que l'entrée d'Altice sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents pour la télévision payante s'inscrit dans une stratégie globale durable.

164. Premièrement, Altice a annoncé le lancement, à la fin de l'été 2017, d'une chaîne de télévision payante destinée à la diffusion de films et de séries.

Lors de l'instruction, Altice a indiqué qu'une fois cette chaîne lancée il analyserait la pertinence de conclure un nouvel output deal afin de compléter sa grille. Postérieurement à cette audition, dans des déclarations publiques, le dirigeant du groupe Altice a indiqué être en discussions avancées pour nouer des partenariats avec d'autres majors que le studio NBC Universal. Altice a confirmé, en séance, [confidentiel]. Altice est particulièrement incité à conclure de tels contrats, dans la mesure où ils lui permettront de renforcer l'attractivité de sa future chaîne payante, au détriment de ses deux concurrents directs (GCP et OCS).

165. Deuxièmement, Altice dispose de moyens financiers très conséquents qui lui permettent de réaliser des investissements lourds, ainsi qu'en attestent ceux consentis aux États-Unis dans le cadre de ses activités de câblo-opérateur, et d'apparaître d'ores et déjà comme un opérateur crédible pour les majors. À cet égard, Patrick Drahi a déclaré dans la presse en décembre 2016 que : " quand Altice achète plusieurs centaines de millions d'euros de contenus à un partenaire américain pour le marché US, on s'arrange pour négocier les droits pour la France, Israël et le Portugal en plus ". Ce chiffre est à mettre en perspective avec le montant moyen d'un output deal signé avec un major américain pour le territoire français, qui varie, pour la télévision payante, entre 10 et 80 millions d'euros selon les estimations de GCP.

166. De plus, Altice devrait entrer rapidement sur le marché de la télévision gratuite généraliste, par le biais de l'acquisition probable de la chaîne Numéro 23. Cette chaîne réalise, à ce jour, une audience de 0,8 %, ce qui en fait un opérateur marginal de la télévision gratuite.

L'audience d'une chaîne peut toutefois évoluer rapidement si elle consent des investissements importants en matière de contenus. L'acquisition de Numéro 23 par Altice, si elle était validée par le CSA, serait de nature à accroître sa crédibilité sur les marchés français d'acquisition de droits de diffusion de contenus américains, en lui permettant de négocier des accords couplés pour une diffusion en télévision payante et gratuite aux fins de mieux amortir son investissement. Combinée à la présence d'Altice sur les marchés de la télévision non-linéaire (SFR Play VOD Illimitée), cette pénétration du marché de la télévision gratuite renforcera encore son poids auprès des majors puisqu'ils feront face à un acteur présent, comme GCP, sur tous les marchés de la télévision (linéaire et non-linéaire).

167. Troisièmement, cette stratégie d'entrée d'Altice sur les marchés de la télévision s'inscrit dans une démarche globale de convergence entre ses activités de FAI et de fournisseur de contenus, d'éditeur et de distributeur de chaînes payantes et gratuites, ainsi que de services non-linéaires. Dans ces circonstances, l'acquisition de contenus attractifs tels que ceux proposés par les majors est une dimension essentielle de la valorisation de ses offres, qui lui permet de se différencier des autres FAI. Compte tenu de cette situation, Altice est fortement incité à persister dans cette stratégie d'acquisition de contenus.

168. Ainsi, lors des prochains renouvellements de ses contrats-cadres avec les studios américains, GCP sera confronté à la concurrence d'Orange, mais aussi d'Altice, dont la stratégie d'acquisition des droits vise ses activités de télévision linéaire et de télévision non-linéaire, en France et au niveau international. Un tel comportement aura un effet significatif sur le fonctionnement de ces marchés.

169. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de sa part de marché actuelle et de l'étendue de ses activités dans le secteur de la télévision, GCP reste un acteur majeur sur les marchés de l'acquisition de droits de diffusion de contenus américains récents. Cependant, sa position est de plus en plus fortement contestée par le nouvel entrant, Altice. Concurrence de la télévision non-linéaire

170. GCP fait valoir qu'il est confronté à une vive concurrence exercée par de nouveaux acteurs sur le marché de l'acquisition de droits, tels que les opérateurs de vidéo à la demande.

À l'appui de cette affirmation, GCP mentionne la progression des offres cinéma en vidéo à la demande d'opérateurs tels que Netflix pour la VàDA ou iTunes pour la VàD, ainsi qu'Amazon pour ces deux marchés.

171. L'analyse de la pression concurrentielle exercée par les opérateurs de télévision non- linéaire nécessite de distinguer le cas des films américains récents et des séries américaines.

172. S'agissant du marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents, l'émergence des éditeurs internationaux de télévision non-linéaire, de type Netflix, iTunes 35 ou Amazon, ne constitue pas une nouvelle donne concurrentielle puisque, comme il a été expliqué précédemment aux paragraphes 90 et suivants, ces opérateurs sont actifs sur des marchés distincts de ceux sur lesquels GCP acquiert des droits de diffusion pour la télévision linéaire.

173. Cette situation est la conséquence directe de l'application aux films américains récents du mécanisme de la chronologie des médias, par voie contractuelle. En effet, la fenêtre de diffusion VàDA est très tardive par rapport à la diffusion d'un film en télévision payante (36 mois contre 10 mois). Quant aux droits de diffusion en VàD, la présente procédure a montré qu'en l'état actuel du fonctionnement du marché, ceux-ci sont gelés dès l'ouverture de la fenêtre de diffusion payante du film concerné.

174. Par conséquent, en matière d'offre cinématographique récente, les seuls services concurrents de GCP en termes d'accès aux œuvres restent ceux offerts par OCS et les futurs services qu'Altice entend développer.

175. S'agissant du marché de l'acquisition de droits de diffusion de séries américaines récentes, il convient de rappeler que les output deals conclus par les majors avec les opérateurs de télévision gratuite en France portent, à titre principal, sur leurs films. Les droits de diffusion relatifs aux séries constituent un complément de l'offre cinématographique rendue disponible grâce à la conclusion de ces output deal. Cette situation ressort notamment de la déclaration de M6 qui a indiqué, dans le cadre de l'instruction : " Si on se place du côté de la compagnie américaine, le major est en position forte, il a comme activité la production de films et de séries. Toutefois, le plus important pour ces majors est le cinéma. C'est leur métier de base mais aussi le jeu le plus risqué ".

176. Néanmoins, l'analyse de l'Autorité en 2014 relative aux effets de l'opération sur le marché de l'acquisition de droits de séries américaines récentes s'appuyait sur la capacité de GCP à utiliser sa position de quasi-monopsone sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents pour une diffusion payante pour renforcer sa position sur le marché de l'acquisition de droits de séries américaines récentes. Elle avait en effet considéré que la connexité existant entre les marchés d'acquisition de droits de diffusion de films américains récents d'une part, et de séries américaines récentes d'autre part, permettait à GCP de profiter de sa position sur le premier marché pour négocier des conditions commerciales favorables lors de l'acquisition de séries américaines récentes. Or aujourd'hui, indépendamment de l'existence ou non d'une pression concurrentielle exercée sur GCP par les opérateurs non-linéaires en ce qui concerne l'acquisition de droits de diffusion de séries américaines, ces derniers ne sont pas en concurrence avec GCP sur les marchés d'acquisition de droits de diffusion de films américains récents pour une diffusion payante.

177. Dans ces circonstances, la pression concurrentielle exercée par les opérateurs de télévision non-linéaire sur GCP lors de l'acquisition de contenus américains récents n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse formulée par l'Autorité en 2014.

Conclusion

178. Compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, GCP a toujours une position centrale sur le marché de l'acquisition des films américains récents.

179. La montée en puissance d'opérateurs de VàD et VàDA n'est pas de nature à remettre en cause ce constat, compte tenu des contraintes qui pèsent sur leur activité dans le cadre de la chronologie des médias et du périmètre des output deals qui couvre à la fois les films et les séries.

180. En revanche, l'initiative d'Altice, concrétisée par la signature d'un output deal avec NBC Universal, le lancement prochain d'une chaîne cinéma et série et son acquisition probable de la chaîne en clair Numéro 23 sont de nature à remettre de plus en plus fortementen cause la position de GCP sur ce marché.

c) Sur l'effet de levier susceptible d'être mis en œuvre par GCP entre les marchés d'acquisition de droits de diffusion de films et séries américains récents en télévision payante et gratuite

Capacité de GCP à faire jouer un effet de levier entre ses activités de télévision payante et gratuite

181. La capacité de GCP à mettre en œuvre des effets de levier entre la télévision payante et la télévision gratuite pour les films américains est facilitée par certaines caractéristiques du fonctionnement du marché déjà relevées par la décision n° 14-DCC-50.

182. D'abord, comme en 2014, la commercialisation des droits en télévision payante et gratuite des films et séries s'organise autour d'un nombre limité de contrats-cadres (six majors proposent des contrats-cadres pour la télévision payante d'un côté et la télévision gratuite de l'autre). Ces contrats portent principalement sur la production cinématographique des studios mais peuvent intégrer, pour partie, des séries produites par le studio concerné.

183. Ensuite, les droits de diffusion en télévision payante et en télévision gratuite se négocient toujours, au sein d'un même studio, auprès des mêmes interlocuteurs, comme le confirme le test de marché réalisé auprès des majors dans le cadre de la présente instruction.

184. Enfin, les majors ont confirmé être incités à vendre à la fois leurs droits payants et gratuits à un même opérateur capable de les diffuser tant en crypté qu'en clair, dans la mesure où cela leur permet de maximiser leurs revenus totaux.

185. Dans ces circonstances, les groupes de télévision gratuite (TF1, M6 et France Télévisions) ne sont pas en mesure de faire obstacle au pouvoir de marché détenu par GCP. Ces groupes, actifs uniquement sur les marchés de la télévision gratuite, ne sont en effet pas en mesure, contrairement à GCP, de conclure de tels contrats dans le cadre de ventes liées, ce qui les place en situation d'asymétrie vis-à-vis de GCP.

Le fait que ces chaînes aient également conclu des output deals avec des majors, comme c'était déjà le cas en 2014, ne constitue pas une évolution de marché.

186. Toutefois, ainsi qu'il a été expliqué aux paragraphes 160 et suivants, GCP devra faire face à un acteur (Altice) qui, comme lui, sera présent sur tous les marchés de la télévision (linéaire et non-linéaire). En effet, Altice lancera, à la fin de l'été 2017, une chaîne de télévision payante et devrait entrer rapidement sur le marché de la télévision gratuite généraliste.

187. Bien que GCP occupe toujours une place centrale sur les marchés d'acquisition de droits de diffusion de films américains récents en télévision payante, il doit donc faire face à l'émergence d'une pression concurrentielle nouvelle et croissante de la part d'un opérateur qui mène une politique d'acquisition volontariste sur les mêmes marchés que lui. En outre, GCP ne sera plus le seul opérateur en mesure de lier ses achats de contenus américains pour une diffusion en télévision payante et en télévision gratuite. Compte tenu de cette situation, sa capacité à utiliser l'effet de levier identifié dans la décision n° 14-DCC-50 s'en trouvera amoindrie dans un terme relativement proche. Dans l'intervalle, en raison de la persistance de sa capacité à mettre en œuvre cet effet de levier, il convient d'analyser les incitations de GCP à adopter un tel comportement, ainsi que l'effet anticoncurrentiel de ce dernier.

Incitation de GCP à faire jouer un effet de levier entre ses activités de télévision payante et gratuite

188. L'Autorité évalue la crédibilité des scénarii de transactions liées, à la suite de concentrations conglomérales, en examinant plusieurs types d'éléments, parmi lesquels, notamment, les documents attestant de l'intention de la société acquéreuse d'adopter de tels comportements.

En l'espèce, l'Autorité avait constaté, dans la décision n° 14-DCC-50, que l'incitation de GCP à faire jouer l'effet de levier était l'une des motivations centrales de l'opération pour GCP. Un des principaux dirigeants de GCP avait ainsi reconnu son intention d'utiliser sa position sur le marché de la télévision payante pour alimenter la grille de ces chaînes gratuites. Les majors américains ne disposant, à cette époque, d'aucune alternative crédible en dehors de GCP pour négocier des contrats-cadres portant sur les droits de diffusion de leurs films en première fenêtre de télévision payante, l'incitation à mettre en œuvre ce type de comportement avait été établie compte tenu à la fois des gains que GCP tirerait d'achats liés et des ambitions affichées du groupe.

189. L'incitation de GCP à utiliser sa puissance d'achat pour acquérir des droits relatifs à la diffusion de films et de séries récentes s'est maintenue par rapport à la situation de 2014.

190. À cet égard, le CSA a constaté, dans son avis rendu au cours de l'instruction, que : "l'accès aux films et aux séries américaines est primordial pour les chaînes gratuites ". En effet, les palmarès des meilleures audiences montrent que les films et les séries américaines ont un potentiel d'audience extrêmement important. Les séries, en particulier, permettent d'équilibrer le coût de grille des chaînes historiques et de financer l'acquisition d'autres programmes déficitaires mais essentiels à leurs besoins éditoriaux (événements sportifs, programmes d'actualité, etc.).

191. Si les chaînes gratuites devaient être privées de ces contenus, leur équilibre financier et l'équilibre concurrentiel du marché seraient automatiquement impactés négativement en raison du caractère biface des marchés de l'achat de droits et de la publicité télévisée mis en avant par l'Autorité dans le cadre de la décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB) : " La demande de publicité télévisuelle est fonction de l'audience des chaînes, elle-même fortement tributaire des contenus audiovisuels acquis par les éditeurs de chaînes de télévision. Inversement, la puissance d'achat des chaînes gratuites sur les marchés des droits est essentiellement fonction de leurs recettes sur le marché de la publicité télévisuelle ".

192. Compte tenu de l'importance des programmes américains récents pour ses concurrents sur le marché de la télévision gratuite, GCP a donc une incitation forte à faire jouer cet effet de levier auprès des studios américains.

Impact concurrentiel

193. Une baisse d'audience est susceptible d'entraîner une baisse des revenus publicitaires pour les chaînes gratuites. Or, comme il vient d'être exposé, les films américains récents et les séries américaines récentes sont des contenus attractifs pouvant générer de très bonnes audiences.

194. Privée d'une partie de ces programmes, l'économie des chaînes gratuites s'en trouverait affectée, en les exposant à des baisses d'audiences et donc, infine, à une perte de revenu publicitaire.

195. La mise en œuvre d'un effet de levier par lequel GCP préempterait au bénéfice de ses propres chaînes les premiers choix d'un nombre significatif de films et de séries offertes par les 38 studios en prenant appui sur son pouvoir de marché dans le secteur de la télévision payante serait susceptible de déstabiliser significativement l'équilibre économique des chaînes gratuites. Un tel comportement pourrait les priver de programmes à succès ce qui réduirait leurs revenus puisqu'elles seraient contraintes de se reporter sur des programmes moins attractifs ou moins rentables.

d)

Conclusion

196. À la date de la présente décision, GCP conserve une position centrale sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents pour la télévision payante, qui lui permet de faire usage d'un effet de levier au bénéfice de son activité de télévision gratuite au détriment des opérateurs actifs uniquement sur la télévision en clair.

197. Toutefois, l'entrée d'Altice sur le secteur de la télévision payante et gratuite vient progressivement amoindrir la possibilité pour GCP de mettre en œuvre un effet de levier entre ces deux activités. En effet, la position singulière de GCP est remise en cause par le développement rapide d'Altice qui est en mesure d'animer le marché de l'acquisition des droits de diffusion de films américains récents pour la télévision payante. En outre, dans un avenir proche, Altice pourra conclure, comme GCP, des output deals couplés portant sur son activité de télévision payante et gratuite avec les studios américains.

2. EFFETS DE LEVIER S'AGISSANT DE L'ACQUISITION DE DROITS DE FILMS EOF RÉCENTS

198. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a constaté que GCP était quasiment le seul acheteur de droits cinématographiques pour une diffusion en première et deuxième fenêtres de télévision payante sur le territoire français. Elle a considéré que GCP pouvait faire jouer un effet de levier et s'appuyer sur cette position afin de préempter les droits de diffusion les plus attractifs pour une diffusion en clair sur les chaînes Direct 8 ou Direct Star, devenues C8 et CStar.

a) Présentation générale de la position de GCP en matière de financement du cinéma français

Position de GCP et de ses concurrents sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents pour une diffusion en télévision payante

Présentation générale de la position des opérateurs

199. Le marché de l'acquisition des droits de diffusion en télévision payante de films EOF n'a pas connu de modification significative depuis 2014. GCP reste l'acteur dominant sur ce marché et Orange est cantonné à un rôle modeste, en valeur comme en volume.

[TABLEAUX]

200. La contribution de GCP au financement des films agréés par le CNC représente près de 85% de la contribution des chaînes payantes, celle d'OCS étant limitée à environ 14 % en moyenne sur la période 2014 à 2016. OCS a financé 47 films en 2016, tous d'initiative française, pour un montant total de 30,3 millions d'euros ; Ciné+ a participé au financement de 87 films en 2016, pour un montant global de 15,1 millions d'euros tandis que Canal+ a préacheté 98 films en 2016, pour un montant total de 138,2 millions d'euros.

À cette somme s'ajoute celle de 5,5 millions d'euros d'investissements en coproduction. Au total, Canal+ (hors Ciné+) a donc dépensé près de 145 millions d'euros au titre de sa contribution au financement des films, même si le montant de ses investissements a récemment diminué, compte tenu de la baisse de son chiffre d'affaires.

201. À titre prospectif, OCS a pris l'engagement d'augmenter ses investissements dans la production cinématographique française et européenne à un niveau de 179 millions d'euros sur la période 2014 - 2018, soit environ 35 millions d'euros de préachats par an. En dépit de cet engagement important, le niveau d'investissement d'OCS demeurera à un niveau sensiblement inférieur à celui de GCP, ce dernier ayant vocation à se maintenir à un niveau élevé.

202. La concurrence sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision payante reste donc, à ce jour, animée par les deux mêmes opérateurs que ceux identifiés en 2014, sans que l'offre d'Orange ne remette en cause la puissance d'achat de GCP sur ce marché.

Analyse de la concurrence potentielle d'Altice sur ce marché

203. En sus de l'output deal conclu avec NBC Universal, Altice devrait également renforcer ses acquisitions en matière de cinéma français afin d'alimenter sa chaîne cinématographique. À cet égard, il a récemment rendu publique sa volonté de participer au financement du cinéma français et a déclaré travailler sur des projets d'acquisitions de droits portant sur des œuvres françaises et européennes. Pour cela, Altice a créé en 2016 la société Altice Studio, qui a déjà cofinancé et coproduit plusieurs séries.

204. Au cours de l'instruction, Altice a décrit les démarches engagées dans cette perspective. Il a notamment indiqué avoir pris des contacts avec différents syndicats professionnels pour discuter des modalités pratiques de sa participation au financement du cinéma français. Par ailleurs, en séance, Altice a indiqué [confidentiel].

205. Cependant, les représentants d'Altice ont déclaré, lors de leur audition du 13 mars 2017, que les négociations avec les instances représentatives du cinéma français sont nécessairement longues, compte tenu du nombre d'opérateurs impliqués, tout en soulignant leur caractère prioritaire pour le groupe et sa volonté de parvenir à un accord rapidement.

206. Il ressort des informations publiques disponibles qu'Altice travaille d'ores et déjà sur des projets d'œuvres françaises et européennes, en nombre toutefois limité. À cet égard, Alticea déclaré à plusieurs reprises depuis la fin de l'année 2016 qu'il avait l'intention de contribuer au financement du cinéma français à condition d'obtenir une modification de la chronologie des médias et, en particulier, un alignement des fenêtres de diffusion de télévision payante et des services de VàDA.

207. Enfin, compte tenu du chiffre d'affaires réalisé par Numéro 23 aujourd'hui, la chaîne n'est soumise à aucune obligation en matière de financement du cinéma français, dans la mesure où elle réalise un chiffre d'affaires inférieur au seuil de 75 millions d'euros, au-delà duquel les éditeurs de chaînes sont tenus de contribuer au financement du cinéma français.

208. Toutefois, afin de renforcer l'attractivité de sa future chaîne en clair, Altice sera incité à investir dans des préachats de fenêtres de diffusion en télévision gratuite dans les années à venir. À cet égard, les investissements réalisés par C8 en matière de préachats ont plus que doublé depuis son acquisition par GCP.

209. Par conséquent, si GCP demeure l'opérateur prédominant de la télévision payante dans le financement du cinéma français, il convient de tenir compte de la concurrence qu'est susceptible d'exercer Altice dans les années à venir.

Position de GCP et de ses concurrents dans les investissements globaux des chaînes de télévision pour l'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents

210. Au-delà de la télévision payante, GCP représente chaque année depuis 2014 autour de 50 % des investissements de l'ensemble des chaînes de télévision pour l'acquisition de droits de diffusion de films EOF. À titre de comparaison, OCS a contribué depuis 2014 à hauteur de 8,5 % au financement des chaînes dans la production cinématographique française.

211. S'agissant des chaînes de télévision gratuite, en 2016, elles ont préfinancé 98 films d'initiative française pour un montant de 122,4 millions d'euros. France Télévisions représentait, à cette date, 17,7 % des investissements, TF1 11,3 % et M6 3,4 %. Pris individuellement, aucun opérateur de la télévision gratuite n'a un poids supérieur à 18 % dans le préachat des films EOF, soit un montant près de trois fois inférieur à celui de GCP.

212. La position de GCP face aux détenteurs de droits est renforcée par deux éléments.

213. Premièrement, le secteur de la production de films est très atomisé, ainsi que l'indique le CNC : "206 entreprises différentes produisent les 221 films d'initiative française agréés en 2016, parmi lesquels 53 productions co-déléguées sont dénombrées. Au cours des cinq dernières années, les productions co-déléguées ont significativement augmenté. Le secteur de la production cinématographique reste peu concentré ". À ce jour, les droits de diffusion des films EOF restent achetés sur une base individuelle par les chaînes de télévision et non par le biais d'accords-cadres, contrairement à la situation décrite dans la présente décision en ce qui concerne les films américains. Dans ces circonstances, toute modification des positions de marché des opérateurs ne peut être que progressive.

214. Deuxièmement, la contribution des chaînes de télévision est indispensable au financement de la production cinématographique. En effet, selon le CNC, seul un tiers des films français produits en 2016 a pu être produit sans le soutien financier d'une chaîne de télévision. Il s'agit très généralement des films dont les devis sont les plus faibles. Combiné à la position de GCP parmi les chaînes contributrices, qui peut proposer des diffusions de films EOF récents sur la chaîne Canal+ (chaîne premium multi-contenus) et sur la chaîne Ciné+ (chaîne thématique cinéma), ce constat confirme la dépendance des producteurs français vis-à-vis de ce dernier.

215. Par conséquent, le niveau limité des investissements des autres chaînes de télévision gratuite et payante en matière de films EOF, la forte atomicité des producteurs français et l'importance de leurs besoins de financement expliquent la situation de dépendance du monde du cinéma face à GCP, qui jouit toujours d'un quasi-monopsone sur le marché du préachat. GCP étant aujourd'hui le principal interlocuteur pour la cession des droits payants, un refus de financement de sa part est susceptible d'entraîner dans la majorité des cas l'abandon du projet de film. Position des chaînes en clair de GCP sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents pour une diffusion en télévision gratuite

216. Comme indiqué précédemment, en 2016, les chaînes en clair ont préfinancé 98 films d'initiative française, pour un montant de 122,4 millions d'euros. Le tableau suivant présente le détail de ces investissements pour l'année 2016 et les parts de marché correspondantes

[TABLEAU]

217. La chaîne C8 occupe ainsi, en 2016, une faible position (inférieure à 3 % en valeur, contre près de 30 % pour TF1 et plus de 20 % pour France Télévision) en matière de préachat de droits de diffusion des fenêtres en clair.

218. Toutefois, ainsi que l'a constaté le CSA dans son avis n° 2017-03, " parmi les chaînes de la TNT hors chaînes historiques, C8 est la chaîne la plus active en matière d'investissement dans le cinéma français. [...] Outre l'intérêt que C8 manifeste pour le cinéma depuis sa création, ses investissements dans les films, en constante augmentation depuis 2011, résultent également du niveau de ses obligations conventionnelles en faveur de la production cinématographique et du dynamisme de son chiffre d'affaires ".

219. Dans son avis, le CSA a mis en lumière la stratégie de C8 en matière de préachats de droits de diffusion de films français récents. Il a ainsi noté que la chaîne se focalise sur l'achat de droits de diffusion en deuxième et troisième fenêtres de films porteurs pour lesquels elle n'a pas acquis la première fenêtre. Le CSA a constaté que "cette stratégie a permis à C8, pour un niveau d'investissement mesuré (170 000 euros en moyenne en 2015), de pouvoir diffuser des films relativement récents en deuxième ou troisième fenêtre gratuite (soit généralement entre le 47ème et le 50ème mois après leur sortie en salle) [...] Elle a également permis à C8 de pouvoir intervenir dans des films aux devis élevés (4 films préachetés en deuxième ou troisième fenêtre dont le devis était supérieur à 10 Millions d'euros en 2015) et donc potentiellement porteurs, sans investir massivement dans le préachat de la première fenêtre de ces films. À titre d'exemple, en 2015, C8 a investi 300 000 euros en préachat dans la deuxième fenêtre de diffusion du film La folle histoire de Max et Léon de Jonathan Barre, dont le devis est de 11,5 millions d'euros ; par comparaison, TF1 a investi 2,6 millions d'euros pour la première fenêtre de diffusion gratuite de ce film ".

220. Ainsi, depuis l'acquisition de C8 et CStar par GCP en 2012, la part de C8 dans le financement du cinéma français n'a cessé d'augmenter, à la fois en valeur (1,2 millions d'euros en 2012 contre 2,8 millions d'euros en 2016) et en nombre de films (4 films financés par C8 en 2012 contre 12 en 2016).

43

b) Sur l'effet de levier susceptible d'être mis en œuvre par GCP entre les marchés d'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents en télévision payante et gratuite

Capacité et incitation de GCP à faire jouer un effet de levier entre ses activités de télévision payante et gratuite

221. Lors de l'instruction de la décision n° 14-DCC-50, la mise en œuvre d'une stratégie par laquelle GCP était susceptible d'acquérir des droits de diffusion sur les fenêtres en clair en supplément des droits acquis pour les fenêtres en télévision payante apparaissait dans les documents internes de GCP relatifs au projet d'acquisition. L'exercice d'un effet de levier pour obtenir des droits de diffusion en télévision gratuite de films EOF par GCP s'inscrivait dans une logique de rentabilité globale des activités du groupe. L'incitation de GCP à mettre en œuvre cette stratégie apparaissait forte dans la mesure où elle lui permettait d'augmenter l'attractivité de C8 (ex-D8) et CStar (ex-D17) que ce soit de manière absolue par l'enrichissement de la grille proposée par ces deux chaînes, ou de manière relative par l'appauvrissement des films EOF inédits auxquels auraient accès les chaînes en clair concurrentes.

222. Au cours de l'instruction, GCP a indiqué ne pas avoir la capacité d'user de l'effet de levier décrit dans la décision n° 14-DCC-50.

223. Il considère que, compte tenu de la nature des investissements réalisés par les chaînes de télévision gratuite, qui se focalisent sur les films avec le plus fort potentiel d'audience, sa capacité de négociation avec les producteurs est limitée, dans la mesure où sa contribution est, in fine, équivalente à celle des chaînes gratuites. À titre d'exemple, GCP note que, si l'on retient les 20 plus gros films en termes de budget entre 2012 et 2015, le financement apporté par GCP s'élève à 20 %, contre 15 % pour les chaînes gratuites. Plus spécifiquement, si l'on retient uniquement les films financés par TF1, la contribution de GCP dans ces mêmes films est équivalente. Or, les groupes de télévision gratuite ont recours à l'achat groupé de plusieurs fenêtres de diffusion gratuite, ce qui viendrait contrecarrer tout effet de levier que GCP pourrait chercher à exploiter.

224. À cet égard, le constat du recours à l'achat groupé de plusieurs fenêtres par les groupes historiques en clair a été confirmé par le CSA. Dans son avis rendu dans le cadre du présent réexamen, il a en effet constaté que : "TMC, NT1 ou HD1 préachètent [...] tous les ans un nombre non négligeable de 2ème ou 3ème fenêtres de films coproduits par TF1 et dont cette chaîne a acquis la première fenêtre de diffusion en clair. W9 a adopté la même stratégie sur l'essentiel des films coproduits par M6 ; France 4 l'a également fait, mais dans une moindre mesure, sur les films coproduits par France 2 ou France 3. Ces chaînes gratuites, qui préachètent les premières fenêtres de diffusion en clair des films qu'elles coproduisent, pour des montants souvent élevés [...], sont en bonne position pour négocier auprès du producteur du film des deuxième ou troisième fenêtres au bénéfice des autres chaînes en clair de leur groupe ".

225. Toutefois, le recours à l'achat groupé de plusieurs fenêtres par les groupes historiques en clair n'est pas de nature à remettre en cause l'effet de levier que GCP est susceptible de mettre en œuvre entre ses activités de télévision payante et gratuite qui avait été identifié dans la décision° 14-DCC-50. Ainsi que l'a relevé le Conseil d'État dans son arrêt du 23 décembre 2013, "dès lors que les éditeurs des autres chaînes gratuites sont en concurrence pour l'obtention des droits de diffusion en clair, ils ne disposeront pas effectivement d'un pouvoir de négociation leur permettant d'imposer aux détenteurs de droits de lier l'acquisition des droits de diffusion en première fenêtre en clair à l'acquisition des droits de diffusion en deuxième et troisième fenêtres en clair [...] ".

226. Le CSA a confirmé cette analyse dans son avis rendu au cours de l'instruction, à l'occasion duquel il a indiqué que "la concurrence entre les chaînes en clair pour le préfinancement de films EOF aux devis élevés et jugés porteurs car pouvant garantir de fortes audiences est beaucoup plus développée que dans le secteur de la télévision payante, où seules les chaînes OCS sont en concurrence avec GCP ". Cette concurrence est donc particulièrement vive pour les films aux plus gros budgets, qui sont ceux qui génèrent le plus d'audience.

227. Par conséquent, quand bien même GCP et les chaînes de télévision gratuite contribueraient, pour certains films, à un niveau équivalent, la concurrence qui existe entre les opérateurs de télévision gratuite complique, pour ces derniers, toute tentative de négociation destinée à lier l'achat de l'ensemble des fenêtres de diffusion gratuite. Au contraire, la position actuelle de quasi-monopoleur de GCP sur le marché de l'achat de droits de diffusion de films EOF récents pour une diffusion en télévision payante lui permet de procéder à de telles ventes liées.

228. Il se déduit de ce qui précède que GCP reste, à ce jour, capable de mettre en œuvre un effet de levier entre sa position sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films EOF pour la télévision payante et pour la diffusion gratuite, et qu'il est incité à se comporter de la sorte.

Impact concurrentiel

229. Les premières fenêtres en clair de films EOF sont principalement diffusées par les chaînes gratuites historiques. En revanche, à l'instar de C8, les chaînes de la TNT gratuites préachètent également des droits de diffusion en deuxième ou troisième fenêtre de diffusion gratuite ainsi que le montre le tableau ci-dessous :

230. Pour l'année 2016, parmi les 20 films préachetés par TF1, 11 ont fait l'objet d'un achat couplant plusieurs fenêtres de diffusion en clair au sein du groupe. En ce qui concerne M6, parmi les cinq films préachetés en 2016, trois ont fait l'objet d'un achat couplant plusieurs fenêtres de diffusion en clair au sein du groupe. Pour France Télévisions enfin, cinq films ont fait l'objet de tels achats sur les 53 films préachetés par le groupe en 2016.

231.L'impact d'un assèchement même partiel de l'accès des chaînes en clair au préachat des films EOF les plus attractifs pour une diffusion en première, en deuxième ou troisième fenêtre en clair est d'autant plus sensible que ces contenus, incontournables pour les chaînes en raison de leurs obligations légales, constituent un des éléments majeurs de leur programmation et sont susceptibles de générer des audiences importantes. Or, de tels contenus attractifs sont rares.

232. La mise en œuvre d'un effet de levier par GCP est susceptible de priver les chaînes gratuites de la possibilité de préacheter les droits de diffusion de deuxième et troisième fenêtres des films EOF les plus attractifs. Les chaînes gratuites concurrentes, contraintes de préacheter des films EOF, risquent donc de devoir reporter leurs investissements vers des films moins attractifs, aux devis plus modestes, moins susceptibles de générer de fortes audiences sur des grilles de programmes destinés au grand public.

233. Cette situation est susceptible de conduire à une réduction de l'audience des chaînes gratuites, et donc à une diminution de leurs recettes publicitaires qui affecte leur capacité à proposer aux téléspectateurs des contenus attractifs et différenciants.

234. GCP a toutefois soutenu, dans le cadre de la présente procédure, que l'effet anticoncurrentiel d'un éventuel comportement d'achat groupé de droits de diffusion serait contrecarré par le comportement des groupes de télévision gratuite, qui pratiqueraient un couplage de l'achat de droits de diffusion de première, deuxième et troisième fenêtres de diffusion gratuite, ce qui conduirait à l'évincer du marché.

235. Comme expliqué précédemment, cette analyse ne tient pas compte de la différence significative entre la situation de GCP, opérateur prépondérant de la télévision payante, et les groupes de télévision gratuite, qui sont en concurrence entre eux pour obtenir les droits de diffusion en clair des films les plus attractifs.

236. Cette situation est renforcée par la dépendance des producteurs français vis-à-vis de GCP dans le cadre de la négociation des préachats. À cet égard, le CSA a constaté que "les producteurs d'œuvres cinématographiques sont en effet dans une position où il leur est difficile de refuser de négocier avec GCP le couplage de droits de diffusion de films EOF porteurs pour la télévision payante et pour la télévision gratuite et, plus particulièrement, de refuser de céder les deuxièmes ou troisièmes fenêtres au bénéfice de C8 ou CStar : ce refus pourrait obérer, soit le préfinancement de la fenêtre payante soit leur capacité à obtenir de GCP des financements pour leurs projets de films plus modestes, au budget plus réduit, sans participation des chaînes en clair, pour lesquels le financement de GCP estprimordial, voire vital. ".

c) Conclusion

237. Il résulte des éléments qui précèdent que, à la date de la présente décision, le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents n'a connu aucun changement de circonstances de fait ou de droit depuis 2014. En conséquence, GCP est toujours en mesure de faire jouer un effet de levier entre ses activités de télévision payante et de télévision gratuite, au détriment de ses concurrents.

238. Toutefois, la pression concurrentielle d'Altice sur le marché d'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents pour la télévision payante est susceptible de se développer dans les années à venir. Cette évolution pourra, par conséquent, modifier la structure du marché dans un terme relativement proche.

3. EFFET DE LEVIER S'

AGISSANT DES CONDITIONS D'ACQUISITION DE DROITS DE FILMS EOF

a) Les constats de la décision n° 14-DCC-50 sur les clauses de priorité ou de préemption

239. Dans sa décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a constaté que les chaînes en clair qui interviennent au stade du financement des films peuvent négocier des clauses de priorité ou de préemption dans les contrats qu'elles signent avec les producteurs.

240. Ces clauses ont vocation à s'appliquer au bénéfice des chaînes ou groupes de chaînes qui les ont négociées dans leur contrat de préfinancement, lorsque le film concerné devient un film de catalogue, c'est-à-dire lorsque son premier cycle d'exploitation sur les différentes fenêtres de la télévision payante et de la télévision gratuite est achevé. Ces clauses peuvent être activées au moment où le détenteur de droit remet les droits de diffusion de ce film sur le marché. Les clauses de priorité garantissent à la chaîne qui a préfinancé le film une option d'achat prioritaire auprès du détenteur de droit. Les clauses de préemption leur permettent, dans un second temps, de préempter l'achat des droits de diffusion du film concerné à l'issue du processus de négociation entre une chaîne tierce et le détenteur de droits.

241. L'Autorité avait considéré dans sa décision que la possibilité pour GCP de bénéficier de clauses de préemption sans préacheter les droits de diffusion de films inédits en première fenêtre en clair aurait été "singulière par rapport aux usages du marché". De tels droits accordés à C8 ou CStar auraient privé les concurrents ayant investi dans la première fenêtre de diffusion d'un moyen de rentabiliser leurs investissements.

b) L'évolution des pratiques de marché et la situation des chaînes en clair de GCP et de ses principales concurrentes de la TNT

242. Il ressort de la nouvelle instruction que, aujourd'hui, lorsque deux chaînes ou groupes de chaînes concurrents cofinancent un même film, chacun de ces opérateurs peut bénéficier d'une clause de priorité et/ou de préemption.

243. Le groupe TF1 indique qu' : " Il est en effet possible, lorsque deux groupes de chaînes préfinancent un film et acquièrent des droits de coproduction et/ou des droits de diffusion pour une première et une deuxième, voire une troisième fenêtre de diffusion, qu'ils bénéficient chacun d'un droit de préemption sur un même film ".

244. Dans ce cas, les opérateurs interrogés précisent que les droits de préemption entre les différents groupes audiovisuels ayant financé un même film s'exercent en général de manière alternée. Le groupe M6 a ainsi expliqué : " Deux cas de figure se présentent lorsque deux chaînes concurrentes préfinancent un même film : soit un système de droits de préemption alternés (diffusions paires-diffusions impaires), soit des droits de préemption de rangs différents (le premier diffuseur aura un droit de préemption sur toutes les diffusions, le second diffuseur disposant d'un droit de préemption de second rang si le premier diffuseur n'a pas préempté). Cette dernière modalité se rencontre plus rarement en pratique ". La réponse du groupe France Télévisions valide également l'existence de cette pratique.

245. Cette pratique de marché est appliquée par l'ensemble des opérateurs historiques de la télévision gratuite.

246. En revanche, en application de l'engagement 2.2.2, les chaînes C8 et CStar ne peuvent, à ce jour, bénéficier d'un droit de préemption qu'à la condition qu'elles aient au préalable préacheté la première fenêtre de diffusion17.

247. À cet égard, les données publiques du CNC montrent que C8 a participé au financement de douze films français en 2016. Parmi ces douze films, seuls quatre ont fait l'objet d'un financement en première fenêtre de diffusion en clair. Le devis moyen de ces films était de 4,9 millions d'euros. Les huit autres films ont fait l'objet d'un cofinancement avec une ou deux autres chaînes en clair, dans le cadre du préachat d'une deuxième ou une troisième fenêtre de diffusion en clair. En application de l'engagement 2.2.2, C8 ne bénéficie d'aucune clause de priorité et/ou de préemption sur ces huit films. Or, ces derniers ont un devis moyen supérieur à 7 millions d'euros et sont donc, a priori, plus attractifs que les quatre films que C8 a financés seul en 2016.

248. Cette différence de situation créé une asymétrie entre les chaînes en clair de GCP et ses principales concurrentes de la TNT. Elles sont en effet adossées pour la plupart à des groupes historiques de la télévision gratuite. Or, les clauses de priorité et/ou de préemption dont bénéficient les chaînes historiques en clair peuvent être exercées au profit de toutes les chaînes en clair du groupe auquel elles appartiennent, incluant les chaînes TNT, ce qui réduit la disponibilité des œuvres une fois entrées dans le catalogue, en particulier pour les chaînes non adossées à un groupe audiovisuel historique. Dans ce contexte, les chaînes de la TNT concurrentes de C8 et CStar peuvent bénéficier de l'exercice de ces clauses par l'intermédiaire du groupe auquel elles appartiennent, en sus des clauses dont elles peuvent directement bénéficier au titre de leur cofinancement minoritaire des films. À cet égard, un répondant interrogé dans le cadre du test de marché a indiqué que le mécanisme des droits de priorité et/ou préemption renforcerait l'indisponibilité des œuvres, en particulier pour les chaînes non adossées à un groupe audiovisuel historique.

c) Conclusion

249. Il ressort de ce qui précède qu'il n'est pas nécessaire pour une chaîne d'investir dans une première fenêtre de diffusion en clair pour bénéficier d'une clause de priorité et/ou de préemption. La chaîne qui a investi dans une fenêtre de diffusion en clair ultérieure peut également bénéficier d'une telle clause. Cette clause s'exerce alors de manière alternée. Cette situation a d'autant plus d'enjeux pour GCP que ses chaînes en clair investissent principalement dans des droits de diffusion de deuxième et troisième fenêtres.

B. EFFETS VERTICAUX

250. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

251. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a considéré que l'opération était susceptible d'entrainer un effet de verrouillage sur les marchés de droits de films de catalogue. La concentration renforçait en effet la position de GCP en tant qu'acheteur sur les marchés de la vente de droits de films de catalogue, sur lesquels il était, préalablement à l'opération, uniquement actif au titre de ses activités de télévision payante. Dans la mesure où StudioCanal, filiale de GCP, est un des principaux vendeurs de droits de films de catalogue, la nouvelle entité pouvait restreindre l'accès à ce type de droits pour privilégier ses chaînes en clair au détriment des opérateurs concurrents de télévision gratuite, en particulier des nouvelles chaînes de la TNT non adossées à un groupe audiovisuel historique(1).

252. Par ailleurs, l'Autorité avait constaté que GCP contrôlait plusieurs compétitions pouvant comporter des événements sportifs d'importance majeure qu'il devait rétrocéder aux chaînes gratuites faute de pouvoir en assurer la diffusion en clair. En conséquence, elle avait considéré que l'intégration de chaînes gratuites aux activités de GCP mettait ce dernier en mesure de diffuser ces contenus sur ses propres chaînes, en préemptant toute possibilité pour les autres chaînes gratuites d'y accéder (2).

1. EFFET VERTICAUX S'AGISSANT DES FILMS DE CATALOGUE

253. Dans sa décision n°14-DCC-50, l'Autorité a relevé que GCP, par l'intermédiaire de sa filiale StudioCanal, détenait le premier portefeuille de droits en France. Or ces films représentent un contenu essentiel pour l'édition des chaînes en clair, dans la mesure où elles sont dans l'obligation de diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques EOF. Ces droits sont particulièrement importants pour les chaînes de la TNT non adossées à un groupe historique (à savoir notamment NRJ12, Numéro 23 et Chérie 25), qui diffusent très peu de films inédits et essentiellement des films de catalogue.

L'Autorité a considéré que GCP avait donc la capacité de priver les chaînes gratuites de l'accès à une part importante des droits qui sont essentiels pour elles.

L'acquisition de Direct 8 et Direct Star (devenues C8 et CStar) permettait à GCP de mettre en place une telle stratégie de verrouillage afin de protéger ses propres chaînes gratuites de la concurrence.

254. La faisabilité et l'intérêt pour GCP d'une stratégie visant à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de diffusion des films de catalogue qu'il détient dépendent en premier lieu de sa maîtrise de l'accès à ces droits. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère comme très peu probable le risque que le renforcement vertical causé par une opération de concentration entraîne un effet de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 % (lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, paragraphe 384). Il convient donc, au cas d'espèce, d'analyser la position que détientdésormais GCP sur les marchés des droits des films de catalogue aussi bien à l'amont, du côté de l'offre de droits, qu'à l'aval, du côté de la demande (a).

Il conviendra également d'analyser si GCP est toujours incité à mettre en œuvre une telle stratégie de verrouillage (b) et quel serait son impact sur les opérateurs concurrents (c).49

a) Position de GCP

Du côté de l'offre

Le catalogue de StudioCanal

255. Dans sa décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a relevé que GCP, via StudioCanal, était le leader en France de la distribution de films de catalogue toutes origines confondues et des films de catalogue " de quotas ", c'est-à-dire des films français et européens.

256. GCP a affirmé dans une étude économique produite dans le cadre du présent réexamen que le catalogue de StudioCanal "est vieillissant et a perdu en attractivité " depuis 2012. Il cite un certain nombre de succès récents du cinéma français qui ne figurent pas dans son catalogue, tels que " Bienvenue chez les Ch'tis ", " Intouchables ", " Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu " ou encore " Les Choristes ".

257. À ce titre, GCP a communiqué les données présentant une répartition des films composant le catalogue de StudioCanal en 2012 et 2016, classés en fonction de leur ancienneté et de leur origine (les données relatives à l'année 2014 ne figurent pas au dossier). Ces données sont reprises dans le tableau comparatif suivant :

[TABLEAU]

258. Il ressort de ce tableau que le catalogue de StudioCanal a légèrement diminué en nombre de films entre 2012 (date de l'acquisition de C8 et CStar par GCP) et 2016, passant d'environ [...] œuvres disponibles à environ [...]. La diminution du nombre de films composant ce catalogue est surtout manifeste pour les films de catalogue les plus récents, puisque StudioCanal disposeaujourd'hui de moins de la moitié du nombre de films de moins de cinq ans dont il disposait en 2012. Ce constat est vérifié pour les films de catalogue toutes origines confondues comme pour les films de catalogue français ou européens spécifiquement. Inversement, la seule catégorie de films à avoir augmenté depuis 2012 est celle des films de catalogue de plus de 15 ans. GCP précise à cet égard que la moyenne d'âge des films du catalogue de StudioCanal est passée de [...] ans en 2012 à [...] ans en 2016. Cette évolution s'expliquerait par un solde négatif de films entrés et sortis du catalogue de StudioCanal sur la période considérée.

259. Il ressort de ce qui précède que le catalogue de StudioCanal a connu une diminution du nombre d'œuvres cinématographiques qui le composent. En outre, la moyenne d'âge des films a légèrement augmenté, ce phénomène pouvant cependant s'expliquer par l'évolution normale du catalogue au fil des années.

260. La composition et la qualité du catalogue de StudioCanal doit également être analysée au regard des catalogues de ses principaux concurrents.

Position de GCP par rapport à ses concurrents en termes de nombre de films de catalogue

261. StudioCanal reste le leader français de la distribution de films de catalogue toutes origines confondues. Les principaux concurrents de GCP, notamment les groupes Gaumont et Pathé, détiennent des portefeuilles de droits beaucoup plus étroits. Le concurrent le plus proche de StudioCanal, Gaumont, dispose ainsi d'un catalogue global d'un peu plus de 1 000 titres. Ainsi, même si les chaînes en clair peuvent, en cas de verrouillage de l'accès au catalogue de StudioCanal, s'adresser à des fournisseurs alternatifs, ces derniers n'apparaissent pas en mesure de proposer une offre d'une profondeur équivalente à celle de GCP.

262. En outre, le portefeuille de droits détenu par StudioCanal continue de proposer des films très attractifs pour les chaînes de télévision, en particulier pour les nouvelles chaînes de la TNT.Ce catalogue comprend notamment des films populaires français (tels que " La Grande Vadrouille ", " Le Corniaud ", " L'Aile ou la Cuisse ", " Angélique Marquise des Anges ", " La Vache et le Prisonnier ", " La Soupe aux Choux " ou " Viens chez moi j'habite chez une copine ") mais aussi des films étrangers grand public (comme " Terminator 2 ", " Basic Instinct " et " Paddington ").

Il s'agit de films multidiffusés qui réalisent toujours des audiences importantes.

263. Si l'on ne retient que les films " de quotas ", la domination de StudioCanal reste très marquée, ainsi que le relève le CSA dans son avis rendu dans le cadre de la présente décision.

StudioCanal propose dans son catalogue [...] films français et européens, dont environ [...] films français, alors que son concurrent le plus proche ne dispose que de 1 000 films de catalogue, toutes origines confondues.

264. La domination de StudioCanal, en particulier en ce qui concerne les films français, trouve sa traduction directe dans le nombre de premières parties de soirée (prime time) potentielles que son catalogue représente.

265. Il ressort des informations recueillies au cours de l'instruction que les films issus du catalogue de StudioCanal ont représenté, pour les années 2014 et 2015 (données 2016 non disponibles), entre 22 et 23 % des films français de catalogue dont les droits ont été acquis pour une diffusion en prime time par les groupes audiovisuels de télévision gratuite, toutes chaînes confondues (chaînes " historiques " et chaînes de la TNT), selon les années. En ajoutant les films européens de catalogue, ces pourcentages se situent entre 20 % et 21 %. Il convient toutefois de constater que ces pourcentages sont plutôt en diminution par rapport à ce qui avait été relevé dans la décision n° 14-DCC-50, qui indiquait que 27 % des films français de catalogue et 26 % des films français et européens de catalogue de l'ensemble des chaînes en clair étaient acquis auprès de StudioCanal.

266. En ce qui concerne les seules chaînes de la TNT, adossées ou non à un grand groupe audiovisuel (chaînes TNT des groupes TF1, France Télévisions et M6 ainsi que les chaînes 51du groupe NRJ), le pourcentage de films français de catalogue dont les droits ont été acquis auprès de StudioCanal pour une diffusion en prime time se situe entre 25 % et 22 % en 2014 et 2015. En ajoutant les films européens de catalogue, ces pourcentages se situent à 23 % et 21 % en 2014 et 2015. Si l'on ne retient que les chaînes du groupe NRJ, qui ne sont adossées à aucune chaîne historique, la part de StudioCanal dans le nombre de films français de catalogue diffusés en prime time est plus importante, représentant jusqu'à [20-30] % en 2014 et [20-30] % en 2015.

267. En définitive, StudioCanal reste le premier fournisseur de films EOF et européens en France.Position de GCP s'agissant du chiffre d'affaires annuel réalisé sur le marché

268. L'analyse de la valeur des acquisitions de droits de diffusion des films de catalogue par les chaînes auprès de StudioCanal confirme les constats tirés de l'étude en nombre de films.

269. S'agissant des droits portant sur des films de catalogue EOF et européens, les groupes TF1, France Télévisions, M6 et NRJ12 ont réalisé en moyenne 20 % du montant de leurs acquisitions totales auprès de StudioCanal entre 2014 et 2016. Ces estimations, établies à partir des données communiquées dans le cadre de la nouvelle instruction, sont proches de celles de l'année 2012.

270. En ce qui concerne spécifiquement les chaînes du groupe NRJ, la part des achats de droits auprès de StudioCanal en films EOF et européens est variable en fonction des années. Si cette part n'a été que de [5-10] % en 2015, elle a été de [20-30] % en 2014 et [30-40] % en 2016. Hormis l'année 2015, elle est donc en tout état de cause supérieure à celle des chaînes adossées à de grands groupes audiovisuels. Du côté de la demande

271. GCP est un acheteur de droits de diffusion pour les chaînes payantes et gratuites qu'il édite.

272. En 2016, les parts d'investissements de GCP et des autres éditeurs sont les suivantes :

[TABLEAU]

273. GCP représente environ [10-20] % de la valeur des achats en films de catalogue EOF et européens en 2016. Plus spécifiquement, C8 et CStar ont pour leur part investi [...]d'euros pour l'achat de droits de films de catalogue EOF et européens, soit une part de marché52d'environ [5-10] %. GCP représente donc une part d'investissement largement inférieure à celle des groupes TF1 et France Télévisions, dont les positions à l'achat sont respectivement de [40-50] % et [20-30] % environ.

274. Dans l'hypothèse où il devrait être considéré l'existence d'un marché des films de catalogue élargi aux opérateurs de VàDA, l'instruction n'a pas permis de dégager d'informations chiffrées relatives au montant des achats en films de catalogue que représente la demande émanant de ces acteurs. En tout état de cause, leur prise en compte dans l'analyse contribuerait probablement à diminuer modérément la part que représente GCP dans la demande de films de catalogue.

Conclusion

275. Il ressort de ce qui précède que même si GCP dispose, à ce jour, de parts de marché probablement inférieures à 30 % en valeur sur les marchés des droits de films de catalogue, aussi bien du côté de l'offre que du côté de la demande, son portefeuille reste le plus important du marché pour les droits de films EOF, à la fois en qualité et en nombre de films.

b) Fonctionnement du marché et difficultés d'approvisionnement pour les chaînes qui ne sont pas adossées à un grand groupe audiovisuel

276. StudioCanal adresse aux chaînes des listes de films (ou "packages") à plusieurs moments dans l'année et celles-ci font alors connaître leur demande pour tel ou tel film. Une négociation a alors lieu entre StudioCanal et la chaîne sur le tarif et les modalités de cession des droits du film en question. StudioCanal arbitre en fonction des préférences de chacun de ses clients pour obtenir un ensemble de listes qui conviennent à chacun d'entre eux. Parallèlement, certains films peuvent être achetés à l'unité (ce cas de figure concerne principalement les chaînes gratuites historiques). Selon les opérateurs interrogés, les groupes de chaînes en clair peuvent acheter en même temps des droits portant sur plusieurs diffusions de films de catalogue, qui peuvent être réparties sur les différentes chaînes d'un même groupe. Les droits sont acquis pour des durées variables, généralement de six mois à deux ans en fonction du nombre de diffusions prévu. Lorsqu'une seule diffusion sur une chaîne TNT est négociée, les droits portent en général sur six mois. Si au moins deux diffusions sont prévues sur les chaînes TNT d'un groupe, séparées d'au moins un mois l'une de l'autre, alors les droits peuvent porter sur une durée d'un an, voire plus en cas de diffusion préalable sur une chaîne historique.

277. La décision n° 14-DCC-50 relevait que ce mécanisme de vente, fondé sur des listes adaptées à la ligne éditoriale et à la propension à payer de chaque chaîne, tendait à privilégier les opérateurs les plus puissants, au détriment des nouveaux entrants indépendants. Les listes sont en effet d'abord proposées aux chaînes gratuites historiques, puis aux nouvelles chaînes de la TNT, les disponibilités des films s'amenuisant au fil des achats des premiers acheteurs sollicités.

278. En outre, l'entrée dans les catalogues des films attractifs est de plus en plus tardive, ce qui retarde mécaniquement l'accès des chaînes TNT non adossées à un grand groupe audiovisuel à ce type de programmes. En effet, le développement de chaînes TNT filiales des grands groupes audiovisuels a eu pour effet, comme indiqué précédemment, d'accroître le nombre de fenêtres de diffusion acquises dans le cadre des préachats pour les films EOF ainsi que pour les films américains. Or, une fenêtre de diffusion peut durer jusqu'à 18 mois, soit une durée largement supérieure à la durée minimale prévue par l'accord relatif à la chronologie des médias. Selon NRJ12, " il n'est pas rare qu'il s'écoule 6 ans entre la sortie d'un film et 53son entrée dans le catalogue des distributeurs ". En outre, la multiplication des fenêtres de diffusion lors du premier cycle d'exploitation du film conduit logiquement à sa plus grande usure lorsqu'il devient un film de catalogue accessible pour les chaînes TNT plus modestes. Le film est alors moins générateur d'audience.

279. Enfin, comme indiqué précédemment, une partie significative des droits de films de catalogue détenus par StudioCanal fait l'objet de clauses de priorité et/ou de préemption négociées par les groupes historiques de la télévision gratuite (TF1, M6 et France Télévisions) lors de leurs préachats, ce qui réduit la possibilité de circulation des œuvres une fois rentrées dans le catalogue. Ces groupes historiques de la télévision gratuite représentent la grande majorité de l'investissement des chaînes en clair dans la production cinématographique. Ainsi, sur les 221 films d'initiative française produits en 2016, 98 films ont été préachetés par une ou plusieurs chaînes en clair (Arte, C8, France 2, France 3, France 4, France 5, HD1, M6, NT1, TF1, TMC et W9), dont environ 80 impliquent une chaîne historique. Ces préachats visent le plus souvent les films aux devis les plus élevés, présumés être les plus attractifs. Les droits de préemption attachés aux préachats s'étendent souvent à leurs filiales de la TNT gratuite, ce qui tend à favoriser une circulation des œuvres " en vase clos ", à l'intérieur des groupes qui les ont financées à l'origine. À cet égard, NRJ12 expliquedans sa réponse au test de marché [confidentiel].

280.

Depuis 2014, les chaînes de la TNT ont participé au financement d'environ une trentaine de films chaque année, représentant un montant d'investissement de 4,7 % en 2014, 4,5 % en 2015 et 6,1 % en 2016 de l'ensemble des financements des chaînes de télévision en clair. Il s'ensuit que les contributions des chaînes de la TNT au cinéma français, même si elles sont en augmentation, ne constituent toujours pas à ce jour une part significative de la productioncinématographique. Elles ne peuvent en conséquence jouir que d'un nombre marginal de droits de préemption. Ainsi, l'Autorité relève que les chaînes du groupe NRJ n'ont préfinancé aucun film depuis 2014.

281. Ce faible accès aux films de catalogue pose des difficultés dans la mesure où les films et œuvres EOF sont indispensables à la réalisation des quotas réglementaires. Dans ce contexte, le catalogue de StudioCanal reste une source d'approvisionnement essentielle pour les chaînes non adossées à de grands groupes audiovisuels. GCP est donc toujours capable de verrouiller l'accès des nouvelles chaînes de la TNT au portefeuille de films de StudioCanal.

282. À cet égard, ainsi qu'il a été expliqué précédemment au point 270, il ressort des informations disponibles que le groupe NRJ s'est approvisionné en films de quotas de catalogue auprès de StudioCanal pour [30-40] % de ses besoins en 2016. Cette part est toutefois variable selon les années sur la période 2014 à 2016.

283. En conclusion, à la date de la présente décision, les films EOF de catalogue continuent de représenter un intrant incontournable pour l'édition des chaînes en clair, dans la mesure où celles-ci sont soumises à des quotas de diffusion.

Comme en 2014, aucun autre concurrent de StudioCanal ne dispose d'un catalogue d'une qualité et d'une profondeur équivalente en matière d'œuvres EOF.

284. Toutefois, l'Autorité note que la prépondérance du catalogue de StudioCanal, notamment s'agissant des films EOF, tend à décroître. Ainsi, même s'il reste une source d'approvisionnement essentielle pour les chaînes, d'autres producteurs français semblent en mesure de répondre, au moins en partie, aux besoins des chaînes de la TNT non adossées à de grands groupes audiovisuels.

c) Sur les incitations de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat des droits de diffusion de films EOF et l'impact concurrentiel d'un tel comportement

285. Un verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue EOF de StudioCanal pourrait permettre à GCP d'augmenter l'attractivité relative de C8 et CStar en appauvrissant la programmation cinématographique des chaînes concurrentes. Compte tenu des quotas obligatoires de diffusion de films européens et EOF imposés par la réglementation, les opérateurs concurrents ne pourraient pas reporter leurs achats vers des films américains (ou autres) pour maintenir l'attractivité de leur chaîne, en cas de verrouillage. En améliorant ainsi l'audience de C8 et CStar au détriment de ses concurrents, GCP augmenterait ses recettes publicitaires, selon le mécanisme décrit au paragraphe 191 de la présente décision.

286. Toutefois, comme l'Autorité l'avait constaté en 2014, en verrouillant l'accès à ses droits de films de catalogue EOF, GCP se priverait d'une part substantielle des revenus de StudioCanal. Les chaînes en clair sont en effet les premiers acheteurs de ce type de droit, dont les ventes ont représenté pour StudioCanal un chiffre d'affaires de [...] d'euros en 2015, soit un chiffre proche de ce qui avait été constaté par l'Autorité dans sa décision n° 14-DCC-

50, et [...] d'euros en 2016. Une stratégie consistant à restreindre l'accès aux droits sans en verrouiller totalement l'accès pourrait également conduire à des pertes similaires, les opérateurs en clair étant susceptibles de reporter l'intégralité de leurs achats vers d'autres détenteurs de catalogue. Ceci est d'autant plus vraisemblable que certains d'entre eux disposent également d'un portefeuille de droits de films de catalogue. Par conséquent, même si la stratégie de verrouillage envisagée permettrait à la nouvelle entité d'augmenter les recettes publicitaires de C8, il paraît peu probable que cette augmentation compense la baisse de chiffre d'affaires que subirait StudioCanal, compte tenu du poids financier des chaînes en clair concurrentes. En outre, les chaînes en clair appartenant à un groupe historique de télévision gratuite peuvent négocier des clauses de préemption et/ou de priorité lorsqu'ils préfinancent des films. Ces clauses empêchent tout verrouillage, par StudioCanal, de l'accès aux films de catalogue cofinancés par une chaîne de la télévision gratuite. Compte tenu de ces éléments, GCP ne serait donc pas incité à adopter une stratégie généralisée de verrouillage.

287. En revanche, les incitations de StudioCanal s'avèrent différentes vis-à-vis des chaînes de la TNT non adossées à de grands groupes audiovisuels historiques, dont le positionnement concurrentiel reste, à ce jour, plus proche des chaînes C8 et CStar que les chaînes gratuites historiques. Ces chaînes sont très dépendantes des films de catalogue pour la composition de leurs grilles. Il ressort en effet des éléments recueillis au cours de l'instruction que plus de [30-40] % des meilleures audiences de NRJ12 est réalisé avec des films de catalogue, dont les performances en termes d'audience sont supérieures à la moyenne de la chaîne. Or,les chaînes de la TNT non adossées à ces grands groupes représentent moins de [5-10] % des débouchés totaux du marché des films de catalogue18 . Comme il a été indiqué plus haut, même si une partie conséquente de ses approvisionnements peut provenir de concurrents de StudioCanal, NRJ12 se fournit substantiellement en films de catalogue français et européens auprès de StudioCanal, qui représente en moyenne [20-30] % des achats de NRJ12 dans ce type de contenu sur la période 2012 à 2016.

288. Il s'ensuit que l'éviction de chaînes de ce type par le verrouillage de l'accès au portefeuille de films EOF de StudioCanal améliorerait l'audience relative de C8 et CStar par comparaison à ses plus proches concurrents. La mise en œuvre d'une telle stratégie vis -à-vis des chaînes de la TNT non adossées à un grand groupe audiovisuel est d'autant plus vraisemblable qu'elle n'entraînerait pas de perte de revenu significative pour StudioCanal.

d) Conclusion

289. Il ressort de ce qui précède que le catalogue de StudioCanal demeure le premier catalogue de films de quotas de France, dont l'attractivité est forte en particulier pour les chaînes TNT non adossées à un groupe audiovisuel. Toutefois, le catalogue de StudioCanal semble aujourd'hui moins incontournable qu'à la date d'acquisition de C8 et CStar par GCP. Son attractivité et sa prépondérance tendent à décroître. En outre, l'instruction a montré que les chaînes de la TNT non adossées à de grands groupes ont la capacité de s'approvisionner, au moins en partie, auprès d'autres studios importants du cinéma français.

2. EFFETS VERTICAUX RELATIFS AUX ÉVÉNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

290. L'Autorité a relevé, dans la décision n° 14-DCC-50, que GCP était présent sur le marché des droits des événements sportifs d'importance majeure. Comme il a été indiqué aux paragraphes 135 et suivants de la présente décision, les événements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité par le détenteur de leurs droits d'une manière qui aboutisse à priver une part importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre.

291. Par conséquent, en application des dispositions du décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 relatif à la diffusion d'événements d'importance majeure, si un éditeur de chaîne de télévision à accès payant n'est pas en mesure de diffuser en clair un événement d'importance majeure pour lequel il dispose de droits exclusifs, il est tenu de proposer la cession de ces droits aux éditeurs de services de télévision à accès libre. Cette offre doit être formulée dans un délai raisonnable avant l'événement et selon des termes et des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires. Si aucune offre n'est faite, le titulaire du droit peut l'utiliser dans les conditions qu'il souhaite.

292. Compte tenu de cette réglementation, l'Autorité a constaté, dans la décision n° 14-DCC-50 qu'avant la prise de contrôle de Direct 8 et Direct Star, devenues C8 et CStar, GCP était en position d'acquérir des droits de compétitions sportives d'importance majeure (ou incluant des événements d'importance majeure) mais devait conclure des partenariats avec des chaînes gratuites pour partager ces droits ou céder la fraction de la compétition classée comme étant d'importance majeure à des chaînes gratuites en mesure de la diffuser.

L'opération permettait donc à GCP de réserver pour ses propres chaînes en clair la diffusion des droits d'importance majeure qu'il détenait.

293. En raison du potentiel d'audience important de ces programmes, l'opération entraînait un risque de marginalisation des chaînes gratuites concurrentes de GCP. Ce risque était d'autant plus significatif que GCP était le seul groupe audiovisuel en mesure de proposer à la fois le volume de diffusion propre aux chaînes thématiques et l'exposition apportée par une chaîne en clair.

294. Il convient d'analyser si cet effet vertical est toujours susceptible de se matérialiser. Après avoir présenté la position actuelle de GCP et de ses concurrents sur le marché de l'acquisition des droits de diffusion portant sur des événements sportifs d'importance majeure (a), l'Autorité analysera les évolutions possibles de ce marché compte tenu des échéances à venir (b).

a) Position de GCP et de ses concurrents

295. Ainsi qu'il l'a été exposé au paragraphe 137 de la présente décision, on compte 21 événements sportifs d'importance majeure définis par le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004.

296.L'analyse de l'évolution des droits sportifs d'importance majeure détenus par GCP, entre 2014 et aujourd'hui montre que la position de marché de ce dernier s'est rétractée depuis la décision d'autorisation. En effet, les seuls droits sportifs d'importance majeure que GCP détient à la date de la présente décision sont les finales des compétitions mondiales et européennes de basket. Ces compétitions ne sont toutefois considérées comme " d'importance majeure " qu'à la condition que l'équipe de France y participe. Il convient en outre de relever que GCP détient les droits de la finale du Top 14 et conserve les droits portant sur la Formule 1 à partir de 2018 (incluant le Grand Prix de France qui est un événement sportif d'importance majeure). Ces droits portent toutefois uniquement sur une diffusion pour la télévision payante.

297. Le tableau suivant présente l'évolution des droits de diffusion portant sur des événements sportifs d'importance majeure détenus par GCP entre 2012 et 2017.

Événements sportifs d'importance majeure

Ce tableau ne mentionne pas les droits portant sur la diffusion à la télévision payante de la Formule 1, qui incluront à partir de 2018 le Grand Prix de France, défini comme un événement sportif d'importance majeure.

298. Il ressort de ce tableau que GCP a perdu les droits portant sur les finales des principales compétitions internationales de handball masculin et féminin. Comme indiqué précédemment, il a conservé des droits relatifs à la finale du Top 14 (pour une diffusion à la télévision payante uniquement) et ceux portant sur les compétitions mondiales et européennes de basket masculin et féminin et il a acquis les droits relatifs au Grand Prix de France de Formule 1 (également pour une diffusion à la télévision payante uniquement).

Concernant les droits relatifs au basket, GCP indique qu'il les a acquis le 3 février 2017 et les a mis sur le marché pour une diffusion gratuite le 10 février 2017. GCP précise que C8 et CStar se sont engagés à ne pas se porter acquéreurs de ces droits.

299. Le faible nombre de droits sportifs d'importance majeure actuellement détenus par GCP rend peu crédible la capacité de ce dernier à verrouiller une part substantielle de ces droits.

300. À la date de la présente décision, à l'exception de ceux détenus par GCP, l'ensemble des droits portant sur les événements sportifs d'importance majeure sont répartis entre trois opérateurs de télévision en clair (France Télévisions, le groupe TF1 et le groupe M6 (viaW9)) et un opérateur de télévision payante (beIN Sports). Pour certains de ces droits, les opérateurs de télévision en clair ont sous-licencié à GCP les droits de diffusion en télévision payante (Jeux Olympiques ou finales du Championnat d'Europe et du Monde de basket avant que GCP en acquière de nouveau les droits en février 2017).

301. Enfin, il convient de relever que le seul événement sportif d'importance majeure diffusé par C8 en 2016 a été cédé par beIN Sports. Il s'agit de la finale de la Ligue des Champions.

302. Le CSA tire le même constat dans son avis n° 2017-03 du 22 février 2017. Il met en effet en lumière la dégradation du " catalogue " de droits d'événements sportifs d'importance majeure détenu par GCP depuis la précédente analyse menée par l'Autorité de la concurrence.

b) Événements sportifs d'importance majeure à venir et concurrence d'Altice

303. Malgré le faible nombre de droits portant sur des événements sportifs d'importance majeure détenus aujourd'hui par GCP, cette situation pourrait évoluer avec la remise en vente d'un certain nombre d'entre eux.

304. Toutefois, sur les marchés d'acquisition des droits de diffusion d'événements sportifs d'importance majeure, GCP devra toujours faire face à la forte concurrence des autres chaînes identifiées par l'Autorité en 2014 (à savoir les groupes historiques en clair et beIN Sports), ainsi que des chaînes du groupe Altice.

305.Le groupe Altice édite en effet cinq chaînes payantes de la thématique sport dont il assure la distribution en exclusivité auprès de ses abonnés. Afin d'approvisionner ses chaînes sports en contenus, le groupe Altice a récemment acquis un nombre important de droits sportifs, dont deux incluent ou peuvent inclure des événements sportifs d'importance majeure, à savoir la Ligue des Champions (dont la finale constitue un événement sportif d'importance majeure) et la Coupe UEFA (dont la finale constitue un événement sportif d'importance majeure lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe). Ces droits ont été acquis pour les années 2018 à 2021.

306. En outre, Altice diffuse d'ores-et-déjà un certain nombre de compétitions sportives qui, si elles ne constituent pas des événements sportifs d'importance majeure au sens de la réglementation, traduisent la volonté du groupe d'investir dans le domaine sportif :

-la "Premier League" anglaise de 2016 à 2019, équivalent de la Ligue 1 en France ;

319. Ainsi que le rappellent les lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, les obligations imposées aux entreprises, qui constituent une restriction à la liberté d'entreprendre, doivent être strictement nécessaires pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante. Autrement dit, l'objectif poursuivi par l'Autorité ne doit pas pouvoir être atteint par d'autres mesures moins contraignantes.

320. Comme l'a jugé le Conseil d'État (décision du 21 décembre 2012, Société Groupe Canal Plus, n° 362347), le caractère nécessaire et proportionné des mesures correctives s'apprécie mesure corrective par mesure corrective, ou groupe de mesures par groupe de mesures.

321. Par ailleurs, ainsi que le précisent les lignes directrices, les mesures correctives doivent être efficaces, c'est-à-dire remédier de manière effective aux atteintes à la concurrence identifiées. À cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment précise et que les modalités opérationnelles de leur réalisation soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables.

322. Afin d'assurer leur efficacité, les mesures correctives susceptibles d'être retenues par l'Autorité doivent constituer un ensemble cohérent permettant de prévenir, de manière globale, les effets anticoncurrentiels identifiés dans le cadre de l'analyse réalisée par l'Autorité. Le Conseil d'État a ainsi jugé que la pertinence et l'efficacité des mesures correctives, en tant qu'elles sont aptes à assurer le maintien d'une concurrence suffisante, doivent être appréciées globalement (décision du Conseil d'État du 21 décembre 2012, Société Groupe Canal Plus, précitée).

323.Cependant, quelles que soient les évolutions constatées sur le marché, l'Autorité n'est pas habilitée, dans le cadre d'une procédure de réexamen des mesures correctives adoptées à l'occasion d'une opération de concentration, à imposer aux parties une aggravation des engagements figurant dans la décision initiale, en l'espèce la décision n° 14-DCC-50 (décision du Conseil d'État du 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023).

B. LE RÉEXAMEN DES MESURES CORRECTIVES

1. LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE SÉRIES ET FILMS AMÉRICAINS

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées et des remèdes retenus dans la décision n° 14-DCC-50

En ce qui concerne les atteintes à la concurrence identifiées

324. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a relevé que, compte tenu de sa position d'acheteur principal sur le marché de l'achat de droits cinématographiques pour une diffusion en première et deuxième fenêtres de télévision payante, GCP pouvait faire jouer un effet de levier et s'appuyer sur cette position afin de préempter les droits de diffusion des programmes américains les plus attractifs pour une diffusion en clair sur les chaînes C8 et CStar.

325. S'agissant plus spécifiquement de l'achat de droits de diffusion de séries et de films américains récents, l'Autorité a constaté que, en utilisant le levier de sa très forte position sur l'acquisition de droits pour la télévision payante, GCP était mieux placé que les chaînes gratuites concurrentes pour être choisi par les majors pour la conclusion des accords-cadres portant sur la télévision gratuite. Dans la mesure où un nombre très limité de films et de séries joue pour les chaînes gratuites le rôle de moteur d'audience, cette préemption par GCP des droits les plus attractifs aurait risqué de fragiliser significativement leur équilibre financier, en diminuant leurs audiences, et donc leurs recettes publicitaires.

En ce qui concerne les objectifs poursuivis par les remèdes

326. L'objectif poursuivi par l'Autorité était d'éviter que GCP ne s'appuie sur le pouvoir de marché qu'il détient, en tant que principal acheteur de droits de diffusion en télévision payante pour la France, pour acquérir des droits de diffusion en clair dans des conditions qui fausseraient le jeu de la concurrence vis-à-vis des autres chaînes de télévision gratuite.

327. L'Autorité de la concurrence a néanmoins estimé qu'il aurait été disproportionné d'empêcher tout exercice d'un effet de levier en contraignant GCP à choisir d'acheter, auprès d'un même ayant-droit, soit les droits pour la télévision payante, soit les droits pour une diffusion en clair.

En ce qui concerne les remèdes retenus

328. Afin d'éviter ces effets congloméraux anticoncurrentiels sur les marchés des droits cinématographiques et des séries américains, GCP s'est engagé à limiter à un seul le nombre de majors avec lequel il peut conclure un ou plusieurs accords-cadres portant à la fois sur l'acquisition de droits de diffusion de films récents pour une diffusion sur la télévision payante et sur l'acquisition de droits portant sur des films inédits en clair et/ou des séries américaines récentes pour une diffusion en clair sur C8 et CStar (engagement 2.1(a)).

329. Afin de garantir le bon fonctionnement de cet engagement, GCP s'est également engagé, en cas de conclusion temporaire de deux accords-cadres liés avec deux majors distincts, à sous-licencier à un tiers les droits de diffusion qu'il détient au titre du premier accord (engagement 2.1(b)).

La période de chevauchement ne peut excéder dix-huit mois.

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle Proposition de GCP

330. GCP s'engage, en vertu de l'engagement 2.1. (a), à ne pas conclure avec plus de deux majors, un ou plusieurs output deal(s) dont l'objet est, d'une part, l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents en première et/ou deuxième fenêtre de télévision payante et, d'autre part, l'acquisition de droits portant sur des films et séries américains récents pour une diffusion en clair (ci-après "output deals couplés ").

En d'autres termes, GCP propose d'augmenter le nombre d'output deals couplés qu'il peut conclure avec des majors, ce nombre passant de un à deux. Cette demande formulée par GCP est soutenue par le CSA dans son avis rendu dans le cadre de la présente procédure.

331. Afin de garantir le bon fonctionnement de cet engagement, GCP s'engage, en cas de conclusion temporaire d'accords-cadres couplés avec trois majors distincts, à sous-licencier à un tiers les droits de diffusion qu'il détient avec l'un des deux premiers majors avec lesquels il a signé de tels contrats (engagement 2.1(b)).

La période de chevauchement durant laquelle la conclusion d'output deals avec trois majors est autorisée est fixée à dix-huit mois maximum.

332. GCP propose également une nouvelle définition de la notion d'"

Accord Cadre ou Output Deal avec un Studio Américain ", rédigée comme suit : "accord pluriannuel relatif à l'acquisition par un éditeur auprès d'un Studio Américain de droits de diffusion télévisuelle de films ou de séries, identifiés ou non, portant sur l'essentiel de la production annuelle inédite en France dudit Studio Américain. Au titre de l'output deal, l'éditeur s'engage à régler un prix déterminable aux termes du contrat par film, qui tient compte de critères tels que le nombre d'abonnés au service de télévision payante et/ou le nombre d'entrées en salle générées par chaque film sur le territoire. L'éditeur garantit au Studio Américain des prix planchers. De plus, l'output deal peut inclure un engagement ferme d'achat par l'éditeur de films de catalogue ou œuvres audiovisuelles de nature différente".

Appréciation de l'Autorité

333. À titre liminaire, la nouvelle définition de la notion d'"Accord Cadre ou Output Deal avec un Studio Américain" proposée par GCP vise à s'assurer que l'utilisation de ce terme dans le cadre de la présente décision et des engagements qui y sont annexés soit conforme à la pratique du marché. Cette modification permet donc de s'assurer que l'application de l'engagement soit en adéquation avec le comportement des opérateurs sur le marché.

334. Dans sa proposition initiale, GCP visait, par la notion d'"Accord Cadre ou Output Deal avec un Studio Américain", un accord portant sur la totalité de la production annuelle inédite en France du major, à l'exception d'une partie mineure de ladite production. Les éléments recueillis dans le cadre du test de marché ont mis en lumière l'inadéquation de cette définition avec la pratique du marché et le risque subséquent d'un contournement de l'engagement.

335. La dernière proposition de GCP répond à ces objections. La définition de la notion d'"Accord Cadre ou Output Deal avec un Studio Américain" proposée reprend les principales caractéristiques des output deals identifiées dans les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-100 et 14-DCC-50, à savoir des contrats-cadres généralement conclus pour des durées de trois à six ans, portant sur tous les films produits par le major remplissant des critères prédéfinis par le contrat ainsi que, dans certains cas, sur les films de catalogue et sur les films pour la télévision et à un prix variable pour chaque film, indexé sur des critères objectifs (point 140 de la décision n° 14-DCC-50).

336. En conséquence, la nouvelle définition de la notion d'"Accord Cadre ou Output Deal avec un Studio Américain" proposée par GCP est conforme à la pratique du marché et est donc justifiée. Il y a lieu d'accepter cette proposition.

337. S'agissant de l'augmentation du nombre d'output deals couplés, il résulte des éléments exposés dans l'analyse concurrentielle de la présente décision que le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains récents à la télévision payante a connu, très récemment, des évolutions importantes, qui sont amenées à s'amplifier. Contrairement à ce que soutiennent les éditeurs de chaînes en clair interrogés dans le cadre du test de marché, GCP, tout en gardant une position centrale sur ce marché, est confronté à une concurrence croissante d'Altice sur le secteur de la télévision payante et bientôt gratuite, qui vient progressivement amoindrir sa capacité à mettre en œuvre un effet de levier entre ces deux activités.

338. La proposition de GCP visant à relever à deux le nombre d'output deals couplés qu'il peut conclure avec les majors est donc en phase avec les évolutions récentes du marché. Elle garantit un accès suffisant des groupes audiovisuels en clair aux contenus américains attractifs, et augmente la marge de manœuvre de GCP face à l'émergence de la concurrence d'Altice. À cet égard, les majors interrogés dans le cadre du test de marché ont confirmé que la proposition de GCP permettrait à ses concurrents d'accéder à des programmes de qualité.

339. S'agissant enfin de l'engagement 2.1. (b), celui-ci constitue une modalité technique de mise en œuvre de l'engagement précédent, destinée à conférer à GCP la souplesse nécessaire pour gérer ses acquisitions en fonction de ses besoins et des output deals disponibles sur le marché. La demande de GCP consiste uniquement en une adaptation de cette disposition afin de tenir compte de l'engagement 2.1. (a) modifié, qu'il y a lieu d'accepter.

340. En conséquence, la demande de modification de l'engagement 2.1. formulée par GCP est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

2. LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE FILMS EOF

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées et des remèdes retenus dans la décision n° 14-DCC-50

En ce qui concerne les atteintes à la concurrence identifiées

341. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a relevé que, en ce qui concerne les films français récents, GCP était quasiment le seul acheteur de droits cinématographiques pour une diffusion en première et deuxième fenêtres de télévision payante sur le territoire français. Elle a considéré que GCP pouvait faire jouer un effet de levier et s'appuyer sur cette position afin de préempter les droits de diffusion les plus attractifs pour une diffusion en clair sur les chaînes C8 et CStar.

342. L'Autorité a également considéré dans sa décision que la possibilité pour GCP de bénéficier de clauses de préemption sans préacheter les droits de diffusion de films inédits en première fenêtre en clair aurait été "singulière par rapport aux usages du marché". De tels droits accordés à C8 ou CStar auraient privé les concurrents ayant investi dans la première fenêtre de diffusion d'un moyen de rentabiliser leurs investissements. En ce qui concerne les objectifs poursuivis par les remèdes

343. L'objectif poursuivi par l'Autorité était d'éviter que GCP ne s'appuie sur le pouvoir de marché qu'il détient, en tant que principal acheteur de droits de diffusion en télévision payante, pour acquérir des droits de diffusion en clair dans des conditions qui fausseraient le jeu de la concurrence vis-à-vis des autres chaînes en clair.

344. L'Autorité a néanmoins relevé qu'un tel effet n'était cependant possible que s'il portaitsur une part significative des droits disponibles et qu'il n'était donc pas nécessaire d'empêcher tout exercice d'un effet de levier entre les deux types d'achats.

En ce qui concerne les remèdes retenus

345. Afin d'éviter ces effets congloméraux anti-concurrentiels sur le marché des droits cinématographiques français, GCP s'est engagé, en premier lieu, à ne pas préacheter, au cours d'une même année calendaire, les droits de diffusion payante et en clair d'un même film, pour plus de 20 œuvres cinématographiques dont :

- au maximum deux films d'un devis de plus de 15 millions d'euros ;

- au maximum trois films d'un devis compris entre 10 et 15 millions d'euros;

- au maximum cinq films d'un devis compris entre 7 et 10 millions d'euros(engagement 2.2.1).

346. En second lieu, GCP s'est engagé à renoncer au bénéfice de toute clause de préemption associée à la diffusion d'un film d'expression originale française dès lors que ses chaînes en clair n'auraient pas acquis un droit de diffusion portant sur une première diffusion en clair (engagement 2.2.2.).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle

Proposition de GCP

347. GCP s'engage à maintenir l'engagement 2.2.1.

348. S'agissant de l'engagement 2.2.2., GCP s'engage, dès lors qu'il a préacheté des droits de diffusion d'une fenêtre en clair d'un film EOF, à ne bénéficier d'une clause de préemption et/ou de priorité exerçable que de manière alternée avec l'autre chaîne bénéficiant d'une clause de priorité et/ou de préemption au titre du préachat d'une autre fenêtre en clair de ce film. De plus, il s'engage à ce que ces clauses de préemption et/ou de priorité ne puissent être exercées que pour une durée de cinq ans à compter de l'expiration de la dernière fenêtre de diffusion en clair ayant fait l'objet d'un préachat.

Appréciation de l'Autorité

349. S'agissant de l'engagement 2.2.1., il résulte des éléments exposés dans l'analyse concurrentielle de la présente décision que le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents n'a connu aucun changement de circonstances de fait ou de droit depuis 2014. Ainsi qu'il ressort du test de marché, GCP reste, à ce jour, en mesure de faire jouer un effet de levier entre ses activités de télévision payante et de télévision gratuite dans ce domaine, au détriment de ses concurrents.

350. Dès lors, même si Altice est susceptible d'exercer une pression concurrentielle sur GCP dans les années à venir de nature à amoindrir sa capacité à mettre en œuvre un tel effet de levier, il demeure nécessaire, à la date de la présente décision, de s'assurer que celui-ci ne soit pas exercé sur une part significative des droits. Les quotas qui figurent dans l'engagement proposé par GCP, qui n'ont pas été modifiés par rapport aux engagements précédents, répondent à cet objectif. Comme l'indiquent certains répondants au test de marché, ils garantissent que le jeu de la concurrence sur les marchés de la télévision gratuite ne soit pas faussé, en évitant un assèchement du nombre de films disponibles pour les chaînes concurrentes.

351. En conséquence, la proposition de GCP visant à maintenir l'engagement 2.2.1. est justifiée.

Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

352. S'agissant de l'engagement 2.2.2., il ressort de ce qui précède qu'une chaîne en clair peut bénéficier d'une clause de priorité et/ou de préemption sans investir dans une première fenêtre de diffusion. En effet, les opérateurs de la télévision gratuite qui préachètent régulièrement des droits de diffusion de films EOF récents ont indiqué à l'occasion de l'instruction qu'une chaîne qui a investi dans une fenêtre de diffusion en clair ultérieure peut également bénéficier d'une telle clause. Cette clause s'exerce alors de manière alternée.

Ainsi, la négociation par GCP d'une clause de priorité et/ou de préemption en dehors d'un préachat de droit de diffusion en première fenêtre en clair ne constitue pas aujourd'hui une pratique singulière par rapport aux usages du marché.

353. Sur l'impact de ces clauses, un répondant interrogé dans le cadre du test de marché a indiqué que le mécanisme des droits de priorité et/ou préemption renforcerait l'indisponibilité des œuvres, en particulier pour les chaînes non adossées à un groupe audiovisuel historique.

354.

Toutefois, l'engagement proposé par GCP répond à la préoccupation soulevée par ce répondant. Il vise en effet à permettre à GCP de négocier de telles clauses de priorité et/ou de préemption alternées, en limitant leur exercice à cinq ans à compter de l'expiration de la dernière fenêtre de diffusion en clair ayant fait l'objet d'un préachat. Cette proposition contraint GCP dans ses relations avec les détenteurs de droits français relatives aux clauses de priorité et/ou de préemption, ce qui l'empêche d'utiliser sa position actuelle de monopsone sur les marchés d'acquisition de droits de diffusion de films EOF récents sur la télévision payante lors des négociations. La limitation dans le temps de l'exercice de ces clauses restreint en outre leur impact sur la disponibilité des œuvres de catalogue.

355. En conséquence, la demande de modification de l'engagement 2.2.2. formulée par GCP est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

3. LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE FILMS DE CATALOGUE EOF

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées et des remèdes retenus dans la décision n°14-DCC-50

En ce qui concerne les atteintes à la concurrence identifiées

356. Dans sa décision n°14-DCC-50, l'Autorité a relevé que, sur le marché des films de catalogue français, GCP détenait le premier portefeuille de droits en France, par l'intermédiaire de sa filiale StudioCanal. Or, ces films représentent un contenu essentiel pour l'édition des chaînes en clair, compte tenu de la réglementation relative aux quotas de diffusion. L'Autorité a constaté que ces droits étaient particulièrement importants pour les chaînes de la TNT non adossées à un groupe historique, qui diffusent essentiellement des films de catalogue, compte tenu de leurs difficultés d'accès aux films inédits en clair.

357. L'Autorité a ainsi considéré que GCP avait la capacité de priver les chaînes gratuites de l'accès à une part importante des droits qui sont essentiels pour elles, par le biais d'une stratégie de verrouillage protégeant ses propres chaînes gratuites de la concurrence.

En ce qui concerne les objectifs poursuivis par les remèdes

358. L'objectif poursuivi par l'Autorité était d'assurer que la concentration n'aboutisse pas à verrouiller l'accès des chaînes en clair indépendantes, dont le positionnement concurrentiel est très proche des chaînes gratuites de GCP, et qui ne sont pas adossées à un grand groupe audiovisuel, au portefeuille de droits détenus par StudioCanal.

En ce qui concerne les remèdes retenus

359. Afin d'éviter les effets verticaux sur le marché des films de catalogue français, GCP s'est engagé à limiter les acquisitions réalisées par C8 et CStar auprès de StudioCanal au niveau constaté avant l'opération, c'est-à-dire à 36% du nombre total et 41% de la valeur totale de films français de catalogue acquis annuellement par chacune de ces chaînes.

360. De plus, afin de prévenir tout comportement discriminatoire de GCP visant à accorder à C8 et CStar des conditions préférentielles de vente et faire obstacle à une circulation normale des droits, GCP s'est également engagé à limiter à six mois la durée de cession à ces chaînes des films français de catalogue commercialisés par StudioCanal. Plus généralement, l'engagement prévoit que GCP s'interdit d'accorder à ses chaînes en clair des conditions préférentielles et discriminatoires par rapport aux chaînes gratuites concurrentes, pour l'acquisition de films français de catalogue détenus par StudioCanal (engagement 2.3).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle

Proposition de GCP

361. GCP s'engage à limiter les acquisitions réalisées par C8 et CStar auprès de StudioCanal à 50 % du nombre total et 50 % de la valeur totale de films français de catalogue acquis annuellement par chacune de ces chaînes. En d'autres termes, GCP demande un rehaussement des plafonds d'acquisitions que ses chaînes gratuites peuvent réaliser auprès de StudioCanal à 50 % en volume et en valeur.

362. En ce qui concerne la durée de cession des droits, GCP s'engage à limiter à douze mois la durée de cession à C8 et CStar des films français de catalogue commercialisés par StudioCanal lorsque deux diffusions au moins sont prévues pendant cette période, et à six mois lorsqu'une seule diffusion est prévue pendant cette période.

363. GCP s'engage enfin, comme dans le cadre de la décision n° 14-DCC-50, à ne pas accorder à C8 et CStar des conditions préférentielles et discriminatoires par rapport aux chaînes gratuites concurrentes.

Appréciation de l'Autorité

364. Il résulte des éléments exposés dans l'analyse concurrentielle de la présente décision que le catalogue de StudioCanal demeure à ce jour le premier catalogue de films de quotas en France. Son attractivité reste forte en particulier pour les chaînes de la TNT non adossées à un groupe audiovisuel. Depuis l'adoption de la décision n° 14-DCC-50, l'engagement 2.3. a ainsi permis de garantir l'accès des chaînes concurrentes de GCP à une quantité d'œuvres françaises suffisante pour leur permettre de respecter leurs obligations réglementaires.

365. Toutefois, le catalogue de StudioCanal semble aujourd'hui moins incontournable qu'à la date d'acquisition de C8 et CStar par GCP. Son attractivité et sa prépondérance pour les chaînes concurrentes des chaînes en clair de GCP tendent à décroître. À cet égard, contrairement à ce qu'indiquent certains répondants au test de marché, l'instruction a montré que les chaînes de la TNT non adossées à de grands groupes ont la capacité de s'approvisionner, au moins en partie, auprès d'autres studios importants du cinéma français.

Dès lors, même si elles acquièrent toujours un nombre de droits de diffusion significatif auprès de StudioCanal, il apparaît que les chaînes de la TNT non adossées à de grands groupes audiovisuels diversifient leurs approvisionnements et sont de moins en moins dépendantes du catalogue détenu par GCP pour alimenter leur grille en films de quotas.

366. En conséquence, la proposition de modification de l'engagement 2.3. formulée par GCP visant à rehausser les plafonds d'acquisition que C8 et CStar peuvent réaliser auprès de StudioCanal à 50 % en volume et en valeur, est justifiée au vu de la situation du marché. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

367. S'agissant de la durée de cession des droits de films de catalogue par StudioCanal aux chaînes C8 et CStar, la proposition de GCP visant à faire varier celle-ci en fonction du nombre de diffusions prévues correspond aux usages du marché. Ainsi qu'il a été expliqué au paragraphe276, les éléments recueillis auprès des groupes audiovisuels de télévision gratuite lors de l'instruction montrent en effet que les contrats prévoient que les films de catalogue sont cédés en général pour une durée de six mois lorsqu'une seule diffusion sur une chaîne de la TNT est négociée. Lorsque, en revanche, au moins deux diffusions sont prévues sur les chaînes de la TNT d'un même groupe, ces droits peuvent être cédés pour une durée d'un an.

368. En conséquence, la proposition de modification de l'engagement 2.3. formulée par GCP, visant à moduler la durée de cession des droits de films français de catalogue de StudioCanal aux chaînes C8 et CStar en fonction du nombre de diffusions prévues est conforme à la pratique du marché et ne présente pas de risque au regard de la situation concurrentielle.

Elleest donc justifiée. Il y a lieu d'accepter cette proposition.

369. S'agissant enfin de l'obligation de ne pas accorder de conditions discriminatoires et préférentielles à C8 et CStar pour l'acquisition de films français de catalogue détenus par StudioCanal, il ressort de l'analyse concurrentielle ci-dessus que le catalogue de ce dernier demeure aujourd'hui un intrant attractif pour les chaînes de télévision, compte tenu notamment de leurs obligations résultant de la réglementation relative aux quotas de diffusion. À l'instar de la situation qui prévalait lors de l'adoption de la décision n° 14-DCC-50, la possibilité pour C8 et CStar de disposer des films de catalogue de StudioCanal à des conditions préférentielles constituerait un avantage concurrentiel déterminant vis-à-vis des chaînes concurrentes. Dès lors, le maintien de l'exigence de cession de ces films dans des conditions non-discriminatoires reste, à ce jour, nécessaire pour garantir une concurrence effective entre les chaînes en clair de GCP et leurs concurrentes.

370. En conséquence, la proposition de GCP visant à maintenir l'obligation de ne pas accorder des conditions discriminatoires et préférentielles à C8 et CStar pour l'acquisition de films français de catalogue détenus par StudioCanal est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

4. LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION D'ÉVÉNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées et des remèdes retenus dans la décision n° 14-DCC-50

En ce qui concerne les atteintes à la concurrence identifiées

371. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a relevé que, dans le respect de la réglementation applicable aux événements sportifs d'importance majeure présentée aux paragraphes 135 et suivants de la présente décision, l'opération permettait à GCP de réserver pour ses propres chaînes en clair la diffusion des droits des événements sportifs d'importance majeure qu'il détenait.

En conséquence, il n'était plus nécessaire pour GCP de conclure des partenariats avec des chaînes gratuites en vue de partager ces droits ou de céder la fraction de la compétition classée comme étant d'importance majeure à des chaînes gratuites en mesure de la diffuser.

372. Compte tenu du potentiel d'audience important de ces programmes, l'opération entraînait un risque de marginalisation des chaînes gratuites concurrentes de C8 et CStar. Ce risque était d'autant plus significatif que GCP était le seul groupe audiovisuel en mesure de proposer à la fois le volume de diffusion propre aux chaînes thématiques et l'exposition apportée par une chaîne en clair.

En ce qui concerne les objectifs poursuivis par les remèdes

373. Selon l'Autorité, le rétablissement d'une concurrence suffisante supposait de maintenir la situation préexistant à l'opération, lorsque GCP était juridiquement contraint de proposer les droits des événements sportifs d'importance majeure aux opérateurs de télévision gratuite concurrents pour assurer leur diffusion en clair s'il ne pouvait l'assurer lui-même sur les plages en clair de la chaîne Canal+.

En ce qui concerne les remèdes retenus

374. Afin d'éviter tout risque d'atteinte à la concurrence sur le marché des événements sportifs d'importance majeure, GCP s'est engagé à céder les droits portant sur les événements sportifs d'importance majeure qu'il a acquis et qui ne seraient pas diffusés en clair sur la chaîne Canal+, lorsque C8 ou CStar souhaitent diffuser ces événements, après une mise en concurrence des diffuseurs intéressés, sur la base de critères économiques objectifs, transparents et non discriminatoires (engagement 2.4).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle

Proposition de GCP

375. GCP demande la levée de l'engagement 2.4.

Appréciation de l'Autorité

376. Il résulte des éléments exposés dans l'analyse concurrentielle que, contrairement à ce que soutiennent certains répondants au test de marché, GCP n'est plus en mesure de verrouiller une part substantielle des droits de diffusion des événements sportifs d'importance majeure vis-à-vis des chaînes en clair, dans la mesure où il n'en détient qu'un nombre limité à la date de la présente décision. Cette situation n'a pas vocation à évoluer, au vu de la situation du marché, puisque GCP fait désormais face à une pression concurrentielle croissante sur le marché d'acquisition de ces droits, en particulier du groupe Altice, qui adopte une stratégie volontariste d'acquisition de droits sportifs.

377.À cet égard, avec l'acquisition probable de la chaîne Numéro 23, Altice aura la possibilité de réserver à sa chaîne en clair la diffusion des événements d'importance majeure dont il détient les droits de diffusion.

378. Dans ces circonstances, il n'est plus nécessaire d'obliger GCP à céder les droits de diffusion qu'il détient dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence entre les diffuseurs intéressés. En outre, le maintien d'une telle obligation est de nature à entraîner des conséquences excessives sur la situation de GCP, qui se trouverait dans une situation d'asymétrie non justifiée vis -à-vis d'Altice.

379. En conséquence, la demande de levée de l'engagement 2.4. formulée par GCP est justifiée.

Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

5. OBLIGATIONS RELATIVES À LA PROCÉDURE DE CESSION DE DROITS PORTANT SUR LES

ÉVÉNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE ET SUR LES FILMS AMÉRICAINS RÉCENTS

a) Rappel des remèdes retenus dans la décision n° 14-DCC-50

380. Pour garantir l'effectivité de la cession des droits des films américains récents qu'il détient en vertu de la clause de chevauchement prévue par l'engagement 2.

1 (b) relatif à la cession des droits des films américains récents et de la reprise des droits de diffusion en clair des événements d'importance majeure prévue par l'engagement 2.4., GCP s'était engagé à confier la gestion de ces procédures au mandataire dans le cadre d'une procédure organisée selon des critères économiques objectifs, transparents et non discriminatoires. GCP s'était également engagé à ne pas s'immiscer dans la procédure de cession de ces droits (engagement 2.5).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle Proposition de GCP

381. GCP s'engage à organiser une procédure spécifique de cession des droits de diffusion des films américains récents dont il détient les droits en application de la clause de chevauchement prévue par l'engagement 2.1. (b), qui lui permet, sous certaines conditions, de conclure trois output deals couplés pour une période de dix-huit mois. En d'autres termes, GCP demande la levée de l'engagement 2.5. annexé à la décision n° 14-DCC-50 pour ce qui concerne les événements d'importance majeure, et son maintien pour ce qui concerne les films américains récents.

Appréciation de l'Autorité

382. Une partie des engagements proposés par GCP rend nécessaire l'organisation de procédures spécifiques de cession de droits de diffusion. En confiant au mandataire le soin d'organiser ces cessions dans le cadre d'un processus objectif, transparent et non-discriminatoire, l'engagement proposé par GCP vise à s'assurer que ce dernier ne pourra pas s'immiscer dans l'organisation de ces cessions.

383. Il a été établi au paragraphe 379 que, compte tenu des nouvelles circonstances de droit ou de fait qui président au fonctionnement des marchés d'acquisition de droits sportifs sur lesquels GCP est actif, il y a lieu de lever l'engagement 2.4. relatif aux événements d'importance majeure. Dans ces circonstances, l'organisation d'une procédure de cession spécifique pour ce type de droits n'est plus nécessaire.

384. En revanche, comme indiqué au paragraphe 340, l'engagement 2.1. (b) doit être maintenu, sous une forme adaptée pour tenir compte des modifications de l'engagement 2.1. (a). Il permet en effet à GCP de bénéficier de la flexibilité nécessaire pour gérer sa politique d'acquisition de contenus américains récents. Afin d'écarter tout risque de gel des droits de diffusion des films et séries américains récents, la souplesse offerte à GCP en cas de chevauchement temporaire entre les output deals couplés autorisés par l'engagement 2.1. (a) et un output deal signé avec un troisième major s'accompagne d'une procédure obligatoire de cession des droits acquis par GCP dans le cadre de l'un des deux premiers output deals couplés. Pour préserver l'effet utile de cette procédure, il convient de s'assurer que GCP ne pourra pas s'immiscer dans son déroulement. Le maintien de l'engagement 2.5., s'agissant des droits relatifs aux films et séries américains récents, est donc nécessaire.

385. En conséquence, la demande de modification de l'engagement 2.5. formulée par GCP est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

6. OBLIGATIONS DE SÉPARATION DES ÉQUIPES COMMERCIALES

a) Rappel des remèdes retenus dans la décision n° 14-DCC-50

386. Pour garantir l'effectivité et faciliter le suivi des mesures correctives, GCP s'est engagé, pour l'acquisition de films EOF, de films et de séries américains récents en clair et de droits portant sur des événements sportifs d'importance majeure (à l'exception des contenus pour lesquels les engagements autorisent un cumul des droits de diffusion payante et gratuite), à négocier ses acquisitions de droits de diffusion en télévision gratuite de manière séparée de ses acquisitions de droits de diffusion en télévision payante, par le biais d'équipes spécifiques, appartenant à des sociétés juridiquement distinctes.

387. En vertu de cet engagement, GCP ne peut pratiquer aucune forme de couplage, de subordination, d'avantage ou de contrepartie entre les acquisitions de droits de diffusion en clair et les acquisitions de droits de diffusion en télévision payante (engagement 2.6).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle

Proposition de GCP

388. GCP s'engage à négocier l'acquisition de droits de diffusion de films EOF et de films et séries américains récents (ci-après, " les droits concernés ") en télévision gratuite de manière séparée de ses acquisitions de droits de diffusion en télévision payante.

Il s'engage également à ne pratiquer aucune forme de couplage, de subordination, d'avantages ou de contreparties entre les acquisitions de droits de diffusion en télévision payante et gratuite

389. Afin de garantir la mise en œuvre de cet engagement, GCP s'est engagé à confier la gestion de ces deux activités à des sociétés juridiquement distinctes, dotées des moyens nécessaires pour agir de façon autonome.

390. Cet engagement ne s'applique pas aux deux output deals couplés conclus avec les majorset au vingt films EOF qui peuvent faire l'objet d'un préachat conjoint, en télévision payante et en clair.

391. En d'autres termes, GCP propose de reconduire l'engagement 2.6. annexé à la décision n°14-DCC-50, à l'exception des événements sportifs d'importance majeure.

Appréciation de l'Autorité

392.

Afin de réduire la possibilité, pour GCP, de faire usage d'un effet de levier entre ses acquisitions de droits de diffusion pour la télévision payante et pour la télévision gratuite, il est nécessaire de compléter les engagements substantiels décrits précédemment par la séparation des équipes commerciales en charge de la négociation de l'acquisition des droits concernés pour la diffusion en télévision payante et en télévision gratuite.

393. Il a été établi au paragraphe 379 que, compte tenu des nouvelles circonstances de droit ou de fait qui président au fonctionnement des marchés d'acquisition de droits sportifs sur lesquels GCP est actif, il y a lieu de lever l'engagement 2.4. relatif aux événements d'importance majeure. Dans ces circonstances, il n'est plus justifié d'imposer à GCP de recourir à des équipes commerciales séparées pour l'acquisition de ce type de droits en télévision payante et en télévision gratuite.

394. En revanche, comme indiqué aux paragraphes 340 et 351, les engagements relatifs à l'acquisition de droits de diffusion de films et séries américains récents (engagement 2.1.) et de films EOF récents (engagement 2.2.1.) doivent être maintenus, sous réserve, pour le premier, de certaines adaptations. Dans ces circonstances, à l'exclusion des droits de diffusion qui peuvent être acquis à la fois pour une diffusion en télévision payante et en télévision gratuite en application de ces deux engagements, il est nécessaire de maintenir, à la charge de GCP, une obligation de séparation des équipes commerciales pour les films et séries américains récents d'une part, et pour les films EOF récents d'autre part.

395. En conséquence, la demande de modification de l'engagement 2.6. formulée par GCP est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

7. OBLIGATIONS DE MISE EN PLACE D'UN PROGRAMME DE FORMATION ET DE SENSIBILISATION DU PERSONNEL

a) Rappel des remèdes retenus dans la décision n°14-DCC-50

396. Pour garantir l'effectivité des mesures correctives, GCP s'est engagé à mettre en place un programme de formation et de sensibilisation du personnel aux engagements pris dans la décision n° 14-DCC-50 (engagement 2.7).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle Proposition de GCP

397. GCP s'engage à maintenir l'existence d'un programme de formation et de sensibilisation du personnel aux engagements pris dans le cadre de la présente décision.

Appréciation de l'Autorité

398. La proposition de GCP, qui permet de garantir l'effectivité des nouvelles mesures correctives annexées à la présente décision, est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition.

8. DURÉE DES ENGAGEMENTS

a) Rappel de la durée des engagements pris dans la décision n° 14-DCC-50

399. Dans la décision n° 14-DCC-50, l'Autorité a affirmé que les atteintes à la concurrence identifiées pouvaient perdurer tant que la puissance d'achat de GCP sur les marchés d'acquisition de droits pour la télévision payante ne serait pas remise en cause.

400. Compte tenu du fait qu'une telle remise en cause ne pourrait intervenir à défaut d'une modification structurelle significative et pérenne des marchés amont de la télévision payante, elle a estimé qu'une clause de réexamen apparaissait nécessaire pour que l'Autorité de la concurrence puisse apprécier l'opportunité d'une prolongation des engagements, en tout ou partie.

401. Les engagements ont donc été souscrits jusqu'au 23 juillet 2017, renouvelables une fois pour une durée de cinq ans, à l'issue d'une nouvelle analyse concurrentielle menée par l'Autorité, sauf demande de levée ou révision à l'initiative des parties (engagement 3).

b ) Réexamen de la durée des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle

Proposition de GCP

402. GCP propose que les engagements modifiés entrent en vigueur dès la notification de la présente décision. Ils sont souscrits jusqu'au 31 décembre 2019.

Appréciation de l'Autorité

403. Il ressort de l'instruction que les secteurs de la télévision payante et gratuite ont connu une évolution importante qui s'est manifestée à un rythme particulièrement soutenu depuis la fin de l'année 2016.

404. Altice met en œuvre une stratégie globale très offensive de convergence entre ses activités de FAI, d'éditeur et de distributeur de télévision. Celle -ci s'est manifestée par la conclusion d'un output deal avec NBCUniversal, auparavant détenu par GCP. Les droits premium acquis dans le cadre de ce contrat ont vocation à être diffusé sur la chaîne SFR Studio, qu'il éditera à compter de l'été 2017. Les informations publiques disponibles font également état de nombreux projets d'Altice, en matière d'acquisition de contenus cinématographiques américains et, dans une moindre mesure, français.

405. Cette stratégie volontariste d'acquisition de contenus cinématographiques s'accompagne d'une percée remarquable d'Altice sur les marchés d'acquisition de droits sportifs (notamment Premier Leagueet Ligue des Champions). Altice accroît également sa présence sur les marchés de l'édition et de la distribution de chaînes de télévision payante.

406. L'acquisition probable de la chaîne en clair Numéro 23 viendra parachever l'expansion d'Altice dans le secteur de la télévision linéaire, en lui permettant de pénétrer le secteur de la télévision gratuite généraliste.

407. Bien que GCP conserve, à ce jour, une place centrale sur les marchés d'acquisition de droits de diffusion en télévision payante, il fait donc face à la pression concurrentielle nouvelle et croissante exercée par Altice qui mène une politique d'acquisition sur les mêmes marchés que lui.

408. Au vu de la situation actuelle du marché, des changements majeurs intervenus au cours des mois écoulés et de la tendance prévisible pour les mois à venir, l'application des remèdes présentés ci-dessus pour une durée de cinq ans ne serait pas proportionnée.

409. La dynamique des marchés place GCP dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

Il doit ainsi faire face à une contestation de plus en plus forte de sa position sur l'ensemble des marchés concernés par le présent réexamen.

410. Les principaux opérateurs actifs sur ces différents marchés auront la possibilité de trouver, à un horizon relativement proche, des alternatives crédibles à GCP. En particulier, GCP ne sera plus le seul opérateur en mesure de lier ses achats de contenus pour une diffusion en télévision payante et en télévision gratuite.

411. Dès lors, la proposition de GCP visant à ce que les nouveaux engagements pris soient appliqués jusqu'au 31 décembre 2019 est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition. GCP conserve la possibilité de formuler une demande de révision, totale ou partielle, des engagements pris dans le cadre de la présente décision en cas de modification des circonstances de fait ou de droit venant remettre en cause l'analyse concurrentielle menée à l'occasion de ce réexamen et donc la nécessité des engagements.

9. NOMINATION ET RÔLE DU MANDATAIRE

a) Rappel des remèdes retenus dans la décision n° 14-DCC-50

412. Afin d'assurer le suivi de l'exécution des remèdes, la décision n° 14-DCC-50 prévoit la nomination d'un mandataire indépendant chargé de faire rapport à l'Autorité des actions mises en œuvre par les parties pour exécuter les engagements et d'organiser les procédures de cession de droits décrites dans l'engagement 2.5. (engagement4).

b) Réexamen des engagements au regard de la nouvelle analyse concurrentielle

Proposition de GCP

413. GCP s'engage à maintenir l'obligation de nomination d'un mandataire, pour toute la durée des engagements. Ce dernier sera chargé de faire rapport du suivi de leur mise en œuvre à l'Autorité de la concurrence et de l'organisation des procédures de cession de droits décrites dans l'engagement 2.5. Ainsi, sous réserve de certains aménagements relatifs aux délais de transmission de documents, GCP propose la reconduction de l'engagement 4 annexé à la décision n° 14-DCC-50.

Appréciation de l'Autorité

414. La proposition de GCP de reconduire l'obligation de nomination d'un mandataire, qui permet d'assurer le suivi de l'exécution des engagements annexés à la présente décision, est justifiée. Il y a donc lieu d'accepter cette proposition, l'aménagement de certains délais de transmission de documents n'affectant pas le suivi des engagements.

DÉCIDE

Article unique : Les engagements annexés à la présente décision remplacent les engagements annexés à la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Sara Darley-Reygner, MM. Charles Bertin et David Dubois et l'intervention orale de M. Étienne Chantrel, par Mme Isabelle de Silva, présidente, présidant la séance, Mmes Élisabeth Flüry-Hérard et Claire Favre, vice-présidentes, MM. Emmanuel Combe et Thierry Dahan, vice-présidents, MM. Noël Diricq et Olivier d'Ormesson, membres.

NOTES :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Les services de télévision de rattrapage des chaînes gratuites peuvent néanmoins faire l'objet d'une rémunération. En outre, des demandes ont été formulées par certaines chaînes gratuites auprès des fournisseurs d'accès à internet et de certains distributeurs de bouquets de chaînes afin d'obtenir une rémunération en contrepartie de la diffusion de leurs chaînes par ces derniers.

3 Ces données prennent en compte le différé enregistré et la télévision de rattrapage.

4 Ces données d'audience intègrent à la fois les visionnages en direct et en différé. Les visionnages en différé incluent les enregistrements personnels ainsi que la nouvelle forme de consommation des programmes télévisuels que constitue la télévision de rattrapage, disponible sur différents supports (télévision, ordinateur, tablette, etc.).

5 D'un montant minimum correspondant à 3,2 % du chiffre d'affaires de la chaîne.

6 Possible à l'expiration d'un délai de 48 mois à compter de la date de sortie en salles.

7 ihttp://clesdelaudiovisuel.fr/Pratiquer/Utiliser-l-audiovisuel-numerique/Qu-est-ce-qu-une-television-de-rattrapage.

8 Total des films exploités en salle aux États-Unis par chaque studio en 2016, inclus une partie de la production de 2015 qui continue d'être exploités en salle en 2016 (source : http://boxofficemojo.com/studio/?view=company&view2=yearly&yr=2015&p=.htm).

9 Part de marché exprimée en pourcentage du box office américain total en 2016 et tirée des revenus de films exploités en 2016 (source : http://boxofficemojo.com/studio/?view=company&view2=yearly&yr=2015&p=.htm).

10 Inclus la production de Focus Features.

11 Inclus la production de CBS Films.

12 Inclus la production de Fox Searchlight.

13 OCS est actuellement, détenu partiellement par GCP. Toutefois, l'injonction 2 imposée à GCP à l'occasion de l'adoption de la décision n° 12-DCC-100 neutralise tout contrôle que GCP pourrait exercer sur OCS.

14 TPS Star exclu (pré-concentration)

15 TPS Star exclu (pré-concentration)

16 Préachat uniquement (excluant les apports en coproduction).

17 À noter toutefois que CStar n'a participé au financement d'aucun film en 2016.

18 Les chaînes du groupe NRJ ont acheté pour un peu plus de [...] millions d'euros de films de catalogue en 2016, pour un marché global estimé en tout état de cause à plus de 200 millions d'euros.

19 Ce tableau ne mentionne pas les droits portant sur la diffusion à la télévision payante de la Formule 1, qui incluront à partir de 2018 le Grand Prix de France, défini comme un événement sportif d'importance majeure