CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 septembre 2017, n° 16-04958
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Chinvest (SAS)
Défendeur :
Haas + Sohn Ofentechnik GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Lief, Regnier, Laget, Gätjens
Faits et procédure
La société Chinvest, créée en 1996, est spécialisée en construction et pose de cheminées et distribue depuis l'origine des poêles fabriqués par la société Haas + Sohn Offentechnik (ci-après, la " société Haas "), société autrichienne active dans la conception, la fabrication et la distribution de poêles et cuisinières.
La société Chinvest et la société Haas ont entretenu des relations commerciales dès 1996. A ce titre, la société Chinvest était, sans disposer d'exclusivité territoriale, le deuxième des trois distributeurs de la société Haas sur le territoire français.
Au cours d'une réunion du 13 octobre 2011, la société Haas a fait part à ses trois distributeurs, de sa volonté de réorganiser son réseau de distribution. Par message électronique du 24 octobre 2011, la société Haas leur a adressé un message auquel était jointe une carte du territoire national, assortie de l'attribution d'une zone territoriale à chacun d'entre eux.
La société Haas ayant décidé de travailler avec un seul importateur général, la société Est Menager, elle a, par courrier du 10 mai 2012, informé la société Chinvest qu'elle cesserait d'honorer ses commandes directes à compter du 12 octobre 2012, soit 5 mois plus tard. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2012, la société Chinvest a contesté la brutalité de la rupture et sollicité une indemnisation au titre de son préjudice.
Puis par acte du 21 novembre 2013, la société Chinvest a fait assigner la société Haas devant le Tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement du 25 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Bordeaux :
- a débouté la société Haas de son exception d'incompétence au profit du Tribunal de Salzbourg,
- s'est déclaré compétent,
- a débouté la société Chinvest de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- a dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
- a condamné la société Chinvest à verser à la société Haas la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné la société Chinvest aux dépens.
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société Chinvest et ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 31 octobre 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Haas au titre de la brusque rupture de relations commerciales établies et le confirmer pour le surplus,
en conséquence,
- dire que le délai de préavis de 5 mois ménagé à la société Chinvest est insuffisant,
- dire que la rupture des relations commerciales établies est brutale,
- condamner la société Haas à réparer le préjudice subi par la société Chinvest et à verser en conséquence à cette dernière la somme totale de 494 106,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 10 octobre 2012 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société Haas à verser à la société Chinvest la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
Vu les dernières conclusions de la société Haas, intimée, déposées et notifiées le 19 septembre 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer la société Chinvest mal fondée en son appel et l'en débouter,
- déclarer la société Haas recevable et bien fondée en son appel incident,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent,
statuant à nouveau:
à titre principal:
- in limine litis, reconnaître que la société Haas est bien fondée à soulever une exception d'incompétence au profit des tribunaux autrichiens et plus précisément au profit du Tribunal de grande instance de Salzbourg,
- reconnaître que les conditions générales de vente de la société Haas sont opposables à la société Chinvest, en raison de leurs relations d'affaires habituelles, et en particulier du fait qu'elles sont reproduites au verso de chaque confirmation de commande et qu'une mention de renvoi est apposée au recto de ce document et au bas de chaque facture,
- dire que la clause attributive de juridiction, telle que prévue dans lesdites conditions générales, et telle que reproduite en allemand et en anglais au bas de chaque confirmation de commande et de chaque facture, accompagnée d'une mention sur le lieu d'exécution et du renvoi à l'Incoterm " EXW Salzburg ", est parfaitement valable et opposable à la société Chinvest,
- dire que, dans ces conditions, la clause attributive de juridiction ne peut être mise en échec par la loi de police qui sert de fondement à la demande de la société française,
en conséquence:
- se déclarer incompétente au profit du Tribunal de grande instance de Salzbourg et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
à titre subsidiaire, si la cour se déclarait compétente:
- reconnaître que la rupture des relations avec la société Chinvest n'était pas brutale au sens de l'article précité, mais au contraire prévisible, car envisagée dès la réunion du 13 octobre 2011,
- déclarer que ladite rupture a été assortie d'un préavis suffisant (cinq mois quant aux commandes directes et sept mois et demi quant à l'utilisation du droit de jouissance de la marque et des photographies), en présence d'un distributeur multimarques et d'un chiffre d'affaires infime réalisé avec les produits de la marque autrichienne (1, 07 % du chiffre d'affaire total en 2011),
en conséquence:
- dire la demande de préavis d'une durée de 24 mois comme tout à fait disproportionnée par rapport aux circonstances de l'espèce,
- rejeter la demande portant sur un préjudice allégué de perte de marge sur deux ans, soit 164 372,40 euros, comme dénuée de tout fondement et de tout justificatif comptable probant,
- reconnaître que la demande de dommages et intérêts de 65 984 euros, censée correspondre au coût de remplacement des produits Haas, n'est étayée par aucune pièce justificative et dénuée de tout fondement,
- reconnaître que la demande de 100 000 euros de dommages et intérêts, au titre de la perte de clientèle alléguée, n'est étayée par aucune pièce qui prouverait que ce préjudice serait distinct de celui qui résulte de la perte de marge alléguée,
- reconnaître que la demande de 75 000 euros de dommages et intérêts, au titre d'une absence supposée de retour sur investissement de l'emploi d'un salarié bilingue, n'est étayée par aucune pièce chiffrée ni document probant,
- reconnaître que la demande de 3 750 euros de dommages et intérêts, au titre du coût allégué de suppression de catalogue, n'est nullement justifié par des documents comptables ni probants,
- reconnaître que la demande de 60 000 euros de dommages et intérêts, au titre d'une perte de marge alléguée sur les produits Riser, n'est non seulement justifiée par une quelconque pièce mais qu'elle est dépourvue d'objet,
en conséquence:
- débouter la société Chinvest de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Chinvest au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Chinvest aux entiers dépens ;
SUR CE
Sur la compétence territoriale
La société Chinvest soutient que la clause attributive de juridiction au profit des tribunaux autrichiens qui figurerait au bas des factures de la société Haas n'est pas applicable, en raison de la langue dans laquelle elle est exprimée (allemand traduit en anglais) et de son absence de caractères apparents. Dès lors, son action étant fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, de nature délictuelle, elle demande à la cour de faire application de l'article 5-3 du règlement européen n° 44/2001 pour déterminer la juridiction compétente, soit celle du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. Ayant son siège à Chazelles en Charente, elle prétend donc que le Tribunal de commerce de Bordeaux était compétent.
L'appelante expose qu'il convient d'appliquer le règlement Rome II afin de déterminer la loi applicable, en l'espèce celle du pays où le dommage est subi, la loi française.
La société Haas soutient qu'en vertu d'une clause attributive de juridiction prévue dans ses CGV, les juridictions françaises sont incompétentes au profit des tribunaux autrichiens, et plus précisément du Tribunal de grande instance de Salzbourg. L'intimée soutient que cette clause doit d'autant plus s'appliquer qu'elle est reproduite au bas de chaque confirmation de commandes. Elle ajoute que même si la traduction est imparfaite, le sens de la clause serait quand même clair. Concernant le formalisme de ladite clause, elle soutient que l'article 48 du Code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer en matière de commerce international et qu'ainsi, la clause rédigée en anglais serait parfaitement opposable à l'appelante.
Les parties s'accordent sur le fait que la juridiction compétente pour statuer sur le présent litige doit être déterminée par référence au Règlement Bruxelles I, entré en vigueur le 1er mars 2002, du fait du caractère international des contrats litigieux dont au moins un des cocontractants est situé sur le territoire de l'Union européenne. Selon l'article 23, § 1 de ce règlement, " Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée'".
Les clauses d'élection de for des contrats doivent mentionner expressément les litiges de concurrence pour pouvoir être applicables à ceux-ci et les clauses doivent se référer " aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence" (CUE, 21 mai 2015, Cartel Damage Claim, C-352/13 ; Chambre commerciale, 20 mars 2012, n° 11-11.570), la formule "Les lois de la République fédérale sont seules applicables. Pour tous les litiges découlant des relations contractuelles [...] " ayant été considérée comme suffisamment large et compréhensive.
Les clauses d'élection du for doivent aussi, pour être opposables, avoir été acceptées, ce qui peut résulter d'un simple clic des conditions générales, ou des CGV apposées sur des documents commerciaux échangés entre les parties.
Or, en l'espèce, la formule alléguée par la société Haas figure au recto de ses confirmations de bons de commande. Elle est rédigée en allemand et en anglais, mais pas en français.
La version en anglais n'est pas la traduction fidèle de celle rédigée en allemand. En allemand, la formule "Erfüllungsort und Gerichtsstand ist Salzbourg" est traduite par "Le lieu d'exécution et la juridiction est Salzbourg", tandis qu'elle devient en anglais "Place of settlement for delivery and payment is Salzbourg", traduite par "Le lieu de règlement pour la livraison et le paiement est Salzbourg". Il en résulte que seule la clause rédigée en allemand peut être qualifiée de clause d'élection du for.
A supposer donc que la clause litigieuse soit suffisamment large et compréhensive pour recouvrir les actions fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, elle est rédigée en allemand, donc dans une langue que seuls moins de 20 % des français comprennent, et dans des caractères minuscules n'appelant pas l'attention.
Difficilement compréhensible et lisible, il n'est donc pas établi que cette clause ait été tacitement acceptée par la société Chinvest, sans que la société Haas ne puisse se retrancher derrière l'absence de contestation de cette clause pendant seize années.
Cette disposition est donc manifestement inopposable à la société Chinvest et il convient d'appliquer les règles de compétence du Règlement Bruxelles I.
Le dispositif d'attribution de compétences communes prévu au chapitre II du Règlement Bruxelles I est fondé sur la règle générale, énoncée à l'article 2, paragraphe 1, de celui-ci, selon laquelle les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État, indépendamment de la nationalité des parties.
Ce n'est que par dérogation à la règle générale de la compétence des juridictions du domicile du défendeur que le chapitre II, section 2, du règlement Bruxelles I prévoit un certain nombre de règles de compétence spéciales, parmi lesquelles figure celle de l'article 5 de ce règlement.
Or, en l'espèce, la société Haas n'a pas son siège situé en France.
Il s'agit ensuite, pour l'application de l'article 5 prévoyant des compétences spéciales, de déterminer si le présent litige relève de la matière contractuelle ou de la matière délictuelle.
La société Chinvest prétend que la rupture brutale des relations commerciales imputée à la société Haas relève de la matière délictuelle, sans être contredite sur ce point par la société Haas. Selon l'article 5-3 du règlement, " Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : 3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ". Il en résulte la compétence des tribunaux français, la pratique ayant un impact sur la distribution, en France, des poêles Haas et la société Chinvest, victime des pratiques, étant domiciliée en France.
A titre surabondant, à supposer que la rupture relève de la matière contractuelle, la compétence spéciale est prévue au 1, a) de l'article 5 : "Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée". Le b) du même article explicite ce qu'il faut entendre par "lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande", pour les deux cas particuliers de la vente de marchandises et de la fourniture de services. Il s'agit, pour la vente, du lieu de livraison, et pour la fourniture de services, du lieu où les services doivent être fournis. En la matière, il s'agit de distribution en France de produits fabriqués en Autriche. Il y a lieu de rapprocher ces relations du régime des concessions, qualifiées, par la Cour de justice, de fournitures de services (CJCE, 19 décembre 2013, Corman-Collins, C-9/12). C'est donc le lieu de fourniture de services par la société Chinvest qui doit être retenu pour déterminer la compétence. Or, ce service est fourni en France.
Il résulte de ce qui précède que les tribunaux français, et plus particulièrement celui de Bordeaux, sont, dans tous les cas de figure, compétents.
La loi applicable ne fait pas l'objet de contestations. La loi française s'applique que l'on retienne le champ contractuel ou délictuel, le distributeur Chinvest ayant sa résidence habituelle en France (article 4.1 de Rome I), et le dommage étant survenu en France (article 4.1 de Rome II).
La société Haas expose que les bons de commande mentionnent que le lieu d'exécution est Salzbourg, et que le terme "EXW Salzbourg", qui renvoie à l'incoterm ExWorks, démontre que la seule obligation du vendeur Haas était de mettre à disposition les marchandises départ usine à Salzbourg. Elle en déduit l'application de l'article 5 du règlement qui prévoit qu'une "personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est : - pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas".
Mais il a été vu plus haut que les relations entre les parties s'apparentaient plutôt à une concession, qui relève des règles de fourniture de service et non de vente de marchandises, de sorte que cet argument n'est pas recevable. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a retenu sa compétence.
Sur la rupture brutale des relations commerciales
La société Chinvest affirme que les relations commerciales qu'elle entretenait avec l'intimée ont été brutalement rompues par cette dernière.
En premier lieu, l'appelante soutient que la rupture n'était pas prévisible avant le courrier du 10 mai 2012. En effet, si des discussions avaient été entamées en 2011, au cours d'une réunion où la société Haas lui avait fait part d'un projet de réorganisation, l'intimée ne lui avait pas pour autant signifié son intention de rompre les relations commerciales. De plus, la société Chinvest affirme qu'en subordonnant la caractérisation de la brutalité de la rupture à sa prévisibilité, le tribunal a ajouté une condition non prévue par la loi.
En outre, la société Chinvest expose qu'elle n'a pas bénéficié d'un préavis suffisant, compte tenu de la durée des relations commerciales, de 16 ans. Elle ajoute que la démonstration d'une situation de dépendance n'est pas requise pour apprécier la suffisance du préavis et que, sur le secteur des poêles, elle réalisait 73 % de son chiffre d'affaires avec la société Haas.
La société Chinvest affirme avoir subi des préjudices du fait de la brutalité de la rupture. Ainsi, elle soutient qu'elle a dû faire face à une perte de marge sur deux ans évaluée à 164 372,40 euros, au coût de remplacement des produits de la marque Haas par des produits d'une autre marque, à une perte de clientèle liée à l'impossibilité de mettre en œuvre une solution de substitution efficace, une absence de retour sur l'investissement constitué par le recrutement et la formation d'un commercial parlant couramment l'allemand dédié à 50 % de son temps à la commercialisation des produits Haas, à la suppression des catalogues où figuraient les modèles Haas, ainsi qu'à une perte de marge pour la revente des produits de marque Riser distribués également par la société Haas.
L'intimée, se fondant sur la loi et la jurisprudence, soutient que la rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale, c'est-à-dire "imprévisible, soudaine et violente". Elle considère que la rupture était en l'espèce tout à fait prévisible, car elle a été envisagée sept mois avant l'envoi de la première lettre de résiliation et un an avant le deuxième courrier de résiliation. Dès lors, elle soutient que la rupture des relations commerciales n'avait pas de caractère brutal.
De plus, l'intimée soutient qu'elle a fourni un préavis d'une durée suffisante (5 mois puis 7 mois), d'autant plus que le chiffre d'affaires réalisé par l'appelante avec elle n'était que de 1,07 %. Elle considère donc que la rupture des relations entre les parties n'a nullement porté préjudice au développement de l'appelante et relève que les décisions qui octroient des préavis de deux ans sont relatives à des situations d'extrême dépendance.
Concernant le préjudice allégué de perte de marge, l'intimée soutient que le tableau de chiffres versé aux débats par l'appelante n'a pas été certifié par un expert-comptable.
Concernant le coût allégué de remplacement des produits Haas, la perte de clientèle, l'absence de retour sur investissement de l'emploi d'un commercial bilingue et le coût de suppression de catalogues ainsi que la prétendue perte de marge sur les produits Riser, elle relève qu'aucun justificatif n'est produit sur ces frais et que ces demandes ne sont pas fondées.
Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers: De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur".
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par une des parties, de ses obligations ou en cas de force majeure.
Il n'est pas contesté que les parties ont entretenu des relations commerciales pendant 16 années.
Les deux sociétés s'opposent sur la brutalité de la rupture, la société Haas prétendant avoir annoncé la réorganisation de son réseau à la société Chinvest dès octobre 2011, de sorte d'aucune brutalité n'est caractérisée, tandis que celle-ci soutient que le point de départ du préavis remonte au courrier de mai 2012 et que l'insuffisance du préavis écrit confère à la rupture un caractère brutal.
Sur le point de départ du préavis
Il ressort des pièces du dossier que la société Haas et ses distributeurs discutaient depuis octobre 2011 de la réorganisation de leurs réseaux. Il était notamment question de partager le territoire national en trois zones dévolues à chacun des distributeurs. Mais il n'apparaît pas qu'à ce moment, aurait été évoquée la fin pure et simple d'approvisionnement direct des distributeurs auprès de la société Haas.
En outre, la fin des relations commerciales doit être annoncée sans ambiguïté. Le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation et faisant courir un délai de préavis.
Il y a donc lieu de fixer au courrier de mai 2012 l'annonce de la rupture faisant courir le préavis.
La société Chinvest prétend qu'un préavis d'une durée qui ne saurait être inférieure à 24 mois aurait dû lui être accordé par la société Haas, le préavis de cinq mois étant insuffisant, au regard de la durée des relations commerciales, qui constitue le seul critère légal de détermination de la durée du délai de prévenance raisonnable, ces relations s'étant poursuivies de manière continue pendant 16 ans, et la société Haas étant son seul fournisseur de poêles en acier.
La société Haas soutient au contraire qu'un préavis de cinq mois était suffisant compte tenu du faible chiffre d'affaires réalisé entre les parties.
La durée du préavis dépend du temps nécessaire au partenaire évincé pour trouver une solution alternative. Elle doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale établie et des usages en matière commerciale, mais également de toutes les circonstances qui rendent difficiles la reconversion de la victime, à savoir principalement son degré de dépendance à l'égard de l'auteur de la rupture, entendu comme la part de son chiffre d'affaires réalisée avec lui (qui peut par exemple résulter de relations d'exclusivité), la difficulté à trouver un autre partenaire sur le marché de rang équivalent (notoriété du produit échangé, caractère difficilement substituable), les caractéristiques du marché en cause, les obstacles à une reconversion (en terme de délais et de coûts d'entrée dans une nouvelle relation) et l'importance des investissements effectués dédiés à la relation, non amortis et non récupérables. Ces critères doivent être appréciés au moment de la rupture.
Il en résulte que l'absence de dépendance économique de la société Chinvest, dont il n'est pas contesté qu'elle réalisait moins de 2 % de son chiffre d'affaires avec la société Haas, doit être prise en compte pour réduire la durée du préavis, l'objectif de la loi n'étant pas de n'évaluer la durée du préavis à consentir que sur la base de la durée des relations commerciales, critère qui est en soi insuffisant pour évaluer les facultés de reconversion de la victime. Les circonstances entourant la rupture énoncées supra sont fondamentales pour apprécier celles-ci. La part du chiffre d'affaires réalisée par la société Chinvest sur le seul créneau des poêles, avec Haas, qui serait de 73 %, est indifférente en l'espèce, seule la part de son chiffre d'affaires global réalisée avec ce partenaire pouvant traduire sa dépendance économique.
Compte tenu de la durée des relations commerciales entre les parties, de 16 ans, de l'absence de situation de dépendance économique de la société Chinvest qui réalisait en 2011, année précédant la rupture, 1,07 % de son chiffre d'affaires avec la société Haas, et, enfin, des autres circonstances du litige, la cour estime que le préavis de cinq mois octroyé par la société Haas, dont l'exécution n'est pas contestée, suffit à rétablir la société Chinvest dans ses droits et prive la rupture de son caractère brutal.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Chinvest de l'ensemble de ses demandes.
Sur les autres demandes
La société Chinvest succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.
Elle sera également condamnée au paiement à la société Haas de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris, condamne la société Chinvest aux entiers dépens de l'instance d'appel, condamne la société Chinvest à payer à la société Haas la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.