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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 12 septembre 2017, n° 16-00010

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Autodis Importateur (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruyère

Conseillers :

Mmes Deryckere, Triol

Avocats :

Mes Brunet, Serreuille, Rodap

TGI Fort-de-France, du 8 déc. 2015

8 décembre 2015

Exposé du litige

Le 24 août 2009, Madame Lucette D. a fait l'acquisition d'un véhicule neuf Skoda Octavia 5 portes 1,4 TSI Elegance 122CH BTE 7V auprès de la SARL Autodis Importateur au prix de 24 710 euros.

Soutenant l'existence de vices cachés dont le vendeur avait connaissance, elle a, par exploit d'huissier en date du 19 juin 2013, assigné la SARL Autodis Importateur devant le Tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins d'obtenir la résolution de la vente, la restitution du prix ainsi que la condamnation de la société au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 8 décembre 2015, la juridiction a :

- prononcé la résolution de la vente du véhicule Skoda Octavia immatriculé AC-309-NA entre Madame Lucette D. et SARL Autodis Importateur à la date du jugement ;

- ordonné la restitution du véhicule Skoda Octavia immatriculé AC-309-NA et de tous les documents administratifs le concernant par Madame Lucette D. à la SARL Autodis Importateur ;

- ordonné la restitution du prix de vente de 24 710 euros par la SARL Autodis Importateur à Madame Lucette D., avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts ;

- condamné la SARL Autodis Importateur aux dépens ;

- condamné la SARL Autodis Importateur à payer à Madame Lucette D. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Autodis Importateur a interjeté appel de cette décision le 6 janvier 2016. Madame D. a formé un appel incident par conclusions notifiées le 17 mai 2016.

Par ses dernières écritures déposées au greffe et notifiées le 10 novembre 2016, la SARL Autodis Importateur demande à la cour de :

* la recevoir en son appel,

* la déclarer bien fondé et y faire droit,

* infirmer le jugement attaqué en ce qu'il est entré " à tort " en voie de condamnation à son encontre sur le fondement de la garantie légale des vices cachés et ses suites,

* infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées contre Madame D.,

* confirmer le même jugement en ce qu'il a débouté Madame D. de sa demande de dommages et intérêts,

statuant à nouveau,

* dire et juger qu'il ressort des propres écritures de Madame D. que le véhicule litigieux a été déclaré techniquement irréparable à la suite d'un sinistre survenu le 6 novembre 2015,

* dire et juger qu'en pareille circonstances, le véhicule doit faire l'objet de la procédure " véhicule économiquement irréparable " prévue aux articles L. 327-1 et suivants du Code de la route,

* dire et juger que Madame D. ne justifie pas de sa qualité de propriétaire actuel du véhicule, en conséquence,

* déclarer Madame D. irrecevable en ses demandes, faute de qualité et/ou d'intérêt à agir,

à titre subsidiaire,

* considérer que la charge de la preuve pèse sur Madame D. qui entend se prévaloir de la garantie des vices cachés,

* considérer que Madame D. ne rapporte pas la preuve incontestable d'un défaut caché, précis et déterminé selon l'acceptation légale retenue,

à titre infiniment subsidiaire,

* considérer que Madame D. ne rapporte pas davantage la preuve de l'existence d'un défaut antérieur à la mise en circulation,

en conséquence,

* considérer que les conditions de la garantie légale des vices cachés, dont celles en particulier de la résolution de la vente, ne sont manifestement pas réunies en l'espèce,

* déclarer mal fondée l'action de Madame D.,

* débouter Madame D. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre d'Autodis,

à titre toujours plus subsidiaire,

* considérer que Madame D. ne rapporte pas la preuve de la réalité des préjudices invoqués et/ou encore de l'existence d'un lien de causalité direct et immédiat entre les faux griefs invoqués et le préjudice prétendument subi ;

* considérer que le prétendu préjudice invoqué par Madame D. n'est aucunement justifié ni dans le principe ni dans le montant,

en conséquence,

* débouter Madame D. de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre Autodis,

statuant sur sa demande reconventionnelle,

* la déclarer recevable et bien fondée,

* condamner Madame D. à lui payer la somme de 5 000 € au titre de la procédure abusive engagée à son encontre,

* condamner Madame D. à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamner Madame D. en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Sarah Brunet conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ses dernières écritures notifiées le 3 février 2017, Madame D. demande de :

* confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Fort de France le 8 décembre 2015 en ce qu'il a :

- prononcé la résolution de la vente du véhicule Skoda Octavia immatriculé AC-309-NA entre Madame Lucette D. et SARL Autodis Importateur à la date du jugement,

- ordonné la restitution du véhicule Skoda Octavia immatriculé AC-309-NA et de tous les documents administratifs le concernant par Madame Lucette D. à la SARL Autodis Importateur,

- ordonné la restitution du prix de vente de 24 710 euros par la SARL Autodis Importateur à Madame Lucette D., avec intérêts aux taux légal à compter du jugement,

* l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

en conséquence, statuant à nouveau sur ce chef :

* condamner la SARL Autodis Importateur au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, motivés par la connaissance par le vendeur des vices cachés affectant le véhicule litigieux ;

en toutes circonstances,

* condamner la SARL Autodis Importateur au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC ;

* condamner la SARL Autodis Importateur aux entiers dépens de l'article 699 CPC.

MOTIFS

Sur le défaut de qualité et/ou d'intérêt à agir de Madame D.

La SARL Autodis Importateur relève que Madame D. mentionne dans ses écritures le fait que le véhicule litigieux aurait fait l'objet d'un sinistre à l'occasion des inondations survenues dans la commune de Rivière Pilote le 6 novembre 2015, de telle sorte que l'expert automobile mandaté par son assureur aurait déclaré le véhicule économiquement et techniquement irréparable. Dans ce cas, l'assureur doit dans les 15 jours de la remise du rapport d'expertise proposer une indemnisation en perte totale moyennant la cession à son profit du véhicule conformément à l'article L. 327-1 du Code de la route. Or, il est de jurisprudence constante que l'indemnisation du demandeur à l'action, en exécution d'un contrat d'assurance, fait perdre à celui-ci toute qualité à agir, l'assureur se trouvant alors subrogé dans ses droits.

Toutefois, dès lors que le transfert de propriété du véhicule au profit de l'éventuel assureur de dommage de Mme D. n'est pas démontré, celle-ci conserve intérêt et qualité à agir à l'encontre de son vendeur aux fins de résolution de la vente et en tout état de cause d'indemnisation du préjudice qu'elle a personnellement souffert.

La fin de non-recevoir soulevée par l'appelante pour la première fois en cause d'appel ne saurait par suite être accueillie.

Sur le fond

1. Aux termes de l'article 1641 du Code civil, vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Selon la SARL Autodis Importateur, Madame D. qui sollicite la résolution de la vente sur le fondement du texte précité ne rapporte pas la preuve, en l'absence d'une expertise judiciaire, de l'existence d'un vice caché précis, déterminé et antérieur à la vente. En effet, l'existence d'un léger bruit au niveau du train avant du véhicule roulant sur route cahoteuse serait totalement insuffisante à caractériser l'existence d'un tel vice, tout comme un dysfonctionnement de la boite de vitesses, de tels phénomènes relevant de manière quasi exclusive du mode d'utilisation réservé au véhicule.

S'il appartient effectivement à Madame D. de rapporter la preuve de l'existence des vices cachés, elle n'est cependant pas tenue de le faire au moyen d'une expertise judiciaire, le juge étant libre de fonder sa décision sur tout élément soumis à la discussion des parties et de nature à emporter sa conviction. En l'espèce, le tribunal a notamment retenu qu'il est établi par le rapport d'expertise amiable en date du 15 novembre 2011 que le véhicule litigieux présentait un dysfonctionnement du train avant, le concessionnaire s'étant engagé à procéder à la remise en état du véhicule ; que Mme D. a sollicité à de nombreuses reprises la société Autodis Importateur afin de réparer ce dysfonctionnement quelques mois seulement après l'achat alors que le véhicule était neuf ; que le véhicule est de nouveau tombé en panne et a été remorqué le 4 novembre 2012 en raison du blocage du levier de vitesse alors que le kilométrage affiché était de 25 133kms ; qu'il est établi que ces vices existaient antérieurement à l'achat du véhicule puisqu'ils sont apparus très peu de temps après la délivrance du véhicule.

Le Cabinet JMA a effectivement relevé, à l'examen du véhicule, que celui-ci présentait un "bruit sur demi train avant gauche en début d'accélération", confirmant ainsi les doléances de Mme D. Bien que mandaté unilatéralement par l'assureur de protection juridique de celle-ci, cet expert a procédé aux vérifications techniques en présence de représentants de la société Autodis ; ses constatations objectives, au surplus consignées dans un rapport soumis à la libre discussion des parties, lui sont donc parfaitement opposables. Ils sont de plus corroborés par les cinq ordres de réparation échelonnés entre le 13 novembre 2009 et le 28 avril 2011, qui tous mentionnent un bruit anormal localisé à l'avant du véhicule (train, moteur, freins), auquel il n'a pas été mis fin par les différentes interventions du garagiste.

Ce premier défaut avéré du véhicule ne le rend pas impropre à son usage, mais occasionne une gêne dans sa conduite, en affectant son confort et en créant un doute sur sa sécurité ou sa fiabilité. Sa proximité avec la vente et sa récurrence attestent bien, s'agissant d'un véhicule neuf, de son antériorité à celle-ci.

A celui-ci s'est ajouté, le 4 novembre 2012, la panne de la boîte de vitesse, qui a dû être remplacée par la société Autodis Import elle-même pour un coût de 2 701,80 €. Il s'agissait pourtant d'une boîte automatique, équipant un véhicule de première main, n'ayant parcouru en un peu plus de trois années que 25 133 km. Le premier juge a donc justement posé en présomption qu'il s'agissait d'un vice caché du véhicule existant lors de la vente de celui-ci.

Conformément à la position adoptée par le tribunal, il y a lieu de retenir que de tels vices diminuent tellement l'usage du véhicule que Madame D. ne l'aurait pas acheté si elle en avait eu connaissance.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue entre Madame Lucette D. et SARL Autodis Importateur, avec toutes ses conséquences.

2. L'article 1645 du Code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, la société Autodis Importateur est un vendeur professionnel qui ne peut ignorer les défauts des véhicules automobiles qu'il vend.

Les défauts de celle dont Mme D. avait fait l'acquisition ne l'ont pas empêchée de l'utiliser. Cependant, d'une part elle a subi de nombreux désagréments et a dû engager des frais de réparation anormaux. Ces préjudices seront réparés par une indemnité de 4 000 €, le jugement déféré étant réformé en ce qu'il a rejeté cette demande de dommages intérêts.

Sur les demandes accessoires

Reconnue bien fondée, la procédure engagée par Mme D. ne peut être considérée comme abusive, de sorte que la demande de dommages intérêts présentée à ce titre par la société Autodis Importateur a à bon droit été rejetée par le tribunal.

Succombant en son appel, celle-ci supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à l'intimée la somme de 2 000 € en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, déclare recevables les appels formés par la SARL Autodis Importateur et Madame Lucette D. ; rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Autodis Importateur tirée du défaut de qualité ou d'intérêt à agir de Mme Lucette D. ; confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Fort-de-France en date du 8 décembre 2015, sauf en ce qu'il a débouté Mme Lucette D. de sa demande de dommages intérêts; Statuant à nouveau et y ajoutant, condamne la SARL Autodis Importateur à payer à Mme Lucette D. la somme de 4 000 € à titre de dommages intérêts ; condamne la SARL Autodis Importateur à payer à Mme Lucette D. la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la SARL Autodis Importateur aux dépens d'appel.