Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 septembre 2017, n° 16-05033

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Maes, KD.CO (SARL)

Défendeur :

Aerts (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Trecourt, Chamagne, Grappotte-Benetreau, Bordenave Marzocchi, Mallen

T. com. Marseille, du 28 fevr. 2014

28 février 2014

Faits et procédure

La société Aerts, établie à Geel en Belgique, est le fabricant et distributeur de la marque Salt & Pepper, spécialisée dans la décoration et les arts de la table. Mme Lies Aerts, épouse Maes, est la petite-fille du fondateur de la société Aerts, M. Emile Aerts.

En 2002, selon ses dires contestés par l'intimée, Mme Aerts épouse Maes aurait été chargée selon accord verbal de la société Aerts de faire connaître la marque et de distribuer les produits Salt &Pepper à titre exclusif en France. En 2005, elle a poursuivi cette activité par l'intermédiaire de la société KD.CO qu'elle a créée avec son mari, M. Maes et ayant pour objet social l'achat et la vente de tous produits de décoration et des arts de la table et notamment la diffusion et la commercialisation de la marque Salt & Pepper. La société KD.CO a alors procédé à l'acquisition des produits Salt & Pepper auprès de la société Aerts qu'elle revendait à ses clients.

Le 20 janvier 2009, la société Aerts a notifié à la société KD.CO sa décision de désormais facturer et livrer directement les clients de la société KD.CO et de verser à celle-ci une commission de 15 % sur chaque livraison. Elle a restreint la zone territoriale de distribution de la société KD.CO à 12 départements du sud de la France.

Estimant être victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2010 réitérée le 12 avril 2010, Mme Maes a sollicité de la société Aerts une indemnisation ainsi que la rétrocession de commissions qu'elle estimait lui être dues. Par lettre du 21 avril 2010, son oncle, M. Geert Aerts, dirigeant de la société, lui a répondu que la société Aerts n'entendait pas faire droit à ses demandes.

C'est dans ces conditions que la société KD.CO et Mme Maes ont assigné la société de droit belge Aerts devant le Tribunal de commerce de Marseille en indemnisation pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et en réparation des préjudices moral et financier.

Par un jugement en date du 28 février 2014, le Tribunal de commerce de Marseille a:

- débouté la société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes de leur demande de nullité de l'assignation,

- débouté la société KD.CO et Mme Lies Aerts de leur demande d'irrecevabilité de l'exception de compétence soulevée en défense au visa de l'article 74 du Code de procédure civile,

- s'est déclaré territorialement compétent pour connaître du présent litige,

- déclaré irrecevable la demande formulée au bénéfice de Mme Lies Aerts au visa de l'article 853 du Code de procédure civile,

- déclaré recevables les demandes formulées au bénéfice de la société KD.CO,

- débouté la société KD.CO de sa demande de rejet des conclusions et pièces adverses,

- déclaré que la société KD.CO ne bénéficiait d'aucune exclusivité pour la distribution des produits Salt & Pepper,

- débouté la société KD.CO de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'ensemble des parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné conjointement la société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance,

- rejeté pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement.

La société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes ont interjeté appel de cette décision.

LA COUR

Vu les dernières conclusions notifiées le 1er juin 2017 par la SARL KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes, appelants, par lesquelles il est demandé à la cour de:

Vu les articles 15, 74, 114, 853, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu l'article 5 du règlement CE n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000,

Vu l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

Vu l'article 1382 (ancien) du Code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Marseille,

- à toutes fins utiles, dire et juger que le règlement UE 1212/2015 du 12 décembre 2012, applicable depuis le 10 janvier 2015, est inapplicable au présent litige introduit le 2 décembre 2010,

- dire et juger que l'exception d'incompétence n'a pas été soulevée in limine litis devant le Tribunal de commerce de Marseille et était tardive,

- débouter la société Aerts de son exception d'incompétence territoriale et, en tout état de cause, dire inapplicable toute clause de compétence territoriale,

- confirmer également le jugement, en ce qu'il a retenu l'absence de nullité de l'assignation, du fait de l'absence de tout grief pour cause d'état civil incomplet de Mme Lies Aerts épouse Maes,

- en tout état de cause, constater que la société Aerts n'a pas formé appel incident dans les délais concernant ce moyen,

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 28 février 2014 pour le surplus,

- dire et juger que la société Aerts a rompu brutalement, sans préavis, par mail reçu par la société KD.CO le 20 janvier 2009, les relations commerciales existant depuis 2000 avec Mme Lies Aerts épouse Maes, puis avec sa société KD.CO,

- en conséquence, condamner la société Aerts à payer à la société KD.CO, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la perte consécutive de son chiffre d'affaires sur la quasi-totalité du territoire français, la somme de 150 000 euros,

- constater que Mme Lies Aerts était représentée devant le Tribunal de commerce de Marseille,

- constater en tout état de cause que Mme Lies Aerts est valablement représentée devant la cour,

- dire et juger les demandes de Mme Lies Aerts épouse Maes recevables et qu'elle a un intérêt à agir,

- condamner la société Aerts à payer à Mme Lies Aerts épouse Maes la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et moral qu'elle a personnellement subi;

- sur les demandes reconventionnelles de la société Aerts, débouter la société Aerts de sa demande de dommages-intérêts pour appel injustifié et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions

- toutes causes confondues, condamner la société Aerts à payer à la société KD.CO et à Mme Lies Aerts épouse Maes la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 juin 2017 par la société Aerts, intimée ayant formé appel incident, par lesquelles il est demandé à la cour de:

Vu l'article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution en matière civile et commerciale (nouvellement article 25 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale)

Vu l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

Vu l'article 1382 du Code civil (nouvellement article 1240 du Code civil)

Vu les articles 32, 853, 648 et 700 du Code de procédure civile,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 28 février 2014,

- à titre principal, déclarer recevable et bien fondée l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Aerts,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le Tribunal de commerce de Marseille territorialement compétent et déclarer incompétentes les juridictions françaises et renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Turnhout et ce, conformément aux termes de la clause attributive de compétence figurant au sein des conditions de vente reproduites sur les factures adressées par la société Aerts à la société KD.CO,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formulées par Mme Maes au visa de l'article 853 du Code de procédure civile,

- dire et juger que les demandes de Mme Maes sont également irrecevables au visa de l'article 32 du Code de procédure civile pour défaut d'intérêt à agir, seule la société KD.CO ayant des relations commerciales avec la société Aerts,

- déclarer irrecevable et infondé l'appel de la société KD.CO et de Mme Lies Aerts épouse Maes et les débouter de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que la société KD.CO ne bénéficiait d'aucune exclusivité pour la distribution des produits Salt & Pepper,

- constater qu'en tout état de cause la société Aerts n'est pas l'auteur d'une rupture brutale des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce,

- en toute hypothèse, juger que les appelantes ne justifient pas du préjudice qu'elles prétendent avoir subi,

- en conséquence, débouter la société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes de l'intégralité de leurs demandes, les condamner reconventionnellement in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

SUR CE

A titre liminaire, la cour relève qu'elle n'est saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de l'assignation de sorte que ce moyen n'est plus soulevé en appel. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner l'argumentation des appelantes à cet égard, lesquelles d'ailleurs sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Sur l'exception d'incompétence territoriale des tribunaux français

Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence

La société KD.CO et Mme Maes soutiennent que c'est à tort que le jugement a rejeté leur demande d'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soutenue par la société Aerts dès lors qu'en violation des dispositions de l'article 74 du Code de procédure civile, cette exception n'a pas été soulevée in limine litis mais comme un moyen de défense au fond parmi d'autres. Elles ajoutent que le jugement retient que l'exception d'incompétence a été soulevée oralement après la demande en nullité de l'assignation du fait de l'état civil de Mme Maes prétendument incomplet. Elles relèvent qu'en tout état de cause, aucun texte de loi n'a été cité par la société Aerts de sorte qu'il leur était impossible de connaître avec précision le fondement juridique de l'exception d'incompétence, et ce, en violation de l'article 15 du Code de procédure civile.

La société Aerts réplique que comme l'a jugé le Tribunal de commerce de Marseille, elle a bien soulevé in limine litis l'exception d'incompétence territoriale dans ses premières conclusions déposées le 21 septembre 2011. Par ailleurs, elle considère avoir respecté les dispositions de l'article 15 du Code de procédure civile en s'étant appuyée sur l'article 23 du règlement Bruxelles 1 relatif à la convention de compétence.

En effet, il résulte de l'examen des premières conclusions déposées le 21 septembre 2011 par la société Aerts devant le Tribunal de commerce de Marseille (pièce intimée n°15) qu'elle a soulevé une exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de Turnhout en Belgique, avant toute défense au fond, et de celui du jugement, qu'à l'audience, la société Aerts a soulevé avant toute défense au fond et simultanément la nullité de l'assignation et l'exception d'incompétence. Par ailleurs, il n'est pas discuté qu'au soutien de son exception d'incompétence, la société Aerts invoquant l'existence d'une clause attributive de compétence figurant en bas des factures, visait les dispositions de l'article 23 du règlement Bruxelles 1 de sorte que les demandeurs avaient parfaitement connaissance du fondement juridique de l'exception d'incompétence. Par suite, les dispositions de l'article 15 du Code de procédure civile ont été respectées. Dès lors, l'exception d'incompétence est recevable. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'exception d'incompétence du fait d'une clause attributive de juridiction

La société Aerts rappelle qu'au bas de toutes les factures qu'elle a transmises à la société KD.CO entre 2005 et 2009, une clause attributive de compétence au profit des juridictions belges était systématiquement reproduite de façon apparente. Elle réfute le raisonnement du Tribunal de commerce de Marseille l'ayant conduit à se déclarer compétent sur le fondement de l'article 5, 3) du règlement (CE) n° 44/2011 applicable en matière délictuelle (tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit). Elle affirme que dans le cadre d'un litige international, en présence d'une clause attributive de compétence, celle-ci doit s'appliquer peu important la nature délictuelle ou contractuelle de la responsabilité encourue. Elle précise que la clause était clairement apparente, lisible et explicite, que la société KD.CO n'a jamais émis la moindre protestation ou observation et a procédé au paiement répété de ces factures de sorte qu'elle a ainsi tacitement accepté conformément aux usages du commerce international les conditions de vente dont la clause attributive. Concernant le fait que la clause soit rédigée en flamand alors que le reste de la facture est rédigé en français, elle rappelle que Mme Maes comprend parfaitement le flamand étant donné qu'elle est née et qu'elle a vécu en Belgique dans une famille néerlandophone. Elle fait également état de sa qualité d'acheteur professionnel ayant choisi de s'approvisionner à l'étranger. Enfin, elle estime que la clause vise bien tous les litiges et non uniquement les impayés de factures. Elle en conclut que la clause est pleinement opposable aux appelantes.

La société KD.CO et Mme Maes se réfèrent à la jurisprudence qui considère que la rupture brutale des relations commerciales établies est une action en responsabilité délictuelle de sorte que selon elles, la clause attributive de juridiction serait inapplicable. Elles relèvent qu'aucun contrat de distribution n'a été formalisé entre les parties qui étaient unies par des liens familiaux et que de plus, entre 2002 et 2007, Mme Maes a été réglée par le biais de commissions. Elles mentionnent que les relevés établis par la société Aerts ne comportaient aucune clause de compétence territoriale et que de même, lorsque la société KD.CO émettait des factures à l'encontre de la société Aerts, aucune clause de compétence territoriale n'y figurait. Elles ajoutent que cette clause était rédigée en flamand, en tout petits caractères, alors que le reste de la facture était rédigé en français. Elles affirment qu'il y a eu une volonté de dissimulation de la part de la société Aerts. Par ailleurs, citant la clause litigieuse, elles poursuivent en disant que cette clause s'applique uniquement aux impayés de factures. Elles estiment que la clause n'a jamais été soumise préalablement pour accord à la société KD.CO, qui ne l'a jamais expressément approuvée et qu'au surplus, ces factures s'adressant uniquement à la société KD.CO, elles sont inopposables à Mme Maes. Enfin, elles font valoir que Mme Maes et la société KD.CO sont domiciliées à Marseille, qu'elles ont eu pour activité de commercialiser la marque Salt & Pepper sur le territoire français, que les marchandises ont été livrées en France et les services y ont été réalisés, que les commissions dues ont été réglées en France et encaissées à Marseille et que le fait dommageable et les préjudices subis sont intervenus à Marseille. Elles en concluent que c'est donc à bon droit que le jugement a débouté la société Aerts de son exception d'incompétence territoriale et a retenu la compétence du Tribunal de Marseille.

Il est constant que depuis 2005, les relations commerciales entre la société KD.CO et la société Aerts ont été constituées, sans qu'un contrat-cadre ne soit formalisé, d'une succession d'accords sur la distribution des produits Salt & Pepper de la société de droit belge Aerts sur le territoire français jusqu'au 20 janvier 2009, date à laquelle la société Aerts a souhaité réorganiser la distribution de ses produits en France et a restreint la zone territoriale de distribution de la société KD.CO à 12 départements du sud de la France. La société KD.CO et Mme Aerts épouse Maes, à titre personnel (en tant que partenaire commercial rétribué par des commissions de 2002 à 2007 ainsi qu'en qualité de tiers au contrat passé avec la société KD.CO en 2005), entendent rechercher la responsabilité de la société Aerts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 23 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 applicable en l'espèce, qui dispose que " Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat Membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue : a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ou b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. "

Il ressort de l'examen des 30 factures adressées à la société Aerts à la société KD.CO entre 2005 et 2009 (pièce intimée n° 4) et attestant de la relation contractuelle entre les parties, qu'elles comportent toutes, dans un paragraphe situé en bas de la page, les conditions de vente de la société Aerts dans lesquelles figure notamment une clause parfaitement lisible, rédigée en néerlandais et attributive de juridiction en ce qu'elle mentionne que " Tous les litiges seront arbitrés par le Tribunal de Turnhout ou le Tribunal de paix de Geel ". Il ne ressort d'aucun élément que les parties aient entendu limiter l'application de cette clause aux seuls litiges nés d'impayés de factures. La reproduction dans l'ensemble des factures émises par la société Aerts et payées par la société KD.CO, sans que cette dernière ne formule d'observation, de cette clause usuelle dans le commerce international et imprimée de façon suffisamment claire pour que la société KD.CO en ait connaissance et en comprenne la teneur et la portée, atteste d'un usage commercial convenu entre les parties et accepté par chacune d'elles. Elle répond donc aux conditions de validité visées par l'article 23 du règlement CE n° 44/2001 et est pleinement opposable à la société KD.CO, peu important à cet égard qu'elle soit rédigée en langue néerlandaise, sa gérante, Mme Aerts épouse Maes ne contestant pas parler cette langue depuis son enfance et ayant choisi en sa qualité de représentante d'un acheteur professionnel de s'approvisionner en Belgique. Le fait que les bons de commande et les factures émis par la société KD.CO ne comportent pas la clause en cause est également sans incidence dès lors que cette dernière a accepté la clause par le paiement réitéré de façon régulière de l'ensemble des factures attestant de la relation contractuelle. Cette clause est donc bien opposable à la société KD.CO.

L'action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale alléguée de ces liens, initiée par la société KD.CO sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, entre dans la sphère du litige découlant de la relation contractuelle. Par suite, quand bien même des dispositions impératives constitutives de lois de police seraient applicables au fond du litige, la clause attributive de juridiction en cause s'étend à tous les litiges nés de la relation contractuelle. La clause dont il a été vu qu'elle était valide, est donc bien applicable dans le cadre de ce litige. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par la société KD.CO et les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir.

En revanche, la clause n'est pas opposable à Mme Aerts épouse Maes qui sollicite une indemnisation à titre personnel pour rupture brutale tant en sa qualité de partenaire commercial de 2000 à 2005 qu'en qualité de tiers à la relation contractuelle entre la société KD.CO et la société Aerts. En effet, il ne ressort d'aucun élément et il n'est pas allégué qu'elle ait été à titre personnel destinataire de documents contractuels comportant la clause en cause. Il y a donc lieu de se référer pour ce qui la concerne à l'article 5 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 qui dispose qu' " Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre : ...3) en matière délictuelle ou quasi-délictuelle devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. ". Le dommage allégué par Mme Aerts épouse Maes qui demeure et exerce son activité à Marseille, s'est produit dans cette ville. Par suite le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de cette demande.

Sur l'exception d'irrecevabilité des demandes de Mme Lies Aerts épouse Maes

Le Tribunal de commerce de Marseille a déclaré irrecevables les demandes de Mme Lies Aerts épouse Maes sur le fondement de l'article 853 du Code de procédure civile dans la mesure où elle n'a établi un pouvoir en faveur de Mme Cocardon qu'à seule fin de représenter la société KD.CO de sorte que Mme Cocardon ne justifiait pas représenter Mme Lies Aerts épouse Maes, co-demanderesse à l'instance.

Mme Aerts épouse Maes affirme que le pouvoir remis à Mme Cocardon visait nécessairement les deux personnes dès lors qu'elle a été la gérante de la société KD.CO. Elle relève que le jugement mentionne sur la première page qu'elle a comparu représentée par Mme Cocardon et affirme que cette dernière a confirmé oralement que le pouvoir valait aussi pour elle. Elle demande que la cour constate qu'elle est de nouveau présente à la procédure d'appel pour réitérer ses demandes et qu'elle est valablement représentée.

La société Aerts rétorque que lors de l'audience devant le Tribunal de commerce de Marseille, seule la société KD.CO, personne morale parfaitement distincte de Mme Maes, personne physique, était valablement représentée, le pouvoir spécial accordé à Mme Cocardon ne visant que la société KD.CO et non Mme Maes. Elle rappelle qu'un pouvoir trop général ou imprécis, ou qui omet de mentionner l'un des noms d'une des parties à l'action équivaut à une absence pure et simple de pouvoir.

Aux termes de l'article 853 du Code de procédure civile, devant le tribunal de commerce les parties se défendent elles-mêmes et si elles sont autorisées à se faire représenter, le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

En l'espèce, il n'est pas discuté que Mme Cocardon avait reçu pouvoir de Mme Lies Aerts épouse Maes à l'effet de " représenter la SARL KD.CO à l'audience du Tribunal de commerce de Marseille du 22 novembre 2013 à 14h00, dans le cadre de la procédure pendante à l'encontre de Aerts NV. " Par suite, elle ne disposait pas du pouvoir de représenter Mme Lies Aerts épouse Maes à titre personnel.

En application de l'article 468 du Code de procédure civile, faute pour Mme Lies Aerts épouse Maes d'avoir comparu à l'audience, ni en personne ni par un mandataire, et le défendeur n'ayant pas requis un jugement sur le fond à son encontre, c'est à juste titre que les premiers juges qui ne pouvaient d'office statuer sur le fond, l'ont déclarée irrecevable en ses demandes. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, peu important à cet égard que Mme Lies Aerts épouse Maes soit représentée en cause d'appel.

Sur les autres demandes

La société Aerts ne démontre pas que l'action intentée par la société KD.CO et Mme Aerts épouse Maes ait dégénéré en abus d'ester en justice. Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

La société KD.CO et Mme Aerts épouse Maes qui succombent, supporteront in solidum la charge des dépens de première instance et d'appel et devront payer in solidum à la société Aerts la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Aerts, s'est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par Mme Lies Aerts, à titre personnel, les a déclarées irrecevables, condamné la société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes aux dépens ; statuant à nouveau, déclare incompétent le Tribunal de commerce de Marseille pour connaître des demandes formées par la société KD.CO à l'encontre de la société Aerts ; en conséquence, renvoie les parties à mieux se pourvoir ; y ajoutant, déboute la société Aerts de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; condamne in solidum la société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes aux dépens de l'appel; condamne in solidum la société KD.CO et Mme Lies Aerts épouse Maes à verser à la société Aerts la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.