Cass. 1re civ., 20 septembre 2017, n° 16-24.278
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Dessalces, Dessalces et associés (SCP)
Défendeur :
Ruffel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Teiller
Avocats :
SCP Odent, Poulet, SCP Richard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Dessalces et M. Ruffel ont constitué, en janvier 2000, une société civile professionnelle d'avocats, actuellement dénommée SCP Dessalces et associés (la SCP) ; que, le 3 octobre 2011, M. Ruffel a notifié à la SCP l'exercice de son droit de retrait; qu'il s'est installé dans de nouveaux locaux professionnels en emportant avec lui, sans l'accord de son associé, un certain nombre de dossiers ; que, le 14 décembre 2011, la SCP lui a notifié une offre de rachat de ses parts sociales, laquelle n'a pas abouti favorablement ; que plusieurs procédures ont opposé les parties tant sur le retrait de M. Ruffel et ses effets quant à ses droits et obligations, que sur les conditions de son départ et ses conséquences à l'égard de Mme Dessalces et de la SCP ; que deux mesures d'instruction ont été ordonnées ; qu'en dernier lieu, sur le fondement des rapports des experts, M. Ruffel a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier afin, notamment, d'obtenir paiement de la valeur de ses parts sociales ; que Mme Dessalces et la SCP ont formé diverses demandes reconventionnelles tendant, notamment, au paiement d'indemnités ;
Sur le premier moyen : - Attendu que Mme Dessalces et la SCP font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir dire que M. Ruffel est toujours associé au sein de la SCP, avec toutes les conséquences financières, faute de régularisation des formalités de cession de ses parts sociales, alors, selon le moyen, que l'autorité de chose jugée se renferme sur l'objet de ce qui a été effectivement jugé ; qu'ayant relevé que l'accord donné au bâtonnier en 2011 par Mme Dessalces et la SCP impliquait que chacune des parties respecte ses obligations, soit que la cession des parts sociales de M. Ruffel soit concomitamment réalisée, ce qui n'était pas le cas à ce jour, sans en déduire que la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 14 mai 2012 ne s'opposait pas à ce que la SCP et Mme Dessalces contestent, dans une autre instance, le retrait de M. Ruffel au 31 décembre 2011, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu que, d'une part, l'arrêt constate que, par décision définitive du 14 mai 2012, il a été jugé qu'un accord était intervenu sur une commune volonté des parties d'accepter un retrait de M. Ruffel, à compter du 31 décembre 2011, avec toutes les conséquences en résultant ; que, d'autre part, si l'arrêt relève que la cession des parts sociales de M. Ruffel n'a pas été concomitamment réalisée, cette constatation ne peut avoir pour effet ni de modifier l'étendue et l'autorité de la chose jugée par la décision du 14 mai 2012 ni d'affecter la force obligatoire du contrat judiciairement constaté ; que, dès lors, en retenant que la demande de Mme Dessalces et de la SCP se heurtait à l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 1351, devenu 1355 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen : - Vu les articles 1382, devenu 1240 du Code civil, et 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme Dessalces et de la SCP relatives à l'indemnisation de leur préjudice résultant des agissements déloyaux commis par M. Ruffel, après avoir condamné ce dernier à leur payer une certaine somme au titre de la répartition des honoraires pour les dossiers ouverts entre octobre 2011 et le 31 décembre de la même année et pour ceux en succession après le 1er janvier 2012, l'arrêt énonce que le surplus de leurs demandes se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à la date de prise d'effet du retrait ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation du préjudice causé par des actes de concurrence déloyale se distingue de la répartition des honoraires et obéit à des règles différentes de celles régissant la liquidation des droits d'un associé après retrait, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme Dessalces et de la SCP Dessalces et associés relatives aux agissements déloyaux imputés à M. Ruffel, l'arrêt rendu le 15 juin 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse.